Synthèse des chiffrages
Le programme de Valérie Pécresse entraînerait un budget en déséquilibre, qui augmenterait le déficit public de 35,1 Md€ par an selon l’Institut Montaigne. La candidate propose notamment des dépenses nouvelles importantes en faveur du pouvoir d’achat des ménages (- 20,7 Md€ par an) et de la revalorisation de certains budgets de politiques publiques, comme la santé (- 8,8 Md€ par an) ou l’éducation (-5,4 Md€ par an). Ces mesures seraient partiellement financées par des économies réalisées par la suppression de 200 000 postes de fonctionnaires (+ 5,9 Md€ par an) et une réforme des retraites (+ 4,6 Md€ par an).
Contexte économique
Avec un niveau de dette publique de 112,9 points de PIB, la France fait partie des pays endettés, voire très endettés de la zone euro. La baisse des prélèvement obligatoires décidées depuis 2017, les mesures favorables au pouvoir d’achat mises en œuvre dans le contexte du mouvement des « gilets jaunes » et, bien sûr, l’impact majeur de la crise sanitaire, ont conduit à une forte dégradation du déficit public, qui s’établit à 6,5 % du PIB en 2021.
En l’absence de mesures d’économies, le déficit public serait encore proche de 4 % du PIB en 2027, portant le ratio de dette publique à plus de 120 points, des niveaux qui pourraient être encore plus dégradés par les mesures publiques de compensation du renchérissement des produits énergétiques. Pour atteindre une cible de déficit de 2,7 % à l’horizon 2027, un effort de 15 Md€ d’économies devrait être fait, chaque année, au cours du prochain quinquennat.
Dépenses et baisses d’impôts
Selon les estimations de l’Institut Montaigne, la candidate propose 26,4 Md€ de dépenses nouvelles supplémentaires et 25,2 Md€ de baisses de prélèvements obligatoires, soit un total de 51,6 Md€ de mesures dégradant le déficit public, chaque année. Ces mesures bénéficieraient en particulier au pouvoir d’achat des ménages (20,7 Md€), notamment par le biais de la poursuite de la baisse de la fiscalité. Plusieurs champs de politiques publiques verraient leur budget revalorisé, comme la santé (8,8 Md€), l’éducation (5,4 Md€), ou la sécurité et la justice (5 Md€).
Thématique | Principales mesures | Coût (en Md€, par an) |
Pouvoir d’achat |
Baisser les cotisations salariales vieillesse de 2,4 points pour tous les salariés du secteur privé | 8,2 |
Pouvoir d’achat |
Défiscaliser les heures supplémentaires | 4 |
Santé | Doubler les moyens alloués actuellement à la prévention, par un effort sans précédent qui mobilisera tous les acteurs (État, collectivités locales, complémentaires, etc.). | 3,7 |
Compétitivité & économie |
Supprimer la contribution sociale de solidarité des entreprises (C3S) | 3,2 |
Éducation | 1 million d’apprentis d’ici 2027 | 3,2 |
Santé | Diviser par deux, d’ici la fin du quinquennat, le délai moyen pour obtenir une consultation chez un médecin | 3 |
Divers | Autres mesures* | 26,3 |
Total estimé par l’Institut Montaigne |
51,6 |
*Autres mesures
- Relever l’abattement sur les droits de succession à 200 000 euros (enfants) et 100 000 euros (frères, soeurs, neveux, nièces) – 2,8 Md€
- Ouvrir 20 000 places de prison supplémentaires et rénover les prisons déjà bâties – 2,2 Md€
- Augmenter de 50 % sur 5 ans les moyens des tribunaux – 1,9 Md€
- Défiscaliser les donations familiales jusqu’à 100 000€ tous les 6 ans – 1,7 Md€
- Relever le plafond des crédits d’impôt pour les emplois à domicile de 6000 à 10 000€ – 1,6 Md€
- Augmenter de 15 % les allocations pour le deuxième et le troisième enfants – 1,4 Md€
- Porter la consultation médicale à 30€ sans hausse du reste à charge des patients – 1,3 Md€
- Ouvrir 6 EPR pour augmenter de 60 % la production d’énergie – 1,2 Md€
- Baisser la TVA sur les taxes spécifiques à l’électricité – 1,2 Md€
- Attribuer des allocations familiales d’un montant de 900€ par an dès le premier enfant – 1,1 Md€
- Construire 500 000 logements sociaux – 1,1 Md€
- Consacrer 5 milliards d’euros pour moderniser l’action de nos forces de l’ordre – 1,0 Md€
- 1 milliard supplémentaire pour la recherche fondamentale et les innovations stratégiques – 1,0 Md€
- Recruter et former 25 000 soignants de plus – 0,8 Md€
- Créer un revenu jeune actif d’un montant de 670 euros pour les jeunes souhaitant se former dans les métiers qui recrutent – 0,7 Md€
- Créer une réserve éducative nationale avec les professeurs retraités et les étudiants pour du soutien scolaire gratuit – 0,7 Md€
- Doublement du nombre de services civiques volontaires – 0,7 Md€
- Défiscaliser les pensions alimentaires – 0,5 Md€
