Annuler la libéralisation du marché de l'électricité et du gaz en renationalisant EDF et Engie
« Manifestation aujourd’hui à #Paris pour un pôle public de l’énergie et contre le projet #Hercule de privatisation d’EDF. »
« L’énergie est un bien commun qui ne peut être accaparé par des intérêts privés, et c’est l’inverse que prévoit le gouvernement avec le démantèlement prévu d’EDF et l’ouverture à la privatisation des énergies renouvelables et des barrages. »
Source : Vidéo du 21 mars 2021 sur la chaîne Youtube Mélenchon 2022
Chiffrage de l’Institut Montaigne :
- Coût du rachat des actions : entre 27,7 Md€ et 37,7 Md€
- Revenus attendus des dividendes liés aux actions rachetées : entre 5,4 Md€ et 7,7 Md€ sur cinq ans
- Coût net de la mesure, sur 5 ans : entre 19,9 Md€ et 32,4 Md€
Le candidat propose d’annuler la libéralisation du marché de l’électricité et du gaz : stopper la privatisation des barrages hydroélectriques, créer un pôle public de l’énergie en lien avec des coopératives locales en renationalisant EDF et Engie. Le candidat inscrit cette mesure dans une politique publique plus large concernant l’énergie : considérée comme un bien commun, sa production et sa distribution seraient une mission de service public, et échapperaient aux intérêts privés.
Cette proposition s’inscrit dans un cadre plus large, le candidat souhaitant en outre sortir de l’énergie nucléaire (abandon de la construction de nouveaux EPR, démantèlement progressif du parc), et atteindre progressivement un mix énergétique composé à 100 % d’énergies renouvelables : cette évolution vers le 100 % renouvelable n’est pas examinée dans le présent chiffrage.
Cet objectif se concrétiserait par l’abandon du projet de restructuration d’EDF et la nationalisation d’Engie et d’EDF :
- Ce projet baptisé « Hercule » puis « Grand EDF » prévoyait la scission du groupe EDF en trois entités : une qui resterait publique et récupérerait l’activité de transport d’électricité (actuel réseau de transport d’électricité (RTE)) et le nucléaire, une autre serait dédiée aux énergies renouvelables et la dernière conserverait les barrages hydrauliques. C’est ce projet que le candidat souhaite ne pas concrétiser. L’arrêt de ce projet n’aurait pas de coût pour les finances publiques. En revanche, dans la mesure où le projet Hercule visait à se mettre en conformité avec le droit européen en matière de concurrence, son abandon soulèverait des difficultés juridiques.
- Le coût de la mesure proviendrait principalement de la nationalisation. Actuellement, EDF et Engie sont deux sociétés anonymes cotées à la Bourse de Paris, dont l’État détenait, respectivement, 83,88 % et 23,64 % du capital au 31 décembre 2021. La nationalisation de ces deux groupes impliquerait le rachat des actions détenues par les autres actionnaires et, probablement, leur transformation en établissements publics industriels et commerciaux (EPIC).
L’État devrait dépenser entre 27,7 Md€ et 37,7 Md€ pour devenir actionnaire à 100 % d’Engie et d’EDF. Ce coût est estimé à partir du nombre d’actions (1) à acheter et du cours d’action d’EDF (2) au moment du chiffrage (11/03/2022), augmentée d’une prime comprise entre 10 % et 50 % (3).
L’État tirerait de la nationalisation en revanche un surplus de revenus annuels situé entre 1,1 Md€ et 1,5 Md€ (4). Ce surplus de revenus correspond aux dividendes attendus sur les actions nouvellement acquises. L’estimation est réalisée à partir de l’historique des dividendes sur les cinq dernières années et de projections pour les cinq années à venir.
Le coût net de l’opération, sur l’ensemble du quinquennat serait ainsi compris entre 19,9 Md€ et 32,4 Md€. Prise séparément, la nationalisation d’Engie coûterait entre 15,9 Md€ et 25,8 Md€, contre une fourchette de 4,0 Md€ à 6,6 Md€ pour EDF.
