« Mettre en place une garantie universelle des loyers créant un filet de sécurité contre les impayés de loyers pour les locataires, comme pour les propriétaires ».
Concrètement, la garantie est un mécanisme de type assurantiel qui protège le propriétaire contre les impayés et les dégradations. L’inspection générale des finances (IGF) et le conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) avaient imaginé en 2013 un « scénario fondé sur un dispositif assurantiel unique associé à un mécanisme de réassurance publique » pour la mise en place d’un tel dispositif (1). Dans ce cadre, la commande passée à ces deux institutions d’audit était de créer un établissement public dont l’objet serait de recueillir les contributions des propriétaires (correspondant à un pourcentage des loyers perçus) et d’en faire bénéficier quelques-uns en fonction des impayés. Le candidat n’évoque pas cette possibilité.
Ce dispositif avait été prévu par la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) de 2014, mais n’a finalement pas été mis en œuvre en raison de l’opposition des assureurs qui craignaient de perdre leurs activités sur ce marché et des fortes incertitudes portant sur le coût global du dispositif dans un contexte d’incertitudes sur les manières de limiter l’aléa moral (2).
En fonction des hypothèses retenues, le coût de cette mesure pourrait être compris entre 1,8 Md€ et 2,7 Md€ par an, avec une hypothèse médiane à 2,3 Md€ (correspondant à un taux de sinistralité de 2,5 %), en retenant une acception véritablement universelle de cette garantie. Une telle conception revient à appliquer cette garantie à l’ensemble des loyers actuellement acquittés dans le parc social et sur le marché libre. Dit autrement, tous les baux conclus sur le territoire national auraient vocation à bénéficier de cette garantie universelle.
Impact macroéconomique / sur le pouvoir d’achat
Les effets économiques de la mesure seraient de plusieurs ordres : la mesure permettrait de faciliter l’inclusion sociale des personnes les plus défavorisées en leur facilitant un accès à un logement décent, de limiter les expulsions de personnes défavorisées et de sécuriser les propriétaires dans leur mise en location de leurs biens. Ce dernier point doit avoir pour effet d’encourager les propriétaires à mettre à la location leurs biens qui ne sont pas à ce stade destinés à la location. La mesure permettrait donc de rendre disponible à la location un nombre plus important de logement et conduirait donc à diminuer en moyenne les loyers. Cependant, il est vraisemblable que certains bailleurs répercutent à due concurrence sur le prix du loyer le coût de cette cotisation.
À l’inverse, une telle garantie peut conduire à des effets d’aubaine et notamment à des comportements opportunistes de la part des locataires (aléa moral) qui pourraient faire grimper le coût de la mesure. Les locataires pourraient ainsi être moins enclins à s’acquitter de leur loyer étant entendu qu’un mécanisme assurantiel pourrait se substituer à ces derniers, les exonérant de fait de leurs obligations vis-à-vis de leurs bailleurs. Certaines études montrent cependant que cet aléa moral pourrait cependant être en partie écarté (3), comme le montrerait aussi le rapport de l’IGF et du CGEDD précité.
(1) Cf. le résumé du rapport par la banque des territoires (le rapport n’ayant pas été rendu public).
(2) C’est-à-dire à limiter l’utilisation du dispositif en dépit de la connaissance par les locataires de la mise en place de ce dispositif.
(3) Rapport d’étude pour l’ONPES –Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale étude économétrique et qualitative sur le début du processus d’expulsion locative, février 2017.
Pour déterminer le coût de la mesure, il s’est agi dans un premier temps de déterminer le nombre de logements occupés par des locataires puis de calculer le produit des loyers versés par ces derniers.
En complément de ce qui précède, il faut préciser que le produit des loyers a été obtenu en retenant deux hypothèses distinctes. Dans le premier cas de figure, seules les dépenses de loyer entendues au sens strict ont été retenues (cf. tableau 1). Le produit des loyers atteint un peu plus de 78 Md€ Dans le second calcul, les charges ont été ajoutées aux loyers (cf. tableau 2°) pour un montant total de 91 Md€. Toutes les données utilisées proviennent du compte du logement 2020 du Ministère du logement.
Tableau 1 : Produit des loyers versés par l’ensemble des locataires (parc privé et secteur social, hors charges, en 2020)
Nombre de logements | Montant des loyers (par an et par logement) | Somme des loyers | |
Secteur libre | 7 488 000 | 7 151 | 53 546 688 000€ |
Secteur social | 5 338 000 | 4 652 | 24 832 376 000€ |
Total | 12 826 000 | Sans objet | 78 379 064 000€ |
Tableau 2 : Produit des loyers et des charges versés par l’ensemble des locataires (parc privé et secteur social en 2020)
Nombre de logements | Montant des loyers (par an et par logement) | Somme des loyers | |
Secteur libre | 7 488 000 | 8 078 | 60 488 064 000€ |
Secteur social | 5 338 000 | 5 750 | 30 693 500 000€ |
Total | 12 826 000 | Sans objet | 91 181 564 000€ |
Une fois le produit des loyers connu, il a fallu déterminer le taux de « risque » pour les bailleurs ou « taux de sinistralité ». Sans qu’il soit possible de le quantifier précisément, celui-ci est généralement fixé entre 1 % et 3 %.
