Supprimer la cotisation foncière des entreprises (CFE) et alléger les impôts de production
« Supprimer la Cotisation Foncière des Entreprises (CFE) qui pénalise les PME-TPE locales et les impôts de production qui nuisent à la relocalisation ».
Marine Le Pen souhaite supprimer la CFE et les taxes qui lui sont additionnelles. Cette suppression devra être compensée par l’État aux collectivités du bloc communal et aux organismes consulaires qui en bénéficient aujourd’hui. S’agissant de la C3S, la compensation intégrale sera réalisée au profit des administrations de sécurité sociale. L’hypothèse de calcul se fonde sur le principe d’un effet-neutre pour ces acteurs en année n et donc d’une compensation intégrale.
Le coût net pour l’État des deux suppressions atteindrait, en hypothèse moyenne, 9,6 Md€ en année n.
La suppression de la CFE représenterait, en données 2022, un coût net pour l’État de 6,4 Md€. Ce coût net se décomposerait ainsi :
- des dépenses supplémentaires liées à la compensation de la perte de produit pour les collectivités et les organismes consulaires. Cette perte s’élèverait à plus de 9 Md€ s’agissant de la compensation aux collectivités (perte du produit 2021 actualisé selon la dynamique des bases locatives évaluée à 3,2 % entre 2021 et 2022 (1) + maintien du principe de compensation instauré en LFI 2021 sous la forme de 2 PSR) et compensation de 473 M€ aux organismes consulaires,
- une perte de recette pour l’État correspondant à l’arrêt du reversement au budget général du produit des taxes additionnelles à la cotisation foncière des entreprises (TA-CFE) supérieur au montant plafonné qui est reversé aux organismes consulaires,
- des économies résultant de la suppression des dispositifs de remboursement et dégrèvements, de la suppression des deux prélèvements sur recettes (PSR), fusionnés dans la nouvelle mesure de compensation globale aux collectivités,
- un surcroît de recettes fiscales au titre de l’impôt sur les sociétés (effet-retour), du fait de l’élargissement mécanique de son assiette résultant de la suppression de la CFE, sur l’hypothèse d’un taux moyen d’imposition de l’IS à 20 %, soit 1,6 Md€ en 2022.
Calcul du coût net d’une suppression totale de la CFE (en M€)
Impact État | 2022 | |
– | Produit de CFE effectivement collecté par l’État | -7 492 |
Produit effectif de TA CFE CCI | -270 | |
Produit effectif de TA CFE CRMA | -221 | |
+ | Effet-retour sur l’IS | 1 597 |
Solde net | -6 386 |
Source : produits des TA-CFE pour les CCI et CRMA : Voies et moyens 2022, tome 1 (pages 158, 160 et 173). Hypothèses retenues pour déterminer le produit de CFE en 2021 et 2022 : produit 2020 (Insee, comptes nationaux) actualisé avec un taux d’évolution moyen sur les 5 dernières années connues (2,4 %, estimé sur la base des chiffres de l’observatoire des finances et de la gestion publique locales). Taux moyen d’IS de 20 % (établi à partir de l’effet de la réforme associée au plan de relance de suppression de 10 Md€ des impôts sur la production) appliqué au montant de CFE et taxes additionnelles pour les entreprises. effectivement collecté par l’État auprès des entreprises.
D’autres hypothèses hautes et basses consisteraient à appliquer un taux de marge de +/-5 % sur cette estimation, soit un coût réel compris entre 6,1 et 6,7 Md€.
La suppression de la cotisation sociale de solidarité des sociétés (C3S) est estimée en année n à 3,2 Md€, soit le montant des recettes perdues au titre de la contribution, diminué d’un surcroît de recettes au titre de l’impôt sur les sociétés.
Il s’agit d’une hypothèse moyenne, fondée sur le produit moyen de C3S prévu pour 2022 augmenté de l’accroissement du chiffre d’affaires des prévisions du Gouvernement et des prix du PIB, et ne tenant pas compte du contexte de crise sanitaire. L’hypothèse basse correspond à la projection de la C3S pour 2022 seulement (3,9 Md€) tandis que l’hypothèse haute reprend la prévision de croissance en volume de l’Insee dans sa note de conjoncture de décembre (6,75 % au lieu de 6,25 % dans la prévision du Gouvernement et 2,8 % de prix du PIB contre 0,5 % dans la prévision du Gouvernement), soit 4,3 Md€.
