Renforcer la présence des forces de l'ordre sur la voie publique : créer 200 brigades de gendarmerie en milieu rural et doubler le nombre de policiers sur le terrain d’ici 2029
Le chef de l’État souhaite « doubler les policiers sur le terrain d’ici à 2030 »
« On va créer 200 brigades de gendarmerie en milieu rural qui pourront prendre la forme de nouveaux types d’implantations avec des expérimentations qui vont être lancées dans plusieurs départements »
Le candidat a annoncé un ensemble de mesures sur le thème de la sécurité en janvier dernier, en amont du dépôt au parlement du projet de loi de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI) pour 2023-27 en mars 2022. Parmi celles-ci, le candidat a notamment fait part de sa volonté de doubler le nombre de policiers sur le terrain d’ici 2030 et de créer 200 brigades de gendarmes en milieu rural.
Cette mesure répond au constat d’une moindre présence des forces de l’ordre sur la voie publique, malgré des recrutements en hausse : en 2020, seuls 37 % des heures des policiers y ont été consacrées, une proportion qui a de surcroît baissé au cours de la dernière décennie selon la Cour des comptes.
L’augmentation conséquente des effectifs que représenterait la mesure serait partiellement réalisée grâce à un redéploiement de policiers actuellement en poste, 6 500 selon le candidat, ainsi que grâce aux 10 000 recrutements effectués depuis 2017. Il resterait toutefois 39 000 recrutements de policiers à réaliser d’ici 2030 pour atteindre l’objectif voulu ainsi que 1 200 à 8 000 gendarmes, selon la taille des brigades, variable.
Au total, on estime que la mesure représenterait, dans un scénario médian, un surplus de dépenses publiques de 2 Md€ à l’horizon 2027. Ce coût pourrait être renchéri si un programme immobilier était nécessaire pour accueillir ces effectifs supplémentaires des forces de l’ordre.
Impact macroéconomique
En l’absence de ressources supplémentaires, les dépenses supplémentaires sont susceptibles d’accroître le déficit de l’État français ou de nécessiter des réductions sur d’autres pôles de dépenses.
Cependant un renforcement de la présence policière pourrait bénéficier au développement économique de certaines zones, rendues moins attractives par leur relative insécurité.
La mesure proposée par le candidat comporte deux volets principaux : le doublement des effectifs de police sur le terrain et créer 200 brigades de gendarmes. Il est fait l’hypothèse que ces deux volets de la mesure se cumulent.
Doubler les effectifs de police sur le terrain
Dans un rapport récent, la Cour des Comptes a estimé que les policiers passent en moyenne 37 % de leurs heures travaillées sur le terrain. Ce chiffre s’élève à 58 % pour les gendarmes. On peut ainsi estimer que l’équivalent temps plein travaillé (ETPT) de 55 000 policiers est passé sur la voie publique chaque année (voir Tableau 1).
Doubler les effectifs sur le terrain reviendrait donc à ajouter 55 000 ETPT supplémentaires. Afin d’estimer les recrutements nécessaires pour atteindre cet objectif il convient de retrancher les 6 500 policiers (ou gendarmes) qui pourraient être « redéployés » sur le terrain à la suite de la réorganisation stratégique envisagée par le candidat, ainsi que les 10 000 recrutements effectués depuis 2017, sur lesquels ce dernier compte également.
On arrive ainsi à un besoin de 39 000 recrutements de policiers supplémentaires, d’ici 2030.
Tableau 1
Budget police + gendarmerie (2022, Md€) | 20,9 | |
Dépenses de personnel en % du total | 82 % | |
Effectifs totaux police + gendarmerie | 250 000 | |
dont police | 150 000 | |
dont gendarmes | 100 000 | |
Cout annuel moyen d’un fonctionnaire (€) | 68 552 | |
Présence sur le terrain | ||
Effectifs de la police sur le terrain | 55 500 | |
Policiers mobilisables via redéploiement | 6 500 | |
Recrutements faits depuis 2017 | 10 000 | |
Nombre de recrutements restant à faire | 39 000 |
En 2022, 82 % du budget annuel de la police et de la gendarmerie (20,9 Md€) sont employés aux dépenses de personnel, selon le Sénat. Ces dernières s’élèvent donc à 68 552€ par an par fonctionnaire en moyenne, sur les deux corps. Ce coût moyen implique que la rémunération par agent public retenue inclut les cotisations employeurs, mais prend aussi en compte une certaine expérience professionnelle. Ce choix de ne pas retenir la rémunération des policiers ou des gendarmes débutants tient à l’indication du candidat de redéployer une partie des effectifs existants à ces missions (voir précédemment). Pour les policiers (ou gendarmes) qui seraient recrutés, la rémunération mensuelle serait plus basse mais il conviendrait d’y ajouter le coût de formation (durant de quelques mois à quelques années selon le grade), pour un total comparable au coût annuel moyen d’un policier ou d’un gendarme en milieu de carrière.
