Créer une garantie d'emploi au Smic pour les chômeurs de longue durée dans un secteur d'urgence
« Le gouvernement propose une loi qui ajoute aux missions du service public de l’emploi de fournir un emploi utile à tout·e chômeur·se de longue durée, financé par l’État et cohérent avec ses qualifications, son parcours professionnel et ses souhaits. [Dans chaque territoire, un projet local d’emploi est adopté. Il est mis en œuvre au travers de] la création d’organisations à but d’emploi, sous forme d’associations, coopératives ou entreprises, qui embauchent les chômeurs de longue durée. Les emplois sont à temps choisi de 20 à 35 heures, sans mobilité contrainte et rémunérés au moins au Smic ».
Le coût de la mesure dépend principalement de 3 facteurs :
- Des dépenses nécessaires pour assurer la création et le fonctionnement des organisations à but d’emploi ;
- Des économies et recettes générées en permettant aux bénéficiaires de la garantie d’emploi de reprendre une activité ;
- Du nombre de « personnes durablement privées d’emploi » qui décident de recourir à ce dispositif.
L’expérimentation des territoires zéro chômeurs de longue durée (TZCLD) permet de disposer d’une évaluation fiable de la dépense budgétaire requise par personne employée (25000 euros par an – dont 87 % est à la charge de l’État et 13 % est supporté par les départements) et une estimation, réalisée par l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale des affaires sociales (avec l’aide de la DARES), des gains de recettes publiques (impôts, cotisation) ou des économies (allocation chômage, RSA) par personne employée (4600 euros par an).
Cette expérimentation nous permet également de constater un taux de recours à la garantie d’emploi par les personnes durablement privées d’emploi dans les TZCLD. En reportant ce taux sur l’ensemble des personnes durablement privées d’emploi (individus inscrits à Pôle emploi dans les catégories A,B ou C depuis plus d’un an et allocataires du RSA non-inscrits chez Pôle emploi) on peut estimer le nombre potentiel de bénéficiaires du dispositif en cas de généralisation : 700 000 personnes (retenu dans notre scénario médian). L’incertitude sur ce nombre de bénéficiaires potentiels étant forte, nous le faisons varier dans les scénarios bas et haut de plus ou moins 300 000 personnes.
Commentaire de l’équipe de campagne
Contactée, l’équipe de campagne du candidat estime que le coût moyen retenu dans le chiffrage de l’Institut Montaigne est « une hypothèse haute, d’autres estimations plus basses et sérieuses existent (TZCLD, Grandguillaume)« . Le bilan intermédiaire de 2019 de TZCLD aboutit, d’après l’équipe de campagne, à 15 000 euros de recettes et économies individualisantes par personne, 18 000 en prenant en compte les coûts évités.
L’Institut Montaigne maintient son chiffrage.
Impact macroéconomique / sur le pouvoir d’achat
La garantie d’emploi bénéficierait à des ménages très modestes, susceptibles de consommer l’essentiel des sommes attribuées, ce qui procurerait un soutien à la consommation et à l’activité à court terme, mais creuserait le déficit commercial. Elle devrait contribuer à réduire les inégalités et la pauvreté, en augmentant le revenu des demandeurs d’emploi les plus modestes.
En offrant un emploi à des demandeurs d’emploi de longue durée, la mesure contribuerait, au moins durant la période où ces personnes bénéficieraient du dispositif, à diminuer le nombre de chômeurs.
L’impact macroéconomique à moyen et long-terme dépendrait de la capacité du dispositif à insérer durablement les personnes dans le marché du travail. Si la mesure parvenait à réduire le taux de chômage structurel de manière durable, elle contribuerait à augmenter la richesse produite dans le pays tout en réduisant durablement les inégalités et la pauvreté.
Le financement de la mesure, qui représente un coût budgétaire important, peut selon les modalités choisies affecter l’activité économique et réduire pour partie ses bénéfices.
La mesure est une généralisation du dispositif expérimental territoire zéro chômeur de longue durée. Nous allons donc nous appuyer sur les travaux d’évaluation de ce dispositif pour en identifier les conséquences budgétaires.
Les dépenses supplémentaires
Le dispositif TZCLD attribue une subvention, la Contribution au développement de l’emploi, aux entreprises à but d’emploi. Elle est fixée à 22 500 € par ETP soit 25 000 euros par personne par an en janvier 2022 (117,3 % du SMIC brut). Cette contribution est financée à 87 % par l’État et à 13 % par les départements. Ces derniers disposent en effet de compétences dans le domaine de la solidarité et de l’insertion. On fait l’hypothèse que ce mode de financement est conservé.