Le chiffrage intègre un « effet-retour » en matière de l’impôt sur les sociétés, dont l’assiette est mécaniquement élargie par la suppression de la C3S. À raison d’un taux effectif moyen d’IS postulé autour de 20 % (2), le montant de cet « effet-retour » pourrait être compris entre 0,78 Md€ et 0,86 Md€ et alléger d’autant le coût pour l’État de la suppression de la contribution qui pourrait donc s’établir entre 3 Md€ et 3,4 Md€.
La candidate a introduit une possibilité de moduler la suppression de la C3S et la CFE aux seules « zones de relocalisation », sans en définir précisément la portée. Il est donc fait l’hypothèse que ces zones pourraient être très étendues, de manière à concerner la majorité de cet impôt. Une autre hypothèse aurait pu correspondre à étendre à la C3S les dispositifs de ZFU et ZRR, déjà en vigueur en matière de CFE, qui ne représentent qu’un demi-pourcent des prélèvements collectés sur le territoire national (3), soit un coût d’environ 25 M€ pour la C3S. En revanche, l’impact d’une suppression totale de la CFE dans ces zones y serait plus limité compte-tenu des exonérations déjà pratiquées.
Il est donc considéré par la suite, compte tenu du caractère stratégique de la communication autour de la mesure et de sa présence dans le programme de la candidate, que cette mesure concernerait la majorité des redevables à la C3S et à la CFE, selon des zonages géographiques profondément révisés.
Impact macroéconomique
En réduisant le prix des entrants, la suppression de la C3S pourrait entraîner une augmentation des exportations des entreprises françaises estimée par le Conseil d’analyse économique, dans une note de juin 2019 (4), à environ 4,2 Md€ pour le seul secteur manufacturier. À moyen ou long terme, elle pourrait, dans les secteurs exposés à la concurrence internationale, favoriser l’allongement des chaînes de production sur le territoire national, aux dépens des importations.
En revanche, la littérature considère la CFE comme l’un des impôts de production les moins distorsifs, d’autant plus après la diminution de la CFE versée par les industries mise en place en 2021 dans le cadre du plan de relance. Le gain macroéconomique serait donc moindre et résiderait principalement dans l’amélioration des marges des entreprises, sous réserve du choix des mesures de compensation des coûts de la réforme pour l’État.
(1) Cf. Voies et moyens tome 1, annexe au PLF 2022. Le montant du PSR estimé pour 2022 est supérieur de 118 M€ au montant 2021 actualisé, soit une hausse de 3,2%.
(2) Taux de retour compatible avec ce qu’a évalué le Gouvernement pour son taux de retour au titre de la baisse de 10 Md€ des impôts sur la production dans le cadre du plan de relance.
(3) Estimation à partir du rapport conjoint de l’IGF, l’IGAS, le l’IGA et le CGEDD de juillet 2020 relatif aux dispositifs zonés de soutien du développement économique et de l’emploi dans les territoires.
(4) P. Martin et A. Trannoy, CAE, Les impôts sur (ou contre) la production, note n°53, juin 2019.
- Une suppression de CFE qui touche les collectivités du bloc communal et les organismes consulaires bénéficiaires de deux taxes affectées additionnelles
La CFE est perçue par les collectivités du bloc communal et, principalement, par les EPCI à fiscalité propre. Depuis la réforme de la taxe professionnelle, elle constitue, avec la CVAE, l’une des deux composantes de la Contribution économique territoriale (CET). Deux taxes y sont adossées, dont le produit est affecté respectivement aux réseaux consulaires des chambres de commerce et d’industrie (CCI) et des chambres des métiers et de l’artisanat (CRMA).
Le produit de la CFE est déterminé en fonction de la valeur locative des locaux professionnels et des locaux industriels, dont les modalités ont été révisées par la LFI pour 2021, dans le cadre de la baisse des impôts de production de 20 Md€ sur deux ans.
