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Jean-Luc Mélenchon
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BIOGRAPHIE

Jean-Luc Mélenchon est un homme politique français. Il est le candidat de La France Insoumise à l'élection présidentielle de 2022.


Né en 1951 à Tanger, il est diplômé d’une licence de philosophie et de lettres modernes de l’Université de Besançon. Il passe le CAPES en 1976 et devient professeur de français. Il collabore également avec plusieurs titres de presse comme La Voix du Jura. Militant dès le lycée, il adhère à l’UNEF dès son entrée à l’université.

Il entre au Parti socialiste en 1977. En 1981, il est nommé premier secrétaire du bureau socialiste de François Mitterrand de l’Essonne, où il réalisera une grande partie de sa carrière politique. Il en est conseiller régional de 1985 à 1992 puis de 1998 à 2004 (période où il est aussi président délégué du conseil général), avant d’en devenir sénateur de 1986 à 2000 et de 2004 à 2010.

En 2000, il est nommé ministre délégué à l’Enseignement supérieur dans le gouvernement de Lionel Jospin. Il est élu député européen en 2009 et réélu en 2014. En 2008, il quitte le parti socialiste et fonde le Parti de Gauche. Il se présente à l’élection présidentielle de 2012 en tant que candidat de la coalition du Front de Gauche (à laquelle son parti a pris part).

En 2016, il fonde le parti de La France Insoumise et se présente à l'élection présidentielle de 2017 où il est éliminé au premier tour après avoir recueilli 19,6 % des suffrages.

En novembre 2020, il annonce sa candidature à l’élection présidentielle de 2022.
Site de campagne

Rétablir la retraite à 60 ans après 40 années de cotisation et porter à minima au niveau du SMIC toutes les pensions

« Tout le monde ayant le nombre d’années prévu, le minimum sera le salaire minimum (soit 1 400 € net selon une autre mesure du candidat N.D.L.R). Les autres, ce sera au-dessus du seuil de pauvreté, c’est-à-dire au moins 1 000 € ».

Source : BFMTV

Estimation
Coût par an
Par l'Institut Montaigne
85,8 Md€
36 Md€ estimation basse
112,8 Md€ estimation haute
Précision
Par le candidat
71,5 Md€
Disposition législative.

Jean-Luc Mélenchon propose, tout comme en 2017, de revenir sur les principales dispositions des réformes des retraites depuis 2010. L’âge légal serait ramené à 60 ans, et la durée nécessaire à l’obtention du taux plein serait ramenée à 160 trimestres – ou 40 annuités. La mesure s’accompagne également, comme en 2017, d’une revalorisation du minimum vieillesse au niveau du taux de pauvreté (60 % du niveau de vie médian).

Sa réforme est en revanche plus documentée qu’en 2017 puisqu’un livret de son programme, L’Avenir en commun, prévoit également de revenir partiellement sur les réformes de 1993 (calcul de la première pension versée indexé sur l’évolution des salaires, prise en compte des 10 meilleures années au lieu des 25) sans revenir au nombre de trimestres prévu avant cette réforme, avec 150 trimestres (37,5 ans). Selon le contre-projet, ces réformes devraient conduire les dépenses de retraites à 16 points de PIB à horizon 2040.

Le coût de la mesure présenté ici est celui pour les régimes des retraites uniquement, sans chiffrage du report sur les autres régimes (maladie, chômage, invalidité).

Plusieurs scénarios peuvent donc être avancés :

  • Un scénario médian correspond au cumul de quelques hypothèses : un retour sur toutes les mesures d’âges depuis 1993 – hors passage de 37,5 à 40 annuités – ainsi que les règles de calcul de la pension versée sur les 10 meilleures années. Le coût de la mesure est estimé à 85,8 Md€ en 2027 dans ce scénario médian.
  • Le scénario haut ajoute une revalorisation de toutes les pensions déjà mises en paiements versées sur la base des 10 meilleures années de carrière, et non pas des 25 meilleures années de carrière, de manière à maintenir une équité entre les générations de retraités (112,8 Md€).
  • Un scénario bas, correspondant à une interprétation à minima de la mesure, reviendrait uniquement sur le recul de l’âge de la retraite et l’augmentation du nombre de trimestres nécessaires, pour 36 Md€ en 2027.

