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09/08/2023

For All Mankind : le progrès par les étoiles

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For All Mankind : le progrès par les étoiles
 Raphaël Tavanti-Geuzimian
Auteur
Chargé de projets - Économie

Faut-il porter son regard au ciel pour mieux comprendre le monde ? C’est en tout cas le sentiment que nous laisse For All Mankind, série originale Apple qui explore une histoire alternative de la course à l’espace, et nous embarque dans une aventure politique et technologique absolument édifiante. Raphaël Tavanti-Geuzimian analyse l’éclairage que peut nous apporter la série, à l’heure où l’espace fait son retour dans le jeu des puissances et que se préparent de nouvelles missions habitées vers la Lune. 

Retrouvez ici l'ensemble des articles du Monde au miroir des séries.

For All Mankind est une série originale diffusée par la plateforme AppleTV depuis 2019, et qui propose de revisiter la course à l’espace entre les États-Unis et l’Union soviétique selon une temporalité alternative. Le point de divergence initial, du reste remarquablement mis en scène, laisse le spectateur médusé découvrir Alexeï Leonov, cosmonaute soviétique, poser le pied sur le sol lunaire un soir de juin 1969, damant le pion à une Amérique naïve et trop sûre d’elle. La véritable histoire est connue de tous : le 21 juillet 1969, à l’acmé de la conquête spatiale, Neil Armstrong et Buzz Aldrin posent le module lunaire Eagle en Mer de la Tranquillité. Ils deviennent les premiers hommes à marcher sur notre satellite. La course entre l’URSS et les États-Unis, jusqu’alors vive et traversée par des épisodes marquants, s’éteint peu à peu, et bascule progressivement vers davantage de coopération. L’utilité sociale de la conquête spatiale est contestée, le consensus politique dont elle était investie s’effrite, et les montants qui lui sont consacrés diminuent. L’ultime mission du programme Apollo a lieu en décembre 1972 et Eugene Cernan, son commandant, demeure 50 ans après le dernier homme à avoir foulé le sol sélénite.

La course à l’espace se mue alors en une manifestation centrale de la Guerre Froide, et provoque entre ses principaux antagonistes une lutte de puissance et d’intelligence décomplexée.

Le point de divergence choisi par la série produit l’effet inverse. Humiliée, l’Amérique se lance dans une politique spatiale résolument volontariste, à laquelle l’Union Soviétique est tenue de s’adapter. La course à l’espace se mue alors en une manifestation centrale de la Guerre Froide, et provoque entre ses principaux antagonistes une lutte de puissance et d’intelligence décomplexée. Elle permet au spectateur d’entrevoir, selon une trame plutôt réaliste, ce qu’il aurait pu advenir de la conquête spatiale si les deux grands ne s’en étaient jamais désintéressés. 

Le scénario dévoile ainsi tour à tour des bases lunaires permanentes, des fusées que l’on propulse depuis les océans, les premiers engagements militaires spatiaux, jusqu’à l’exploration de Mars. Cette épopée alternative donne à voir une société parfois en avance sur la nôtre, marquée par exemple par la généralisation de la voiture électrique dans les années 1980, puis l’entrée d’une femme à la Maison Blanche dans les années 1990. 

Cette série, outre ses qualités d’écriture, de réalisation, et d’interprétation, nous fournit ainsi un cadre d’analyse prospective assez singulier. Bien que la Guerre Froide soit derrière nous et que la conquête spatiale d’hier n’ait plus grand chose à voir avec celle d’aujourd’hui, l’on ne peut s’empêcher de dresser des parallèles entre l’environnement actuel et celui de la série, alors que le programme Artemis prépare le retour des États-Unis sur la Lune en 2025, que la rivalité technoscientifique avec la Chine se durcit, et que l’espace s’arsenalise.

L’on ne peut s’empêcher de dresser des parallèles entre l’environnement actuel et celui de la série.

Au-delà, c’est une plongée remarquable de lucidité dans la société américaine de l’époque, avec ses obsessions, ses fractures, ses réussites. L’occasion de constater qu’une Histoire alternative permet parfois de réinterroger avec habileté les impensés de certains récits nationaux.