Le tableau ci-dessous présente les évolutions de CFE au cours des dernières années, en distinguant la CFE effectivement recouvrée par l’État et la CFE reçue par les collectivités territoriales. L’écart entre ces deux montants provient d’une part de la garantie implicite de la part de l’État au profit des collectivités dans le recouvrement des créances fiscales et d’autre part par la prise en charge par l’État d’une partie des impôts dus par certains redevables. Il est donc compensé sous forme de remboursements et dégrèvements.
Évolution du produit de la CFE et des deux taxes additionnelles (en M€)
2016 | 2017 | 2018 | 2019 | 2020 | |
Produit de CFE effectivement collecté par l’État (Insee) | 6 525 | 6 659 | 6 829 | 7 081 | 7 142 |
Communes | 866 | 658 | 641 | 618 | 629 |
Syndicats | 7 | 4 | 2 | 2 | 2 |
EPCI à fiscalité propre | 6 554 | 7 001 | 7 311 | 7 385 | 7 634 |
Total CFE versée par l’État aux collectivités | 7 426 | 7 663 | 7 954 | 8 006 | 8 265 |
TA-CFE CCIR | 900 | 900 | 700 | 700 | 588 |
TA-CFE CRMA | 217 | 217 | 217 | 217 | 221 |
Total CFE | 8 543 | 8 780 | 8 871 | 8 923 | 9 074 |
Source : Insee (comptes nationaux, tableau 3.217) pour le produit CFE et les produits de taxes additionnelles ; rapport 2021 de l’observatoire des finances et de la gestion publique locales pour le montant de CFE versé aux collectivités (p.203), tomes 1 des voies et moyens annexés aux PLF de chaque année pour les montants de taxes additionnelles.
La réforme des impôts de production instaurée par la LFI pour 2021 modifie une partie seulement de la CFE : elle instaure en effet une réduction de moitié de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pour leurs seuls établissements industriels évalués selon la méthode comptable. Les autres locaux et locaux professionnels assujettis à la cotisation ne sont donc pas concernés.
Par ailleurs, la CET de chaque entreprise est plafonnée en fonction de sa valeur ajoutée. Le taux de plafonnement est actuellement fixé à 3 % de la valeur ajoutée. La loi de finances pour 2021 a prévu l’abaissement de ce taux à 2 %.
Pour 2021, la perte de produit engendrée par la réforme était initialement estimée à 1,6 Md€ (source : PLF 2021, Voies et moyens tome 1). L’hypothèse retenue ici est celle d’une suppression complète de la CFE restante.
- Le coût d’une suppression est estimé à 6,4 Md€, selon des hypothèses qui devront être confirmées
La suppression de la CFE provoquerait des effets divers sur l’État, les collectivités, et les organismes consulaires. Elle engendrerait :
- des dépenses supplémentaires pour l’État liées à la compensation intégrale de la perte de produit pour les collectivités et les organismes consulaires. Cette perte s’élèverait à plus de 9 Md€ s’agissant de la compensation aux collectivités et aux environ de 0,5 Md€ s’agissant de la compensation aux organismes consulaires,
- une perte de recette pour l’État correspondant à l’arrêt du reversement au budget général du produit des TA-CFE supérieur au montant plafonné qui est reversé aux organismes consulaires,
- des économies résultant de la suppression des dispositifs de remboursement et dégrèvements, de la suppression des 2 PSR, fusionnés dans la nouvelle mesure de compensation globale aux collectivités,
- un surcroît de recettes fiscales au titre de l’impôt sur les sociétés (effet-retour), du fait de l’élargissement mécanique de son assiette résultant de la suppression de la CFE, sur l’hypothèse d’un taux moyen d’imposition de l’IS à 20 %, soit 1 572 M€ en 2022.
Le montant exact du coût net pour l’État dépend de plusieurs paramètres.
Le PLF 2022 (Voies et moyens tome 1, p. 158, 160 et 173) contient les prévisions 2021 et 2022 pour le montant des taxes additionnelles à la CFE affectées aux chambres de commerce et d’industrie de région (CCIR) et aux chambre de métiers et de l’artisanat de région (CRMA).