La revalorisation du minimum vieillesse implique un coût supplémentaire de 0,67 Md€ par an, la revalorisation du MICO (minimum contributif) pour des carrières complètes à 1 400€ à 12,05 Md€, l’intégration des années de RSA comme des années cotisées à 7,7 Md€. Ainsi en 2027, le coût pourrait être de 36 Md€ jusqu’à 112,8 Md€, avec une ligne médiane à 85,8 Md€.

Commentaires de l’équipe de campagne

Contactée, l’équipe de campagne a transmis à l’Institut Montaigne un contre-chiffrage de cette mesure, dont le coût est estimé à 71,5 Md€ réparti en différents postes :

  • Retraites à 60 ans à 40 annuités : 27 Md€
  • Prise en compte des trimestres passés au RSA : 1,9 Md€
  • Minimum vieillesse à 1 063 euros : 0,75 Md€
  • Pension minimale à 1 400 euros pour une carrière complète : 24,8 Md€
  • Indexation des pensions sur les salaires : 17 Md€

Soit un total de 71,5 Md€ de coûts estimés par l’équipe de campagne.

Cette mesure serait financée par :

  • Augmentation des cotisations vieillesse de 0,25 point par an sur le mandat : 16 Md€
  • Nouvelles sources de revenus (surcotisation hauts salaires, égalité salariale femmes-hommes, soumettre à cotisation les revenus exemptés comme les dividendes, rachats d’action, revenus d’intéressement, de participation, d’épargne salariale, etc ) : 36,6 Md€
  • Recettes induites par les créations d’emploi et la hausse des salaires : 15,6 Md€
  • Économies sur les prestations sociales et sur l’assurance chômage : 3,6 Md€

Soit, au total, 71,8 Md€ de recettes estimées par l’équipe de campagne.

Impact macroéconomique / sur le pouvoir d’achat

L’impact macroéconomique de la mesure serait probablement négatif.

D’une part, du point de vue de l’offre, la mesure réduit la population active et augmente la population inactive. Elle réduit donc le potentiel de l’économie. En pratique, ceci se traduirait par une forte désorganisation des entreprises qui verraient leurs salariés expérimentés partir plus rapidement qu’anticipé pour transmettre de manière efficace leurs connaissances et compétences aux générations plus jeunes. Ceci pourrait conduire à une pénurie de main d’œuvre forte à court terme.

D’autre part, du point de vue de la demande, la mesure pourrait être amenée à réduire le revenu disponible des ménages avec la substitution de pensions de retraites moindres aux revenus de l’activité. Cet impact peut être tempéré par des mécanismes d’augmentation des pensions, mais qui pourraient avoir un coût beaucoup plus élevé pour la mesure.

La mesure du candidat revient sur une grande partie des dispositions votées depuis 1993 :

  • D’une part, le candidat propose comme en 2017 de revenir sur la plupart des réformes obtenues depuis 2003 : l’âge légal est ramené de 62 à 60 ans (réforme des retraites de 2010), l’âge d’obtention automatique du taux plein de 67 à 65 ans (réforme des retraites de 2010) et la réduction de la durée d’affiliation requise pour l’obtention du taux plein (réformes de 2014 et de 2003). En 2017, l’Institut Montaigne avait chiffré à 27 Md€ le coût engendré par ce retour sur les réformes 2003 à 2014.
  • Par ailleurs, en complément de cette proposition, la contre-proposition de la France insoumise publiée en 2019 et reprise désormais par le candidat prévoit également de revenir sur le nombre d’années prises en compte pour le calcul du salaire de référence, de 25 à 10 ans (réforme de 1993) et l’indexation sur les salaires du calcul de la première pension (réforme de 1993).
  • Enfin, le candidat a annoncé que le minimum vieillesse serait revalorisé au seuil de pauvreté (soit 1 041€ contre 917€ aujourd’hui pour une personne seule).

Chiffrage des différentes mesures présentées

Selon les micro simulations réalisées par l’Insee en 2014 (1), intégrées dans l’étude d’impact du projet de loi de réforme des retraites en 2019 (2) et conservées par le COR dans son rapport de 2021, les bénéfices des réformes de retraites sont de deux ordres.

