La jeunesse bordelaise est multiple et plurielle : élèves, étudiants, stagiaires, chômeurs, jeunes actifs ou en situation de handicap…Près de 75 000 jeunes de 15 à 29 ans vivent à Bordeaux. Nous souhaitons les considérer comme des citoyen.ne.s à part entière et leur donner toutes les chances d’être autonomes, de s’épanouir, de se cultiver, de s’engager. […] Je ne suis pas favorable à la gratuité des transports pour tous. Je trouve plus juste que la gratuité ait une visée sociale : financer les transports en commun gratuits pour les jeunes à faible revenu et instaurer la gratuité des vélos en libre-service Vcub pour les 14-25 ans.
Sources : programme de Pierre Hurmic et interview France Bleu
La mesure consiste à prendre en charge l’abonnement annuel aux transports collectifs de TBM pour les jeunes à faible revenu et à proposer la gratuité des vélos en libre-service pour les plus jeunes (14-25 ans).
Selon nos chiffrages, cette mesure coûterait chaque année entre 993 000€ et 1,9 M€, en fonction du taux de pénétration de l’abonnement annuel à TBM et V3 dans la population des jeunes à faible revenu et des 14-25 ans de la Métropole respectivement (de 30 % à 50 % pour le pass TBM et 0,5 % à 3 % pour le pass V3).
Si l’effet sur le pouvoir d’achat est certain (un abonnement coûtant aujourd’hui 244,8 € aux Bordelais), son financement par la métropole conduit à le faire reposer essentiellement sur l’impôt local.
Les effets sur l’environnement sont incertains, le report des automobilistes vers les transports en commun étant faible, et l’effet sur les comportements futurs des jeunes Bordelais inconnu.
L’organisation du réseau de transport en commun de Bordeaux est gérée conjointement par Bordeaux Métropole (qui fixe l’offre, le tracé, les fréquences, la politique tarifaire et supporte les investissements lourds) et Keolis Bordeaux Métropole qui gère le réseau au quotidien et veille à son bon fonctionnement. En effet, Keolis Bordeaux Métropole (KBM) a signé en 2009 un contrat de délégation de service public pour l’exploitation du réseau tram et bus de la Métropole. Elle en assurera la gestion au moins jusqu’à la fin de l’année 2022 suite au renouvellement du contrat en 2014. Cette délégation de gestion est multimodale puisque KBM gère essentiellement les 3 lignes de tramway et les 79 lignes de bus mais aussi le service de prêt de vélos en libre-service ou le service de navettes fluviales. Les recettes générées par ces services s’élevaient en 2019 à 83 M€, couvrant environ 35 % des dépenses. La Ville de Bordeaux peut décider de prendre en charge le financement de titres de transports en versant la compensation financière correspondante à l’établissement Bordeaux Métropole.
En France, il existe actuellement 31 réseaux de transports collectifs entièrement gratuits, généralement dans villes de petite ou moyenne taille (dont Dunkerque depuis septembre 2018). La gratuité totale des transports publics à Bordeaux avait été évoquée en 2018 suite à une proposition similaire par Anne Hidalgo en 2018.Cependant, cette idée avait été retoquée par Alain Juppé notamment.
Au contraire, à Bordeaux, les tarifs des transports en commun ont plutôt eu tendance à augmenter afin de supporter la montée en charge du nombre de passagers transportés chaque année. Ainsi, le nombre de voyages a bondi de plus de 10 % en 2018 pour atteindre 165 millions de voyages. Cette augmentation du trafic peut créer de la congestion dans les transports en commun ainsi qu’une augmentation de la maintenance nécessaire. Christophe Duprat, vice-président en charge des transports à Bordeaux Métropole rappelait fin 2018 : “il y a des travaux à réaliser tous les ans, du matériel à acheter… Tout ceci se fait sur la recette voyageurs, de l’ordre de 80 millions d’euros par an, et grâce au versement transport (VT) collecté auprès des entreprises et qui représente environ 180 millions d’euros”. Ainsi, comme le prévoit le contrat de délégation, la grille tarifaire peut augmenter de 3 % en moyenne annuelle globale sur la grille. Le Conseil métropolitain a, par exemple, décidé d’augmenter de 2,65 % les pass annuels Pitchoun et de 2,6 % les pass Jeune annuels en 2018. Une nouvelle hausse des tarifs a eu lieu en 2019 suscitant le mécontentement de certains élus du Conseil. Emmanuelle Ajon (PS) a par exemple relevé une “augmentation de 38 % sur les 10 dernières années des pass Jeunes et Pitchoun”.