 
Penser l’Amérique sans le désengagement libéral des années 80

La première itinérance uchronique qu’il fait bon emprunter est celle du modèle économique qui vient s’adosser à la conquête spatiale. La série ne s’éternise certes pas sur les négociations budgétaires au Congrès, mais rappelle, de façon régulière, la conditionnalité du soutien politique aux financements des programmes spatiaux. Si les montants déployés dans la série ne sont pas précisés, on sait qu’ils ont atteint dans la réalité près de $257 milliards en valeur corrigée de l’inflation pour le seul programme Apollo. La politique spatiale des États-Unis jusqu’à 1975 peut dès lors, être envisagée comme une continuation de l’ère Rooseveltienne, qui débute avec le New Deal de 1933 et ses importants investissements publics. Cette prépondérance du Gouvernement fédéral sera renforcée par les besoins colossaux de la Seconde Guerre mondiale et poursuivie ensuite dans les années 50-60 selon des pesanteurs alors très keynésiennes. Le renversement intervient avec l’arrivée au pouvoir de Ronald Reagan en 1981. La révolution conservatrice vient en effet disputer la notion même de politique industrielle, à laquelle elle prête désormais des relents planificateurs, et s’emploie à replacer le marché au centre de la mécanique économique. Elle se superpose à l’arrêt des grands programmes spatiaux, même si les recherches liées à l’Initiative de Défense Stratégique participeront ultérieurement d’importantes retombées en astronautique. 

Il faut attendre l’arrivée au pouvoir de Joe Biden pour voir ce narratif effectivement contesté, auquel on attribue désormais les causes de la désindustrialisation américaine et les peines sociales qu’elle a pu faire naître. Cela s’est traduit par une nouvelle politique qui privilégie les investissements publics pour les phases d’amorçage des grands chantiers industriels. Cette stratégie de l’Administration Biden a donné naissance à trois lois massives : l’Infrastructure Investments and Jobs Acts ($1100 milliards en sortie de crise pandémique), le CHIPS and Science Act ($52 milliards pour les semi-conducteurs), et le récent Inflation Reduction Act ($370 milliards de crédits d’impôts et fonds en direction des technologies vertes). Les efforts de politique industrielle ne sont donc pas exhaustifs et se déploient de façon verticale auprès de secteurs clefs, ici le triple défi chinois, climatique, et social (voir l’analyse de Louis de Catheu pour la Fondation Jean Jaurès). 

For All Mankind montre qu’avant d’être scientifique, la conquête spatiale est d’abord une affaire politique. Si le scénario entretient assez habilement les thématiques du rêve et de la nouvelle frontière, il ne se départit toutefois pas du rapport de puissance qui la caractérise. Les liens entre le militaire et le spatial sont ainsi régulièrement placés au cœur de l’intrigue. Les impératifs de sécurité nationale viennent contraindre les destins des uns ou les visées scientifiques des autres. C’est sous cet angle que l’on peut rapprocher la dynamique économique à l'œuvre dans la série avec la nouvelle doctrine américaine de notre temps, articulée autour de l'antagonisme avec la Chine et du reste bien exposée par Brian Deese, directeur du Conseil Économique National de la Maison Blanche en octobre 2022.

Dans la série, les besoins colossaux du programme entraînent la mobilisation pleine et entière de l’État sur un large spectre, du décisionnel jusqu’à l’opérationnel. 

Dans la série, les besoins colossaux du programme entraînent la mobilisation pleine et entière de l’État sur un large spectre, du décisionnel jusqu’à l’opérationnel. Le système américain demeure résolument capitaliste, mais intervient auprès du secteur privé, en l'occurrence l’ensemble de l’industrie astronautique et de l’armement, de façon à préserver sa double avance technologique et militaire sur le reste du monde, principalement le bloc soviétique.

Il en est de même pour la nouvelle doctrine économique américaine de Joe Biden, qui voit s'intriquer des objectifs de sécurité nationale et des enjeux plus classiques de croissance, de profits, et de captation de parts de marché. Parmi les lois que nous avons citées plus haut, deux répondent à un effort de rattrapage technologique adossé à des enjeux de souveraineté particulièrement prégnants dans le jeu géopolitique actuel, à savoir les semi-conducteurs et les nouvelles industries vertes. Dans la série, l’enjeu de suprématie technologique, moteur de la course, n’est en effet jamais très loin.