  • Les bénéfices liés aux évolutions des règles d’indexation : les revalorisations des salaires passés pour le calcul de la première pension, et la revalorisation de la pension servie chaque année étaient initialement indexées sur l’évolution des salaires ; depuis 1993, l’indexation se fait désormais sur l’évolution des prix dans les deux cas ;
  • Les bénéfices liés aux évolutions des règles portant sur l’âge (hausse de l’âge légal, hausse de l’âge d’obtention du taux plein, hausse de la durée d’affiliation requise) et sur le nombre d’années prises en compte pour le calcul du salaire de référence d’autre part.

Les micro-simulations réalisées par l’Insee estiment qu’à horizon 2060, l’effet sur la réduction des dépenses de retraites grâce aux réformes d’indexation sur les prix est 1,5 fois supérieur à l’effet obtenu par les mesures d’âges. Au sein des mesures d’âges, l’effet des règles de proratisation de la retraite (nombre des « meilleures années » prises en compte pour le calcul du salaire de référence) est plus important que celui de l’augmentation du nombre de trimestres cotisés : 75 % des gains de la réforme Balladur de 1993 proviennent du nouveau calcul de la retraite versée (passage des 10 meilleures années aux 25 meilleures années, qui a occasionné une baisse de la prestation versée) et environ 25 % des gains proviennent de la hausse du nombre de trimestres (de X à 160 trimestres) (3).

L’hypothèse est que le candidat, en suivant les propositions de la France insoumise, propose donc un retour à la situation avant 1993 – à l’exception du retour à 150 trimestres au lieu de 160 – soit a minima les mesures d’âges et la réforme du nombre d’années prises en compte pour le calcul du salaire de référence. Le scénario 1 estime le coût :

  • Du recul des âges (suppression des réformes 2010) ;
  • Du recul de la durée de cotisation, hors réforme Balladur (réforme 2003 et 2014) ;
  • De la proratisation sur 10 ans au lieu de 25 (annulation partielle de la réforme de 1993).

Pour calculer l’impact du retour à la situation antérieure des mesures d’âges, on peut s’appuyer sur les chiffrages publiés par la DREES dans son rapport concernent principalement l’horizon 2030. Néanmoins, lorsque l’on regarde en détail les tableaux de chiffres transmis par la DREES, les évolutions entre 2027 et 2030 sont minimes (lorsqu’il s’agit des grandeurs en points de PIB).

Ainsi, pour 2030, la DREES a décomposé les différents impacts des réformes. Elle estime d’une part les impacts de chaque modification réglementaire sur les pensions versées ainsi :

  • Le relèvement de l’âge d’ouverture des droits de 60 à 62 est de 0,43 points de PIB
  • Le relèvement de l’âge d’obtention du taux plein de 65 à 67 ans est de 0,18 points de PIB
  • L’augmentation de la durée d’assurance requise est de 0,16 points de PIB
  • Les accords nationaux interprofessionnels représentent 0,25 points de PIB
  • Les autres modifications réglementaires (réforme de l’Ircantec, écrêtement du MICO) sont de 0,12 points de PIB.
  • Le dispositif de départs anticipés ne devrait pratiquement plus avoir d’impact avec cette mesure. Les économies associées représenteraient 0,06 point de PIB.

Au total, un retour sur ces mesures d’âges représenterait un coût de 1,2 point de PIB à horizon 2027, soit 36 Md€.

Pour calculer l’impact du changement de la proratisation (un passage de 25 à 10 ans de référence pour le calcul des meilleurs salaires), il convient de considérer l’écart actuel entre le salaire moyen sur les 10 meilleures années et celui sur les 25 meilleures années. Celui-ci est de 5,9%, occasionnant, à terme, une hausse de 0,8 points de PIB des dépenses de pensions de retraites (6).

