« Annuler les hausses de tarif du gaz depuis 2017 ».
Jean-Luc Mélenchon souhaite annuler les hausses de tarif du gaz depuis 2017.
En moyenne et d’après les données de l’Insee, le prix du gaz pour les particuliers a augmenté de 55,8 % entre janvier 2017 et janvier 2022.
Dans son expression, la mesure correspond à une compensation des hausses pour l’ensemble des consommateurs (sous forme d’un remboursement). Pourtant, une telle compensation n’apparaît pas compatible avec le droit existant : le code de commerce, en son article L410-2, indique que l’État peut bloquer des prix dans le cas de circonstances exceptionnelles, qui n’apparaissent pas avérées aujourd’hui et qui ne peuvent être que temporaires (1). Une telle mesure ne pourrait donc être prise que par un article de loi, qui établirait une subvention sur les prix du gaz (versée directement aux ménages ou aux entreprises concernées, charge à elle de modérer les prix sur les ménages), éventuellement compensée en partie sur les bénéfices des entreprises concernées.
La mesure proposée par le candidat se comprend comme une aide apportée aux particuliers pour l’achat de fourniture de gaz. Dans le cas d’une compensation généralisée et dans l’hypothèse d’une stabilisation des prix du gaz à l’avenir à début 2022 (2), le coût de la mesure atteindrait 4,5 Md€ (hypothèse médiane du chiffrage). En revanche, cette estimation ne tient pas compte de l’accroissement des prix du gaz depuis l’entrée en guerre de la Russie et de l’Ukraine. En effet, des mesures complémentaires ont été décidées depuis pour amortir la hausse des prix du gaz pour les ménages.
Si les prix continuaient à croître entre début 2022 et 2027 comme ils l’ont fait entre 2017 et début 2022 (+55,8 %), le coût de la mesure représenterait de 11,7 Md€ (hypothèse haute du chiffrage). Si l’on retient les données post invasion de l’Ukraine, le prix pourrait représenter au total de près de 16 Md€.
Le candidat envisage que le coût de la mesure soit couvert par les fournisseurs de gaz eux-mêmes, via un prélèvement sur leurs bénéfices. Au regard des bénéfices des entreprises du secteur opérant sur le territoire français (3) (1 Md€ de résultats courants en moyenne sur les années rendues disponibles par l’Insee et 31 M€ de résultats comptables), un tel prélèvement pourrait être qualifié de confiscatoire et donc inconstitutionnel. Un impôt de 250 M€ est supposé être mis en place, qui permettrait de compenser en toute petite partie le surcoût de cette mesure. La mise en place de ce prélèvement correspond à l’hypothèse basse.
Impact macroéconomique / sur le pouvoir d’achat
L’impact immédiat de la mesure serait favorable au pouvoir d’achat des ménages. Cette mesure serait
Par ailleurs, en baissant le prix du gaz et donc en subventionnant l’usage de cette énergie fossile, cette mesure ne peut avoir qu’un impact défavorable sur les émissions carbones du pays et, en conséquence, cette mesure est objectivement néfaste pour l’environnement.
(1) Extrait du 3e alinéa de l’article L410-2 du code de commerce : « les dispositions des deux premiers alinéas ne font pas obstacle à ce que le Gouvernement arrête, par décret en Conseil d’Etat, contre des hausses ou des baisses excessives de prix, des mesures temporaires motivées par une situation de crise, des circonstances exceptionnelles, une calamité publique ou une situation manifestement anormale du marché dans un secteur déterminé. Le décret est pris après consultation du Conseil national de la consommation. Il précise sa durée de validité qui ne peut excéder six mois« .
(2) Hypothèse usuellement prise dans le cadre de prévisions économiques, en particulier par le ministère des finances dans le cadre de ses exercices de prévisions (cf. par exemple rapport économique, social et financier annexé au PLF 2022, page 59).
(3) Et non pas sur les territoires non français. A noter à ce titre qu’une grande partie des bénéfices d’Engie et de Total énergie proviennent de filiales ou de succursales opérant à l’étranger.
