Instaurer le 100 % Sécu en remboursant 100 % les soins de santé prescrits et en intégrant les mutuelles dans la Sécurité sociale
« Reconstruire le service public hospitalier et instaurer le « 100 % Sécu » en remboursant à 100 % les soins de santé prescrits et en intégrant les mutuelles dans la Sécurité sociale. Nous devons déployer une politique de soin, de prévention et de santé publique capable de prévenir, de soigner tout le monde et d’en respecter les acteurs. »
La mesure vise à substituer la Sécurité sociale aux organismes complémentaires de santé et à augmenter le niveau total de remboursement afin d’atteindre 100 % de prise en charge des soins.
En janvier 2022, le Haut conseil à l’avenir de l’assurance maladie a estimé à 22,5 Md€ le coût pour les finances publiques d’une telle mesure. Ce coût se compose d’une dépense supplémentaire estimée à 18,8 Md€ et d’une perte de recettes de l’ordre de 3,7 Md€. Des frais de gestion des complémentaires seraient économisés, à hauteur de 5,4 Md€.
Au total, le coût net de la réforme pour les finances publiques serait, selon un scénario médian, de 17,1 Md€. Une partie de cette dépense pourrait être financée par la redirection des montants actuellement versés par les assurés en faveur des complémentaires santé vers les administrations publiques, par le biais de prélèvements obligatoires. Cela reviendrait à un financement des nouvelles dépenses par une hausse des prélèvements obligatoires.
Commentaire de l’équipe de campagne
Contactée, l’équipe de campagne de Jean-Luc Mélenchon confirme l’existence de coûts supplémentaires pour les finances publiques mais aboutit à un coût neutre pour le 100 % sécu en raison de mesures de financement qui compenseraient ces dépenses (économies sur les frais de gestion de 3,5 à 4 Md€, renforcement de la régulation des dépassements d’honoraires et économies de 3 Md€, renégociation du prix des médicaments et développement des génériques pour une économie de 2,5 Md€, suppression des niches fiscales sur les complémentaires santé estimées à 7,25 Md€ par la Cour des comptes). Par ailleurs, l’équipe de campagne soutient que le coût pour la Sécurité sociale des pathologies non diagnostiquées ou diagnostiquées tardivement en raison d’un mauvais accès aux soins, serait réduit par cette mesure.
D’après l’équipe de campagne de Jean-Luc Mélenchon, la mesure « permettra d’économiser du temps administratif dans les hôpitaux et la médecine de ville, et de réaffecter les personnels sur des tâches directement utiles pour les usagers. Le système de santé en sera donc simplifié et assurera une meilleure prise en charge des patients« .
Impact macroéconomique
La mesure permettrait de supprimer la quasi intégralité du reste à charge des ménages pour les dépenses de santé (les ménages participent à hauteur de 6,5 %, soit 202 euros par habitant et par an (1)). La hausse de la dépense publique ne serait pas homogène par habitant, car la hausse des remboursements dépendra notamment de la consommation individuelle de soins.
Les assurances santé complémentaires verraient leur champ d’intervention réduit aux dépenses hors de la couverture de la Sécurité sociale. Il s’agirait davantage d’assurances supplémentaires que d’assurances complémentaires. La réduction très importante du marché des organismes complémentaires en santé pourrait avoir des conséquences sociales importantes, du fait de l’ampleur des pertes d’emploi potentielles.
(1) sante.gouv.fr
La mesure vise à substituer la Sécurité sociale aux organismes complémentaires de santé et à augmenter le niveau total de remboursement afin d’atteindre 100 % de prise en charge des soins. La proposition permettrait de supprimer la quasi intégralité du reste à charge des ménages pour les dépenses de santé.
Une première approche pour chiffrer la mesure serait de retenir le montant actuel du reste à charge des ménages, 15 Md€ (2). Ce montant constitue toutefois une évaluation basse, ne tenant pas compte de la complexité de la mesure, qui a des effets de recomposition à la fois en dépense et en recettes.
En janvier 2022, le Haut conseil à l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) a estimé à 22,5 Md€ le coût pour les finances publiques d’une mesure similaire (3). Ce coût se compose principalement d’une dépense publique supplémentaire estimée à 18,8 Md€.