Lignes Catégorie d’âge Revenu salarial Salaire annuel moyen en EQTP Volume de travail annuel moyen en EQTP
    (en euros)
a Moins de 25 ans 7 570 17 680 0,43
b De 25 à 39 ans 19 420 25 010 0,78
C De 40 à 49 ans 25 310 30 260 0,84
D De 50 à 54 ans 26 370 31 220 0,84
E 55 ans ou plus 25 120 33 180 0,76
  Hypothèse d’âge de départ  63 ans    
  Nombre d’année entre 55 et 63 ans 8    
f=(8e+2d)/10 Salaire moyen sur les 10 meilleures années   32 788  
g=(8e+5d+10c+2b)/25 Salaire moyen sur les 25 meilleures années   30 966  
f/g-1, en % Accroissement entre les 2 (7) :   5,9 %  
Pensions totales en France (en point de PIB)   13,5  
Impact d’une revalorisation sur les dépenses de pensions (en point de PIB) 0,8  
Impact d’une revalorisation sur les dépenses de pensions (en Md€ de 2022) 21  

Source : calcul des auteurs à partir de données Insee (haut du tableau, lignes a à e) et RESF 2022 (p212) pour le PIB 2022.

Ce calcul estime qu’il y aurait un rattrapage pour tous les retraités, sans pour autant qu’il y ait de rattrapage sur toutes les pensions versées jusqu’alors : la mesure ne concernerait que les pensions versées à partir de la mise en œuvre de la mesure.

Par ailleurs, la mesure prévoit une indexation par rapport à l’évolution annuelle moyenne des salaires – que l’on considère valable uniquement pour l’avenir – des salaires passés pour le calcul de la première pension versée. Aujourd’hui, le calcul de la première pension se fonde sur des salaires passés revalorisés en fonction de l’inflation et non de l’évolution des salaires. La mesure correspond donc à une revalorisation sur l’évolution des salaires réels sur les 10 meilleures années de leur salaire. Or l’évolution sur les dix dernières années des salaires réels est de 17,5 %, soit près de 8,7 % en moyenne d’évolution sur les dernières années de la carrière (en considérant que la croissance des salaires est linéaire sur les 10 ans). Sachant que la durée de vie à la retraite est de 25 ans environ (8), alors chaque cohorte pèse une part de dépenses de retraite d’environ 0,54 points de PIB. D’ici à 2027, 5 cohortes seraient revalorisées chacune de 8,7 %, soit 0,05 pour une cohorte et 0,24 points de PIB de dépenses supplémentaires d’ici 2027 pour 5 cohortes – soit un coût de l’ordre de 6 Md€ en 2027.

Un scénario haut correspondrait à une revalorisation de l’ensemble des pensions passées de 8,7 %, afin de conserver une équité entre les cohortes étant déjà passées à la retraite et celle à venir au cours du quinquennat. Ce coût correspondrait à un accroissement de 8,7 % de l’ensemble des pensions (hormis celles déjà prises en compte dans le paragraphe précédent), soit 0,9 point de PIB supplémentaires (c’est-à-dire de l’ordre de 27 Md€ de 2027).

En prenant uniquement les 450 700 personnes isolées allocataires du minimum vieillesse (9), le coût annuel de la revalorisation du minimum vieillesse au seuil de pauvreté est de 670 M€ supplémentaires ( = (1 041-917)*450 700*12 ) (10).

Le candidat prévoit par ailleurs de relever à 1 400 € les pensions des assurés éligibles au MICO (minimum contributif).

Pour calculer la revalorisation du minimum contributif, il convient de rappeler que le MICO est une prestation différentielle, qui garantit un minimum de pension aux personnes qui ont cotisé durant leur carrière sur la base de salaires très modestes. Seuls les assurés qui partent à la retraite au taux plein (par la durée validée, l’âge, ou en référence à leur situation d’ex-invalide ou d’inapte) sont éligibles au minimum contributif. Depuis le 1er janvier 2012, un mécanisme d’écrêtement du MICO a été mis en place : le total des retraites (de base et complémentaire) de l’assuré ne doit pas dépasser le plafond autorisé pour le MICO (il s’établit à environ 1 241€ au 1er janvier 2022). D’autre part, pour les assurés au minimum vieillesse, 80 % sont également bénéficiaires du MICO (11).

