« Mettre en place des politiques positives de développement durable. […] Lancer un grand plan de dépollution des sols ».
Chiffrage de l’Institut Montaigne : 150 M€ de coût sur le quinquennat (dont 30 M€ pour la Caisse des dépôts et la SNCF)
Le candidat propose un grand plan de dépollution des sols, sans plus de précisions sur les contours de celui-ci. Ce plan pourrait s’articuler autour de plusieurs axes identifiés par un rapport du Sénat de 2020 :
- Un achèvement du recensement des sites pollués et une amélioration de l’information du public, notamment à travers un meilleur inventaire et diagnostic des établissements sensibles (écoles) construits à proximité (50 M€ sur 5 ans, pour reconduire l’effort précédent) mais aussi une amélioration des bases de données et des diagnostics sur l’ensemble des sites (25 M€ sur 5 ans).
- Le renforcement des responsabilités et obligations des exploitants de sites industriels, l’harmonisation de différents régimes juridiques pour rendre les dispositifs plus efficaces et l’amélioration de la protection des sols et de la surveillance.
- L’accroissement des moyens d’inspection, après la chute du nombre de contrôles effectués depuis le milieu des années 2000, et la suppression de tâches administratives chronophages. Le recrutement d’inspecteurs additionnels pourrait représenter une dépense supplémentaire de 10,5 M€ sur 5 ans.
- Le soutien accru à la reconversion des friches polluées, en particulier les friches peu attractives ou orphelines. Face au succès rencontré par certains fonds d’investissement parapublics ces dernières années, il pourrait être décidé d’amplifier le dispositif pour un coût de 20 M€ de la Caisse des dépôts tandis que la SNCF pourrait augmenter son effort à hauteur de 10 M€ sur 5 ans. Un fonds de dépollution pourrait aussi être mis en place pour les opérations prioritaires. Le rapport du Sénat estimait les besoins à 75 M€ dont 35 à 40 M€ de moyens nouveaux, provenant de hausses de taxes sur les activités polluantes (15 M€) et de contributions budgétaires de l’État (20-25 M€). Ceci pourrait être complété par des incitations fiscales dont bénéficieraient les aménageurs sur les droits de mutation, la taxe d’aménagement ou la taxe foncière.
Impact macroéconomique / sur le pouvoir d’achat
À court-moyen terme, cette mesure aurait potentiellement un impact macroéconomique positif en augmentant le foncier disponible pour de nouveaux aménagements (logements, bâtiments publics, infrastructures de transport, nouvelles activités économiques) tout en préservant le patrimoine naturel du pays.
Une hausse des obligations et des contrôles pour les industriels en matière de pollution des sols est toutefois susceptible de désinciter certains investissements sur le territoire national. De même, un financement du plan à travers la hausse de certaines taxes pourrait peser sur l’activité économique, tout en permettant d’amoindrir le coût pour les finances publiques.
À l’inverse, le secteur du bâtiment et les sociétés spécialisées dans le traitement des déchets et la dépollution pourraient bénéficier de cette mesure qui stimulerait leur activité.
En l’absence de précisions supplémentaires sur d’éventuels dispositifs incitatifs ou coercitifs, l’impact macroéconomique serait relativement faible.
Un site pollué par une activité actuelle ou ancienne, souvent industrielle, présente un risque pour la santé humaine et l’environnement. Cette pollution peut être causée par des retombées atmosphériques, des accidents de manutention ou transport, de mauvaises conditions de stockage ou un traitement des effluents non approprié.
Le candidat propose un grand plan de dépollution des sols, sans fournir pour l’heure plus de détails sur les modalités et les contours de ce plan (fonds de soutien, nouvelles obligations juridiques, intervention des pouvoirs publics, recensement, etc.). À défaut de cela, le rapport de la commission d’enquête du Sénat (1) sur les pollutions industrielles et minières permet d’identifier plusieurs axes que pourrait prendre ce plan.