En revanche, les dernières données publiques disponibles relatives à la CFE concernent seulement le produit 2020. Les hypothèses retenues pour actualiser le produit de CFE en 2021 et 2022 sont les suivantes : le produit de CFE évoluerait sur chacune des deux années dans les mêmes proportions que la dynamique des bases locatives des années antérieures (2,4 % sur 5 ans, c’est-à-dire sur la période 2016-2020). En effet, le taux de faillite des entreprises a diminué pendant la crise sanitaire à la faveur des mesures d’urgence, ne laissant pas craindre une diminution trop brutale de la CFE en 2021 (compte tenu d’une année de décalage entre l’assiette et le paiement de l’impôt). Le montant de CFE 2020 effectivement perçu auprès des entreprises s’établirait à environ 7 142 M€, soit 7 492 M€ en 2022.
L’écart entre ce qui est reçu par l’État et ce qui est versé aux collectivités territoriales serait compensé sous d’autres formes que celles pratiquées jusqu’alors. En particulier, les remboursements et dégrèvements seraient diminués en faveur d’une dotation globale compensatrice en faveur des collectivités territoriales.
Au total, le principe d’une compensation intégrale au profit des collectivités du bloc communal comme des organismes consulaires est appliquée. S’agissant des collectivités, l’État devait compenser à la fois le produit fiscal perdu par les collectivités et poursuivre la compensation instaurée, sous la forme d’un prélèvement sur recettes (PSR), par la LFI pour 2021, pour la part de CFE déjà supprimée.
Au total, le coût net pour l’État s’établirait autour de 6,4 Md€.
Estimation du coût net pour l’État d’une suppression de la CFE
Impact État | 2022 | |
– | Produit de CFE effectivement collecté par l’État | -7 492 |
Produit effectif de TA CFE CCI | -270 | |
Produit effectif de TA CFE CRMA | -221 | |
+ | Effet-retour sur l’IS | 1 597 |
Solde net | -6 386 |
Source : produits des TA-CFE pour les CCI et CRMA : Voies et moyens 2022, tome 1 (pages 158, 160 et 173). Hypothèses retenues pour déterminer le produit de CFE en 2021 et 2022 : produit 2020 (Insee, comptes nationaux) actualisé avec un taux d’évolution moyen sur les 5 dernières années connues (2,4 %, estimé sur la base des chiffres de l’observatoire des finances et de la gestion publique locales). Taux moyen d’IS de 20 % (établi à partir de l’effet de la réforme associée au plan de relance de suppression de 10 Md€ des impôts sur la production) appliqué au montant de CFE et taxes additionnelles pour les entreprises. effectivement collecté par l’État auprès des entreprises.
Une suppression de la C3S estimée autour de 3,2 Md€ en hypothèse moyenne
Le chiffrage se fonde sur le produit prévu pour 2022 (3,921 Md€ selon le rapport de la CCSS de septembre 2021, page 53) augmenté de l’accroissement du chiffre d’affaires des prévisions du Gouvernement (1) (+6,25 % en volume auquel il faut ajouter les prix du PIB, soit +0,5 %), soit un total de 4,2 Md€ pour la C3S, tel que collecté par l’administration fiscale depuis 2016, date à laquelle la dernière réforme de la C3S a été adoptée (relèvement de l’abattement forfaitaire sur le CA à 19 M€ au lieu de 3,25 M€ en 2015).
2016 | 2017 | 2018 | 2019 | 2020 | 2021 | 2022 | |
Contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) | 3,6 | 3,6 | 3,8 | 3,9 | 4,1 | 3,7 | 3,9 |
Source : rapports de la CCSS
Cette estimation est également cohérente pour 2020 et les années antérieures avec celle retenue dans le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires « Adapter la fiscalité des entreprises à une économie mondiale numérisée » (septembre 2020).
L’hypothèse basse correspond à la projection de la C3S pour 2022 seulement (3,9 Md€) tandis que l’hypothèse haute reprend la prévision de croissance en volume de l’Insee dans sa note de conjoncture de décembre (6,75 % au lieu de 6,25 % dans la prévision du Gouvernement et 2,8 % de prix du PIB contre 0,5 % dans la prévision du Gouvernement), soit 4,3 Md€.
