Restaurer la retraite à 60 ans à taux plein avec 40 annuités et revaloriser le minimum vieillesse
« C’est 40 annuités à partir de 60 ans […] Ceux qui ont commencé à travailler jeune partiront à 60, 61 ans et ceux qui ont fait des études partiront à 64 ou 65 ans ».
« Plus l’âge d’entrée dans l’emploi sera bas, plus le nombre de trimestres nécessaires pour bénéficier du taux sera lui aussi faible. [Pour ceux entrés dans la vie active à partir de 25 ans], les conditions de cotisations et d’âge seront inchangées par rapport à aujourd’hui ».
Marine le Pen prévoit de revenir à une durée d’assurance requise fixée à 40 annuités, soit 160 trimestres. L’âge d’ouverture des droits sera alors fixé à 60 ans, soit la situation antérieure à la réforme de 2010. En revanche, ces modifications ne concernent que ceux qui entreront tôt dans la vie active, un système progressif étant mis en œuvre pour les 20-25 ans tandis que les règles actuelles (172 trimestres cotisés et 62 ans pour l’âge d’ouverture des droits) sont inchangées pour les personnes entrant dans la vie active après 25 ans. La mesure proposée s’accompagne également d’une revalorisation du minimum vieillesse à 1 000€.
Comme en 2017, Marine le Pen propose de revenir sur les principales dispositions des réformes des retraites depuis 2010. La durée nécessaire à l’obtention du taux plein serait ramenée à 160 trimestres – ou 40 annuités – tandis que l’âge d’ouverture des droits serait ramené à 60 ans. Une modulation progressive, selon l’âge d’entrée dans la vie active, doit permettre d’inciter l’entrée en activité avant 20 ans – par l’augmentation progressive de l’âge d’ouverture des droits et du nombre de trimestres cotisés nécessaire pour l’obtention du taux plein. La mesure s’accompagne également, contrairement à 2017, d’une revalorisation du minimum vieillesse à hauteur de 1 000€.
Le coût de la mesure présenté ici est celui pour les régimes des retraites uniquement, sans chiffrage du report sur les autres régimes (maladie, chômage, invalidité). Le report de l’âge légal a en effet concerné, non seulement des salariés, mais aussi des individus au chômage ou en inactivité.
En l’absence de précisions sur des réformes annexes, par exemple sur les retraites complémentaires, plusieurs scénarios peuvent donc être avancés :
- D’une part, en revenant partiellement sur toutes les mesures d’âges de 2010, 2014 et de 2003, le coût de la mesure est estimé à 36 Md€ pour un scénario central ; la modulation proposée par la candidate par tranche d’âge réduit en revanche le coût du scénario central de 10 Md€, soit 26,5 Md€.
- Si on y ajoute le retour sur les réformes en matière de retraites complémentaires qui ont suivi ces réformes pour les retraites de base, le coût de la mesure est augmenté de plus de 10 Md€, soit un coût estimé au total à 38 Md€ pour un scénario haut.
- Un scénario bas – où seuls les effets des réformes 2010 et 2014 sont annulés – pourrait amener le chiffrage à un niveau de 23 Md€.
La revalorisation du minimum vieillesse implique un coût supplémentaire de 0,53 Md€ par an. En prenant en compte la modulation par tranche d’âge de la réforme, le coût pourrait être compris entre 23,5 Md€ (scénario bas) et 38,5 Md€ (scénario haut).
Le coût important de la mesure proposée par la candidate vient du fait que la mesure proposée revient pour une part importante aux générations qui vont partir à la retraite dans les prochaines années, et qui ont en moyenne commencé à cotiser très tôt dans leur vie par rapport aux générations moins âgées. Ainsi, près de 57 % de la tranche d’âge des personnes nées en 1962 (qui devraient partir à la retraite à partir de 2024 dans le système actuel) ont cotisé pour au moins un trimestre avant leurs 20 ans et seuls 10,5 % à 25 ans ou après. En somme, la mesure revient à détricoter l’ensemble des réformes des retraites de la dernière décennie pour la plupart des personnes, et donc à avancer l’âge de la retraite de près de 2 ans. Or, 2 ans de cohorte de retraités en plus correspondent à de l’ordre d’une trentaine de milliards d’euros de dépenses de retraites en plus.