S’agissant du spatial particulièrement, le nouveau modèle américain est venu répondre à une urgence : celle de recouvrir un accès autonome à l’orbite basse, perdu depuis 2011 et rendant les États-Unis tributaires des engins russes Soyouz. Cette situation, inimaginable quelques années auparavant, a poussé le Gouvernement fédéral à se tourner vers le secteur privé, en octroyant des subventions massives à des acteurs du NewSpace au premier rang desquels l’entreprise SpaceX et en dépassant très largement la logique de sous-traitance qui prévalait pendant la Guerre Froide (voir le rapport de l’Institut Montaigne de 2017). Dans la série, la logique est similaire : les activités spatiales demeurent de l'apanage des États jusqu’aux années 90, qui voient l’irruption d’acteurs privés. Pourtant, même à cet égard, le narratif de la série reste articulé autour de l’exploration humaine du système solaire, et ne bascule jamais vers le contrôle de l’information et des usages numériques par des infrastructures spatiales.

Des technologies au secours du monde ? 

Plus généralement, la série explore les innovations de rupture qui auraient pu naître d’une conquête spatiale soutenue dans le temps. Dans la réalité que nous connaissons, les programmes spatiaux, à commencer par Apollo, ont permis des avancées très importantes en matière de programmatique, de matériaux ou de médecine par exemple. 

La série part du principe, mécanique et intuitif quoique optimiste, que la prolongation et l’extension de la course à l’espace aurait ouvert des cycles de modernisation absolument majeurs. Ainsi, les batteries développées pour les rovers lunaires permettent une commercialisation de la voiture électrique dès le milieu des années 1980. Au même moment, deux ingénieurs américains mettent au point un réacteur à fusion nucléaire, sous l’effet d’une demande d’approvisionnement en énergie des structures spatiales.

La série part du principe, mécanique et intuitif quoique optimiste, que la prolongation et l’extension de la course à l’espace aurait ouvert des cycles de modernisation absolument majeurs. 

La technologie, rapidement mise à l’échelle, permet aux activités humaines de s’extraire des énergies fossiles, conséquence de quoi le réchauffement climatique ralentit dès les années 1989. S’il est difficile de présager avec certitude des retombées technologiques et scientifiques des futures missions habitées, le programme Artemis et l’environnement lunaire devraient fournir un cadre scientifique privilégié pour penser la durabilité des habitats, étudier de nouvelles méthodes de gestion des ressources en agronomie, et explorer de nouveaux horizons en robotique. Une façon de dépasser les vues qui ont tendance à dénoncer l’exploration spatiale comme un gaspillage de ressources financières et intellectuelles à l’aune de l’urgence climatique. 

Au-delà de leur aspect grisant, les technologies dépeintes par la série renseignent sur les mécaniques de l’innovation, des pénuries de compétences dont souffrent certaines de nos industries de pointe, comme le nucléaire en France, et nous rappelle que l’innovation ne suit pas une pente naturelle, qu’elle s’oriente et se provoque à force d’incitations et de volontarisme politique. Il est ainsi permis au spectateur de mieux se saisir des mécaniques de perte savoir-faire dans le spatial, que l’on ne constate que trop aisément à l’aune des retards accumulés par le programme Artemis

Dans For All Mankind, le vivier de compétences ne cesse de s’élargir et de s'aguerrir de décennies en décennies, grâce au renouvellement constant des savoirs, et à des exigences technologiques toujours plus importantes.

En l’absence de projets de recherche, les compétences peuvent se perdre, ce qui a été le cas de la NASA, bien en peine de rebâtir dans les temps impartis, un programme dont elle maîtrisait pourtant tous les aspects techniques et scientifiques il y a près de 50 ans. La tolérance au risque et les exigences de sécurité ne sont certes plus les mêmes, mais il a fallu réapprendre et réinventer sur un certain nombre de segments de la chaîne de valeur lunaire. Les déboires du lanceur lourd SLS (Space Launch System), dont le premier vol prévu pour 2017 a eu lieu en novembre 2022, et qui doit jouer un rôle phare dans les missions Artemis, furent à cet égard particulièrement éloquents. 