Ces gains ne sauraient toutefois compenser l’intégralité du surcoût pour les finances publiques et plus particulièrement pour celle de l’État. Compte-tenu de la situation actuelle des finances publiques, une compensation par la recherche d’autres recettes devra être menée.
Une CFE dont la littérature économique indique qu’elle n’a pas d’effet distorsif majeur pour les entreprises
La cotisation foncière des entreprises forme l’une des deux composantes de la contribution économique territoriale. Contrairement à la taxe professionnelle, dont elle reprend l’essentiel des règles, la CFE est basée uniquement sur les biens soumis à la taxe foncière : elle taxe en pratique l’utilisation du facteur immobilier, alors que la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) taxe la propriété immobilière.
La CFE est due dans chaque commune où l’entreprise dispose de locaux et de terrains. Elle est payée par les sociétés et les particuliers qui exercent de manière habituelle une activité professionnelle non salariée, quels que soient leur statut juridique, la nature de leur activité, leur régime d’imposition et leur nationalité. Une exonération générale est appliquée à ceux qui réalisent un chiffre d’affaires ou de recettes inférieur à 5 000 €. Certaines catégories de sociétés ou particuliers sont exonérés à titre permanent (collectivités, État, organismes HLM, artistes, établissements d’enseignement, librairies indépendantes…) ou à titre temporaire (jeunes avocats, nouvelles entreprises, entreprises s’implantant dans certaines régions ou zones faisant l’objet d’aides spécifiques (2), etc.). L’entreprise peut aussi bénéficier d’une exonération de CFE lorsqu’elle procède à la création ou à l’extension d’un établissement, sous réserve d’une délibération en ce sens de la collectivité territoriale et d’une durée maximale de trois ans.
Le taux de la CFE est en effet fixé par la commune ou l’EPCI sur le territoire duquel le redevable a des biens imposables, dans une fourchette déterminée par la loi. Il s’applique à la valeur locative, laquelle est déterminée de deux façons distinctes (3) :
- La valeur locative des locaux professionnels est déterminée selon une grille tarifaire dans laquelle sont classés les locaux à usage professionnel ou commercial, en fonction de leurs caractéristiques physiques ou leur utilisation. La détermination de cette valeur tient compte en général de la moyenne des prix de location pratiqués au cours d’une période donnée.
- La valeur locative des bâtiments et terrains industriels est déterminée selon une méthode dite comptable basée sur le prix de revient des immobilisations (sols, terrains, constructions, installations foncières). Pour le calcul de la CFE, les bases foncières des établissements industriels sont réduites de 30 %.
Lorsque la valeur locative est très faible, une cotisation forfaitaire minimum est établie à partir d’une base dont le montant est fixé par délibération de la commune ou de l’EPCI. Le barème de cette cotisation forfaitaire est revalorisé chaque année.
Selon le CAE (4), si la CFE est bien acquittée par les entreprises, ce ne sont pas systématiquement elles qui en subissent in fine la charge : dès lors que l’offre d’immobilier d’entreprise répond moins aux variations de loyers que la demande, alors la taxe pèsera surtout sur les propriétaires et, dans le cas contraire, sur les entreprises utilisatrices.
Le CAE indique que la littérature économique et les études empiriques n’ont pas démontré d’effet distorsif significatif provoqué par la CFE, ni sur la production des entreprises ou leurs ventes, ni davantage sur les stratégies de localisation territoriale. Les auteurs de la note estiment que la CFE peut être exercer des incitations positives :
- Elle incite les collectivités du bloc communal qui la perçoivent à libérer du foncier pour les entreprises,
- Elle couvre une partie des externalités liée à la présence de l’entreprise.
En conséquence, ils ne recommandent pas explicitement sa suppression.
- Une C3S aux effets distorsifs unanimement dénoncés
La C3S est, selon les auteurs de la note du CAE, « l’impôt le plus nocif à supprimer en priorité ». Elle est considérée à la fois comme l’équivalent d’un droit de douane sur les productions françaises et comme une taxe sur les exportations qui affectent plus particulièrement les secteurs exposés à la concurrence internationale.