Si le plafond autorisé est dépassé, la majoration due au titre du minimum est réduite à due concurrence. Depuis 2020, le FSV ne prend plus en charge le financement partiel du MICO, désormais transféré vers les branches vieillesse des régimes alignés (CNAV, MSA). En 2020, le MICO représentait 7,2 Md€ (régime général et régime des salariés agricoles) tandis que le MIGA (minimum garanti pour la fonction publique) représentait 1,6 Md€ et la prestation majorée de référence pour les non-salariés agricoles représentait 127,2 M€ (12).

Environ 13 % des nouveaux retraités touchent le MICO : au 31 décembre 2020, 199 800 nouveaux retraités le perçoivent au régime général (13) pour un montant moyen de 134€. Le MICO représente ainsi 31 % de la pension totale de base pour les nouveaux pensionnés, sans compter le minimum vieillesse pour les bénéficiaires sous conditions de ressources.

Revaloriser le MICO pour obtenir une retraite à 1 400€ à horizon 2027 reviendrait à lui soustraire :

  • D’une part le montant actuel du MICO garanti (713,11€) ;
  • D’autre part le montant actuel de la retraite complémentaire moyenne ; il n’existe pas de statistique concernant la retraite complémentaire moyenne au MICO ; en revanche, comme la pension de base moyenne est de 560€ et que la complémentaire est égale à 65,6 % (14) de la pension de base à la CNAV, alors la retraite complémentaire moyenne est de 367€.
  • La revalorisation attendue est de 230,7€ par mois (en prenant en compte l’inflation) : 1 400 – (713,11+367)*1,016^5 (inflation moyenne prévue sur le prochain quinquennat sous hypothèse d’une revalorisation des pensions sur l’inflation).

Puisque le montant moyen versé du MICO est de 134€ en 2020, alors la hausse de 230,7€ équivaut à une hausse du montant moyen versé de 172 %. En appliquant cette hausse moyenne de 172 % aux dépenses totales du MICO (7,0 Md€ en 2018), alors la revalorisation du MICO  serait de 7 x 230,7 /134 = 12,05 Md€ (15), ce qui constitue l’hypothèse médiane.

Le candidat prévoit enfin d’intégrer les années au RSA comme années de cotisations pour la retraite. Pour intégrer un tel chiffrage, il faudrait en réalité avoir des données très précises sur le comportement de cotisation des personnes qui ont été au moins une année de leur vie au RSA. Ces données ne sont pas publiques. Il est donc nécessaire d’approximer autant que faire se peut les conséquences d’une telle intégration de ces années dans les années cotisées pour une personne. Cette estimation se fait en 4 étapes :

  • La proportion moyenne sur les 12 dernières années de RSA par rapport à l’emploi total = 6,4 % (16). Cette proportion correspond donc au nombre d’année supplémentaire que les personnes cotiseraient par an dans ce nouveau système.
  • Le coût total des régimes de bases hors fonctions publiques est de 171 Md€ (17).
  • Il est fait l’hypothèse – conservatrice – que les pensionnés qui ont été au RSA sont dans les 20 % les moins riches en termes de pouvoir d’achat. Ces pensionnés ont des revenus totaux nets qui représentent 1 160 €/mois contre une moyenne des revenus des retraités à 2 780€/mois. L’écart relatif entre ces deux pouvoirs d’achats, correspondant au rapport entre les retraités à 20 % les moins riches et la moyenne des retraités est de 42 %. L’hypothèse qui est faite ici est que les personnes ayant été au RSA ont une retraite dans ces 20% les moins riches. Cette hypothèse est confortée par plusieurs études montrant la persistance de la pauvreté en France (18).
  • En considérant que les durées d’assurance sont en moyenne incomplète (taux de 91 % selon le panorama des retraites de la Drees 2021 (19), l’accroissement de la durée de cotisations de 6,4 % en moyenne correspond à un accroissement du total des pensions de (en reprenant la formule de la pension de base du régime général (20)) : 6,4 % x ( 6,4 %x 42 x 0,625 ) = 10,9 %.

Au total, le coût d’une prise en compte du RSA dans les durées de cotisations serait de 171 x 10,9 % x 42 % = 7,7Md€.