Ce taux de cotisation correspond peu ou prou au « taux de sinistralité » généralement admis. Dans leur rapport de 2013, l’IGF et le CGEDD retenaient un taux de 1,8 % dans leur scénario central et ce taux apparaît en ligne avec les différentes estimations disponibles : en particulier, le « taux d’impayés » (4) donnant lieu à un contentieux judiciaire était de 1,2 % en 2017 (5), mais ceux-ci correspondent probablement aux contentieux les plus lourds uniquement. Par ailleurs, d’autres estimations tournent plutôt autour de 3 % de taux de sinistralité (6). De son côté, l’évaluation préalable du projet de loi ALUR a pris : « comme hypothèse principale que la sinistralité sur l’ensemble du parc locatif privé s’établirait autour de 2,5 %« .
En l’absence de précisions de la part de Jean-Luc Mélenchon, il a été considéré que la mise en place de cette garantie universelle se traduirait par un financement à la seule charge de l’État, celle-ci s’apparentant à un mécanisme d’assurance publique. Il est par ailleurs fait l’hypothèse que les recouvrements de loyers impayés couvriraient en moyenne les frais administratifs de gestion (7).
Selon les hypothèses retenues (8), le coût pour les finances publiques pourrait être fixé entre 1,8 Md€ et 2,7 Md€ par an, avec une hypothèse médiane à 2,3 Md€ (cf. tableau 4 ci-dessous).
Tableau 3 : Coût de la garantie universelle des loyers (assiette de la garantie limitée aux seuls loyers, en base 2020)
1,0% | 2,0% | 2,5% | 3,0% | 4,0% | |
Total | 783 790 640€ | 1 576 581 280€ | 1 959 476 600€ | 2 351 371 920€ | 3 135 162 560€ |
Tableau 4 : Coût de la garantie universelle des loyers (incluant les charges, en base 2020)
1,0% | 2,0% | 2,5% | 3,0% | 4,0% | |
Total | 911 815 640€ | 1 823 631 280€ | 2 279 539 100€ | 2 735 446 920€ | 3 647 262 560€ |
Historique de la mesure
La garantie universelle des loyers (GUL) a été instituée par la loi dite ALUR adoptée en 2014 mais n’a jamais été véritablement mise en place, notamment en raison de son coût potentiel. Le dispositif a été formellement supprimé dès l’année suivante pour être remplacé par la « garantie Visale » dont la portée est plus limitée. Cette dernière s’adresse ainsi à un nombre resserré de bénéficiaires, principalement composé de jeunes actifs âgés de 18 à 30 ans. Il s’agit d’une caution accordée au locataire par Action logement. Lorsque le locataire ne parvient pas à payer son loyer ou ses charges, Action Logement avance les sommes au propriétaire. Action logement se fait ensuite rembourser par le locataire.
Il est à noter enfin que lorsque le législateur a voté la garantie universelle à la faveur de la loi « ALUR », il avait également prévu la création d’une « Agence de la garantie universelle des loyers ». Celle-ci était chargée de mettre en œuvre et d’administrer la garantie universelle mais n’a jamais vu le jour, la GUL ayant été supprimée préalablement à son installation.
Mise en œuvre
Cette mesure peut être mise en œuvre par voie législative.
(4) « le scénario central s’établit à 569,5 millions, sur la base d’un taux de sinistralité de 1,8 %, sur un loyer moyen de 606 euros, un taux de recouvrement de 49,40 % et une durée moyenne d’impayés de 8,2 mois ». Le Figaro.
(5) 146 865 demandes d’expulsion pour impayés en 2017 (source : Les contentieux liés au logement, Infostat-Justice n° 167 de mars 2019) / 12543,8 millions de logements en 2017 (source : comptes du logement 2020 précité) = 1,2 %.
(6) Cf. notamment rapport IGF à partir de données ENL 2013-2014 : page 123 du rapport d’évaluation de politique publique relatif au logement locatif meublé, de janvier 2016 ou encore la FNAIM à partir d’une enquête de l’ANIL.
(7) L’évaluation préalable du projet de loi ALUR mentionne notamment que : « Elle se base également sur un loyer moyen à 650€ (charges quittancées), une durée des sinistres de 8 mois en moyenne, des coûts de gestion de 862€ par dossier et un taux de recouvrement de 7,5 %« . Les coûts de gestion représentent donc de l’ordre d’un mois de loyer. L’hypothèse réalisée ici est que les recouvrements sur les loyers impayés compenseraient en moyenne les frais de gestion. L’hypothèse retenue par l’évaluation préalable est que les impayés, lorsqu’ils sont portés à la connaissance de ce mécanisme de garantie, représentent un peu plus d’un an de loyers, ce qui paraît cohérent avec les données sur les contentieux portés devant la justice (cf. infra).
(8) Il est en particulier pris en compte ici que la garantie prendrait en compte les charges annexes aux loyers.