Impact macroéconomique / sur le pouvoir d’achat
L’impact macroéconomique de la mesure serait probablement négatif.
D’une part, du point de vue de l’offre, la mesure réduit la population active et augmente la population inactive. Elle réduit donc le potentiel de l’économie. En pratique, ceci se traduirait par une forte désorganisation des entreprises qui verraient leurs salariés expérimentés partir plus rapidement qu’anticipé pour transmettre de manière efficace leurs connaissances et compétences aux générations plus jeunes. Ceci pourrait conduire à une pénurie de main d’œuvre forte à court terme.
D’autre part, du point de vue de la demande, la mesure pourrait être amenée à réduire le revenu disponible des ménages avec la substitution de pensions de retraites inférieures aux revenus de l’activité. Cet impact peut être très partiellement tempéré par l’augmentation des pensions les plus modestes.
Compte tenu de la structure par âge, cette mesure porte par ailleurs d’autres effets que ceux reflétant strictement l’impact d’une baisse de la population active sur la croissance potentielle. En effet, cette mesure favorise de manière directe les débuts de carrière rapide et diminue l’incitation à faire des études longues. Par exemple, un diplômé d’une école d’ingénieur ou supérieure de commerce (bac +5) commencera non seulement à travailler plus tard, mais devra cotiser plus longtemps pour avoir une retraite à taux plein. Ceci pourrait conduire à diminuer l’incitation à faire des études et donc à limiter le « capital humain » et donc la croissance du pays bien au-delà de l’effet de la réforme sur la population active. En effet, moins d’ingénieurs dans le pays par exemple signifie aussi moins de capacité d’innover.
Par ailleurs, de l’autre côté du spectre social, la réforme pourrait aussi être défavorable aux jeunes les moins diplômés, dont l’intégration sur le marché du travail n’est pas aisée et dont le taux de chômage est élevé.
La mesure de la candidate revient sur une grande partie des dispositions votées depuis 2003 :
- D’une part, la candidate propose comme en 2017 de revenir sur la plupart des réformes obtenues depuis 2003 : l’âge légal est ramené de 62 à 60 ans (réforme des retraites de 2010) et la réduction de la durée d’affiliation requise pour l’obtention du taux plein (réformes de 2014 et de 2003). En 2017, l’Institut Montaigne avait chiffré à 27 Md€ le coût engendré par ce retour sur les réformes 2003 à 2014.
- Enfin, la candidate a annoncé que le minimum vieillesse sera revalorisé à 1000€ contre 916,8€ pour l’ASPA en 2022.
Chiffrage des différentes mesures présentées :
Selon les micro simulations réalisées par l’Insee en 2014 (1), intégrées dans l’étude d’impact du projet de loi de réforme des retraites en 2019 (2) et conservées par le COR dans son rapport de 2021, les bénéfices des réformes de retraites sont de deux ordres.
- Les bénéfices liés aux évolutions des règles d’indexation : les revalorisations des salaires passées pour le calcul de la première pension, et de la pension servie chaque année étaient initialement indexées sur l’évolution des salaires ; depuis 1993, l’indexation se fait désormais sur l’évolution des prix dans les deux cas ;
- Les bénéfices liés aux évolutions des règles portant sur l’âge (hausse de l’âge légal, hausse de l’âge d’obtention du taux plein, hausse de la durée d’affiliation requise) et sur le nombre d’années prises en compte pour le calcul du salaire de référence d’autre part.
