Construire 200 000 logements publics par an pendant cinq ans soumis aux normes écologiques les plus ambitieuses
« Construire 200 000 logements par an pendant cinq ans soumis aux normes écologiques les plus ambitieuses ».
Selon les informations disponibles à la date de la rédaction de la présente fiche, la mesure proposée par Jean-Luc Mélenchon consiste en la construction de 200 000 logements « publics » par an au cours du prochain quinquennat soit un million en cinq ans. Ces logements devront en outre respecter les normes environnementales de référence afin de limiter autant que faire se peut leur impact sur l’environnement.
Pour chiffrer la mesure proposée par Jean-Luc Mélenchon, deux hypothèses ont été posées. D’une part, il a été considéré que la notion de « logement public » correspondait à celle de logement social. D’autre part, la référence aux « normes écologiques les plus ambitieuses » a été assimilée à l’application du cadre issu de la réglementation dite « RE2020 » entrée en vigueur le 1er janvier 2022. Cette dernière, instituée par la loi ELAN (1), correspond au niveau d’exigence le plus élevé en la matière et s’impose désormais aux acteurs du secteur. Dans le champ de la construction, la RE2020 entend ainsi diminuer l’impact carbone de l’acte de construire. Elle ambitionne également de réduire la consommation énergétique des bâtiments neufs tout en recourant prioritairement à une énergie décarbonée (2).
En fonction des hypothèses retenues, la construction de 200 000 logements soumis aux plus hauts standards énergétiques induirait un besoin de financement compris entre 32,7 Md€ et 37,8 Md€ par an. Cependant en tenant compte du rythme de construction annuel des bailleurs sociaux (65 000 logements en moyenne chaque année), ce sont 135 000 unités supplémentaires qu’il faudrait réaliser. En net, le besoin de financement serait ainsi compris entre 22,1 et 25,5 Md€ annuels. En pratique, les subventions publiques représentent de l’ordre de 8 à 9 % du coût total des logements, le reste correspondant soit à des prêts (publics ou privés, pour un peu plus de 75 %), soit à des investissements sur fonds propres de la part des organismes gestionnaires (15 %). Au total, le coût pour les administrations publiques pourrait représenter de 1,9 Md€ à 2,3 Md€ par an.
Impact macroéconomique / sur le pouvoir d’achat
Si la construction de ces 200 000 logements par an doit permettre de réduire la facture énergétique des ménages, les économies attendues en termes de pouvoir d’achat ne sont pas chiffrables.
(1) Loi n°2018-1021 du 23 novembre 2021 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.
(2) Pour une présentation de la « RE2020 », l’on pourra consulter le dossier de presse mis en ligne par le Gouvernement le 18 février 2021 consultable à cette adresse.
La mesure proposée par Jean-Luc Mélenchon se singularise d’abord par l’effort de construction qu’elle implique. Il convient en effet de souligner que notre pays produit en moyenne seulement 65 000 logements sociaux par an soit trois fois moins que ce qui est requis pour mettre en œuvre la proposition de Jean-Luc Mélenchon (cf. figure 1). Le premier défi est d’abord celui de la capacité du secteur du bâtiment et des pouvoirs publics à absorber un tel rythme de construction.
Figure 1 : Nombre de logements sociaux construits en France entre 2011 et 2020
Année | Nombre de logement sociaux construits |
2011 | 66 668 |
2012 | 65 437 |
2013 | 59 659 |
2014 | 67 719 |
2015 | 71 448 |
2016 | 68 412 |
2017 | 62 964 |
2018 | 63 203 |
2019 | 59 068 |
2020 | 52 585 |
Source : Ministère de la transition écologique
Au-delà de l’effort de construction considérable qui résulterait de la mesure proposée par Jean-Luc Mélenchon les sommes qu’il faudrait mobiliser pour y parvenir sont tout aussi importantes. En retenant l’hypothèse que le coût de construction d’un logement social s’établit en moyenne entre 156 000 € selon la Caisse des dépôts et Consignations (CDC) et 172 000 € selon le Ministère de la transition écologique (MTE) (3), et en considérant que l’application des normes environnementales majore ce coût de 5 à 10 % (4), ce sont entre 32,7 et 37,8 Md€ qu’il faudrait financer chaque année (cf. tableau 1) (5).