Dans For All Mankind, le vivier de compétences ne cesse de s’élargir et de s'aguerrir de décennies en décennies, grâce au renouvellement constant des savoirs, et à des exigences technologiques toujours plus importantes. Les innovations incrémentales qui en découlent permettent ainsi au spectateur de profiter du lanceur marin Sea Dragon, qui transporte jusqu’à 500 tonnes de charge utile, et de la première exploration de Mars en 1995. Si ces exploits appartiennent ici à la fiction, ils sont tirés de projets et de concepts bien réels mais qui n’ont jamais pu être investis par l'industrie astronautique américaine, car pensés pour des phases ultérieures de la conquête spatiale.

Ces innovations exercent un pouvoir de traction sur la croissance mondiale, si bien que l’URSS demeure intacte au moins jusqu’au début du XXIème siècle, et affiche même une économie "vigoureuse" dans les années 90. On peut à cet égard noter le narratif résolument positif qui entoure le contrefactuel de For All Mankind, romantique, idéalisé.

On peut à cet égard noter le narratif résolument positif qui entoure le contrefactuel de For All Mankind, romantique, idéalisé.

Dans la réalité, la capacité de l’URSS à soutenir financièrement pareil effort laisse sceptique. De la même manière, la poursuite de la conquête spatiale aurait sans doute sonné le glas d’autres programmes scientifiques non habités que nous connaissons (Voyager, Hubble, Venera, Cassini, JWST, pour ne citer qu’eux), au prix d’une exploration humaine de Mars. Les connaissances de l’Homme sur son univers s’en seraient trouvées sans doute moins développées.

La conquête spatiale comme moteur social

L’idée de progrès dans For All Mankind dépasse le seul domaine scientifique. Le narratif abîmé de la fin des années 60 et des années qui la suivent est réécrit et efface par exemple la Guerre du Vietnam, que l’effort financier consacré à la conquête spatiale empêche de mener. Les inégalités femmes-hommes empruntent, elles-aussi, une trajectoire différente. La série imagine en effet que les Soviétiques, quelques mois après avoir accompli l’exploit de poser un homme sur la Lune, répètent la prouesse en y envoyant la première femme. Une nouvelle fois coiffés au poteau, les États-Unis, sur instruction de Richard Nixon, lancent un ambitieux programme de féminisation de l’astronautique américaine, dont les principaux personnages sont librement inspirés des candidates du programme privé Mercury 13. Sous les exploits des astronautes américaines qui ne tardent pas non plus à fouler le sol lunaire, fleurit une volonté d’émancipation nettement plus précoce et qui aboutit dès 1974 sous la présidence de Ted Kennedy, à la ratification de l’Equal Amendment Rights, supposé garantir l’égalité entre les sexes dans la Constitution. 

For All Mankind met ainsi en évidence une ouverture des possibles par l’émancipation exceptionnelle de quelques destins, mais se garde toutefois de faire évoluer l’ensemble des structures sociales.

For All Mankind met ainsi en évidence une ouverture des possibles par l’émancipation exceptionnelle de quelques destins, mais se garde toutefois de faire évoluer l’ensemble des structures sociales. Elle montre par exemple l’absence d’imbrication entre l’émancipation des femmes et la progression des droits des personnes LGBT, menacées et tenues à l’écart de la NASA.  Elle donne ainsi l’occasion au spectateur de se confronter à ces épisodes oubliés de l’Histoire américaine, éloignés des récits hollywoodiens et parfois donc aussi de l’Histoire réelle.

L’appréciation sociale que propose la série se veut ainsi transversale, souvent optimiste, mais jamais naïve. Elle ne perd pas de vue le caractère exceptionnel du microcosme spatial et des acteurs qui le peuplent, donc de l’influence limitée de son modèle sur le reste de la population. 

