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Paris

2 228 409 habitants
Maire sortant Anne Hidalgo (PS)
Urbanisme et logement

Bloquer tous les loyers pendant cinq ans

Nous bloquerons tous les loyers pendant 5 ans.
Le logement est la dépense la plus importante du budget. Nos loyers sont à Paris en moyenne 24,7% supérieurs aux loyers pratiqués dans le reste de la France. (…) Si nous ne faisons rien, la spéculation ne fera que s’accentuer avec l’accueil des Jeux Olympiques et l’arrivée des rapatrié·e·s du Brexit, à très fort pouvoir d’achat pour qui des niches fiscales sont déjà prévues. Il y a urgence alors nous ferons le blocage des loyers pour 5 ans, ce qui correspondra mécaniquement à échéance à une baisse des loyers d’environ -7 % (du fait de l’inflation).

Source : site de campagne 

Que faut-il en retenir ?

La proposition vise à bloquer les loyers à Paris pendant cinq ans. Cette mesure n’a pas d’impact direct sur les finances publiques. Sa mise en œuvre, qui n’est pas possible sans modification législative, pourrait se heurter à d’importantes difficultés juridiques.

Les effets économiques d’une telle mesure pourraient être comparables à ceux connus lors de l’encadrement des loyers mis en œuvre à Paris entre 2014 et 2017 et depuis 2019, et avoir un effet réel sur le montant des loyers tout en entraînant une baisse de l’offre locative.

Détail

Contexte de la mesure

Avec un loyer médian de 23,6€/m², Paris constitue de très loin la ville française où ces derniers sont les plus élevés. En 2018, les loyers ont connu une progression de 1,4 % à Paris en 2018 selon l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne (OLAP). Sur la période 2000-2018, la moyenne annuelle de l’augmentation s’est élevée à 2,7 % (3,3 % en cas de relocation), selon un observatoire privé. Leur montant moyen a ainsi augmenté de plus de 68 % sur cette période.

La proposition de David Belliard vise à empêcher cette hausse préjudiciable au pouvoir d’achat des parisiens. 

Des dispositifs d’encadrement ont d’ores et déjà été mis en oeuvre à Paris, à deux reprises. La loi « Alur » du 24 mars 2014 avait ainsi encadré l’évolution des loyers lors de la relocation ou du renouvellement d’un bail et instauré un dispositif d’encadrement. Mis en œuvre à partir de 2015 à Paris, ce dispositif avait permis de limiter la hausse des loyers. Par un jugement du 28 novembre 2017, le tribunal administratif de Paris en a toutefois annulé l’application.

La loi ELAN du 23 novembre 2018 a instauré une nouvelle mouture de ce dispositif. Dans ce cadre, en janvier 2019, la mairie de Paris a demandé à l’État que le territoire parisien puisse de nouveau se voir appliquer ce dispositif, en vigueur depuis lors.

La proposition va plus loin, en instaurant, non plus un encadrement limitant leur hausse, mais un « blocage » des loyers à leur niveau actuel.

Analyse du dispositif proposé 

La mesure proposée ne comporte pas de coût direct pour la ville de Paris. 

Sa mise en œuvre se heurterait toutefois à d’importantes difficultés juridiques. L’article 140 de la loi ELAN fixe strictement le cadre dans lequel l’encadrement des loyers peut être réalisé. Ainsi, à Paris, à la demande de la ville, le préfet doit fixer chaque année un loyer de référence, un loyer de référence majoré (= loyer de référence augmenté de 20 %) et un loyer de référence minoré (= loyer de référence diminué de 30 %) par catégorie de logement et par zone géographique. La loi prévoit expressément que chaque loyer de référence est égal au loyer médian calculé à partir des niveaux de loyers constatés par l’OLAP selon les catégories de logements et les secteurs géographiques.    

L’état actuel du droit, qui pose le principe d’une fixation annuelle du loyer de référence par rapport au loyer médian, s’oppose donc à un « blocage » des loyers à leur niveau constaté en 2020. Par ailleurs, le dispositif introduit par la loi ELAN est expérimental, et arrive à échéance au 23 novembre 2023. Il est donc difficile de préjuger de l’état du droit à compter de cette date.

Si ces difficultés juridiques étaient surmontées, les effets d’un « blocage » des loyers pourraient être comparables à ceux de l’encadrement, quoique fortement amplifiés par la plus grande radicalité de la mesure. Ainsi, l’encadrement des loyers à Paris entre 2015 et 2017  à Paris a entraîné : 

  • un « resserrement des écarts » de loyer et une tendance à la baisse des emménagements au-dessus des plafonds. En conséquence, la hausse des loyers ne s’est élevée en 2016 qu’à 0,6 % et en 2017 qu’à  0,8 %, soit un niveau bien inférieur à celui constaté avant la mise en œuvre du dispositif. Réciproquement, les dépassements (virtuels) de plafond ont atteint 28 % des logements en 2018, année où le dispositif n’a pas été appliqué, soit une part supérieure à celle constatée pendant les trois années d’encadrement : 21 % en 2017, 23 % en 2016 et 26 % en 2015. ;

  • une « accentuation de l’érosion du parc locatif privé non meublé », résultant tant de l’annonce que de la mise en œuvre effective de l’encadrement des loyers. Ainsi, si la mesure de David Belliard était jugée crédible par les propriétaires, une baisse de l’offre de logements locatifs plus ample pourrait apparaître. Cette baisse de l’offre pourrait entrainer une augmentation du taux de vacance ou du nombre de logements mis en location saisonnière. 

Les détails pratiques (date retenue pour le blocage des loyers, possibilité de variations justifiées) de cette mesure n’ont pas été fournis par le candidat. Contrairement à l’encadrement actuel, qui autorise les propriétaires ayant réalisé des travaux d’amélioration à augmenter leur loyer, la proposition ne semble pas inclure une telle possibilité. A Paris, le taux d’effort d’entretien-amélioration (pourcentage de biens reloués après travaux) s’élève à 25 %, contre 13,3 % en moyenne nationale à fin 2018 d’après l’observatoire Clameur. Une mise en œuvre de cette mesure pourrait donc entrainer une dégradation de ce taux d’effort.

Sources