En faisant l’hypothèse que les recrutements soient étalés progressivement sur la période 2023-2030, on obtient un surcoût annuel de 1,7 Md€ à l’horizon 2027 et de 2,6 Md€ à l’horizon 2030, une fois tous les nouveaux postes ouverts. Ces dépenses progressives représentent un surcoût cumulé de 5,2 Md€ sur le prochain quinquennat 2027 et de 12 Md€ d’ici 2030.
Tableau 2
Année | % des recrutements nécessaires effectués | Surcoût annuel |
2023 | 15 % | 401 029 200 |
2024 | 27 % | 721 852 560 |
2025 | 39 % | 1 042 675 920 |
2026 | 51 % | 1 363 499 280 |
2027 | 63 % | 1 684 322 640 |
2028 | 75 % | 2 005 146 000 |
2029 | 87 % | 2 325 969 360 |
2030 | 99 % | 2 646 792 720 |
Cumul (2023-27) | 5 213 379 600 | |
Cumul (2023-30) | 12 191 287 680 |
Créer 200 brigades rurales de gendarmes
La taille d’une brigade de gendarmes varie entre 6 et 40 hommes. On fait ici l’hypothèse que les 200 brigades souhaitées sont recrutées de façon progressive sur l’ensemble de la période à un rythme constant (20 % des effectifs ajoutés par an). On applique le même coût annuel moyen par gendarme que celui exposé précédemment.
En fonction de la taille de la brigade, le surcoût de la mesure varie ainsi entre 247 M€ en cumulé sur cinq ans (la durée de la prochaine loi de programmation) dans un scénario bas et 1,6 Md€ dans un scénario élevé avec 946 M€ dans un scénario médian. À l’horizon 2027, le coût de la mesure serait compris entre 80 et 550 M€, pour un montant médian de 315 M€.
Tableau 3
Surcoût annuel avec recrutement progressif et à rythme constant | |||||||
Taille de la brigade (nb d’hommes) | Coût annuel de 200 brigades (en millions d’€) | 2023 | 2024 | 2025 | 2026 | 2027 | Surcoût cumulé (2023-27) en millions d’€ |
6 | 82 | 16 | 33 | 49 | 66 | 82 | 247 |
23 | 315 | 63 | 126 | 189 | 252 | 315 | 946 |
40 | 548 | 110 | 219 | 329 | 439 | 548 | 1 645 |
Total
En additionnant le coût des deux mesures, on obtient donc au total à l’horizon 2027, trois estimations du surcoût de la mesure (haute, médiane, basse) de 1,8 Md€, 2,0 Md€ et 2,2 Md€ respectivement. Ce surcoût arrondi tient compte des dépenses d’équipement des forces (de l’ordre de 1 000€ par agent), mais exclut les éventuelles créations de bâtiments pour accueillir ces forces de police et de gendarmerie complémentaire.
Historique de la mesure
Au cours du dernier quinquennat (2017-2022), dix mille postes ont été créés dans les forces de l’ordre.
Benchmark international
En terme de dépenses publiques allouées au financement des forces de l’ordres, la France se situe dans la moyenne européenne avec 1 % de son PIB attribué aux forces de l’ordre en 2020, selon Eurostat.
Tableau 4
Dépenses annuelles sur la police en % du PIB | |
Union Européenne | 1 |
Allemagne | 0,8 |
Espagne | 1,3 |
France | 1 |
Italie | 1,2 |
Suède | 0,7 |
Mise en œuvre
Au-delà des dispositions législatives qu’il conviendra de prendre pour augmenter le budget du ministère de l’intérieur, la mesure appellera des recrutements très significatifs au cours des prochaines années, supposant une adaptation des cursus de recrutement et de formation à ces métiers.
Créer 1 500 postes de cyberpatrouilleurs supplémentaires
Doubler la présence policière dans les transports
Recruter 8 500 magistrats et personnels de justice
Organiser des Etats généraux de la justice
Réformer le code de procédure pénale
Réinvestir dans un modèle complet d'armée et doubler le nombre de réservistes
Créer un organisme central pour lutter contre le trafic de drogue
Créer un site unique de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) à Saint-Ouen (1 Mds€ d'investissement)
Tripler l’amende pour harcèlement de rue (300 €)
Généraliser les amendes forfaitaires pour les délits sanctionnés par des peines inférieures à un an de prison
Créer une école de formation cyber pour lutter contre les attaques numériques
Doubler le nombre d’enquêteurs dédiés aux violences intrafamiliales sur 5 ans
Créer une "force d’action républicaine" pour les quartiers
Libérer les forces de l'ordre des tâches administratives (contrôles aux frontières, gestion des centres de rétention administrative)
Augmenter le budget du ministère de l’Intérieur de 15 milliards d’euros (+ 25 %) sur cinq ans (loi Lopmi)