Le marché de la fourniture de gaz naturel aux particuliers (sites dits « résidentiels ») est ouvert à la concurrence. Les consommateurs ont le choix entre les tarifs réglementés de vente (TRV), uniquement proposés par les fournisseurs dits historiques (4), et des offres de marché, à prix fixe ou variable (dans ce dernier cas, les prix sont souvent indexés sur les TRV). Les offres de marché sont majoritaires.
L’État pourrait envisager de compenser les hausses tarifaires (toutes taxes comprises) pour l’ensemble des consommateurs, y compris pour ceux qui ont souscrit une offre de marché, par le truchement d’une aide apportée aux consommateurs de gaz, quelle que soit leur typologie de contrat.
S’agissant de l’ensemble du marché résidentiel, l’Insee indique que les prix du gaz ont augmenté de 55,8 % entre janvier 2017 et janvier 2022. D’après les données du Commissariat général au développement durable (5), le prix moyen du gaz sur le marché des sites résidentiels en 2017 était de 70€ TTC par MWh (pour l’ensemble des tarifs). Pour 2022, on retient donc une hypothèse de 109€ par MWh (6).
La consommation de gaz de l’ensemble des ménages représente 10,4 Md€ en 2020 (dernière donnée disponible d’après l’Insee) (7).
Consommation
L’hypothèse de consommation est fixée au niveau des dernières données disponibles, communiquées par la CRE au 30 septembre 2021. La consommation annuelle de gaz est ainsi estimée à 84,4 TWh pour la consommation en offre de marché (et à 33,2 TWh pour la consommation au tarif règlementé).
Compensation aux consommateurs de l’ensemble des hausses de tarifs
La compensation porterait sur la totalité de la consommation de gaz, soit 117,6 TWh (8). L’annulation de l’ensemble des hausses depuis 2017 coûterait ainsi 4,5 Md€ (= 117,6 x (109 / 1000) x 55,8 % / ( 1 + 55,8 %) ).
Dans cette hypothèse, le candidat envisage qu’une partie du coût soit couverte par les fournisseurs de gaz eux-mêmes, via un prélèvement sur leurs bénéfices. Au vu des montants en jeu, ce prélèvement pourrait être qualifié de confiscatoire et donc inconstitutionnel.
Hypothèse haute : compensation aux consommateurs de l’ensemble des hausses de tarifs, avec un accroissement des tarifs à l’horizon 2027 à hauteur de l’accroissement observé entre 2017 et 2022 (soit +55,8 %) ou bien encore un accroissement des prix correspondant à ce qui est observé sur les marchés début mars (de l’ordre de +90 % entre janvier et début mars, en raison de l’invasion de l’Ukraine par la Russie). Dans le premier cas, l’accroissement des prix entre 2017 et 2027 serait de 133 %. Avec le même calcul que précédemment, l’annulation de l’ensemble des hausses depuis 2017 coûterait ainsi 11,7 Md€ (= 117,6 x (109 / 1000) x 133 % / ( 1 + 55,8 %) ). Dans le second cas, l’accroissement des prix entre 2017 et 2027 serait parallèle à celui des prix de marché, à 196 %. Avec le même calcul que précédemment, l’annulation de l’ensemble des hausses depuis 2017 coûterait ainsi 15,8 Md€ (= 117,6 x (109 / 1000) x 196 % / ( 1 + 55,8 %) ). Au regard de la volatilité des prix du gaz, ce chiffrage n’est pas destiné à être définitif et ne peut être considéré que comme une hypothèse parmi d’autres.
