La mesure incite à la vente des jours de repos résultant de la réduction du temps de travail (RTT) dont disposent les salariés du privé, en plus des congés payés annuels, quand ils sont soumis au régime des 35 heures. La proposition s’inscrit en outre dans la continuité de la loi « travail emploi, pouvoir d’achat » (dite loi TEPA) du 21 août 2007 qui affichait le même objectif et la même mesure, entre autres.
Le principe incitatif de la mesure repose sur l’exonération de charges patronales des jours de RTT monétisés. En fonction du nombre de RTT effectivement vendus, le manque à gagner pour l’État en charges patronales serait de 3,6 Md€ par an, dans un scénario médian. Cette perte de recettes est néanmoins en partie théorique, car l’exonération de charges patronales est assise sur des revenus (tirés des RTT vendus) qui n’auraient pas nécessairement existé, ou du moins pas dans de telles proportions, sans le mécanisme incitatif introduit par la mesure elle-même.
Par ailleurs, la monétisation des RTT pourrait être imposable pour les bénéficiaires. La mesure générerait des recettes de contribution sociale généralisée (CSG), de contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) et d’impôt sur le revenu, générant ainsi 3,2 Md€ de recettes fiscales en plus par an, dans un scénario médian.
L’incertitude des effets de la mesure porte également sur la substitution entre la monétisation des jours de RTT et le nombre d’heures de travail. Un salarié pourrait effectivement bénéficier de la mesure pour moins travailler, par exemple en faisant moins d’heures supplémentaires. Au total, la réforme pourrait être globalement neutre sur les finances publiques.
Commentaires de l’équipe de campagne
Contactée, l’équipe de campagne est en phase avec la neutralité pour les finances publiques indiquée par l’Institut Montaigne, mais estime que « le raisonnement sur les exonérations de charges patronales est erroné car il est fondé sur une hypothèse théorique de 45 % de taux de cotisations patronales ; or c’est en moyenne beaucoup moins compte tenu des allègements généraux de cotisations sociales« .
La moyenne de 45 % étant issue des données de l’Insee, l’Institut Montaigne maintient cette hypothèse.
Impact macroéconomique
Un rapport parlementaire du Sénat paru en 2008 (1) sur la loi TEPA estimait que pour un salarié rémunéré deux fois le SMIC, la vente d’une journée de RTT, majorée de 25 %, présentait un gain net de 148 €. Au niveau macroéconomique, ces gains individuels de pouvoir d’achat pourraient augmenter le niveau global de la consommation ou de l’épargne. Ces gains pourraient néanmoins être compensés par un moindre volume d’heures travaillées.
(1) Sénat, 2008.
Selon l’Insee, les charges patronales représentent 45 % de chaque salaire brut payé en France en moyenne (2) et le salaire brut médian en France est d’environ 2500 € par mois en 2019. Sous l’hypothèse d’une majoration de 25 % de la rémunération pour la valeur des jours de RTT (taux par défaut appliqué par la loi pour la rémunération des heures supplémentaires) (3), la valeur moyenne des charges patronales sur chaque jour de RTT serait de 70 € en moyenne (voir Tableau 1).
Tableau 1
Hypothèses | |
Charges patronales ( % de salaire brut) | 45 % |
Salaire brut median mensuel (€) | 2500 |
Jours ouvrables par mois | 20 |
Salaire brut median par jour ouvrable (€) | 125 |
Jours de RTT par an | 13 |
Majoration des heures supplémentaires et RTT | 25 % |
Charges patronales payées par jour de salaire (en €) | 70 |
Toujours selon l’Insee, 8 millions de personnes sont concernés par l’attribution de jours de RTT et les bénéficiaires de RTT disposent en moyenne de 13 journées par an (4). Cela représente un total de 104 millions de jours de RTT monétisables par an en France.
Le chiffrage proposé fait varier le nombre de jours effectivement vendus par les salariés entre 25 % (estimation basse) et 100 % (estimation élevée) de leur stock total, retenant 50 % comme scénario médian (voir Tableau 2).