Agissant à tous les stades de la production, elle a pour conséquence que chaque bien produit est de nouveau taxé s’il entre dans le processus de production d’une autre entreprise. Etant au moins partiellement répercutée aux différents clients, elle provoque ainsi un « effet de cascade » qui pèse tout particulièrement sur les biens en bout de chaîne. La capacité à répercuter le surcoût à leurs clients est toutefois plus limitée pour les entreprises exposées à la concurrence internationale ou pour celles qui, structurellement, importent moins de biens ou de services intermédiaires. Il en résulte à la fois une incitation à l’intégration verticale du processus de production (ex. des marques distributeurs de la grande distribution) mais également une baisse de compétitivité par rapport aux produits similaires importés. Bien que très faiblement contributrices du fait de l’abattement forfaitaire de 19 M€, les PME sont également affectées par la C3S, par le biais de l’effet de cascade.
Selon une étude citée par la note du CAE, dans tous les secteurs, la C3S renchérirait d’environ 500 M€ par an les importations manufacturières de biens intermédiaires. Son effet-prix serait supérieur au taux effectif d’imposition du fait de l’effet de cascade. Dans l’industrie, l’effet-prix serait environ deux fois supérieur au taux effectif d’imposition, soit environ 0,19 %. L’effet-prix est par ailleurs particulièrement sensible pour les secteurs à faible marge (cf. grande distribution). Les auteurs de note retiennent une perte de PIB, du fait des effets de la C3S sur la productivité, à hauteur d’environ 0,016 à 0,032 % du PIB, soit entre 360 et 720 M€ environ (soit environ 10 à 20 % des recettes fiscales de la contribution).
La candidate a introduit une possibilité de moduler la suppression de la C3S aux seules « zones de relocalisation », sans en définir précisément la portée. Il est donc fait l’hypothèse que ces zones pourraient être très étendues, de manière à concerner la majorité de cet impôt. Une autre hypothèse aurait pu correspondre à étendre à la C3S les dispositifs de ZFU et ZRR, qui ne représentent qu’un demi-pourcent des prélèvements collectés sur le territoire national, soit un coût inférieur à 10 M€ (5). Il est donc considérer que cette mesure concernerait la majorité des redevables à la C3S. En effet, le rapport des inspections précité présente un chiffre de 40 M€ en 2018 pour l’ensemble des exonérations zonées pour la CFE, soit 0,6 % (= 40 / 6 829 de recettes Insee pour la CFE 2018) des recettes de CFE comptabilisées en 2018.
On notera enfin que la C3S concerne par ailleurs principalement les ETI et grandes entreprises, et non les PME et TPE, dans la mesure où les entreprises ayant un chiffre d’affaires inférieur à 19 M€ n’y sont plus assujetties.
- Si la C3S ne fait l’aucune l’objet d’aucune exonération sur le fondement de critères géographiques, tel est déjà le cas pour la CFE
Si la C3S ne peut faire l’objet d’aucune exonération sur la base de critères d’implantation géographique des établissements, tel est déjà le cas pour la CFE dans les ressorts suivants :
- zones d’aide à finalité régionale (5 056 communes (6));
- zones d’aide à l’investissement des petites et moyennes entreprises (ZAI-PME);
- zones de revitalisation rurale (ZRR- 13 664 communes + 4 067 communes en régime transitoire);
- zones urbaines sensibles (ZUS);
- quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV, soit 1 514 quartiers dont 1 296 dans l’hexagone et 218 outre-mer);
- zones franches urbaines de première génération, de seconde génération et zones franches urbaines-territoires entrepreneurs de troisième génération (100 ZFU-TE concernant 135 communes);
- entreprises situées en Corse (zone de développement prioritaire, ensemble des 360 communes);
- bassins d’emploi à redynamiser (BER, 407 communes dans le grand est -348- et en Occitanie -59);
- zones de restructuration de la défense (ZRD, 309 communes);
- zones franches d’activités (ZFA) en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion ou à Mayotte;
- entreprises situées dans les bassins urbains à dynamiser (BUD, 159 communes du Nord et du Pas-de-Calais) entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2020 et qui sont exonérées d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur les sociétés;
- entreprises créées dans les communes voisines aux BUD entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2020 et qui sont exonérées d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur les sociétés.