Les économies réalisées
En permettant le retour de certains publics vers l’emploi, la garantie d’emploi doit permettre de réduire certaines dépenses d’intervention (indemnisation chômage, etc.). La mission d’évaluation de l’Inspection générale des finances (IGF) et de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) estime que les gains directs pour les finances publiques (économies et recettes directes ou individualisables) s’élève à 4600 euros par personne et par an (1) :
- 2 800 euros par personne et par an d’économies directes en prestations sociales et chômage ;
- 1 800 euros par personne et par an de recettes directes en divers impôts et taxes.
Le nombre de bénéficiaires de la garantie d’emploi
La garantie d’emploi cible les « personnes durablement privées d’emploi« . Il s’agit d’une catégorie ad hoc qui se distingue des chômeurs de longue durée tels que calculés par l’INSEE. Les travaux de l’association chargée de l’expérimentation TZCLD soulignent ainsi la diversité des situations, la privation pouvant être totale, partielle ou intermittente (2). Il s’agit avant tout des personnes inscrites à Pôle emploi depuis plus d’un an, y compris ceux qui ne sont pas chômeurs au sens du BIT puisqu’ils ont exercé une activité au cours du dernier mois, ainsi que les allocataires du revenu de solidarité active.
Les dix territoires concernés par l’expérimentation comprennent 58 908 habitants dont 4324 personnes durablement privées d’emploi au 30 juin 2018 (3) (4) . Puisque 812 personnes sont employées dans les 13 entreprises à but d’emploi (EBE), cela signifie que 19 % des bénéficiaires potentiels font recours au dispositif.
Au niveau national, on dénombre 2 650 000 inscrits dans les catégories A,B et C depuis un an ou plus. À cela s’ajoutent 1 900 000 bénéficiaires du revenu de solidarité active. Afin d’éviter les doubles comptes, on soustrait les 840 000 allocataires du RSA inscrits à Pôle emploi (5). Soit un total de 3 710 000 personnes durablement privées d’emploi.
Si le taux de recours constaté dans les TZCLD était reproduit au niveau national, on aurait donc environ 700 000 bénéficiaires de la garantie d’emploi. Il s’agira de notre hypothèse médiane. En effet, le nombre de bénéficiaires en cas de généralisation du dispositif est entouré d’une certaine incertitude. Certains facteurs pouvant conduire à une réduction du taux de recours par rapport à celui constaté dans les TZCLD (il y a pu avoir un biais de sélection en faveur de territoires dans lesquels les acteurs de l’économie sociale et solidaire sont dynamiques) et d’autres, au contraire, à un recours plus important (la généralisation de la mesure, et son portage gouvernemental, donnant un plus fort écho au dispositif). Dans l’hypothèse basse, seules 400 000 personnes sont employées par les associations à but d’emploi contre 1 000 000 dans l’hypothèse haute.
Conjoncture et structure
À court-terme, le nombre de bénéficiaires du dispositif sera amené à évoluer en fonction de la conjoncture économique : lorsque la situation du marché du travail s’améliore, le nombre de chômeurs de longue durée et d’allocataires du RSA diminue spontanément ce qui réduit le recours au dispositif et son coût.
À plus long terme, le coût de la garantie d’emploi va dépendre de son impact sur le chômage structurel. Si le dispositif permettait d’accroître durablement l’employabilité des personnes qui en auront bénéficié, il devrait réduire le nombre de personnes durablement privées d’emploi et voir son coût se réduire progressivement.
Calcul sur les périmètre administrations publiques (APU)
Les données dont nous disposons nous permettent de répartir les nouvelles dépenses entre APU (87 % État et 13 % pour les départements) mais ce n’est pas le cas des recettes et moindres dépenses. Or celles-ci peuvent concerner les organismes de sécurité sociale (moindre versement d’allocations chômage, augmentation des recettes de prélèvements sociaux), les collectivités territoriales (moindre versement de RSA) ou l’État (augmentation de certaines ressources fiscales). Le coût de la mesure sera donc estimé sur le champ des administrations publiques.
Estimation basse | Estimation médiane | Estimation haute | |
Dépense par ETP | 25 000 euros | 25 000 euros | 25 000 euros |
Recette et moindre dépense par ETP | 4 600 euros | 4 600 euros | 4 600 euros |
Population | 400 000 | 700 000 | 1 000 000 |
Impact sur les finances publiques | 8,2 milliards | 14,3 milliards | 20,4 milliards |
Historique de la mesure
Cette mesure vise à généraliser l’expérimentation « Territoire zéro chômeur de longue durée » à l’ensemble du territoire national. Cette expérimentation est prévue par la loi n° 2016-231 du 29 février 2016 (6). Concernant tout d’abord 10 territoires, elle a été prolongée et étendue à 50 nouveaux territoires par la loi n° 2020-1577 du 14 décembre 2020 (7).
