Créer une bourse de 10 000 euros par naissance dans les zones rurales
« Instituer une bourse de 10 000 euros pour toute naissance dans une commune rurale ».
Éric Zemmour propose de verser une bourse de 10 000 € aux familles de nationalité française donnant naissance à un enfant dans une zone rurale, telle que définie par l’Insee.
Le candidat ne précise pas publiquement les conditions de versement de cette bourse, notamment la prise en compte du seul lieu de naissance ou du lieu de résidence fiscale des ménages. Selon les estimations de l’Institut Montaigne, 214 220 ménages résidant dans les zones rurales pourraient bénéficier de la mesure chaque année, correspondant à 29 % des naissances en France.
Cette proposition devrait avoir un coût sur l’ensemble du quinquennat d’environ 10,7 Md€, soit 2,1 Md€ par an. Si la mesure parvenait à soutenir la natalité, par exemple avec une croissance de 2 % par an du nombre d’enfants en zone rurale, la mesure coûterait 2,4 Md€ à l’horizon 2027.
Cette mesure nécessitera de définir l’organisme distributeur, a priori les caisses d’allocations familiales, ainsi que l’élément déclencheur et le circuit administratif pour ce faire.
Commentaire de l’équipe de campagne
Contactée, l’équipe de campagne a précisé à l’Institut Montaigne certaines modalités liées à la proposition du candidat. La bourse sera ainsi « versée en 3 fois, sur 3 ans, à condition que le foyer réside toujours en territoire rural« . Par ailleurs, « l’enfant doit être né dans un foyer domicilié dans une commune rurale (au sens de l’Insee 2021) depuis au moins 2 ans« .
Concernant le chiffrage, la définition des territoires ruraux retenue par l’équipe de campagne du candidat est celle retenue par l’Insee en 2021 : l’ensemble des communes peu denses ou très peu denses d’après une grille de densité communale. Ils réunissent 88 % des communes en France et 33 % de la population. L’équipe de campagne obtient le même coût que l’Institut Montaigne en année pleine, mais comptabilise toutefois « un retour de TVA de 0,2 Md€ en année pleine soit un coût net de la mesure de 1,9 Md€ (0,6 Md€ en 2023 et 1,2 Md€ en 2024)« . L’Institut Montaigne ne retient pas, dans ces chiffrages, de retours indirects.
Sur la constitutionnalité de la mesure, l’équipe de campagne du candidat précise que le Conseil constitutionnel reconnaît que des situations différentes justifient un traitement différent. Elle estime « avoir soigneusement objectivé la situation différente dans laquelle sont les familles rurales, dont la natalité baisse deux fois plus que celle des villes« . À l’instar d’autres mesures, précise l’équipe de campagne, « celle-ci sera inscrite, si nécessaire, dans le référendum que nous prévoyons d’organiser dès 2022 pour adopter plusieurs mesures susceptibles d’être censurées par le Conseil constitutionnel« .
Impact macroéconomique
Approche | Court terme | Long terme |
Effet positif | Améliorer le pouvoir d’achat des ménages ruraux | Poursuivre un objectif nataliste pour repeupler les territoires ruraux |
Effet négatif | Coût pour les finances publiques | – |
Éric Zemmour propose de verser une bourse de 10 000 € aux ménages donnant naissance à un enfant dans un territoire rural au sens de l’Insee, de telle sorte à constituer une prime à la natalité.
La définition du rural, réformée par l’Insee en 2020, désigne l’ensemble des communes peu denses ou très peu denses d’après la grille communale de densité. Les territoires ruraux réunissent dès lors 88 % des communes en France, soit 30 775 communes, et 32,8 % de la population en 2017, soit 22,2 millions de Français.
D’après les statistiques démographiques de l’Insee, le taux de fécondité diffère selon le niveau de densité de la population. Dans les zones peu peuplées, qui peuvent être qualifiées de rurales, le taux de fécondité correspond à 1,77 enfant par femme en 2016 contre 2,0 enfants par femme pour les zones davantage peuplées.
Dès lors, sur un nombre de naissances annuelles de 738 000 en 2021, il peut être considéré que les ménages ruraux donnent naissance à 29 % des nouveau-nés, soit 214 220 naissances.
En considérant que le nombre de naissances devrait a minima se stabiliser sur le quinquennat grâce à cette prime de natalité, le nombre de ménages ruraux donnant naissance à un enfant devrait correspondre à 29 % du nombre annuel de nouvelles naissances. Le coût annuel de cette mesure s’élèverait à 2,1 Md€, soit un coût cumulé sur l’ensemble du quinquennat de 10,7 Md€ en mesures nouvelles :
2023 | 2024 | 2025 | 2026 | 2027 | Total | ||
Nombre annuel de naissances | Nouvelles naissances | 738 000 | 738 000 | 738 000 | 738 000 | 738 000 | 3 690 000 |
Naissances dans un territoire rural | 214 220 | 214 220 | 214 220 | 214 220 | 214 220 | 1 071 100 | |
Coût annuel | Coût unitaire (en €) | 10 000 | 10 000 | 10 000 | 10 000 | 10 000 | – |
Coût total (en M€) | 2 142 | 2 142 | 2 142 | 2 142 | 2 142 | 10 711 |
Source : Institut Montaigne
L’estimation présentée dans cette fiche est une mesure des coûts cumulés sur l’ensemble du quinquennat et peut varier en fonction de la taille croissante ou non des foyers.
L’estimation ainsi effectuée est une estimation médiane en considérant que le nombre de naissances va rester stable.