Ces exonérations présentent un caractère temporaire et doivent être expressément sollicitées.
Le rapport des inspections précité arrête à 40 M€ en 2018 l’ensemble des exonérations zonées pour la CFE, soit 0,6 % (= 40 / 6 829 de recettes Insee pour la CFE 2018) des recettes de CFE comptabilisées en 2018. Selon la mission, le bénéfice des exonérations de CFE est réparti de manière relativement homogène entre les redevables. Pour les dispositifs offrant à la fois une exonération d’IR/IS et une exonération de CFE, le nombre d’entreprises bénéficiant d’une exonération de CFE est supérieur au nombre d’entreprises bénéficiant d’une exonération d’IR/IS, sauf en ZRR. La mission IGA-IGF-CGEDD considère que cela peut s’expliquer par les conditions d’éligibilité plus restrictives pour les exonérations CFE que pour les exonérations sur les bénéfices en ZRR.
Montant moyen des exonérations de CFE pour chaque entreprise bénéficiaire dans les territoires zonés
QPV | ZRD | ZRR | ZFU | BER |
1 031 | 5 055 | 416 | 467 | 650 |
Source : rapport IGA-IGF-CGEDD précité, à partir des données DGFiP
D’après les données établies par la mission inter-inspections, les entreprises qui bénéficient de cette exonération de CFE sont principalement des mono-établissements (plus de 89 % des bénéficiaires dans chaque zonage) et des entreprises unipersonnelles. L’analyse des entreprises par secteur d’activité montre une répartition relativement homogène entre secteurs (hors QPV, qui cible les activités commerciales).
Le coût pour l’État et pour les collectivités des exonérations zonées de CFE en 2018 s’établirait :
- à 4,9 M€ pour l’État,
- à 35,5 pour les collectivités,
soit 40,4 M€ au total (6,5 % du coût de l’ensemble des exonérations zonées). Ce coût est principalement concentré dans les ZRR et les ZFU-TE.
En fin de compte, le volume des exonérations zonées de CFE apparaît faible. De façon générale, la mission constate que les dispositifs zonés d’exonération fiscale sont concurrencés, s’agissant des exonérations de fiscalité directe locale, par les exonérations fiscales générales.
En outre, la mission indique que « la fiscalité n’apparaît pas comme un élément déterminant de l’installation de la majorité des entreprises. S’il n’existe pas de hiérarchie objective des différents facteurs de localisation des entreprises, l’effet des incitations fiscales apparait limité« . Les facteurs d’installation et de développement des entreprises dépendent de l’ensemble des dynamiques et ressources d’un territoire : main d’œuvre disponible, zones de chalandise viables, réseaux de fournisseurs et de sous-traitants, qualité des infrastructures…
Une notion de « zones à relocalisation » difficile à cerner
Le candidat a introduit une possibilité de moduler la suppression de la C3S et la CFE aux seules « zones de relocalisation », sans en définir précisément la portée. Il est donc fait l’hypothèse que ces zones pourraient être très étendues à l’échelle nationale, de manière à concerner la majorité de cet impôt. Une autre hypothèse aurait pu correspondre à étendre à la C3S les dispositifs de ZFU et ZRR, déjà en vigueur en matière de CFE, qui ne représentent qu’un demi-pourcent des prélèvements collectés sur le territoire national, soit un coût inférieur à 10 M€ pour la C3S (7). En revanche, l’impact d’une suppression totale de la CFE dans ces zones y serait plus limité compte-tenu des exonérations déjà pratiquées.
Il est donc considéré que cette mesure concernerait la majorité des redevables à la C3S. En effet, le rapport des inspections précité présente un chiffre de 40 M€ en 2018 pour l’ensemble des exonérations zonées pour la CFE, soit 0,6 % (= 40 / 6 829 de recettes Insee pour la CFE 2018) des recettes de CFE comptabilisées en 2018.