L’opération s’accompagnerait de réformes du secteur, comprenant une remise en cause de la concurrence dans le secteur de l’énergie (électricité et gaz principalement), d’investissements publics massifs et d’une sortie progressive du nucléaire. Ces réformes, qui supposeraient des investissements importants, seraient susceptibles d’affecter la rentabilité d’Engie et d’EDF. En l’absence du détail de telles réformes, ces annonces de réformes constituent un élément d’incertitude sur le chiffrage de la mesure.
Impact macroéconomique
La création d’un pôle public de l’énergie par la nationalisation d’EDF et d’Engie, prise isolément, n’aurait pas d’impact macroéconomique à elle seule. Toutefois, tout changement de stratégie de l’entreprise ou de réforme du secteur peut avoir un impact sur le prix de l’électricité et du gaz.
Or, le prix de l’électricité et sa stabilité sont des facteurs de la compétitivité de l’économie française, en particulier pour l’industrie et les secteurs les plus intensifs en électricité. En effet, l’énergie est un poste de consommations intermédiaires des entreprises, qui a un impact sur leur capacité à proposer les produits les moins chers. Une hausse du prix de l’électricité et de sa volatilité (créant des besoins de couverture contre le risque de hausse des prix) aboutit à une hausse des prix de production des entreprises françaises, dégradant ainsi leur compétitivité-prix ; à l’inverse une baisse du prix de l’électricité serait un facteur de compétitivité.
Par ailleurs, une variation du prix de l’électricité affecte le pouvoir d’achat des ménages. En 2019, les dépenses d’électricité s’établissaient à 950 euros par an et par ménage (5).
(1) EDF, Comptes consolidés des années 2015 à 2020 ; Engie, Comptes consolidés des années 2015 à 2021
(2) Euronext, cours de l’action EDF et cours de l’action d’Engie, consultés le 11 mars 2022
(3) Boursorama, décembre 2020, et Café de la bourse, décembre 2020
(4) EDF, Comptes consolidés des années 2015 à 2020
(5) Ministère de la transition écologique, janvier 2021
1. L’État devrait dépenser entre 27,7 et 37,7 Md€ pour devenir le seul détenteur d’EDF et d’Engie
Pour nationaliser EDF et Engie, l’État devra faire l’acquisition de la part de capital de ces entreprises qu’il ne détient pas. Pour cela, l’État peut passer par le rachat des actions sur le marché sous la forme d’une offre publique d’achat (OPA), qui s’accompagne d’une prime par rapport au dernier cours de l’action. L’État peut aussi décider d’exproprier les propriétaires d’actions. Pour être compatible avec la Constitution (6), l’expropriation devra être accompagnée d’une « juste et préalable indemnité ». Dans les deux cas, le coût de ces deux opérations devrait se situer entre 27,7 Md€ et 37,7 Md€, soit la valeur des actions au moment du chiffrage (11 mars 2022) détenues par les actionnaires minoritaires des deux entreprises augmentée d’une prime comprise entre 10 % et 50 % (7). Le coût du rachat d’Engie serait nettement supérieur (entre 22,6 Md€ et 30 ,9 Md€) à celui d’EDF (entre 5,0 Md€ et 6,8 Md€). Si la valeur boursière des deux entreprises est proche (27 Md€ pour Engie et 28,3 Md€ pour EDF), le taux de détention de l’État du capital est de 83,87 % pour EDF contre 23,64 % pour Engie.
2. L’État bénéficierait sur l’ensemble du quinquennat d’un surplus de revenus compris entre 5,4 Md€ et 7,7 Md€
En rachetant les actions détenues actuellement par les actionnaires minoritaires, l’État bénéficierait d’un surcroît de revenus via les dividendes associés à ces actions. Les estimations des futurs dividendes d’EDF et d’Engie sont construites à partir de l’historique de versement des dividendes (8), qui montre une tendance légèrement baissière pour Engie et EDF depuis cinq ans.
Pour EDF, la fourchette haute (200 M€ par an) correspond, au niveau de dividendes versés en moyenne sur la période 2015-2020, tandis que la fourchette basse (50 M€ par an) correspond à la projection des dividendes à venir sur le nouveau quinquennat, si l’on prolonge la tendance baissière observée sur la période 2015 (les dividendes ont diminué de 18 % par an en moyenne). Sur l’ensemble du quinquennat, le surplus de revenus s’établirait ainsi entre 200 M€ et 1 Md€.