Tableau 2
Estimation basse | Estimation médiane | Estimation haute | |
% de RTT disponibles vendus par les salariés | 25 % | 50 % | 100 % |
Nombre de RTT vendus en France sur l’année (en M) | 26 | 52 | 104 |
Charges patronales payées par jour de salaire (en €) | 70 | 70 | 70 |
Charges patronales exonérées sur total de RTT vendus par an (en M€) | 1 828 | 3 656 | 7 313 |
Le manque à gagner pour l’État suite à l’exonération de charges patronales des RTT vendus serait donc compris entre 1,8 et 7,3 Md€ par an, avec un scénario médian de 3,6 Md€ par an.
Cette perte de recettes est néanmoins en partie théorique, car l’exonération de charges patronales est assise sur des revenus (tirés des RTT vendus) qui n’auraient pas nécessairement existé, ou du moins pas dans de telles proportions, sans le mécanisme incitatif introduit par la mesure elle-même.
Par ailleurs, si les modalités d’application de la mesure sont similaires à celles de la loi TEPA, les heures de RTT monétisées seraient imposables à l’impôt sur le revenu ainsi qu’au titre de la CSG et de la CRDS, générant ainsi un surplus de ressources fiscales. Les prélèvements obligatoires pourraient s’établir, en moyenne, par salarié, entre 202 € et 806 € par an.
Tableau 3
Impôts payés sur RTT vendus (pour un salarié rémunéré au salaire médian) | 25 % RTT vendus | 50 % RTT vendus | 100 % RTT vendus |
Salaire touché sur les RTT vendus par an (€) | 508 | 1 016 | 2 031 |
IR payé (€) | 152 | 305 | 609 |
CSG payée (€) | 47 | 93 | 187 |
CRDS payée (€) | 3 | 5 | 10 |
Total (€) | 202 | 403 | 806 |
Au total, la vente de RTT pourrait se traduire par surplus de recettes compris ainsi entre 1,6 Md€ (scénario bas) et 6,4 Md€ (scénario haut), avec une moyenne de 3,2 Md € dans un scénario médian.
Tableau 4
Impôts total sur RTT vendus (en France, par an) | 25 % RTT vendus | 50 % RTT vendus | 100 % RTT vendus |
IR payé (millions, €) | 1 219 | 2 438 | 4 875 |
CSG payée (millions, €) | 374 | 748 | 1 495 |
CRDS payée (millions, €) | 20 | 41 | 81 |
Total (millions, €) | 1 613 | 3 226 | 6 451 |
Au total, les pertes de recettes publiques et les gains potentiels seraient proches de l’équilibre. La mesure pourrait être globalement neutre sur les finances publiques. Néanmoins, l’incertitude du chiffrage est forte. Elle provient en particulier des effets de de substitution entre la monétisation des jours de RTT non pris et le volume d’heures de travail effectué. Un salarié pourrait effectivement bénéficier de la mesure pour moins travailler, par exemple en faisant moins d’heures supplémentaires.
La loi TEPA ne s’était d’ailleurs pas accompagnée d’étude préalable. Un rapport parlementaire de 2008 (5) examinant la loi TEPA, à propos de la mesure sur les RTT, avait ainsi constaté que « que le présent projet de loi n’est accompagné ni d’études d’impact, ni de projections en termes de volume de jours de repos rachetés. Dans ces conditions, aucune estimation du coût induit par l’article 1er pour les finances publiques n’a pu être établie. »
Historique
Cette mesure avait déjà été mise en œuvre en France en 2007 par la loi TEPA avant d’être abrogée en 2012 par le nouveau gouvernement.
Benchmark
La France se distingue des autres pays par son régime du temps de travail hebdomadaire limité à 35 heures, sans lequel le concept de RTT ne peut pas exister, par définition.
Mise en œuvre
À l’instar de la loi « travail emploi, pouvoir d’achat » (dite loi TEPA) du 21 août 2007, une loi devra introduire l’exonération de charges patronales heures de RTT. Il faudra aussi éventuellement modifier la loi qui fixe à 220 (6) le nombre d’heures supplémentaires pouvant être effectuées par an par salarié.
(2) INSEE
(3) gouv.fr
(4) senat.fr
(5) senat.fr
(6) gouv.fr
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