Recensement des sites pollués
Les sols pollués sont recensés depuis le début des années 1990 à travers plusieurs bases de données dont Basol, qui ne recensait en 2020 que 7200 sites où une pollution est avérée, sur un total de 320 000 anciens sites d’activités industrielles ou de services et 3 000 anciens sites miniers. Cependant, cette base de données est par construction incomplète, et l’ampleur de la pollution des sols est donc difficile à appréhender tant dans son étendue que sa nature.
Un premier axe du plan serait ainsi d’améliorer le recensement des sites et l’information du public : actualisation régulière des bases de données, obligation d’information par l’exploitant, accessibilité de l’information au public, cartographie, recensement des établissements sensibles (écoles notamment) bâtis à proximité. Sur la base des exercices précédents et des besoins existants, le rapport estime qu’une enveloppe de 50 M€ permettrait de mener à bien l’inventaire et le diagnostic des établissements sensibles restants. Ceci n’inclut toutefois pas l’effort financier pour améliorer les bases de données et les diagnostics sur l’ensemble des sites, ce qui implique des investissements en ressources humaines et moyens informatiques conséquents. Ainsi, pour le BRGM (2), le suivi des impacts miniers et industriels sur le sol et le sous-sol représentait 10,4 M€ en 2020 (3). Compte tenu de l’effort attendu, une hausse de 50 % de l’enveloppe sur le quinquennat représenterait un coût pour les finances publiques de 25 M€ environ sur 5 ans.
Renforcement des responsabilités des exploitants, de la protection des sols et de la surveillance
Des évolutions législatives et réglementaires viendraient harmoniser les différents codes et réglementations en la matière, mais aussi renforcer la protection des sols et la prévention des risques tant au niveau européen que national, sans incidence budgétaire pour l’État.
Renforcement de l’inspection et du contrôle
Le rapport du Sénat souligne la diminution du nombre de contrôles des installations classées protection de l’environnement (ICPE) de 25 121 en 2003 à 18 196 en 2018, alors que le nombre d’inspecteurs a augmenté de 20 %. Le gouvernement actuel s’était engagé à augmenter de 50 % le nombre d’inspections et à recruter 50 inspecteurs, tandis que le rapport appelle à renforcer le rôle des DREAL (4). Le recrutement additionnel de 50 inspecteurs au sein des DREAL pourrait représenter une dépense additionnelle de 10,5 M€ sur 5 ans, à raison d’une rémunération de 3 500€ bruts, cotisations incluses, pour l’État.
Accroissement de la reconversion des friches
La dépollution est obligatoire et incombe à l’exploitant d’un site industriel en cas de cessation d’activité ou de pollution accidentelle, ainsi qu’aux promoteurs et aménageurs urbains. Plusieurs situations sont à distinguer :
- L’intervention des collectivités locales du fait de leur détention de friches, de leur compétence en matière d’école ou de logement ou bien de nouveaux projets d’aménagements. Elles s’appuient sur les établissements publics fonciers locaux qui dépensent en moyenne 10 millions d’euros par an en reconversion de friches.
- L’intervention du secteur privé ou d’entreprises publiques. La société d’investissement Brownfields est un acteur majeur de ce secteur. Son fonds Brownfields 3 a ainsi levé 250 M€ auprès de la Banque européenne d’investissement, du Fonds de réserve pour les retraites et de la Caisse des Dépôts (40 M€). La SNCF investit quant à elle 4 à 5 M€ par an dans la dépollution de ses espaces. En considérant que l’on augmente l’effort de 50 %, cela supposerait un investissement additionnel de 20 M€ de la CDC et de 10 M€ de la SNCF sur 5 ans.
- L’intervention de l’État en cas de défaillance ou de danger pour la santé et l’environnement, 4 % des sites étant considérés comme orphelins. 221 sites font l’objet d’un traitement par l’Ademe pour budget associé de 17,3 M€, bien que l’action soit concentrée sur la mise en sécurité (243 M€ dépensés en 10 ans) plutôt que sur la réhabilitation et la dépollution (43 M€, soit 2 à 3 M€ par an pour 3 à 5 sites). 80 sites restent en attente toutefois. À cela s’ajoute le suivi des anciens sites miniers par le BRGM qui dépense entre 2 et 8 M€ par an pour la mise en sécurité et la réhabilitation. Au total, 32 M€ par an sont dépensés entre l’Ademe et le BRGM pour ces actions de dépollution.