- Abaisser de 10 % à 5,5 % la TVA sur la construction de logements sociaux – 0,5 Md€
- Sauver le patrimoine national sur tout le territoire avec un plan de 2,5 Md€ et rénover nos musées régionaux – 0,5 Md€
- Réduire les cotisations vieillesse pour les entreprises agricoles – 0,4 Md€
- Créer 10 000 nouveaux postes d’enseignants – 0,3 Md€
- Créer un crédit d’impôt de 50 % pour un investissement de maximum de 20 000€ dans les communes de moins de 20 000 habitants – 0,3 Md€
- Exonérer totalement de charges les entreprises agricoles de moins de dix salariés embauchant un apprentis – 0,3 Md€
- Augmenter de 20 à 50 % l’abattement forfaitaire sur les terres agricoles dans le calcul de la taxe sur le foncier non bâti – 0,3 Md€
- Généraliser le prêt à taux zéro sur tout le territoire français pour les primo-accédants – 0,2 Md€
- 30 000 places supplémentaires de crèche – 0,2 Md€
- Rendre la participation et à l’intéressement obligatoires – 0,2 Md€
- Instaurer un taux réduit de TVA à 5,5 % sur tous les biens culturels – 0,1 Md€
- Créer une « banque des jeunes » pour financer leurs études ou créer leur entreprise – 0,1 Md€
Les comparaisons mesure par mesure font apparaître des surcoûts probables de 10 à 20 %. À titre d’illustration, la baisse des cotisations salariales vieillesse de 2,4 points pour tous les salariés du secteur privé coûterait 8,2 Md€ par an selon l’Institut, contre 7 Md€ selon la candidate.
Le chiffrage ci-dessus n’inclut pas l’annonce faite par la candidate de réindexer les pensions de retraites sur l’inflation, car il s’agit de l’application de la loi en vigueur. Par rapport à la pratique des deux derniers quinquennats qui a conduit à des mesures temporaires de désindexation ou sous indexation des pensions, l’application du mécanisme d’indexation prévu par la loi conduirait selon l’estimation de l’Institut Montaigne à des dépenses supplémentaires de 11,2 Md€.
Économies et hausses d’impôts
Selon les estimations de l’Institut Montaigne, la candidate propose 16,5 Md€ de mesures nouvelles d’économies par an, susceptibles de réduire le déficit public. Ces mesures d’économies reposent principalement sur la suppression de postes de fonctionnaires (5,9 Md€), le report de l’âge de départ à la retraite (4,6 Md€) et la maîtrise des dépenses sociales et d’allocations chômage.
Thématique | Principales mesures | Économies (en Md€ par an) |
Retraites | Repousser l’âge de départ à la retraite à 65 ans, avec des exemptions pour les situations de pénibilité et de carrières longues | 4,6 (horizon 2027) |
Fonction publique | Supprimer de 200 000 postes de fonctionnaires | 5,9 |
Allocation chômage | Diminuer les allocations pour les chômeurs de moins de 50 ans qui touchaient plus de 2 000 euros, après 6 mois | 3,2 |
Aides sociales | Instaurer un minimum de 5 ans sur le territoire pour toucher les prestations sociales financées en dehors des cotisations salariales | 2,1 |
Divers | Restreindre l’aide médicale d’État aux opérations les plus urgentes | 0,7 |
Total estimé par l’Institut Montaigne |
16,5 |
L’écart entre l’estimation de l’Institut Montaigne et celle de la candidate (16,5 Md€ contre 84 Md€ selon la candidate) vient notamment des mesures d’économies insuffisamment détaillées ou dont la matérialisation est trop incertaine pour être prises en compte : plus grande lutte contre la fraude sociale et fiscale (15 Md€ selon la candidate), suppression de niches fiscales (15 Md€ selon la candidate), d’économies diverses sur le fonctionnement des administrations (5 Md€ selon la candidate). En outre les recettes issues de mesures de privatisation, évaluées à 3 Md€ par an par la candidate, n’ont pas été prises en compte car bien qu’elles procurent un gain, par définition incertain, au moment de la vente (dont la date n’est pas connue), elles réduisent les revenus perçus chaque année sous forme de dividendes, si bien que l’impact sur la situation financière des administrations publiques peut être considéré comme neutre.
Bouclage macrofinancier
L’examen des mesures de la candidate conduit l’Institut Montaigne à estimer que leur mise en œuvre accroîtrait le déficit public d’environ 35,1 Md€ alors que la candidate estime que son programme améliorerait le solde public de 42 Md€. D’après l’estimation de l’Institut Montaigne, le total des mesures en hausse de dépenses ou en moindres recettes s’élèverait à 51,6 Md€, contre 42 Md€ selon la candidate. Les mesures d’économies ou de recettes fiscales additionnelles s’élèveraient à 16,5 Md€, contre 84 Md€ selon la candidate.
