« Je propose un plan massif de recrutement de professionnels du soin et du médico-social. Les soignants sont à bout : plus d’un tiers des infirmières déclare souffrir de symptômes dépressifs. Il nous faut former et recruter 100 000 soignants. Cessons d’improviser et organisons-nous : revalorisons les métiers et les revenus, titularisons les précaires, augmentons le nombre de places et les moyens de ces formations. »
Chiffrage de l’Institut Montaigne :
- Montant estimé (en euros) : 16,2 Md€
- 4,4 Md€ par an à l’horizon 2027
- 15 Md€ sur la durée du quinquennat
Jean-Luc Mélenchon propose de recruter 100 000 soignants supplémentaires sur le quinquennat, suivant une répartition de 10 000 médecins hospitaliers supplémentaires et de 90 000 personnels des services de soins.
Le rythme de recrutement n’est toutefois pas précisé. En retenant l’hypothèse d’un recrutement de 20 000 soignants supplémentaires par an, cette proposition devrait avoir un coût plancher, sur l’ensemble du quinquennat, d’environ 15 Md€, soit 4,4 Md€ à l’horizon 2027.
Commentaire de l’équipe de campagne
Contactée, l’équipe de campagne estime le coût de la mesure à 15,95 Md€ sur le quinquennat. Elle souligne toutefois son désaccord sur les hypothèses liées aux coûts de formation en prenant par exemple en compte les places supplémentaires sur le numerus clausus, d’ores et déjà budgétées.
Elle indique par ailleurs que la qualité des soins et la prise en charge qui découlent de cette mesure permettraient de réaliser des économies en allongeant la durée de la vie active et en réduisant le nombre d’arrêts maladie.
Impact macroéconomique
L’effet macroéconomique n’est pas l’objet principal de la mesure.
Approche | Court terme | Long terme |
Effet positif | Répondre à l’engorgement des structures de soins | Renforcer la résilience des structures hospitalières et élargir l’offre de soins, permettant de plus d’approfondir la médecine préventive |
Effet négatif | Coût pour les finances publiques | Risques pour la soutenabilité des finances sociales |
L’hypothèse de base retenue est celle de recrutements composés de 10 % de médecins, soit 10 000 créations de postes médicaux supplémentaires, et de 90 % de personnels des services de soins, soit 90 000 emplois nouveaux.
Contexte et définition
Les créations de postes visent les « soignants », englobant le personnel médical et le personnel des services de soins des hôpitaux publics et établissements médico-sociaux. Au 31 décembre 2019, sur un total de 1 184 338 fonctionnaires travaillant dans le secteur hospitalier, les effectifs de médecins s’élevaient à 122 243, soit 10,3 % de l’ensemble, alors que les effectifs de personnel des services de soins étaient de 745 859, soit 63,0 %. Les dépenses de personnel pour la fonction publique hospitalière s’élevaient en 2019 à 47,4 Md€, dont 7,7 Md€ pour le personnel médical.
Chiffrage détaillé
Les coûts unitaires retenus sont ceux déduits du Rapport annuel sur l’état de la fonction publique, publié par la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) en 2021, et du rapport Les établissements de santé publié par la Direction des recherches, des études de l’évaluation et des statistiques (DREES) en 2020. D’après ces documents, les coûts annuels de recrutement d’un médecin ou d’un personnel de services de soins en début de carrière, charges sociales comprises, sont les suivants :
- Personnel médical : 65 000€ ;
- Personnel des services de soins : 26 300€.
Le coût annuel retenu de formation d’un personnel de services de soins ou d’un médecin, issu des données du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, s’élève à 14 270€ en 2019.
Dès lors, en répartissant les recrutements d’une manière linéaire sur l’ensemble du quinquennat (20 000 recrutements par an), le coût annuel de recrutement s’élèverait à 0,6 Md€. Sous l’hypothèse d’une augmentation annuelle des rémunérations des médecins de 10 % et du personnel des services de soins de 5 %, le coût cumulé sur l’ensemble du quinquennat s’établirait à 9,8 Md€.
