Rétablir la police de proximité et supprimer les brigades anti-criminalité (BAC)
« Rétablir la police de proximité et démanteler les BAC (brigades anti-criminalité) et les BRAV-M (Brigades de répression des actions violentes motorisées) ».
Le candidat propose de rétablir la police de proximité en même temps que seraient supprimées les brigades anti-criminalité (BAC) et les brigades de répression des actions violentes motorisées (BRAV-M).
La police de proximité correspond à une doctrine des relations entre la police et la population fondée sur le dialogue avec les citoyens, au plus près du terrain. Le programme du candidat ne précise pas les contours de la nouvelle police de proximité proposée.
Les BAC sont des unités d’appui de la police nationale et de la préfecture de police de Paris chargées de lutter contre la délinquance et appuyer les autres services de police, le plus souvent en civil. Le ministère de l’Intérieur ne communique pas sur les effectifs des BAC, qui peuvent être estimés à près de 6 000. Crées en 2019 dans le contexte de la crise des « gilets jaunes », les BRAV-M sont des unités mobiles déployées, le plus souvent en moto, sur les manifestations. Les BRAV-M ne sont pas des unités pérennes, mais des binômes constitués ponctuellement avec des agents d’autres unités, dont les BAC.
Le chiffrage de cette proposition prend en compte, d’une part, l’impact budgétaire négatif de la création d’une police de proximité, soit 1,23 Md€ en année pleine uniquement en masse salariale. Ce coût est estimé par convention en se basant sur les effectifs de la police de proximité telle qu’elle existait en 2001, soit avec près de 20 000 adjoints de sécurité et leurs encadrants. Le chiffrage prend en compte, d’autre part, l’impact budgétaire positif de la suppression des BAC et des BRAV-M. Les économies générées par la suppression des BAC sont estimées à 408 M€ annuels, uniquement en masse salariale. Les BRAV-M n’étant pas des unités pérennes, leur suppression est fixée par convention à un coût nul.
Au total la proposition du candidat se traduirait par un impact budgétaire négatif de près de 830 M€ supplémentaires par an en année pleine, soit près de 4 % du budget du ministère de l’Intérieur (1).
La fiabilité de ce chiffrage reste limitée par le fait que les contours de la police de proximité ne sont pas précisés. De plus, les économies liées à la suppression des BAC sont théoriques car les agents concernés seront réaffectés à d’autres unités de la Police nationale.
Commentaire des équipes de campagne
Contactée l’équipe de campagne estime à 9 millions d’euros le coût du redéploiement de la BAC après formation, à 142 millions le coût de la police de proximité, et à 195 millions la formation et l’intégration de la police municipale au sein de la police de proximité. Cela représenterait ainsi un coût de 346 millions d’euros.
(1) Ministère de l’Intérieur, Chiffres-clefs du budget 2022, page 2. Le budget du ministère est de 20 860 Md€ en crédits de paiement au projet de loi de finances pour 2022.
La proposition peut être chiffrée en distinguant, d’une part, le coût lié au rétablissement de la police de proximité et, d’autre part, les économies liées à la suppression des BAC et des BRAV-M.
Rétablissement de la police de proximité
La proposition du candidat ne détaille pas les caractéristiques envisagées de la police de proximité, et en particulier le volume des effectifs à mobiliser. Pour les besoins du chiffrage, sont retenues les hypothèses qui avaient prévalu lors de la mise en place de la police de proximité entre 1998 et 2003 (2) : un objectif de 20 000 adjoints de sécurité (ADS) et un taux d’encadrement de un titulaire pour trois ADS. Une hypothèse de montée en puissance des recrutements est retenue :
Nombre d’agents | 2022 | 2023 | 2024 | 2025 | 2026 |
---|---|---|---|---|---|
Adjoints de sécurité | 500 | 2 000 | 8 000 | 16 000 | 20 000 |
Encadrement et application | 170 | 670 | 2 700 | 5 300 | 6 700 |
Total | 670 | 2 670 | 10 700 | 21 300 | 26 700 |
Sur la base des données du projet de loi de finances pour 2022 (3), les coûts moyens chargés annuels, pensions comprises (4), de ces deux catégories de personnels, s’établissent comme suit :
- Adjoints de sécurité : 39 015 €
- Corps d’encadrement et d’application : 67 998 €
À partir de ces hypothèses, le coût de cette mesure peut être estimé comme suit :
M€ | 2022 | 2023 | 2024 | 2025 | 2026 |
---|---|---|---|---|---|
Adjoints de sécurité | 19,51 | 78,03 | 312,12 | 624,23 | 780,29 |
Encadrement et application | 11,56 | 45,56 | 183,60 | 360,39 | 455,59 |
Total | 31,07 | 123,59 | 495,71 | 984,63 | 1 235,88 |
Ainsi, au total, le rétablissement de la police de proximité aurait un coût de l’ordre de 2,87 Md€ sur le quinquennat, soit en moyenne 574 M€ par an en lissant ce coût sur cinq ans, ce qui représente près de 5,1 % du budget annuel de la Police nationale pour 2022 (5), et 1,23 Md€ par an en année pleine à compter de 2026.