Tableau 1 : Estimation du coût de la construction de 200 000 logements par an soumis aux normes environnementales les plus élevées (RE2020)
Coût d’un logement (CDC) | Coût d’un logement (MTE) | Montant du surcoût lié à la prise en compte des normes environnementales de référence (RE2020) | Coût d’un logement respectant les normes environnementales de référence (RE2020) – CDC | Coût d’un logement respectant les normes environnementales de référence (RE2020) – MTE | Coût annuel pour 200 000 logements – CDC | Coût annuel pour 200 000 logements – MTE |
156 000,00 € | 172 000,00 € | 5 % | 163 800,00 € | 180 600,00 € | 32 760 000 000,00 € | 36 120 000 000, 00 € |
156 000,00 € | 172 000,00 € | 8 % | 168 480,00 € | 185 760,00 € | 33 696 000 000,00 € | 37 152 000 000,00 € |
156 000,00 € | 172 000,00 € | 10 % | 171 600,00 € | 189 200,00 € | 34 320 000 000,00 € | 37 840 000 000,00 € |
En tenant compte de l’effort de construction déjà réalisé (65 000 logements), le besoin de financement net diminue en conséquence et atteindrait donc une fourchette allant de 22,1 Md€ à 25,5 Md€ par an (= 32,8 x (200 000 – 65 000) / 200 000) à = 37,8 x (200 000 – 65 000) / 200 000) ).
Le financement de ces sommes n’incomberait pas uniquement à l’État. En effet, les logements sociaux sont principalement financés par :
- L’État (essentiellement via des aides fiscales) ;
- Les collectivités territoriales ;
- Action logement (le 1 % logement versé par les employeurs) ;
- Le bailleur lui-même sur ses fonds propres ;
- À titre principal, la Caisse des dépôts et consignations : c’est elle qui octroie les prêts à très long terme en s’adossant sur les dépôts de l’épargne populaire comme le livret A. Les prêts sur 30 ou 70 ans constituent près de 75 % du financement du logement social en France.
En pratique, les subventions publiques (État, collectivités locales, Action logement, etc.) représentent de l’ordre de 8 à 9 % du coût total des logements, le reste correspondant soit à des prêts (publics ou privés, pour un peu plus de 75 %), soit à des investissements sur fonds propres de la part des organismes gestionnaires (15 %).
Au total, le coût pour les administrations publiques serait donc de de 1,9 Md€ à environ 2,3 Md€ par an (6).
Ce chiffrage est entouré de trois grands aléas :
- Un premier aléa pour les finances publiques concerne l’impact sur la recette de TVA : si les logements sociaux supplémentaires sont construits au détriment de logements soumis à un taux plein, l’impact serait négatif pour les recettes publiques (jusqu’à – 350 M€ si c’était le cas pour tous les projets) ; à l’inverse, s’il s’agit de constructions additionnelles, l’impact pourrait être positif (jusqu’à + 350 M€) ; en pratique, cela dépend des conditions locales du marché du logement ainsi que des capacités d’activité des entreprises de logement ;
- Un deuxième aléa renvoie aux moyens supplémentaires qui devraient être mobilisés pour atteindre les objectifs annoncés, les dispositifs en vigueur s’avérant insuffisants. La construction de logements sociaux dépend notamment de l’équilibre général des opérations compte tenu, pour le bailleur, des prévisions de recettes – c’est-à-dire les loyers – et de dépenses qui évoluent de manière différente au cours de la vie du projet. L’État pourrait ainsi être amené à prendre en charge une part des fonds propres nécessaires à la construction des logements supplémentaires, sur un montant total de l’ordre de 2 Md€.
- Un troisième aléa renvoie aux coûts de construction, le chiffrage se basant sur ceux constatés en 2019 pour des logements sociaux. Le chiffrage ne prend pas en compte la possible augmentation des coûts de construction dans le contexte de la crise géopolitique actuelle. Il ne prend pas non plus en compte l’effet d’éviction de la mesure sur d’autres programmes de construction.
(3) Caisse des dépôts et cf. point 8.1 du bilan du logement social 2020 (=2 644 €/m² x 65 m²) ; le bilan social 2019 présente un chiffre de 159 400€ (=2 571 €/m² x 62 m²).
(4) Le coût réel de cette mesure sur le prix des logements n’est pas encore connu. Selon les sources, il varierait de 5 % à 10 %. Sur ce point, voir par exemple le dossier de presse du Ministère de la transition écologique cité précédemment, page 15 ainsi que le rapport d’information fait au nom de la commission des affaires économiques sur l’impact de la réglementation environnementale 2020 (RE 2020), 10 mars 2021, p.9.
(5) Il s’agit ici d’une estimation simplifiée, non actualisée, et qui ne tient pas compte d’une hausse des autres postes de coût (matières premières, main d’œuvre, etc.).
(6) Le coût de l’application de la norme RE2020 sur les 65 000 logements déjà construits chaque année n’est pas pris en compte en ce qu’il apparaît marginal pour la puissance publique (de 45 M€ à 100 M€ par an) que l’on obtient de la manière suivante : hypothèse 1 : (163 800-156 000)*65 000 = 507 M€ auxquels on applique un taux de subvention publique de 9% d’où un coût de 45,6 M€. Hypothèse 2 : (189 200-172 000)*65 000 = 1,118 Md€ soit 100,6 M€.