À l’horizon 2027, les effets possiblement mis en place seraient alors, par an :

  • de 0,8 point de PIB pour l’évolution des règles de proratisation (24 Md€);
  • de 0,06 point de PIB pour la revalorisation sur les salaires des premières pensions versées (1,8 Md€);
  • de 1,2 point de PIB pour le retour sur les mesures d’âge (36 Md€);
  • de 0,8 points de PIB pour l’intégration des années RSA dans les années cotisées et la revalorisation du MICO (24 Md€).

Ainsi l’hypothèse médiane serait une hausse de 2,86 points de PIB soit 85,8 Md€.. La part des dépenses de retraites dans les dépenses totales serait alors amenée à 16,7 % en 2027 – là où le chiffrage du programme L’Avenir en commun l’estime à 16 % en 2040. L’âge moyen de départ en retraite serait réduit, à minima de 20 mois : l’effet des réformes depuis 2010 a été l’augmentation d’un an et 8 mois de l’âge conjoncturel de départ à la retraite (21). Ce chiffrage correspond au scénario médian, car il suppose que la quasi-totalité des mesures présentées dans le contre-programme L’Avenir en commun soit adoptée, à l’exception d’un rattrapage de revalorisation des pensions déjà en cours de liquidation (le scénario haut l’intègre, 0,9 point de PIB, soit 27 Md€, à horizon 2027).

Un scénario moins ambitieux mais légèrement plus crédible, où seules les réformes d’âge (recul de l’âge de départ à la retraite de deux ans, passage de 160 à 172 trimestre) sont remises en cause, aurait quant à lui un effet limité à 1,2 points de PIB : dans ce cas, le chiffrage est de 36 Md€ à horizon 2027.

Les effets des réformes des retraites sont bien documentés, au sein des études d’impacts des lois adoptées par le Parlement, ou les simulations réalisées par le Conseil d’orientation des retraites (COR), de la CNAV et de la DREES.

Le chiffrage documente ici uniquement le coût de la mesure pour les régimes de retraite, sans s’intéresser aux effets de substitution avec d’autres régimes. Ainsi, selon la DREES, la situation principale d’activité au cours de l’année précédant la liquidation des droits à retraite pour la génération 1946 est de 58 % en emploi, 3 % en préretraite, 7 % en maladie ou invalidité et 19 % au chômage – 13 % étaient déjà inactifs (23).

Une des difficultés tient à la globalité de la réforme des retraites proposée par le candidat. Le chiffrage porte sur l’abaissement de l’âge légal (60 ans), l’âge d’obtention du taux plein (réduction de 2 ans), la durée d’affiliation (40 ans – soit 160 trimestres requis pour l’obtention du taux plein), ainsi que la revalorisation du minimum vieillesse au seuil de pauvreté (soit 1 041€ contre 917€ aujourd’hui pour une personne seule) ainsi que le calcul du salaire de référence sur les 10 meilleures années.

N’ont pas été calculées les potentielles réformes annexes notamment en cas de remise en cause des réformes des régimes complémentaires (accords AGIRC-ARRCO-AGFF relatifs aux retraites complémentaires de 2011, 2013 et 2015). D’autres aspects envisagés (suppression totale de la décote, pension égale au SMIC pour toute personne avec une carrière complète) n’ont pas été intégrés. La décote concerne ainsi 7 % des retraités de la génération 1950 (24) ; or la décote réduit la retraite d’environ 28 % (25).

Historique de la mesure

Les principales réformes des retraites depuis la réforme Balladur de 1993 :