Afin de d’estimer le coût de la formation universitaire des 100 000 professionnels supplémentaires, il est fait l’hypothèse d’un coût lissé sur la période et d’une durée de formation de 3 ans pour le personnel des services de soins et de 9 ans pour le personnel médical. Le coût de formation s’élèverait au total à 5,1 Md€ sur la période (1 Md€ par an).
2023 | 2024 | 2025 | 2026 | 2027 | Total | ||
Emplois créés cumulés | Médecins | 2 000 | 4 000 | 6000 | 8000 | 10000 | 10000 |
Soignants | 18000 | 36000 | 54000 | 72000 | 90000 | 90000 | |
Total | 20 000 | 40 000 | 60 000 | 80 000 | 100 000 | 100 000 | |
Surcoût annuel de recrutement (en M€) | Médecins | 130 | 273 | 430 | 603 | 794 | 2230 |
Soignants | 473 | 970 | 1492 | 2040 | 2616 | 7593 | |
Total | 603 | 1243 | 1923 | 2644 | 3409 | 9823 | |
Surcoût annuel de formation (en M€) | Médecins | 257 | 257 | 257 | 257 | 257 | 1284 |
Soignants | 771 | 771 | 771 | 771 | 771 | 3855 | |
Total | 1028 | 1028 | 1028 | 1028 | 1028 | 5139 | |
Surcoût annuel global (en M€) | Médecins | 387 | 530 | 687 | 860 | 1051 | 3515 |
Soignants | 1244 | 1741 | 2263 | 2811 | 3387 | 11448 | |
Total | 1631 | 2271 | 2951 | 3672 | 4437 | 14962 |
Au total, la mesure coûterait 15 Md€ sur la durée du quinquennat, et 4,4 Md€ en 2027.
Cette estimation est une mesure des coûts cumulés de recrutement et de formation sur l’ensemble du quinquennat, devant être distinguée des coûts cumulés sur l’ensemble de la carrière des recrutés qui prennent en compte le fait que les recrutements emportent une charge pour l’État durant plusieurs décennies, soit une quarantaine d’années d’exercice et une vingtaine d’années de pensions.
À ces charges de personnel peuvent être ajoutées des difficultés pratiques engendrant des coûts, en particulier en termes de capacité hospitalière pour accueillir d’une part les nouveaux effectifs soignants, et d’autre part les étudiants en formation de santé. La revalorisation salariale des soignants envisagée par Jean-Luc Mélenchon va également contribuer à augmenter le coût de la mesure sur le quinquennat.
Difficultés pour le chiffrage, aléas et incertitudes
Les hypothèses de rythme de recrutement sur lesquelles se fonde le chiffrage réalisé n’ont pas été précisées par le candidat.
Le chiffrage ne prend pas en compte d’éventuels effets d’augmentation de la valeur du point fonction publique, de mesures catégorielles ou de revalorisation des carrières des fonctionnaires recrutés. Le chiffrage ci-dessus peut dès lors être considéré comme un plancher.
Historique de la mesure
La hausse du nombre de soignants a été progressive à partir de la fin du XXe siècle alors que le numerus clausus pour les études de médecine était tombé à 3 500 en 1998, soit un niveau très éloigné du niveau initial fixé à 8 000 par la loi du 12 juillet 1971.
Si le nombre d’admissions en 2e année des études de médecine est passé de 9 361 places en 2020 à 11 173 places, soit une hausse de 19,4 %, cette dernière résulte en partie de la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé qui a retiré le numerus clausus à compter de la rentrée universitaire de 2020. La hausse de la formation de nouveaux soignants s’est accélérée. Au total, la réforme des études de santé tous cycles confondus et la hausse des admissions ont pour effet une charge budgétaire supplémentaire de 38 M€ en 2022 pour l’État.
