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21/09/2017

Santé : les grands chantiers de la rentrée

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Santé : les grands chantiers de la rentrée
 Angèle Malâtre-Lansac
Auteur
Déléguée générale de l'Alliance pour la santé mentale

 

Vaccins obligatoires, tiers payant généralisable, Levothyrox, paquets de cigarettes à 10 euros', la rentrée de la ministre de la Santé Agnès Buzyn s'annonce particulièrement chargée. Attendus par l'ensemble des acteurs de la santé, le dépôt du 1er PLFSS du quinquennat ainsi que le lancement de la concertation autour de la Stratégie nationale de santé ce mois-ci constituent des défis majeurs pour les nouvelles équipes. Cette première rentrée sera-t-elle celle des réformes structurelles et d'un tournant décisif vers la modernisation de notre système de santé ? Angèle Malâtre-Lansac, Directrice déléguée à la Santé à l'Institut Montaigne, répond à ces questions.

Interrogations autour du budget

Le 28 septembre prochain, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) sera présenté à l’Assemblée nationale qui disposera ensuite de 50 jours pour se prononcer. Le texte sera adopté définitivement avant la fin de l’année 2017. Le PLFSS, redéfini tous les ans, vise à maîtriser les dépenses sociales et de santé en fixant les conditions nécessaires d’équilibre financier de la Sécurité sociale et en déterminant des éléments clés tels que l’Ondam (Objectif national de dépenses d’assurance-maladie). Le nouveau budget de la sécurité sociale devrait également comporter des mesures relatives au Régime social des indépendants (RSI), au Régime étudiant de sécurité sociale (RESS) ainsi qu’à la promesse du "zéro reste à charge" pour l’optique, le dentaire et l’audioprothèse. Le premier PLFSS d’un quinquennat représente toujours un acte politique majeur. Sa structure sera révélatrice des priorités et de la vision du nouveau gouvernement en matière de santé. La promesse du Président de maintenir l’Ondam à 2,3 % par an pendant 5 ans répond à une volonté partagée des acteurs de la santé : avoir une vision pluriannuelle et favoriser le long terme plutôt que la politique du rabot. Restent toutefois de nombreuses interrogations sur le montant de cet Ondam pour l’an prochain : respectera-t-il le montant annoncé ? Quelles priorités seront mises en avant dans le PLFSS ? Comment l’objectif de prévention se traduira-t-il dans les chiffres ? Quelle place sera faite à la télémédecine ? à la médecine de ville ? à l’innovation ?

Investir dans l’innovation

Une autre interrogation réside autour du plan d’investissement de 5 milliards d’euros pour la modernisation du système de santé annoncé dans le programme de campagne. Ces 5 milliards d’euros seront-ils sanctuarisés ? Le risque est grand de voir cette somme disparaître dans l’Ondam alors qu’il est impératif d’éviter le saupoudrage et de faire de cet investissement un véritable levier de transformation du système. Pour cela, le Président et sa ministre doivent faire le pari de l’innovation. Le plan d’investissement pourrait initier un développement poussé des techniques numériques et un financement conséquent de la recherche.

Prévention : passer du discours aux actes

Autre grande promesse du quinquennat : développer une véritable politique de prévention. Agnès Buzyn a assuré lors du dernier congrès de l’URPS à la Baule le 12 septembre dernier sa volonté de regrouper dans un plan unique de prévention, les objectifs des 42 plans précédents de santé publique en matière de santé environnementale, de santé au travail ou de nutrition. La promotion de la prévention passera par l’implication des médecins généralistes et par des dispositifs s’éloignant d’une simple revalorisation de l’acte. Des mesures phares ont d’ores et déjà été annoncées telles que le passage de 3 à 11 vaccins obligatoires ou encore l’augmentation du prix du paquet de cigarettes. Selon l’OCDE, avec 2 % des dépenses de santé dédiées aux politiques de prévention en 2016 (pour une moyenne UE de 3 %), la France reste l’un des plus mauvais élèves en termes de prévention. De plus, la France multiplie les facteurs de risque avec 30 % d’adultes fumant quotidiennement, l’alcool classée comme deuxième cause de mortalité prématurée et 49 % des adultes considérés en surpoids ou obèses en 2015. Une véritable stratégie de prévention doit passer par des actions ciblées envers les populations cumulant les plus gros facteurs de risque : si le tabagisme a diminué entre 2010 et 2016 chez les populations à revenus élevés (23,5 % à 20,9 %), il a augmenté chez les personnes aux revenus appartenant à la tranche la plus basse (35,2 % à 37,5 %). Les études montrent qu’une politique de prévention généralisée ne fait qu’accentuer les inégalités (les catégories favorisées étant généralement plus sensibles aux campagnes de prévention) et risque de manquer ses principales cibles.

La qualité des soins : grande oubliée des débats ?

Autre enjeu, trop souvent oublié dans les grands plans de santé : celui de la mesure de la qualité des soins. En effet, c’est la recherche de la qualité qui doit guider l’ensemble des politiques de santé et permettre de mettre le système sous tension. Grâce à ses bases de données uniques au monde, la France a les moyens de mesurer la qualité de son système de santé comme des soins délivrés et de se doter d’indicateurs de performance clairs pour les patients comme pour les professionnels de santé. Encore reste-t-il à rendre l’accès à ces données plus fluide et simple pour en libérer pleinement le potentiel.


Pour aller plus loin :

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