Cette estimation constitue un plancher car elle part de l’hypothèse du recrutement d’ADS, agents contractuels moins coûteux pour les finances publiques que les gardiens de la paix, agents titulaires.
Suppression des BAC et des BRAV-M
Le ministère de l’Intérieur ne communique pas sur les effectifs des BAC. Les données disponibles font état de 5 200 agents sans compter les effectifs de la préfecture de police de Paris. Une estimation à 6 000 agents paraît ainsi réaliste (6).
Compte tenu d’un coût moyen chargé annuel, pensions comprises, des corps d’encadrement et d’application de 67 998€ (cf. supra), la masse salariale des BAC peut être estimée à près de 408 M€ annuels.
Les BRAV-M ne sont pas des brigades pérennes mais des binômes constitués ponctuellement avec des officiers de la BAC, des compagnies de sécurisation et d’intervention (CSI) notamment, mais aussi des gendarmes de la garde républicaine. La suppression de la BAC conduirait ainsi de facto à supprimer une partie des effectifs des BRAV-M. Les autres effectifs des BRAV-M sont rattachés à des unités qui resteront en activité. Par convention, la suppression des BRAV-M est donc associée à un coût nul.
Au total, la suppression des BAC et des BRAV-M emporterait une économie qui peut être estimée à près de 408 M€ annuels. Cette économie est néanmoins théorique dans la mesure où les agents des brigades supprimées seront affectés à de nouvelles fonctions au sein de la Police nationale.
Ces estimations sont cependant assez formelles : les agents des BAC sont des fonctionnaires qui ne peuvent être supprimés en tant que tels. Ils seraient donc réaffectés à d’autres missions – par exemple aux missions d’encadrement des adjoints de sécurité mentionnés ci-dessus (7).
Synthèse du chiffrage proposition
L’impact budgétaire agrégé du rétablissement d’une police de proximité et de la suppression des BAC et des BRAV-M doit être apprécié en considérant une année pleine de montée en puissance de la première mesure, soit :
En M€ | Impact budgétaire annuel |
---|---|
Suppression des BAC / BRAV-M | +407,99 |
Rétablissement d’une police de proximité | -1 235,88 |
Total | -827,89 |
Au total, la proposition du candidat se traduirait par un impact budgétaire positif de près de 830 M€ supplémentaires par an en année pleine.
Difficultés et aléas du chiffrage
- La fiabilité de ce chiffrage reste limitée par le fait que les contours de la police de proximité proposée ne sont pas précisés.
- Ce chiffrage ne prend pas en compte les dépenses de fonctionnement et d’investissement : il reste toutefois représentatif car les dépenses de personnel représentent près de 90 % du budget de la Police nationale (8).
- Il ne prend pas non plus en compte, s’agissant des restructurations de services liés à la suppression des BAC, les primes et indemnités auxquelles seront éligibles les agents concernés, en particulier si leur lieu d’activité s’en trouve modifié (10).
- Ces éléments conduisent à apprécier le chiffrage proposé comme moyennement fiable mais aussi comme un montant a minima.
- Enfin ce chiffrage intègre la contribution aux pensions, ce qui n’est pas nécessairement pris en compte dans les chiffrages du candidat et contribue à accroître son montant (de l’ordre de 10 % environ) ; la prise en compte de cette contribution permet d’apprécier le coût global de la mesure pour les finances publiques.