La candidate propose donc un retour à la situation d’avant 2003 en matière de mesures d’âges et du nombre de trimestres nécessaires pour obtenir la retraite à taux plein :
- Une réduction de l’âge légal de 62 à 60 ans ;
- Une durée d’affiliation requise de 172 à 160 trimestres ; pour rappel la réforme de 2003 a permis de passer de 160 à 166 trimestres, celle de 2014 de 166 à 172 trimestres.
Pour calculer l’impact du retour à la situation antérieure des mesures d’âges, le COR estimait la part des dépenses des réformes de retraite de 13,5 % du PIB en 2021 dans son dernier rapport (3). Dans le scénario C (1,3 % de croissance annuelle de la productivité du travail et taux de chômage de long-terme à 7 %) qu’il présente comme son scénario central, le COR estime que la totalité des mesures d’âges ont permis de réduire la part des retraites dans les dépenses de 2,7 points de PIB d’ici 2030.
Selon la DREES en 2016, pour les seules mesures d’âges entre 2010 et 2015, l’impact dans les dépenses a été très important : pour les masses de pensions de droit direct, celles-ci atteignent 30 Md€ en 2027 et 31,9 Md€ en 2030 soit 9 % des montants servis pour les retraites (4).
Les chiffrages publiés par la DREES dans son rapport concernent principalement l’horizon 2030. Néanmoins, lorsque l’on regarde en détail les tableaux de chiffres transmis par la DREES, les évolutions entre 2027 et 2030 sont minimes (lorsqu’il s’agit des grandeurs en points de PIB).
Ainsi, pour 2030, la DREES a décomposé les différents impacts des réformes. Elle estime d’une part les impacts de chaque modification réglementaire sur les pensions versées ainsi :
- Le relèvement de l’âge d’ouverture des droits de 60 à 62 est de 0,43 points de PIB ;
- L’augmentation de la durée d’assurance requise est de 0,16 points de PIB ;
- Les accords nationaux interprofessionnels représentent 0,25 points de PIB ;
- Les autres modifications réglementaires (réforme de l’Ircantec, écrêtement du MICO) sont de 0,12 points de PIB ;
- À l’inverse, le dispositif de départs anticipés devrait pratiquement plus avoir d’impact avec cette mesure. Les économies associées représenteraient 0,06 point de PIB.
Par ailleurs, sur le même horizon, la DREES considère que la variation des cotisations prélevées est positive à hauteur de 0,6 points de PIB supplémentaires. Dans le détail :
- Le relèvement de l’âge d’ouverture des droits de 60 à 62 est de 0,14 points de PIB ;
- L’augmentation de la durée d’assurance requise est de 0,02 points de PIB ;
- Les autres modifications réglementaires (réforme de l’Ircantec, écrêtement du MICO (5)) sont de 0,02 points de PIB ;
- Par ailleurs, les différentes hausses des taux de cotisation (Agirc-Arrco, régimes alignés) ont permis d’obtenir 0,41 points de PIB.
Ainsi, dans le détail, un premier volet des réformes de 2010 à 2015 (relèvement des âges d’ouverture des droits et de l’âge d’obtention du taux plein, augmentation de la durée d’assurance requise) a eu un impact sur les prestations versées et sur les cotisations reçues de 0,96 points de PIB. Le retour sur les réformes des différents ANI (6) (moindre prestation, hausse des taux spécifiques à l’Agirc-Arrco) est de 0,37 points de PIB.
Enfin, la réforme de 2014 porte la durée de 166 trimestres pour la génération de 1958 à 172 trimestres pour la génération de 1973. La hausse de la durée d’assurance liée à cette réforme occasionnerait un âge moyen de départ en hausse de 4 mois pour la génération de 1980. À terme, son effet a une ampleur analogue à celui du relèvement programmé par la réforme de 2003 (de 160 à 166 trimestres). Comme l’effet de cette disposition est déjà acquis, on considère que l’annuler abaisserait l’âge moyen de départ de 4 mois supplémentaires. La masse des pensions à verser serait accrue de 0,30 point de PIB supplémentaire – le même effet que celui calculé pour la réforme de 2014 à horizon 2040.