Compensation de la mesure
Le programme signale que le coût serait in fine reporté sur les distributeurs de gaz. L’Insee publie chaque année, avec délai, les comptes de ces distributeurs. Les résultats de ceux-ci au cours des dernières années se situent autour de 0 :
Résultats des entreprises de production et distribution de combustibles gazeux opérant sur le territoire national :
En M€ | 2016 | 2017 | 2018 | 2019 | Moy |
Résultats courants avant impôts | 642 | ND | 2131 | 239 | 1004 |
Résultats nets comptables | 854 | ND | -103 | -659 | 31 |
Source : Insee (Esane) (9)
Au regard de la volatilité des résultats et de leur moyenne d’un niveau limité au regard des enjeux financiers identifiés ci-dessus, il ne paraît donc pas possible de prélever cette catégorie d’entreprises afin de compenser de manière pérenne la mesure d’abaissement des prix du gaz envisagée par le candidat.
De surcroît, les montants correspondants ne sont pas à la hauteur des enjeux portés par la mesure : il faudrait pour cela que les résultats soient 4 à 5 fois supérieurs en moyenne à ceux observés au cours des dernières années disponibles.
L’hypothèse basse de ce chiffrage correspond à un impôt supplémentaire sectoriel sur les bénéfices de ces entreprises, à hauteur de 25 %, allant au-delà de l’impôt sur les sociétés (25 %). Au regard des chiffres présentés précédemment, il est estimé que ce nouvel impôt rapporterait 250 M€.
Le candidat propose de taxer plus massivement les bénéfices des groupes énergétiques, dont les bénéfices consolidés, mondiaux, apparaissent beaucoup plus importants que ceux imputables uniquement à la distribution de l’énergie sur le territoire français (bénéfice Engie 2021 = 3,7 Md€, bénéfice Total = 16 Md€…). Un renforcement de la taxation de ces entreprises dans leur ensemble pourrait permettre de compenser plus largement le coût de cette mesure.
Cependant, ce facteur est limité par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui a énoncé à plusieurs reprises le principe d’égalité devant les charges publiques (10). Le Conseil constitutionnel note également que les questions de rendement de l’impôt ne sont à eux seuls pas susceptibles de remettre en cause ce principe d’égalité devant l’impôt (11). Ainsi, une surtaxation des profits d’entreprises de certains secteurs d’activités, dont la très grande majorité des profits provient d’activités en dehors du territoire national pourrait occasionner une rupture d’égalité devant l’impôt, notamment entre des charges fiscales identifiées au niveau national par rapport à celles identifiables au niveau européen (12).
Au total, la possibilité de taxer davantage les entreprises de ce secteur sur des activités situées au-delà du territoire national n’est pas évidente. Ce scénario sera donc considéré comme l’hypothèse basse de ce chiffrage.
La principale difficulté provient de l’incertitude existant sur l’évolution des prix du gaz naturel dans les mois à venir, ce dernier étant en outre importé pour la quasi-totalité. Le chiffrage repose donc sur une hypothèse de stabilité des prix du gaz à partir du 1er janvier 2022.
Historique de la mesure
Le 23 octobre 2021, face aux augmentations successives du prix du gaz, le Gouvernement a pris un décret prévoyant le gel des tarifs réglementés du gaz à leur niveau d’octobre 2021, et ce, jusqu’au 30 juin 2022.
Le décret prévoit une compensation des fournisseurs de gaz à hauteur du manque à gagner, pour les offres aux TRV ou pour celles qui sont indexées sur ces tarifs. Les fournisseurs ont en outre la possibilité d’augmenter leurs tarifs après le 30 juin 2022, dans une logique de rattrapage.
Toutefois, les dernières prévisions font état d’une hausse durable des prix du gaz. Une prolongation du gel des tarifs jusqu’à fin 2022 est ainsi envisagée. Dans cette hypothèse, les ministères économiques et financiers ont estimé le coût de la mesure à 1,2 Md€ pour l’année 2022. Le détail du chiffrage n’est toutefois pas communiqué.
En outre, une fixation des prix de l’énergie par décret a déjà été appliquée par le passé, mais dans des circonstances exceptionnelles (première guerre du golfe).