Historique de la mesure
Une suppression de la C3S décidée en 2014, suspendue en 2017
Le Pacte de responsabilité et de solidarité (2014) avait prévu une réforme en 3 étapes de la C3S :
- en 2015, un abattement forfaitaire de 3,25 M€ sur le CA a été instauré;
- cet abattement a été relevé à 19 M€ dès 2016;
- la suppression de la C3S était programmée en 2017 mais a été suspendue. La baisse des impôts de production adoptée par le Parlement pour les années 2021 et 2022, à hauteur de 10 Md€ de baisse par an (soit 20 Md€ estimés au total), ne concerne pas la C3S.
Le CAE a estimé empiriquement les effets de la mise en place de l’abattement forfaitaire sur la C3S en 2015 et 2016 pour près de 80 000 entreprises du secteur manufacturier. Les entreprises qui ont bénéficié successivement de l’élimination de la C3S en 2015 et 2016 ont vu leurs exportations augmenter d’environ 1 % de plus que celles qui n’en ont pas bénéficié. S’agissant du seul secteur manufacturier français, le CAE évalue à un peu moins de 1 % (soit environ 4,2 Md€) la hausse possible des exportations qui pourrait résulter de la suppression complète de la C3S. Il s’agit d’une hypothèse haute.
En mettant fin à la taxation des entreprises en haut de leur compte d’exploitation, la suppression de la C3S abaisserait aussi le seuil de rentabilité des entreprises dans les secteurs à faible marge et permettrait donc à des entreprises, et donc à des emplois, aujourd’hui non viables d’exister.
La réforme des impôts de production entrée en vigueur en 2021 ne porte que sur une partie de la CFE.
Elle prévoit ainsi la réduction de moitié de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), pour leurs établissements industriels évalués selon la méthode comptable. Seuls ces derniers sont donc concernés, à l’exception des autres locaux et locaux professionnels assujettis à la cotisation.
L’évaluation des effets de la réforme de 2021 n’a pas encore été réalisée.
Benchmark
Dans les pays industrialisés, les impositions sur le chiffre d’affaires ont été supprimées dans les années 1960. La France s’est distinguée en recréant la C3S en 1970. Il n’existe depuis aucun équivalent, ailleurs en Europe, à cet impôt.
Mise en œuvre
La suppression devra être votée en loi de finances.
(1) Rapport économique, social et financier annexé au PLF 2022 (page 212), révisé tel que précisé dans l’avis du Haut Conseil des finances publiques d’octobre 2021 n° HCFP-2021-5 relatif au deuxième projet de loi de finances rectificative pour l’année 2021 et à la révision des projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2022.
(2) Dans les zones franches urbaines, zones de revitalisation rurale, bassins d’emploi à redynamiser et quartiers prioritaires au titre de la politique de la ville, des exonérations spécifiques sont pratiquées.
(3) Source : www.service-public.fr.
(4) CAE, « Les impôts pour (ou contre) la production », note n°53, juin 2019.
(5) Estimation à partir du rapport conjoint de l’IGF, l’IGAS, le l’IGA et le CGEDD de juillet 2020 relatif aux dispositifs zonés de soutien du développement économique et de l’emploi dans les territoires.
(6) Les données démographiques sont extraites du rapport IGA-IGF-CGEDD.
(7) Estimation à partir du rapport conjoint de l’IGF, l’IGAS, le l’IGA et le CGEDD de juillet 2020 relatif aux dispositifs zonés de soutien du développement économique et de l’emploi dans les territoires.
Renationaliser les concessions d'autoroutes
Exonérer les jeunes créateurs d'entreprises (< 30 ans) d'impôt sur les sociétés
Octroyer des prêts aux TPE et PME grâce à un "emprunt national" de 500 Md€ avec l'épargne des Français
Exonérer de cotisations patronales les hausses de 10 % des salaires inférieurs à 3 Smic
Donner la priorité aux PME pour les marchés publics
Créer un chèque-formation mensuel de 200 à 300€ pour les apprentis, les alternants et leurs employeurs
Créer un ministère pour lutter contre les fraudes fiscales, sociales, à l'étiquetage et aux importations
Réserver l’essentiel de la commande publique aux entreprises qui produisent en France