Il s’y ajouterait une perte de recettes de l’ordre de 3,7 Md€. En effet, les activités d’assurance santé et les contributions des employeurs à leur financement sont aujourd’hui taxés. La mesure conduirait notamment à perdre 3,6 Md€ de taxe de solidarité additionnelle, aujourd’hui prélevée sur les mutuelles, institutions de prévoyance ou compagnies d’assurance intervenant dans le remboursement des frais de santé.
L’estimation du HCAAM ne prend pas en compte l’augmentation du recours aux soins ni la modification de la structure de consommation.
L’estimation de la mesure par la Mutualité française est de 26 Md€ (4), correspondant aux dépenses de santé actuellement prises en charge par les organismes complémentaires. Elle constitue une estimation haute, ne faisant pas mention du gain potentiel sur les frais de gestion.
En théorie, la mesure permettrait d’économiser les 7,6 Md€ de frais de gestion des organismes complémentaires de santé. Les premières années de la réforme, une partie de cette économie pourrait toutefois devoir être mobilisée pour accompagner la reconversion professionnelle des salariés des organismes complémentaires. Le rapport du HCAAM retient in fine comme « charges de gestion et autres charges évitées grâce à la réforme » un montant de 5,4 Md€ (5).
Md€ | Estimation basse | Estimation médiane | Estimation haute |
Dépenses supplémentaire | 15 | 18,8 | 26 |
Pertes de recettes | 3,7 | ||
Gain sur les frais de gestion | -5,4 | ||
TOTAL | 15 | 17,1 | 26 |
Au total, le coût net de la réforme pour les finances publiques serait, selon un scénario médian, de 17,1 Md€. La fourchette pourrait s’établir entre 15 Md€, au minimum, et 26 Md€, au maximum.
Les assurances santé complémentaires verraient leur champ d’intervention réduit aux dépenses hors de la couverture de la Sécurité sociale. Il s’agirait davantage d’assurances supplémentaires que d’assurances complémentaires. La réduction très importante du marché des organismes complémentaires en santé pourrait avoir des conséquences sociales importantes, du fait de l’ampleur des pertes d’emploi potentielles.
Historique de la mesure
Depuis 2019, une offre « 100 % santé » mise en place par le Gouvernement permet une prise en charge intégrale des lunettes, soins dentaires et audioprothèses.
En juillet dernier, Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, confiait au Haut conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie (HCAAM) l’étude de plusieurs scénarios d’évolution sur l’articulation entre la part des dépenses assumées par l’État (l’Assurance maladie, aussi appelée « Sécu ») et celle prise en charge par les organismes complémentaires privés (les mutuelles).
Benchmark
Le niveau de prise en charge et le rôle des complémentaires sont différents à l’étranger. Il est ainsi possible de combiner pluralité d’organismes de remboursement et niveau obligatoire de prise en charge. Ainsi, en Israël, l’assurance-santé est fournie par quatre organisations entre lesquelles les assurés peuvent choisir. Elles sont toutes tenues de couvrir le panier obligatoire défini par la loi (6).
À l’échelle européenne et occidentale, on peut distinguer trois types de systèmes de santé (7).
1. Les systèmes nationaux de santé
Les systèmes nationaux de santé, inspirés du rapport Beveridge de 1942 et présents principalement dans les pays scandinaves, en Grande-Bretagne, Irlande, Italie et en Espagne, garantissent une universalité de la couverture maladie pour tous les citoyens, quel que soit leur statut et revenu. Le système est ainsi organisé comme un service public de santé où l’offre de soins est organisée principalement par l’État et financée par l’impôt.
Ces systèmes financés par l’État tendent à contrôler la circulation des patients au sein des prestataires du système de santé. Ce contrôle s’effectue par le médecin généraliste, qui oriente ensuite le patient vers des soins plus spécialisés. Ainsi, ces systèmes de santé sont caractérisés par une égalité des soins ainsi que des dépenses de santé relativement basses dûes au contrôle de la circulation des patients empêchant la multiplication des actes. En Suède et au Royaume-Uni, en 2020, celles-ci équivalent à environ 10,3 % du PIB. Néanmoins, ces systèmes s’illustrent par des files d’attente très longues pour les soins spécialisés qui empiètent sur leur efficacité.