Le Gouvernement a lancé en parallèle un plan d’accès aux soins en octobre 2017 dans le cadre de la stratégie Ma Santé 2022. Des aides d’installation de 50 000€ sur 3 ans, la création de postes d’assistants partagés entre ville et hôpital ou la mise en place d’un contrat d’engagement de service public équivalent à une allocation mensuelle de 1 200€ par mois en échange d’une installation en début de carrière dans des déserts médicaux, ont pour objectif d’inciter les jeunes médecins à s’installer dans ces zones sous-dotées.
La contractualisation ainsi que le recours à des soignants étrangers constituent enfin un autre levier pour pallier les potentielles pénuries dans les hôpitaux publics.
Benchmark
La plupart des pays de l’OCDE utilisent le numerus clausus pour réguler leur offre de soins. Dès lors, des pays comme l’Allemagne, les Pays-Bas ou le Canada affichent un fort dynamisme de l’offre de médecins rapportée à 100 000 habitants avec 2 % d’augmentation par an. La France, si elle affiche une courbe positive, reste éloignée de ce rythme de croissance, limitée à 0,4 % par an.
Néanmoins, si en Allemagne, le numerus clausus appliqué à la sortie du baccalauréat est large tant pour les médecins que pour les infirmiers, la stratégie de l’Irlande, du Canada ou du Royaume-Uni s’appuie sur un large recours aux professionnels étrangers, généralement formés dans le Commonwealth. L’Allemagne affiche un taux d’infirmiers et médecins recrutés à l’étranger de 9 et 12 %, soit des niveaux supérieurs à la France, se limitant à 3 et 11 % de cette main d’œuvre.
Mise en œuvre
La hausse du personnel soignant s’accompagne principalement d’une stratégie de numerus clausus élargi et d’un recours accru aux professionnels étrangers. Les capacités hospitalières doivent être également suffisantes pour accueillir ce surplus de main d’œuvre, tant en formation qu’en carrière.
Dès lors, à la suite de la réforme de l’organisation et de la transformation du système de santé initiée en 2019, le nombre cible de soignants est déterminé à deux niveaux, local et national, sous la forme de concertations régionales menées entre les universités et les ARS, puis nationale avec la fixation d’un objectif national pluriannuel (ONP) sur 5 ans.
Le deuxième volet d’action se situe au moment des épreuves nationales classantes qui interviennent en 6e année d’études, lorsque le Gouvernement fixe l’ouverture des postes par voie d’arrêté ministériel.
L’élargissement du recours à des médecins étrangers peut également être encouragé par voie législative, tel que cela a été le cas par la loi du 24 juillet 2019 qui a permis aux directeurs régionaux des ARS de Guyane, Guadeloupe, Guyane et Saint-Pierre-et-Miquelon par voie dérogatoire aux conditions générales d’exercice prévues jusqu’au 31 décembre 2025, de recruter plus aisément du personnel étranger.
Pour réaliser les recrutements annoncés, les capacités de formation et d’accueil devront être revues fortement à la hausse. La durée des études en santé pourrait par ailleurs limiter significativement l’ampleur réelle des recrutements.
Instaurer le 100 % Sécu en remboursant 100 % les soins de santé prescrits et en intégrant les mutuelles dans la Sécurité sociale
Supprimer la tarification à l’acte
Revaloriser les salaires du personnel hospitalier et titulariser les plus précaires
Créer 10 000 places en EHPAD publics pendant cinq ans
Retirer la dette Covid des comptes de la Sécurité sociale
Former, qualifier et recruter en nombre suffisant le personnel nécessaire pour lutter contre la dépendance (au moins 210 000 personnes)
Reconnaître le burn out comme maladie professionnelle
Interdire le dépôt de brevets sur les médicaments et les équipements nécessaires à une réponse sanitaire urgente