En ordonnant les mesures annoncées en mesures de dépenses et en mesures de recettes (voir tableau ci-dessous), le programme économique de la candidate conduirait à une hausse de la dépense publique de 9,0 Md€, soit 0,3 point de PIB, et à une baisse des prélèvements obligatoires de 25,2 Md€ soit 0,8 point de PIB. Le déficit public augmenterait donc d’environ 1,2 point de PIB.
Dépenses | Recettes | Impact sur le solde public | |
Économie de dépense/ hausse de prélèvements par an | 16,5 | 0 | 16,5 |
Hausse de dépense/ baisse de prélèvements par an | -26,4 | -25,2 | -51,6 |
Total par an | -9,9 | -25,2 | -35,1 |
*Un nombre positif signifie une amélioration du solde public, un nombre négatif une dégradation.
La hausse du déficit pourrait être atténuée par les recettes supplémentaires induites par la hausse de l’activité permise par certaines mesures de soutien au pouvoir d’achat ou à la compétitivité des entreprises. Cet effet retour macroéconomique ou bouclage keynésien pourrait réduire le déficit de 30 à 50 %. Après cet effet, la hausse du déficit pourrait être contenue entre 0,6 et 0,8 point de PIB.
Cependant, la hausse du déficit, en partant d’une situation déjà dégradée des comptes publics, pourrait conduire à un renchérissement des conditions de financement de la dette française, notamment dans un contexte de remontée de l’inflation et des taux d’intérêt. Le déséquilibre des finances publiques s’en trouverait alors accru.
Soutenabilité
Les finances publiques en 2021 restent fragiles. La trajectoire de déficit est globalement croissante sur les dernières décennies. Malgré la bonne surprise révélée par l’Insee lors de la publication récente des comptes annuels des administrations publiques par rapport aux dernières prévisions du Gouvernement, le déficit public représente 6,5 points de PIB en 2021 et le taux de dépenses publiques 59,2 points de PIB, un taux très rarement atteint par les pays de l’OCDE au cours des décennies passées.
Avec 1 Md€ de dépenses supplémentaires et une baisse des prélèvements obligatoires de 25 Md€, le déficit public augmenterait donc de manière relativement importante. En supposant qu’un grand programme d’économies correspondant à 15 Md€ (en 2027) d’économies chaque année débuterait en 2028 (1), il faudrait attendre un peu plus de 10 ans (en 2037) pour atteindre un solde public à l’équilibre.
A titre illustratif, nous représentons dans les graphiques ci-dessous une trajectoire « bouclage keynésien » qui tient compte de potentiels effets bénéfiques du programme du candidat, via l’activité économique, sur les finances publiques. Ce scénario de bouclage keynésien doit être lu avec prudence dans la mesure où la situation particulièrement dégradée des finances publiques risque de conduire à un durcissement des conditions de financement de l’ensemble de l’économie, ce qui neutraliserait largement ces potentiels effets bénéfiques. Ces simulations montrent néanmoins que, même en prenant en compte de tels effets dans le cas où il se matérialiseraient, la soutenabilité des comptes publics ne serait pas acquise en fin de quinquennat.
La dette publique augmenterait également de manière importante, comme le montre le graphique ci-dessous et même en prenant les hypothèses économiques les plus optimistes (modèle keynésien persistant dans ce contexte (2)).
Même avec des mesures de redressement économique de 15 Md€ par an après 2027, l’endettement continuerait à croître longtemps après le quinquennat. Dans un scénario tendanciel de long terme (avec une croissance tendancielle du PIB de 1 % par an et des prix de 1,75 % par an), la dette publique ne pourrait redescendre en dessous de 100 points de PIB qu’en 2040 et en dessous de 60 points de PIB qu’en 2057 (cf. graphique ci-dessous). Une croissance sur toute la période de 1,3 % en volume diminuerait ces deux dates à respectivement à 2037 et 2048. Un surcroît d’inflation d’un point sur 10 ans diminuerait entre 10 et 15 points le taux d’endettement à l’issue de la période considérée et de l’ordre de 5 ans les dates évoquées ci-dessus pour passer en dessous du seuil de 100 points de PIB de dette. Un choc limité d’inflation ne pourra donc pas « sauver » la situation financière du pays.
Au total, sans économie supplémentaire, le programme ne permet pas de placer le pays dans une trajectoire solide de soutenabilité. Pour ce faire, des mesures complémentaires d’économies devront être mises en place afin de consolider la position budgétaire du pays.
NB : Les synthèses des chiffrages ont été réalisées uniquement pour les candidats dont les programmes ont fait l’objet d’un nombre de chiffrages suffisamment important de la part de l’Institut Montaigne.
(1) Correspondant au rythme recommandé par la Commission européenne de 0,5 point de PIB par an de redressement structurel.
(2) Le modèle keynésien correspond à une élasticité de 0,5 point des dépenses et des moindres recettes sur le PIB, c’est-à-dire que 10 Md€ de dépenses supplémentaires ou de baisses d’impôts supplémentaires conduisent à un accroissement du PIB de 5 Md€ de manière pérenne. Cette méthode de calcul est très favorable aux programmes qui ne tiennent pas leurs finances publiques et ne reposent sur aucune base théorique.
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