Enfin, la candidate a annoncé que le minimum vieillesse sera revalorisé à 1 000€ contre 916,8€ aujourd’hui pour l’ASPA. En prenant uniquement les 450 700 personnes isolées allocataires du minimum vieillesse (7), le coût annuel est de 449 M€ supplémentaires ( = (1 000 – 917) x 450 700 x 12) (8) et (9). Ce chiffrage est confirmée par d’autres acteurs comme la Mutualité française qui avait chiffré à 525 M€ la revalorisation de 100€ intervenue durant le quinquennat (10).
À l’horizon du quinquennat, l’effet serait donc :
- Pour les réformes d’âge annulées depuis 2003, de 1,20 point de PIB ;
- Pour la hausse du minimum vieillesse, de 0,02 point de PIB ;
- Dans le scénario maximaliste et le retour sur les avancées en matière de retraite complémentaire, de 0,37 point de PIB supplémentaires
La candidate a récemment affiné sa proposition en différenciant ses effets selon l’âge d’entrée dans la vie active :
- La réforme proposée s’appliquera dans sa totalité pour les personnes entrant dans la vie avant 20 ans et ne s’appliquera pas pour celles débutant leur cotisation après 25 ans ;
- Entre 20 et 25 ans, un système progressif de 160 à 168 trimestres de cotisations est institué pour un assouplissement progressif de la durée d’assurance, ainsi qu’un départ de 60,75 ans à 62 (assouplissement parallèle de l’âge d’ouverture des droits).
Afin de prendre en compte les effets de cette modulation, il convient de noter que pour la génération 1982 (la dernière avec chiffres complets) que l’âge moyen de la première validation est aujourd’hui de 21 ans, avec 70 % des premières validations d’un trimestre ayant lieu à 22 ans ou avant (11). Dans le détail, pour la génération née en 1962 (qui a 60 ans en 2022 et partira bientôt à la retraite) :
- 56,7 % des personnes ayant validé un premier trimestre ont moins de 20 ans, 10,5 % ont plus de 25 ans et 7,2 % sont dans un autre cas de figure ;
- 16,2 % ont validé leur premier trimestre à 20-21 ans, 6,3 % à 22-23 ans et 3,1 % à 24-25 ans.
En prenant ces hypothèses et une répartition homogène par tranche d’âge donné (les 16,2 % ayant validé leur premier trimestre à 20-21 ans sont considérés comme répartis respectivement de 8,1 % à 20 ans et 8,1 % à 21 ans, 3,15 % pour chaque tranche d’âge de 22 et 23 ans, 1,5 % à 24 et 25 ans), on peut considérer que, pour la génération née en 1962 :
- 64,8 % des coûts de la réforme sont certains – soit 20,4 Md€ ;
- En prenant un pas de 0,25 an (âge d’ouverture des droits de 60,75 ans à 21 ans ; 61 à 22 ans, 61,25 ans à 23 ans ; 61,5 à 24 ans et 62 à 25 ans) et de 2 trimestres (162 à 21 ans, 164 à 22 ans, 166 à 23 ans, 168 à 24 ans), on peut considérer les moindres bénéfices de la réforme pour chaque âge de manière linéaire. Ainsi à 21 ans, seuls 62,5 % du coût issu de la mesure d’âge (= un abandon des réformes passées de 1,25 an sur les 2 ans de recul de l’âge de la retraite, soit une proportion de 1,25 / 2 = 62,5 % des gains initiaux des réformes 2010-2014) et 83,3 % (162 trimestres contre 172 aujourd’hui, soit un retour de 10 trimestres d’avancement sur les 12 aujourd’hui acquis, soit une proportion de 10 / 12 = 83,3 % des gains initiaux des réformes 2010-2014) du coût issu de la réforme des trimestres cotisés sont nécessaires.