Historique de la mesure
La police de proximité a existé au sein de la Police nationale en France entre 1998 et 2003, sous le gouvernement Jospin. Elle a été supprimée en 2003 par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, au regard de résultats jugés insuffisants (10). Elle s’est par ailleurs heurtée à des difficultés internes : turn-over important des effectifs, difficultés de recrutement, encadrement insuffisant, formation insuffisante, etc (11). La mise en place de la « police de sécurité du quotidien » (PSQ) à partir de 2017 a pu évoquer le retour de la police de proximité, mais il s’agit en réalité d’une doctrine d’emploi visant à remettre l’usager au cœur de la réponse sécuritaire et non de la création d’une police spécifique.
Par ailleurs, les BAC et les BRAV-M n’ont pas été supprimées depuis leur création, respectivement en 1971 et 2019. Au contraire, les effectifs des BAC ont progressivement augmenté, ils étaient de l’ordre de 3 500 en 1999 à comparer avec près de 6 000 aujourd’hui.
Benchmark
La police de proximité correspond à une approche des relations entre la police et la population fondée sur une logique de dialogue avec les citoyens au plus près du terrain. Elle s’inspire de modèles étrangers, et notamment du »community policing » dont les principes ont émergé aux États-Unis dans les années 1970 (12), avant de se diffuser d’abord dans les pays anglo-saxons, puis dans quelques pays d’Europe continentale.
Mise en œuvre
La dissolution des BAC et des BRAV-M peut être réalisée par voie réglementaire sur décision du ministre de l’Intérieur. Des décisions individuelles de réaffection des agents devront être prises au cas par cas.
La création d’une police de proximité imposera par ailleurs d’abonder les crédits et le plafond d’emplois de la mission « Sécurités » rattachée au ministère de l’Intérieur. Des modifications législatives et réglementaires pourraient en outre être rendues nécessaires pour préciser le cadre d’emploi de la police de proximité, ses liens avec les polices municipales et les territoires qui en bénéficieront.
(2) Sénat, 22 novembre 2001, avis présenté au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale sur le projet de loi de finances pour 2002, n°92, page 19.
(3) Projet de loi de finances pour 2022, projets annuels de performance, programme 176, Police nationale, page 37. Ces coûts moyens correspondent à des coûts globaux (à différencier des coûts d’entrée et de sortie) et sont calculés à partir des dépenses de masse salariale constatées en 2020.
(4) Les données accessibles ne précisent pas le coût moyen des pensions comprises pour chaque catégorie d’agent, mais indiquent un coût moyen par équivalent temps plein travaillé (ETPT) du programme hors compte d’affectation spéciale (CAS) « Pensions » et CAS « Pensions » compris. Le ratio permettant de passer du premier au deuxième (de 1,48) est ainsi appliqué aux coûts globaux par catégorie d’agents pour obtenir ces données.
(5) Les crédits de paiement (CP) ouverts au titre du projet de loi de finances pour 2022 pour le programme 176 consacré à la Police nationale étaient de l’ordre de 11 153,50 M€.
(6) Informations du site internet police-nationale.net, reprises par Le Monde (4 mai 2019, CRS, gendarmes mobiles, BRAV… quelles sont les sept familles des forces de l’ordre ?) ; estimation par ailleurs proche du chiffrage évoqué par Jean-Luc Mélenchon de 7 000 agents dans les BAC.
(7) D’où, en particulier, le coût unitaire identique des agents pris en compte dans le chiffrage pour l’encadrement des adjoints de sécurité et les BAC.
(8) Projet de loi de finances pour 2022, projets annuels de performance, programme 176, Police nationale, Présentation des crédits par titre et catégorie, page 25. Plus précisément, les dépenses de personnel en crédits de paiement (CP) représentaient 91 % de l’ensemble des CP ouverts pour le programme 176.
(10) Sénat, 22 novembre 2001, ibid. ; Ministère de l’Intérieur, archives statistiques de la criminalité : le nombre de crimes délits a augmenté de 14 % entre 1998 et 2001 en France.
(11) Sénat, 22 novembre 2001, ibid., page 19.
(12) F. Bonnet, 2011, Les conceptions du community policing, Working Paper.
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