Cette expérimentation prévoit :
- La création d’un comité local pour l’emploi dans chaque territoire ;
- L’identification des besoins emplois (qui ne doivent pas remplacer les emplois privés ou publics) ;
- La création d’entreprises à but d’emploi (EBE) ;
- L’apport de subventions par le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée.
L’échelle de l’expérimentation reste réduite, avec un peu plus de 800 personnes employées dans les 13 EBE en activité à la fin 2020 (8).
Benchmark
En Argentine, le programme Jefas de Hogar (« chef de famille ») a été introduit au lendemain de la crise de 2001 pour assurer un revenu à toutes les familles avec un ou des enfants de moins de 18 ans à charge. Le décret du gouvernement national 565/2002 sur le droit à l’inclusion familiale prévoit un soutien financier de 150 dollars par mois en échange d’un engagement à travailler ou à suivre une formation. Le travail se fait au profit de projets développés par les collectivités locales ou des associations. Ce programme a concerné jusqu’à 2 millions de personnes (pour un coût s’élevant à 1 % du PIB) avant que la reprise économique ne réduise le nombre de bénéficiaires (9).
En Inde, le gouvernement Singh fait adopter en 2005 une loi sur la garantie nationale de l’emploi rural. Tout adulte pauvre qui en fait la demande doit se voir proposer un emploi sous 15 jours, dans la limite de 100 jours de travail rémunéré par an. Les travaux à effectuer sont développés par des réunions de village, en lien avec les collectivités locales. À noter que, malgré ses effets bénéfiques en matière de lutte contre la pauvreté, la Banque mondiale estimait en 2014 que ce programme se montre moins efficient qu’un revenu de base (10).
Aux États-Unis, une résolution a été déposée par la représentante Ayanna Presley en février 2021 pour créer une garantie d’emploi (11), démontrant un intérêt de la gauche du parti démocrate pour ce dispositif.
Mise en œuvre
La proposition nécessite l’adoption d’une loi. Le groupe la France Insoumise a déjà déposé une proposition en ce sens en mars 2021 (12).
Cette proposition de loi prévoit que la déclinaison du dispositif au niveau de chaque territoire se fasse au travers :
- De la création au sein de chaque agence de Pôle emploi d’un comité des partenaires composé de représentants des usagers, des services de Pôle emploi, des collectivités territoriales, d’associations, des partenaires sociaux et d’associations ;
- Une association à but d’emploi est créée (les membres du comité des partenaires constituent son conseil d’administration) et elle embauche les bénéficiaires de la garantie d’emploi.
Ces bénéficiaires de la garantie d’emploi sont les « personnes durablement privées d’emploi« . L’expérimentation territoires zéro chômeur de longue durée montre que plusieurs situations se rencontrent (chômage de longue durée, absence d’emploi stable, horaires partiels contraints, etc.). Il s’agit en premier lieu des catégories A,B et C de longue durée ainsi que les récipiendaires du revenu de solidarité active.
Les personnes durablement privées d’emploi se voient reconnaître un droit opposable à l’emploi. Les associations à but d’emploi devront donc leur proposer un contrat d’un an, renouvelable 2 fois, d’une durée hebdomadaire comprise entre 20 heures et 35 heures et payé au moins au SMIC.
(1) Inspection générale des finances et Inspection générale des affaires sociales, L’évaluation économique de l’expérimentation visant à résorber le chômage de longue durée (ETCLD), octobre 2019.
(2) Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée, La privation durable d’emploi.
(3) Inspection générale des finances et Inspection générale des affaires sociales, L’évaluation économique de l’expérimentation visant à résorber le chômage de longue durée (ETCLD), octobre 2019.
(4) Rapport intermédiaire du comité scientifique, Expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée, 2019.
(5) DARES, Les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA)
(6) Loi n° 2016-231 du 29 février 2016.
(7) Loi n° 2020-1577 du 14 décembre 2020.
(8) Fonds d’expérimentation contre le chômage de longue durée, Bilan final de la 1re étape expérimentale : Un pas supplémentaire pour le droit à l’emploi.
(9) Daniel Kostzer, Argentina: A Case Study on the Plan Jefes y Jefas de Hogar Desocupados, or the Employment Road to Economic Recovery, The Levy Economics Institute of Bard College, Working Paper No. 534.
(10) Rinku Murgai, Martin Ravallion et Dominique van de Walle, Is Workfare Cost-Effective against Poverty in a Poor Labor-Surplus Economy?, World Bank Policy Research Working Paper 6673.
(11) H.Res.145 – Recognizing the duty of the Federal Government to create a Federal job guarantee.
(12) Proposition de loi établissant la garantie d’emploi par l’État employeur en dernier ressort, 2021.
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