Un fonds de dépollution pourrait être mis en place pour mener les opérations prioritaires et soutenir les sites non-orphelins afin d’apporter une garantie financière. Le rapport du Sénat estime que cela représenterait un effort additionnel de 35-40 M€, en complément des 32 M€ actuellement dépenses par l’Ademe et le BRGM, pour constituer un fonds total de 75 M€. Si le rapport propose une hausse de la taxe générale sur les activités polluantes (15 M€), le candidat n’a pas indiqué qu’il souhaitait financer un tel plan avec une hausse d’impôts, ce qui amène à considérer qu’une dotation budgétaire de l’État assumera cet effort de 35-40 M€.
À cela pourraient également s’ajouter des incitations fiscales pour les aménageurs, ciblées sur les droits de mutation, la taxe d’aménagement ou la taxe foncière.
Recensement des sites pollués | 50 M€ + 25 M€ |
Renforcement des responsabilités des exploitants, de la protection des sols et de la surveillance | 0 € |
Renforcement de l’inspection et du contrôle | 10,5 M€ |
Accroissement de la reconversion des friches | 20 M€ + 10 M€ + 35-40 M€ |
TOTAL | 150 – 155 M€ |
Historique de la mesure
L’arsenal juridique français et européen a été construit progressivement en matière de dépollution des sols :
- Le Grenelle de l’environnement en 2007 a toutefois relancé la réflexion sur la gestion des sites « orphelins » et renforcé l’action publique dans la gestion de ces sites (inventaires, plan de réhabilitation de 61 stations-services fermées et de sites orphelins) ;
- La loi ALUR en 2014 a renforcé l’action en la matière avec de nouvelles obligations légales et la création du statut de tiers demandeur pour permettre la substitution entre opérateurs et faciliter les réhabilitations.
L’explosion d’AZF avait par ailleurs donné un coup d’accélérateur aux efforts de recensement des sites, aux inspections menées sur les ICPE ainsi qu’aux travaux de réhabilitation de sites pollués.
Benchmark
Plusieurs exemples de fonds de soutien à la dépollution des sols existent à l’international (5). Les États-Unis ont ainsi mis en place le Superfund depuis les années 1980 sous la responsabilité de l’agence fédérale de protection de l’environnement, qui dispose aujourd’hui d’un budget d’environ 750 millions de dollars pour financer la dépollution de sites jugés prioritaires. La Nouvelle-Calédonie a également mis en place un « Fonds Nickel » financé par les redevances et taxes acquittées par les titulaires de concessions et qui a permis d’entamer la réhabilitation de 40 sites pour un budget de 11 millions d’euros.
Des incitations fiscales ont aussi été mises en place aux États-Unis afin d’améliorer la rentabilité de certains projets, 300 millions de dollars de dépenses fiscales ayant permis d’avoir un effet de levier sur 3,4 milliards de dollars d’investissements privés.
Mise en œuvre
Une telle mesure implique de passer par un projet de loi de finances afin d’inscrire ces dépenses nouvelles, de créer d’éventuelles dépenses fiscales et de mettre en place le nouveau fonds de dépollution sous l’égide de l’Ademe.
(1) Pollutions industrielles et minières des sols : assumer ses responsabilités, réparer les erreurs du passé et penser durablement l’avenir – Rapport d’information n°700, Sénat.
(2) Bureau de recherches géologiques et minières
(3) Comptes 2020, un redressement significatif | BRGM – Rapport d’activité 2020.
(4) Directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement.
(5) Pollutions industrielles et minières des sols : assumer ses responsabilités, réparer les erreurs du passé et penser durablement l’avenir – Rapport d’information n°700, Sénat.
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