Enfin, il est à noter qu’une partie des usagers bénéficient déjà d’une gratuité totale ou d’une réduction de tarifs grâce à la mise en place d’une grille tarifaire sociale pour les demandeurs d’emplois, bénéficiaires du RSA et/ou de la prime d’activité, bénéficiaires de la CMU, services civiques, stagiaires et personnes en contrats aidés. Cette tarification avantageuse s’applique à 30 millions de voyages en 2018 soit environ 20% du trafic.
Concernant les vélo V3, Bordeaux Métropole avait “souhaité que ce nouveau service constitue une offre complémentaire au réseau de transports en commun, permettant entre autres d’alléger ce dernier aux heures de pointe et de compléter l’offre proposée lorsque celle-ci est réduite ou en dehors des heures de service”, selon le rapport anuuel du délégué de service.
Le service V3 a été mis en service le 20 février 2010 et depuis cette date, son exploitation est sous-traitée par le délégataire. A fin 2018, 176 stations étaient implantées sur le territoire métropolitain, ce qui représentait 1 696 vélos. Le service comptait 14 198 abonnés en 2018. Cette même année, il a généré 1,5 M€ de recettes tarifaires reversées à la Métropole grâce à plus de 2 millions de locations.
La proposition de Pierre Hurmic reviendrait donc à proposer une prise en charge complète de l’abonnement des jeunes Bordelais aux revenus les plus faibles. Nous avons estimé cette part de la population en prenant le nombre d’actifs sans emploi compris dans la tranche d’âge entre 15 et 24 ans, soit environ 13 000 jeunes (chiffre INSEE pour Bordeaux Métropole). Le candidat propose également la gratuité des vélos en libre-service pour les jeunes de 14 à 25 ans, soit environ 150 000 personnes d’après les chiffres de l’INSEE sur la Métropole de Bordeaux.
Le chiffrage fin de cette mesure nécessiterait de prendre en compte plusieurs facteurs qui n’ont pas été retenus dans la méthodologie proposée ci-dessous, en raison de leur caractère trop incertain (notamment le nombre de jeunes à revenus faibles bénéficiant déjà d’un tarif et d’une prise en charge financière spécifique).
En faisant l’hypothèse que 30 % des jeunes auxquels s’appliquerait la réforme s’abonneront effectivement en choisissant un abonnement annuel (seuls 50 % des transports dans la cité s’effectuent avec un abonnement, qu’il soit annuel, mensuel ou hebdo, selon les chiffres de Keolis) soit 5 000 jeunes à faible revenu, et que 2 % de la tranche d’âge 15-24 ans s’abonneraient au V3 (soit 3 000 jeunes environ), le coût de la mesure pour la ville de Bordeaux serait de 1,4 M€ en se fondant sur le coût annuel d’un abonnement de 244,8 € pour TBM pour les 11-27 ans et de 33 € pour les V3 (soit : 30 % d’abonnés TBM x 244,8 € d’abonnement x 13 000 jeunes à faible revenu + 2% d’abonnés V3 x 33 € d’abonnement V3 x 150 000 jeunes entre 14 et 25 ans = 1 400 000 € de prise en charge totale).
En faisant l’hypothèse que 50 % des jeunes à faible revenu disposent d’un abonnement annuel TBM (6 600 jeunes) et 5 % des 14-25 ans un abonnement V3, le coût serait de 1,9 M€.
Les effets sur l’environnement sont incertains pour plusieurs raisons :
s’agissant de la réduction des transports en général, elle ne permet pas nécessairement un report modal depuis la voiture vers les transports en commun car les automobilistes sont plus sensibles au temps de parcours qu’au prix des transports ;
la réduction du coût des transports peut inciter les piétons et cyclistes à emprunter le réseau de transports, par ailleurs déjà saturé.
En revanche, l’effet direct sur le pouvoir d’achat des jeunes bordelais est certain, la prise en charge de l’abonnement TBM représentant une économie annuelle par personne d’environ 245€ pour les jeunes à faible revenu par ans.
Cependant, ce gain est nécessairement financé par les ressources de la ville de Bordeaux, dont le principal levier reste l’impôt, compte tenu du contexte de maîtrise des dépenses de l’Etat et des dotations aux collectivités.