Pour Engie, la fourchette haute (1,3 Md€ par an) correspond au niveau de dividendes versés en moyenne sur la période 2015-2020, tandis que la fourchette basse (1,0 Md€ par an) correspond à la période 2018-2020 (du fait de la renonciation au versement d’un dividende en 2020). Sur l’ensemble du quinquennat, le surplus de revenus s’établirait ainsi entre 5,1 Md€ et 6,7 Md€.
Si ces deux entreprises étaient transformées en EPIC, l’État ne recevrait formellement plus de revenus sous la forme de dividendes, ceux-ci étant liés à la détention d’actions, mais pourrait bénéficier de revenus du même ordre sous une autre forme.
3. Le coût net de l’opération sur l’ensemble du quinquennat se situerait entre 19,9 Md€ et 32,4 Md€
Le coût net correspond à la différence entre le coût du rachat des actions détenues par les actionnaires minoritaires et le surplus de revenus attendu du fait de la hausse du taux de détention par l’État à 100 %.
en millions d’euros | Hypothèse favorable | Hypothèse médiane | Hypothèse défavorable |
Coût du rachat | 27 660 | 30 174 | 37 718 |
dont EDF | 5 015 | 5 471 | 6 839 |
dont Engie | 22 644 | 24 703 | 30 878 |
Dividendes annuels supplémentaires attendus | 1 547 | 1 255 | 1 073 |
dont EDF | 199 | 110 | 50 |
dont Engie | 1 348 | 1 145 | 1 023 |
Dividendes supplémentaires sur l’ensemble du quinquennat | 7 736 | 6 277 | 5 363 |
dont EDF | 995 | 551 | 249 |
dont Engie | 6 741 | 5 726 | 5 114 |
Coût net de l’opération sur le quinquennat | 19 924 | 23 897 | 32 355 |
4. Le chiffrage est soumis à plusieurs aléas, notamment l’évolution du cours de bourse et de la rentabilité de l’entreprise
Depuis 2016 le cours de l’action EDF a fortement fluctué autour d’un cours pivot d‘environ 10,7€ / action. Hors période de confinement (mars-mai 2020), le cours a connu un plus bas à 7,4€ et un pic à 15,6€ sur la période 2016-2021. Cependant, les annonces gouvernementales de mi-janvier, concernant notamment l’augmentation de la quantité d’électricité cédée par EDF à ses concurrents au tarif réglementé, ont entraîné une baisse d’environ 15 % du titre, qui se situe au 11 mars 2022 à 8,7€/action (9).
Le cours médian de l’action Engie depuis 2016 se situe quant à lui à 13,25 €. Hors période de confinement (mars-mai 2020), le cours a connu un plus bas à 10,1€ et un pic à 16,65€ sur la période 2016-2021. Cependant, la guerre en Ukraine a entraîné une baisse brutale du titre Engie, qui se situe au 11 mars à 11,1€/action (10).
Par ailleurs, la rentabilité à venir d’EDF et d’Engie est soumise à de nombreux aléas, notamment liés aux évolutions de la guerre en Ukraine et des marchés mondiaux de l’énergie ainsi qu’aux politiques françaises et européennes menées dans le domaine de l’énergie, en particulier dans le cadre de la transition énergétique.
Le coût net de l’opération pourrait être affecté par les transformations qui accompagneraient le secteur ainsi que la gestion des deux entreprises.
Mise en œuvre
La nationalisation d’Engie et d’EDF devra sûrement passer par une mesure de niveau législatif, en particulier si une expropriation est envisagée. En outre, si l’attribution du statut d’établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) dans une catégorie préexistante est du niveau réglementaire, seul le législateur peut créer une nouvelle catégorie d’EPIC (11), ce qui serait probablement le cas pour EDF.