Un angle aurait toutefois mérité d’être plus investi par la série : la portée culturelle et le relais d’influence de la conquête spatiale dans le reste du monde. Les missions Apollo telles que nous les connaissons sont une composante centrale de l’imaginaire américain. Encore aujourd’hui, elles sont citées comme l’ébauche la plus éloquente de l’audace des États-Unis, une incarnation du rêve, du progrès scientifique, et en somme, un outil de soft power particulièrement rayonnant. Dans la série, ce sont les Soviétiques qui atteignent en premier cette nouvelle frontière. Il n'aurait ainsi pas été impertinent d’apprécier une déportation d’une partie du pouvoir d’influence des États-Unis vers l’URSS, d’autant que l’on connaît la politisation du programme soviétique et la propagandisation qui fut faite de ses premiers exploits spatiaux comme Sputnik ou le vol de Youri Gagarine. Il n’en est rien, même si l’on notera la popularité des cosmonautes dans le monde et le plan d’un groupe de jeunes enfants londoniens s’amusant faucilles et marteaux à la main dans les jours qui suivent l’alunissage soviétique. 

Les rapports de l’Homme à son système d’étoile

For All Mankind ne saurait se résumer à une affaire de corps célestes et de vaisseaux, et jouit de personnages travaillés, dont l’interprétation souvent très juste donne à la série une formidable puissance émotionnelle. Ils permettent d’introduire le spectateur à des thématiques très actuelles, comme la santé mentale, trop régulièrement éludée par le récit populaire de la conquête spatiale, où le narratif viriliste et cartésien se taille la part du lion. Il n’est à cet égard pas surprenant de voir certains produits culturels se saisir de cet angle, à commencer par First Man de Damien Chazelle (2018), où sont évoqués avec tendresse les drames intimes de la vie des Armstrong et la détresse qui s’empare du programme lunaire après la catastrophe d’Apollo 1. On rencontre ainsi dans la série cette épouse d’astronaute à la vie bien rangée, que ses angoisses poussent peu à peu vers une existence plus flottante, faite d’irrévérences, mais aussi de coups d’éclats. Il y a cette ingénieure acharnée, contrôleuse de vol, bientôt directrice de la NASA, et pourtant prise au piège de ses tourments les plus simples. Difficile également d’oublier ce pilote d’essai surdoué et tête brûlée, vétéran du programme Apollo, qu’un séjour prolongé dans l’étroite base lunaire américaine livre à la folie, au cours d’un épisode qui rappelle au spectateur d’aujourd’hui les confinements successifs de ces dernières années.

Ces portraits et leurs trajectoires permettent de bien mesurer le défi humain d'une exploration de Mars au-delà des seules barrières technologiques et financières, puisque rien dans l’expérience humaine ne se rapproche de ce futur voyage long de deux ans vers ce monde triste et dépeuplé, loin de toute forme de vie connue. Ad Astra de James Gray (2019), entretient le mystère quant au sort d’une station spatiale déployée autour de Neptune afin d’y conduire des recherches sur l’existence de vie extraterrestre. Le film révèle dans sa partie finale la mutinerie de l’équipage, incapable de se figurer la solitude éternelle d’un éloignement aux confins du système solaire. 

Ces portraits et leurs trajectoires permettent de bien mesurer le défi humain d'une exploration de Mars au-delà des seules barrières technologiques et financières.

For All Mankind est d’abord une série écrite pour les rêveurs, pour cette génération qui a grandi avec la conquête de l’espace et a souffert de sa fin abrupte. Elle cultive la nostalgie d’un futur inexploré avec lequel certains souhaitent renouer, bien aidés en la matière par le programme Artemis et le succès du NewSpace. En ce sens, elle rejoint culturellement et philosophiquement une partie des nouveaux acteurs du spatial, pour lesquels l’existence ne peut seulement consister en une résolution de petits problèmes successifs, mais doit aussi embrasser des aventures qui la dépassent. La conquête spatiale est l’une des incarnations possibles de ces aventures, une source de progrès scientifique, social, une manière pour les États-Unis fracturés de se raconter une nouvelle Histoire. Elle n’est pas non plus la solution miracle. La force de la série est ainsi de montrer que les espérances mais également les déchirements de l’Amérique actuelle existaient déjà autrefois, et continuent d’exister y compris dans un monde où l’on regarde vers les étoiles. Le passé réinventé de For All Mankind imagine des guerres différentes, mais persistantes, des progrès sociaux inégaux, des drames, des échecs. Autant de leçons qu’il est bon de garder à l’esprit à l’orée de ce nouvel âge d’or du spatial.

 

Copyright Image : Apple TV+ 

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