Si la prime à la natalité parvient à augmenter le nombre de naissances dans les territoires ruraux, le rythme de croissance annuel des naissances pourrait être de 2 % par exemple. Avec cette hypothèse, le coût total de la mesure progresserait donc au cours des années à venir pour s’établir à 2,4 Md€ en 2027. Inversement, si en dépit de la mesure, la natalité baissait de 2 % par an, le coût de la mesure s’établirait à 1,9 Md€ en 2027.
Le chiffrage réalisé se fonde sur des hypothèses démographiques qui ne prennent pas en compte d’éventuelles hausses ou baisses de natalité, avec un pourcentage de naissances rurales approximé. Il est également considéré, en absence de précisions publiques du candidat, que le versement de la bourse est unitaire et n’est pas étalonné dans le temps.
Cette mesure nécessitera plusieurs précisions, notamment la définition de l’organisme distributeur, a priori les caisses d’allocations familiales, de l’élément déclencheur, a priori l’inscription de l’enfant né à l’état civil, des conditions d’accès à la bourse, a priori la résidence fiscale du ménage inscrite dans un territoire rural au sens de l’Insee, de la procédure administrative pour obtenir la bourse, du mode de versement, etc…
Historique de la mesure
Le repeuplement des espaces ruraux a commencé en 1975, alors que leur population avait diminué entre 1968 et 1975. Sous l’impulsion d’un solde migratoire positif compensant un solde naturel négatif, la population des territoires ruraux a augmenté de près de 1 % par an entre 1975 et 1982, puis de 0,7 % entre 1982 et 1990, et enfin de 0,5 % entre 1990 et 1999. Le taux de croissance de la population avait par la suite de nouveau redémarré pour atteindre 1,3 % en 2005, soit trois fois plus que pour les communes urbaines.
Sur la période 1999-2015, plus de 80 % des communes rurales ont une croissance positive. Toutefois, dans le détail, ce chiffre baisse à 60 % sur la période 2010-2015. Le solde migratoire s’est en effet amoindri pour trois raisons principales : les changements économiques et monétaires en Europe avec une baisse d’arrivées de retraités britanniques, les effets des réformes des retraites en France et les politiques publiques défavorables aux territoires ruraux.
De plus, certaines communes rurales sont en baisse absolue et régulière depuis 1975 et se caractérisent par un éloignement conséquent des zones urbaines et périurbaines. Ces communes se situent principalement dans le Massif central, le Morvan, en Bretagne ou en Normandie.
Dès lors, les politiques publiques se sont de nouveau concentrées sur le levier migratoire visant à renforcer l’attractivité des territoires ruraux. La mission Agenda rural de 2019, suivie de 181 mesures pour les territoires ruraux et de l’instauration d’un comité interministériel de pilotage dédié aux ruralités en 2020, ont eu pour effet de numériser les zones rurales, de densifier le maillage des maisons de soins ou d’augmenter le réseau des maisons France Services.
Le levier nataliste proposé par Éric Zemmour viendrait compléter les leviers migratoires déjà existants.
Benchmark
Selon Eurostat, en 2015, 28 % de la population de l’Union européenne vivait en zone rurale, 32 % dans les villes et banlieues et 40 % dans les grandes villes. Entre 2010 et 2015, le nombre de personnes vivant en zone rurale dans l’UE s’est progressivement accru, la part relative de ces personnes dans la population totale augmentant de 1,7 point de pourcentage. Les Européens, en quête de plus d’espace quittent les zones du centre des grandes villes pour les banlieues, les villes moins peuplées ou la campagne. Le solde naturel reste cependant essentiellement négatif à travers les régions rurales européennes.
Les États membres se distinguent grandement les uns des autres : la Lituanie était le seul pays dans lequel une majorité (56 %) de la population vivait en zone rurale en 2015 alors que la population en zone rurale dans plusieurs des États membres les plus peuplés de l’Union européenne, notamment l’Allemagne (22 %), l’Italie (19 %), la Belgique (18 %) et les Pays-Bas (15 %), se situe en dessous de la moyenne.
Un pacte rural au niveau de l’Union européenne a été annoncé en juin 2021 pour faire des espaces ruraux européens des régions plus fortes, connectées, résilientes et prospères. Les leviers se situent donc davantage dans l’attractivité économique et sociale de ces territoires afin d’engranger des mouvements de population, plutôt que dans des leviers natalistes visant à compenser le solde naturel.
Mise en œuvre
Le candidat envisage une mise en vigueur du dispositif dès l’été 2022, ne précisant toutefois pas la méthode employée.
La mesure comporte des risques juridiques de légalité.
En effet, si à première vue, la mesure entraîne une rupture d’égalité entre les citoyens des villes et des campagnes, seuls des critères suffisamment objectifs seront retenus par le juge constitutionnel pour démontrer que la mesure a pour objectif de résorber un déséquilibre démographique territorial.
La restriction de la bourse aux seuls ménages de nationalité française pose également un risque de rupture d’égalité. En effet, en 1980, Jacques Chirac, alors maire de Paris, souhaitait créer une allocation supplémentaire de naissance aux Parisiens, conditionnée à la nationalité française, mais le Conseil d’État avait retoqué cette mesure sous motif qu’une allocation de solidarité venant compenser des charges similaires pour les Français et les étrangers doit pouvoir être allouée aux deux populations. Dès lors, la proposition d’Éric Zemmour pourrait être considérée de manière analogue par le juge, et donc être retoquée.
Supprimer la loi Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU)
Privilégier les circuits courts en augmentant la part des produits locaux dans la restauration collective
Interdire l'installation de centres commerciaux et zones industrielles à l'entrée des villes
Accélérer le déploiement de la 4G et de l’Internet à haut débit sur tout le territoire
Basculer les aides et subventions des politiques de la Ville vers les zones rurales