L’octroi du statut d’EPIC à EDF et Engie pourrait poser des difficultés de compatibilité avec le droit européen. Le marché européen de l’électricité et du gaz a été progressivement ouvert à la concurrence dans les années 1990 et 2000, impliquant notamment une ouverture à la concurrence de l’activité de production d’électricité, l’accès des tiers au réseau ainsi que la soumission d’EDF au régime des aides d’État (article 107 et 108 du TFUE). C’est dans ce contexte et à la demande de la Commission européenne qu’EDF et Gaz de France – Engie est issue de la fusion de Gaz de France et de Suez -, anciennement établissements publics, avaient été transformés en sociétés anonymes en 2004.
Le statut d’EPIC pourrait être source de difficultés juridiques avec la Commission européenne. Par exemple, en 2010, la Commission avait estimé que La Poste bénéficiait, du seul fait de son statut d’établissement public, d’une garantie implicite illimitée de l’État. Selon la Commission, l’inapplicabilité aux établissements publics des procédures de liquidation judiciaire, qui conduit à exclure la possibilité que les établissements publics fassent l’objet d’une insolvabilité, garantit à un créancier que sa créance soit toujours remboursée, ouvrant aux établissements publics des conditions de crédit plus favorables que celles du marché (12). L’État pourrait néanmoins contourner cette difficulté en rendant explicite la garantie de l’État au passif d’EDF et en la tarifant.
Enfin, il est à noter que le statut d’EPIC ne permettrait plus à EDF et Engie d’augmenter leur capital par un appel aux marchés financiers, augmentation pouvant être utile dans le cadre d’investissements lourds à réaliser pour mener la transition énergétique. La participation financière des investisseurs privés ne pourrait ainsi se faire que sous la forme de dette.
(6) L’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, de niveau constitutionnel, protège la propriété privé et dispose que « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité. »
(7) Boursorama, décembre 2020, et Café de la bourse, décembre 2020
(8) EDF, Comptes consolidés des années 2015 à 2020
(9) Euronext, cours de l’action EDF, consulté le 11 mars 2022
(10) Euronext, cours de l’action d’Engie, consulté le 11 mars 2022
(11) Conseil d’État, Guide des outils d’action économique,
« L’article 34 de la Constitution réserve à la loi la fixation des règles concernant la création de catégories d’établissements publics. La création d’un nouvel établissement public rattaché à une catégorie existante, ou la modification d’une règle, qui n’est pas constitutive d’une catégorie d’établissements publics, peuvent ainsi être prises par décret. »
(12) Conseil d’État, Guide des outils d’action économique (fiche 14, paragraphe 5.2.)
Rétablir et renforcer l'ISF incluant un volet climatique
Annuler les hausses de tarif du gaz depuis 2017
Sortir du nucléaire par l'abandon des projets d'EPR, démanteler et reconvertir les sites existants
Lancer un plan de 200 Md€ d'investissements écologiquement et socialement utiles
Réduire de 50 % de la consommation moyenne de protéines animales
Viser un système agricole 100 % biologique d'ici 2050
Interdire les élevages hyper-intensifs
Éradiquer la zoonose
Interdire tous les élevages de production de fourrure
Mettre en place une caisse de défaisance pour reprendre les dettes privées des TPE/PME dues à la pandémie et les dettes agricoles des convertis au 100 % bio
Garantir des prix rémunérateurs aux producteurs avec des prix planchers aux agriculteurs
Interdire la publicité pour les produits les plus polluants
Planifier la réduction progressive des doses d'engrais et de pesticide
Tendre vers l'autosuffisance alimentaire grâce à l'agriculture paysanne écologique et les circuits courts
Renationaliser les autoroutes et les aéroports stratégiques
Refaire l'isolation d'au moins 700 000 logements par an
Baisser de 65 % les émissions de GES d'ici 2030 et rendre public un bilan annuel
Instaurer une taxe kilométrique aux frontières de la France
Supprimer les lignes aériennes quand l'alternative en train est inférieure à quatre heures
Laisser au niveau national 25 % de la surface de la forêt française en libre évolution
Instaurer une agriculture relocalisée et écologique, créatrice de 300 000 emplois
Planifier le passage progressif à 100 % d'énergies renouvelables
Exiger des entreprises une comptabilité carbone certifiée de leurs émissions de GES