Age du premier trimestre cotisé (génération 1962) | 20 ans et – | 21 ans | 22 ans | 23 ans | 24 ans | 25 et plus |
% de population concernée | 64,8 % | 8,1 % | 3,15 % | 3,15 % | 1,5 % | 19,2 % |
Age ouverture droit (après réforme) | 60 ans | 60,75 | 61 | 61,25 | 61,5 | 62 ans |
% de retour sur l’impact des réformes | 100 % | 62,5 % | 50 % | 37,5 % | 25 % | 0 % |
Nb trimestres cotisés | 160 T | 162 T | 164 T | 166 T | 168 T | 172 T |
% de retour sur l’impact des réformes | 100 % | 83,3 % | 66,6 % | 50 % | 33,3 % | 0 % |
Coût en Md€ | 23,3 Md€ | 2 Md€ | 0,6 Md€ | 0,4 Md€ | 0,1 Md€ | 0 |
Enfin, un scénario bas – où seuls les effets des réformes 2010 et 2014 sont annulés – réduirait le coût de la mesure à 23,5 Md€. Pour y arriver, la mesure de réduction de 166 à 160 trimestres ne serait pas mise en œuvre : la durée d’affiliation serait fixée à 41,5 ans contre 40 ans comme inscrit actuellement dans son programme.
Intitulé de la variable | 2027/2030 |
Part dépense retraites dans le PIB | 13,6 |
Annulation de la réforme en 2010 | 0,78 |
Relèvement de 60 à 62 ans de l’âge d’ouverture des droits | 0,57 |
dont hausse des pensions versées | 0,43 |
dont baisse des cotisations | 0,14 |
Annulation de la réforme de 2014 | 0,18 |
Augmentation de la durée d’assurance requise pour l’obtention du taux plein | 0,18 |
dont hausse des pensions versées | 0,16 |
dont baisse des cotisations | 0,02 |
Annulation partielle de la réforme de 2003 | 0,30 |
Annulation des accords AGIRC-ARRCO | 0,37 |
dont hausse des pensions versées | 0,25 |
dont baisse des cotisations | 0,12 |
Neutralisation de l’effet des départs anticipés carrières longues | -0,06 |
Minimum vieillesse : 917€ | |
Proposition du candidat : 1000€ | |
Nombre d’allocataires isolés : 450 700 | |
Tous scénario : Supplément de dépenses (en Md€) | 0,45 |
PIB estimé (en Md€) | 2999 |
Coût (en Md€) du scénario médian : réformes âge et minimum vieillesse (MV) | 27,0 |
dont effet âge pour les 16-20 ans | 23,3 |
dont effet âge pour 21 ans | 2,0 |
dont effet âge pour 22 ans | 0,6 |
dont effet âge pour 23 ans | 0,4 |
dont effet âge pour 24 ans | 0,1 |
Coût (en Md€) du scénario haut : réformes âge + AGIRC-ARRCO + MV | 38,5 |
Coût (en Md€) du scénario bas : réformes âge partielles + MV | 23,5 |
Source : calculs des auteurs à partir de données Insee (12) et DREES (13)
Le coût important de la mesure proposée par la candidate vient du fait que la mesure proposée revient pour une part importante aux générations qui vont partir à la retraite dans les prochaines années et ont en moyenne commencé à cotiser très tôt dans leur vie par rapport aux générations moins âgées. Ainsi, près de 57 % de la tranche d’âge des personnes nées en 1962 (qui devraient partir à la retraite à partir de 2024 dans le système actuel) ont cotisé pour au moins un trimestre avant leurs 20 ans et seuls 10,5 % à 25 ans ou après. En somme, la mesure revient à détricoter l’ensemble des réformes des retraites de la dernière décennie pour la plupart des personnes, et donc à avancer l’âge de la retraite de près de 2 ans. Or 2 ans de cohorte de retraités en plus correspondent à plus de 20 Md€ de dépenses de retraites en plus.
Les effets des réformes des retraites sont bien documentés, au sein des études d’impacts des lois adoptées par le Parlement, ou les simulations réalisées par le Conseil d’orientation des retraites (COR), de la CNAV et de la DREES.
