« Revenons sur la tarification à l’activité. Elle étrangle les petits hôpitaux et défigure le sens de la médecine »
« Nous souhaitons en finir avec le paiement à l’acte, inflationniste »
La fin de la tarification à l’activité n’implique, en soi, ni économie ni coût. C’est un mode d’allocation des financements au sein du système de santé. Il est devenu majoritaire depuis 2008 et concerne désormais plus de 70 % des dépenses hospitalières.
Le supprimer conduirait à définir un autre mode d’allocation des ressources, par exemple une dotation globale par établissement ou un financement au nombre et à la durée des séjours des patients. Ces systèmes alternatifs ont existé par le passé et subsistent encore pour certains secteurs, comme la psychiatrie publique, financée par dotation. Ces autres modes de financement ne garantissent pas un financement consensuel du système de santé. Le financement fixé uniquement en fonction du nombre et de la durée des séjours est très inflationniste et pourrait se révéler contradictoire avec la fixation d’une enveloppe nationale fermée pour le secteur hospitalier, l’objectif national de dépense d’assurance maladie (ONDAM). Le financement par dotation globale peut représenter une contrainte budgétaire forte dans les territoires où la demande de soin est dynamique ou sur financer les territoires où la demande est en déclin.
D’autres types de financement pourraient être envisagés, comme un financement au parcours de soins, populationnel ou à la performance.
Commentaires de l’équipe de campagne
Contactée, l’équipe de campagne de Jean-Luc Mélenchon estime que la suppression de la T2A « devrait avoir un impact sur la réduction du nombre d’actes « inutiles » dénoncés par la FHF. La sécurité sociale versait 55 Md aux hôpitaux en 2018, en retranchant les 5 milliards liés aux missions d’intérêt général, nous avons retenu un montant de 50 Md liés à la T2A. Nous avons donc estimé le coût de ces actes à 15 milliards d’euros. En partant du principe que la fin de la T2A réduit le nombre de ces actes d’un tiers (hypothèse prudente), nous aboutissons à une économie de 5 milliards d’euros par an« .
Dans les années 1970, les hôpitaux étaient financés au nombre et à la durée des séjours des patients. Ce financement a été estimé inflationniste, les dépenses n’étant pas plafonnées. Dans les années 1980, les hôpitaux publics étaient financés par une dotation globale de financement. Cette enveloppe annuelle de dépenses était fixée a priori pour chaque hôpital, qui ne pouvait pas dépasser les crédits qui lui sont attribués. Cependant ce financement est inadapté aux variations d’activités de l’hôpital, il sous finance les hôpitaux ayant une activité croissante et sur-finance ceux dont l’activité décline. À partir de 2004 la tarification à l’activité (T2A) remplacé progressivement la dotation globale. L’objectif de généralisation fixé en 2008 suscite des réserves quant à la pertinence d’une convergence des tarifs entre le public et le privé compte tenu de leurs différences structurelles. Le caractère inflationniste de la T2A est aussi pointé, son extension dans le champ hospitalier pouvant être considérée comme paradoxale au moment où le gouvernement a amorcé le développement des rémunérations forfaitaires dans la médecine de ville. En outre, les baisses successives de tarifs de certains actes réalisés afin de respecter l’objectif national de dépenses d’assurance maladie ont pu fragiliser les finances de certains hôpitaux.
En 2019, la commission des affaires sociales du sénat estimait que « Le respect global de l’Ondam depuis 2010 masque des évolutions différenciées entre ses deux principales composantes : les dépenses de soins de ville d’un côté, les dépenses afférentes aux établissements de santé de l’autre. Les tendances observées sur la période 2010-2018 sur ces deux sous-objectifs montrent des trajectoires inversées : après s’être établies systématiquement en dessous de l’objectif fixé (sous-exécution) entre 2010 et 2014, avec des écarts parfois importants (1,3 Md€ en 2013), les dépenses de soins de ville connaissent une sur exécution systématique depuis 2015 ; parallèlement, les dépenses relatives aux établissements de santé, après avoir dépassé l’objectif initial en 2008 et 2009, sont en exécution systématiquement inférieures à l’objectif initial voté depuis 2010, soit du fait de dépassements plus que compensés par des annulations de crédits mis en réserve soit en raison d’une sous-exécution. Ce sont en cumul sur la période 2010-2018 près de 3 Md€ d’écart entre l’objectif initial de dépenses voté pour les établissements de santé et les dépenses exécutées.« (1)
C’est donc davantage le niveau de l’ONDAM hospitalier et sa sous exécution que la T2A qui seraient les facteurs contraignants la dépense hospitalière.
Le gouvernement actuel s’est fixé comme objectif le plafonnement de la part de TA à 50 % de l’activité hospitalière. L’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a prévu des expérimentations de nouvelles modalités de financement. L’objectif cible est d’aboutir à un paiement combiné de facturation à l’acte et en fonction d’éléments plus qualitatifs (suivi des pathologies chroniques, facturation à l’épisode de soin, objectifs de qualité, dotation en fonction de la population couverte). (2)
La proposition du candidat consisterait à associer la fin de la tarification à l’activité avec une définition des besoins au niveau du territoire. La définition des besoins est aujourd’hui nationale, votée par le Parlement au sein de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie. La proposition du candidat reviendrait à créer des objectifs territoriaux de dépenses d’assurance maladie.
Historique de la mesure
La suppression de la T2A n’a pas été appliquée en France. Une réduction de sa part dans le financement hospitalier est en revanche engagée depuis 2018.
Benchmark
Selon le rapport Véran (2017), « Les expériences à l’étranger montrent que le financement à l’épisode de soins ou au parcours incite les professionnels de santé ou offreurs de soins à mettre en place la combinaison de moyens la plus efficiente pour chaque épisode ou parcours, avec des prises en charge moins coûteuses à qualité égale. Selon les enseignements tirés de ces expériences étrangères, ce mode de financement favorise la coordination des acteurs, réduit le taux de complications et de réhospitalisations, d’admission en urgence, et tend à améliorer l’efficience et la qualité des soins.« (3)
Mise en œuvre
La suppression de la T2A impliquerait une réforme de niveau législatif (Loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003, articles 22 à 34).
(1) Rapport d’information fait au nom de la commission des affaires sociales sur l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, par Mme Deroche et M. Savary, Sénateurs, 9 octobre 2019
(2) Ministère des solidarités et de la santé, Réformes des modes de financement et de régulation du système de santé : vers un modèle de paiement combiné, janvier 2019
(3) Véran, L’évolution des modes de financement des établissements de santé, 2017
Instaurer le 100 % Sécu en remboursant 100 % les soins de santé prescrits et en intégrant les mutuelles dans la Sécurité sociale
Recruter 100 000 soignants
Revaloriser les salaires du personnel hospitalier et titulariser les plus précaires
Créer 10 000 places en EHPAD publics pendant cinq ans
Retirer la dette Covid des comptes de la Sécurité sociale
Former, qualifier et recruter en nombre suffisant le personnel nécessaire pour lutter contre la dépendance (au moins 210 000 personnes)
Reconnaître le burn out comme maladie professionnelle
Interdire le dépôt de brevets sur les médicaments et les équipements nécessaires à une réponse sanitaire urgente