Benchmark
Les subventions et aides à la consommation d’énergie fossile n’entrant pas dans les recommandations usuelles des organisations internationales, en particulier celles en charge de la protection du climat, peu de pays développés présentent ce type de mesure d’aides à la consommation d’énergies fossiles – hormis pour aider des secteurs industriels ou de services particuliers (13). Cependant, l’Italie a récemment aidé les ménages sur leurs factures de gaz en diminuant la TVA à 5 % sur le gaz sur le dernier trimestre de l’année 2021 jusqu’à hauteur de 480 M€.
Mise en œuvre
Un gel de l’ensemble des prix du gaz semble en revanche difficilement envisageable. En effet, s’il est possible de fixer les prix par décret, une telle mesure ne peut être prise que de manière temporaire et en cas de circonstances exceptionnelles. L’article 410-2 du Code de commerce autorise en effet le gouvernement à prendre des mesures temporaires en cas de « situation de crise, de circonstances exceptionnelles, de calamité publique ou d’une situation manifestement anormale du marché dans un secteur déterminé« . Or, ces conditions ne sont pas forcément réunies. En outre, l’article de loi précise que « sa durée de validité qui ne peut excéder six mois« .
Par ailleurs, sur le segment du marché plus restreint des tarifs réglementés, ces tarifs règlementés de vente du gaz sont fixés par un décret, pris en application du dernier alinéa de l’article R. 445-3 du code de l’énergie. Cet article dispose que : « pour chaque fournisseur est définie une formule tarifaire qui traduit la totalité des coûts d’approvisionnement en gaz naturel. La formule tarifaire et les coûts hors approvisionnement permettent de déterminer le coût moyen de fourniture du gaz naturel, à partir duquel sont fixés les tarifs réglementés de vente de celui-ci, en fonction des modalités de desserte des clients concernés« .
L’application de la proposition nécessiterait donc de prendre un décret précisant le barème retenu (ici, les tarifs en vigueur au 1er janvier 2017). Ce décret devrait faire l’objet d’un avis de la Commission de régulation de l’énergie.
Par ailleurs, la mesure de compensation aux fournisseurs de gaz entraînant un coût budgétaire pour l’État, une disposition devra être inscrite en projet de loi de finances (ou de loi de finances rectificative) et votée par le Parlement.
Enfin, le candidat envisage qu’une partie de coût soit couverte par les fournisseurs de gaz eux-mêmes, via un prélèvement sur leurs bénéfices. Au regard des bénéfices des entreprises du secteur opérant sur le territoire français (1 Md€ de résultats courants en moyenne sur les années disponibles par l’Insee et 31 M€ de résultats comptables), un tel prélèvement pourrait être soit qualifié de confiscatoire (car excédant de manière manifeste les revenus d’une entité), soit en rupture avec le principe d’égalité (cf. ci-dessus), et donc inconstitutionnel.
(4) Soit Engie et les 22 Entreprises locales de distribution et leurs filiales.
(5) Ministère de la Transition écologique (prix moyen du gaz à 76€, en progression de 7,7% entre 2017 et 2018, soit un prix 2017 à 70€/MWh).
(6) Évolution entre janvier 2017 et janvier 2022.
(7) Code produit HD35B2 des tableaux détaillés de consommation des ménages de l’Insee. Ce chiffre est cohérent avec celui présenté par le ministère du développement durable, Bilan physique et monétaire du gaz naturel 2011-2016, juillet 2018, Commissariat général au développement durable.
(8) Observatoire de la CRE (Commission de régulation de l’énergie), 4ème trimestre 2021 (données au 31/12/2021) Les marchés de détail de l’électricité et du gaz nature, disponible sur le site.
(10) Cons. const., déc. n° 2009-599 DC du 29 déc. 2009, Loi de finances pour 2010, cons. 82.
(11) Cons. const., déc. n° 2016-571 QPC du 30 sept. 2016, Sté Layher SAS, cons. 9.
(12) Cons. const., déc. n° 2015-520 QPC du 3 févr. 2016, Sté Metro Holding France SA.
(13) Cf. site de l’OCDE.
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