Le chiffrage documente ici uniquement le coût de la mesure pour les régimes de retraite, sans s’intéresser aux effets de substitution avec d’autres régimes. Ainsi, selon la DREES, la situation principale d’activité au cours de l’année précédant la liquidation des droits à retraite pour la génération 1946 est de 58 % en emploi, 3 % en préretraite, 7 % en maladie ou invalidité et 19 % au chômage – 13 % étaient déjà inactifs (14).
Une des difficultés tient à la globalité de la réforme des retraites proposée par la candidate. Le chiffrage porte sur l’abaissement de l’âge légal (60 ans), la durée d’affiliation (40 ans – soit 160 trimestres requis pour l’obtention du taux plein), ainsi que la revalorisation du minimum vieillesse à 1 000€ contre 917€ (15) aujourd’hui pour une personne seule.
N’a pas été calculé le coût des potentielles réformes annexes notamment en cas de remise en cause des réformes des régimes complémentaires (accords AGIRC-ARRCO-AGFF relatifs aux retraites complémentaires de 2011, 2013 et 2015). D’autres aspects envisagés, liés notamment aux régimes spéciaux, n’ont pas été intégrés.
Historique de la mesure
Les principales réformes des retraites depuis la réforme Balladur de 1993 :
La loi du 22 juillet 1993, dite réforme Balladur, a réformé les retraites du secteur privé en instaurant la revalorisation des pensions en fonction des prix et non plus des salaires, en relevant la durée d’assurance pour ouvrir droit à pension à taux plein de 150 à 160 trimestres et en modifiant les années prises en compte pour le calcul du salaire de référence (passage des 10 aux 25 meilleures années). Le plan Juppé en 1995 ainsi que la réforme Fillon (ci-après) aligneront les règles de la fonction publique sur celles du secteur privé.
La loi du 21 août 2003, dite réforme Fillon, a procédé à l’alignement de la durée de cotisation des fonctionnaires sur celle des salariés du privé : de 37,5 années de cotisation à 40 ans en 2008. Elle programme l’allongement de la durée de cotisation pour tous au-delà de 40 ans pour la porter à 41 ans (164 trimestres) en 2012. Des rendez-vous sont prévus tous les 4 ans (2012, 2016) pour examiner l’opportunité d’allonger encore la durée de cotisation, en fonction de l’évolution de l’espérance de vie.
La loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a relevé progressivement l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans et l’âge d’obtention automatique du taux plein de 65 à 67 ans de 2011 à 2018. Le relèvement progressif de ces âges s’effectue selon l’année de naissance à raison de quatre mois par génération entre 1951 et 1956. Cette évolution concerne tous les salariés, du public comme du privé ainsi que les régimes spéciaux, mais avec des calendriers de mise en œuvre différents. L’étude d’impact de la loi estimait l’économie annuelle tous régimes des mesures d’âge à 20,2 Md€ en 2020.
La loi du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012 (article 88) prévoit l’accélération de la réforme des retraites de 2010 : l’âge légal de départ à la retraite et l’âge d’obtention automatique de la retraite à taux plein passent respectivement à 62 et 67 ans dès 2017, au lieu de 2018.
La loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraite procède à un allongement de la durée requise pour le taux plein à partir de la génération 1958, à raison d’un trimestre toutes les trois générations pour atteindre 43 ans (172 trimestres) pour la génération 1973. Cette mesure s’inscrit dans la continuité de la réforme de 2003 avec un partage des gains d’espérance de vie par allongement de la durée cotisée.
L’étude d’impact du dossier législatif de la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 estimait l’économie de la mesure d’allongement de la durée d’assurance à 10,4 Md€ / an en 2040.
À cela s’ajoutent également les accords AGIRC-ARRCO-AGFF relatifs aux retraites complémentaires (2011, 2013, 2015).