2. Les systèmes d’assurance maladie
En second lieu, on retrouve les systèmes d’assurance maladie, inspirés du régime de Bismarck en Allemagne, et qui sont présents notamment en Allemagne, en France, aux Pays-Bas, au Luxembourg, en Belgique ou encore au Japon. Ils se sont initialement organisés par le biais de caisses d’assurance maladie dont le but premier était de garantir aux travailleurs un revenu de remplacement en cas de maladie. Ces systèmes de protection se sont ensuite peu à peu ouverts à l’ensemble des citoyens.
Financés initialement par les cotisations sociales, l’offre de soins y est à la fois privée et publique, et ce notamment pour les soins hospitaliers. Ces systèmes privilégient une liberté de choix du médecin par le patient et sont ainsi caractérisés par des dépenses de santé plus élevées que les systèmes nationaux (en raison de la possibilité de consulter plusieurs médecins pour une même pathologie). En France et en Allemagne, elles s’élèvent par exemple à 12,5 % du PIB. La qualité des soins est théoriquement assurée par la mise en place d’une concurrence entre les médecins.
3. Les systèmes libéraux de santé
Le troisième type de système de santé sont les systèmes libéraux de santé, présents aux États-Unis et dans certains pays d’Amérique latine. Ceux-ci proposent un système public de couverture maladie partiel et réservé uniquement à une partie restreinte de la population, notamment les plus démunis et les personnes âgées. Le reste de la population recourt ainsi à un système d’assurance privée potentiellement pris en charge par les employeurs mais excluant une grande partie de la population de toute couverture maladie. En conséquence, ces systèmes sont caractérisés par de fortes inégalités d’accès et d’état de santé de la population. Bien qu’ils garantissent une grande performance technologique, l’offre de soins étant quasi exclusivement privée, ils entraînent cependant des dépenses de santé importantes. Celles-ci représentaient en effet 16,8 % du PIB américain en 2020.
Le système américain combine trois types de protection maladie possibles : l’assistance médicale gratuite pour les plus pauvres, incarnée par le Medicaid ou encore le State Children’s Health Insurance Program (SCHIP), l’assurance maladie pour les plus âgés appelée Medicare, et enfin l’assurance privée. Financée par les employeurs ou par les usagers, cette dernière est en majorité à but non lucratif et concerne principalement les classes moyennes et aisées.
Mise en œuvre
Une loi de financement de la sécurité sociale serait indispensable. Une concertation préalable avec les organismes complémentaires serait nécessaire, notamment pour préparer le reclassement de leurs salariés.
(2) DREES, Les dépenses de santé, 2020 (le montant retenu est celui d’avant la crise sanitaire, en 2019).
(3) HCAAM, Quatre scénarios polaires d’évolution de l’articulation entre Sécurité sociale et Assurance maladie complémentaire, janvier 2022.
(5) HCAAM, Quatre scénarios polaires d’évolution de l’articulation entre Sécurité sociale et Assurance maladie complémentaire, janvier 2022.
(6) HCAAM, Quatre scénarios polaires d’évolution de l’articulation entre Sécurité sociale et Assurance maladie complémentaire, janvier 2022.
(7) Institut Montaigne, « Financement des soins : la France a-t-elle besoin d’une « Grande sécu » ? » par Laure Millet et Emma Ros, décembre 2021.
Recruter 100 000 soignants
Supprimer la tarification à l’acte
Revaloriser les salaires du personnel hospitalier et titulariser les plus précaires
Créer 10 000 places en EHPAD publics pendant cinq ans
Retirer la dette Covid des comptes de la Sécurité sociale
Former, qualifier et recruter en nombre suffisant le personnel nécessaire pour lutter contre la dépendance (au moins 210 000 personnes)
Reconnaître le burn out comme maladie professionnelle
Interdire le dépôt de brevets sur les médicaments et les équipements nécessaires à une réponse sanitaire urgente