Benchmark
Selon le dernier panorama des systèmes de retraite en France et à l’étranger (16), l’âge moyen de départ à la retraite s’est rapprochée de 64 ans pour atteindre 63,5 ans en 2017 – et devrait s’accroître à 64 ans en 2020 et 65 ans en 2035. En effet, parmi les pays de l’Union européenne, 16 pays appliquent un âge légal de départ à la retraite supérieur ou égal à 64 ans (Allemagne, Autriche, Belgique, Chypre, Danemark, Espagne, Finlande, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie). Le Royaume-Uni a également repoussé son âge de départ à 66 ans comme âge d’ouverture des droits.
Les réformes récentes dans les autres pays, avec le relèvement des âges légaux de départ à la retraite, s’étendent – à l’exception de la réforme en Belgique avec une augmentation de l’âge légal à 66 ans en 2025 et 67 ans en 2030 – sur plusieurs générations avec des progressivités divergentes. Ainsi l’Allemagne a un âge de taux plein fixé à 66 ans et 9 mois et qui sera porté à 67 ans à partir de 2030 (pour la génération 1964). L’Italie a quant à elle fixé l’âge de départ à la retraite fixé aujourd’hui à 67 ans et qui devra atteindre 70 ans en 2050 – avec la fin de l’expérimentation lancée entre 2018 et 2021 d’une retraite à 62 ans sous conditions d’années de cotisations.
Mise en œuvre
La mise en œuvre de la proposition suppose l’adoption d’une loi car les grandes règles relatives aux retraites (âge de départ à la retraite, durée de cotisations) relèvent de dispositions législatives codifiées dans le Code de la sécurité sociale. Conformément à l’article L. 1 du Code du travail, la loi est précédée d’une saisine obligatoire des partenaires sociaux. La loi votée devra ensuite être déclinée et précisée par des textes réglementaires élaborés par le Gouvernement.
Par symétrie avec la réforme de 2010, la mesure concerne tous les salariés, du privé comme du public, et les régimes spéciaux.
(1) INSEE, Vingt ans de réformes des retraites : quelle contribution des règles d’indexation ?, avril 2014.
(2) Projet de loi instituant un système universel de retraite – Étude d’impact, 2019, p. 29.
(3) COR, Rapport annuel du COR 8e édition – Évolutions et perspectives des retraites en France, juin 2021.
(4) DREES, Les réformes des retraites menées entre 2010 et 2015 : effets sur la situation des assurés, les dépenses des régimes et l’équité, décembre 2016.
(6) Accord national interprofessionnel.
(7) Insee, Allocataires du minimum vieillesse.
(8) En supposant une hausse similaire du minimum vieillesse pour les couples (passage à 1590€ du MV couple pour 75 200 couples ; source : Insee, Allocataires du minimum vieillesse), le coût annuel est de 650 M€ supplémentaires, mais cette proposition n’est pas précisée dans le programme même si celle-ci serait plus cohérente.
(9) En supposant une hausse similaire du minimum vieillesse pour les couples (passage de 1 423€ à 1 552€ du MV couple pour 75 200 couples ; source : Insee, Allocataires du minimum vieillesse), le coût annuel est de 565 M€ supplémentaires (yc les 449M€ précédent), mais cette proposition n’est pas précisée dans le programme même si celle-ci serait plus cohérente.
(10) La Mutualité Française, Place de la santé 2022.
(11) DREES, Les droits à la retraite acquis en début de carrière, janvier 2015, et en particulier les données du graphique 4.
(12) INSEE, Vingt ans de réformes des retraites : quelle contribution des règles d’indexation ?, avril 2014.
(13) DREES, Les réformes des retraites menées entre 2010 et 2015 : effets sur la situation des assurés, les dépenses des régimes et l’équité, décembre 2016.
(14) DREES, Les retraités et les retraites, édition 2021, p. 169.
(15) Source : au 1er janvier 2022.
(16) Conseil d’orientation des retraites, Panorama des systèmes de retraite en France et à l’étranger, déc. 2020.