  • La loi du 22 juillet 1993, dite réforme Balladur, a réformé les retraites du secteur privé en instaurant la revalorisation des pensions en fonction des prix et non plus des salaires, en relevant la durée d’assurance pour ouvrir droit à pension à taux plein de 150 à 160 trimestres et en modifiant les années prises en compte pour le calcul du salaire de référence (passage des 10 aux 25 meilleures années). Le plan Juppé en 1995 ainsi que la réforme Fillon (ci-après) aligneront les règles de la fonction publique sur celles du secteur privé.
  • La loi du 21 août 2003, dite réforme Fillon, a procédé à l’alignement de la durée de cotisation des fonctionnaires sur celle des salariés du privé : de 37,5 années de cotisation à 40 ans en 2008. Elle programme l’allongement de la durée de cotisation pour tous au-delà de 40 ans pour la porter à 41 ans (164 trimestres) en 2012. Des rendez-vous sont prévus tous les 4 ans (2012, 2016) pour examiner l’opportunité d’allonger encore la durée de cotisation, en fonction de l’évolution de l’espérance de vie.
  • La loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a relevé progressivement l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans et l’âge d’obtention automatique du taux plein de 65 à 67 ans de 2011 à 2018. Le relèvement progressif de ces âges s’effectue selon l’année de naissance à raison de quatre mois par génération entre 1951 et 1956. Cette évolution concerne tous les salariés, du public comme du privé ainsi que les régimes spéciaux, mais avec des calendriers de mise en œuvre différents. L’étude d’impact de la loi estimait l’économie annuelle tous régimes des mesures d’âge à 20,2 Md€ en 2020.
  • La loi du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012 (article 88) prévoit l’accélération de la réforme des retraites de 2010 : l’âge légal de départ à la retraite et l’âge d’obtention automatique de la retraite à taux plein passent respectivement à 62 et 67 ans dès 2017, au lieu de 2018.
  • La loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraite procède à un allongement de la durée requise pour le taux plein à partir de la génération 1958, à raison d’un trimestre toutes les trois générations pour atteindre 43 ans (172 trimestres) pour la génération 1973. Cette mesure s’inscrit dans la continuité de la réforme de 2003 avec un partage des gains d’espérance de vie par allongement de la durée cotisée.
  • L’étude d’impact du dossier législatif de la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 estimait l’économie de la mesure d’allongement de la durée d’assurance à 10,4 Md€ / an en 2040.

À cela s’ajoutent également les accords AGIRC-ARRCO-AGFF relatifs aux retraites complémentaires (2011, 2013, 2015).

L’âge légal de départ à la retraite a été fixé à 65 ans à partir de 1945, date de la fondation du système de retraite par répartition. Il a été ensuite abaissé à 60 ans en 1982. Si différentes réformes des retraites ont eu lieu en 1993 et 2003, l’âge légal de départ à la retraite a été relevé en 2010, en passant de 60 à 62 ans. L’application de la réforme a été étalée jusqu’en 2017.

Lors de la dernière réforme de 2010, celle du passage de 60 à 62 ans, l’étude d’impact de la loi estimait l’économie annuelle tous régimes des mesures d’âge (âge légale et âge d’obtention du taux plein) à 20,2 Md€ en 2020.

Selon la DREES en 2016, les gains estimés étaient de 14 milliards d’euros d’économies attendues sur les dépenses des régimes de retraite à l’horizon 2017-2020. En revanche, cette même réforme représentait déjà un surcoût d’environ 1,2 à 1,5 milliard d’euros pour les régimes gestionnaires des pensions d’invalidité et devait également se traduire par une augmentation des dépenses d’allocation de minima sociaux de 600 millions d’euros par an (26).

Benchmark

Selon le dernier panorama des systèmes de retraite en France et à l’étranger (27), l’âge moyen de départ à la retraite s’est rapproché de 64 ans pour atteindre 63,5 ans en 2017 – et devrait s’accroître à 64 ans en 2020 et 65 ans en 2035. En effet, parmi les pays de l’Union européenne, 16 pays appliquent un âge légal de départ à la retraite supérieur ou égal à 64 ans (Allemagne, Autriche, Belgique, Chypre, Danemark, Espagne, Finlande, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie). Le Royaume-Uni a également repoussé son âge de départ à 66 ans comme âge d’ouverture des droits.

Les réformes récentes dans les autres pays, avec le relèvement des âges légaux de départ à la retraite, s’étendent – à l’exception de la réforme en Belgique avec une augmentation de l’âge légal à 66 ans en 2025 et 67 ans en 2030 – sur plusieurs générations avec des progressivités divergentes. Ainsi l’Allemagne a un âge de taux plein fixé à 66 ans et 9 mois et qui sera porté à 67 ans à partir de 2030 (pour la génération 1964). L’Italie a quant à elle fixé l’âge de départ à la retraite fixé aujourd’hui à 67 ans et qui devra atteindre 70 ans en 2050 – avec la fin de l’expérimentation lancée entre 2018 et 2021 d’une retraite à 62 ans sous conditions d’années de cotisations.

Mise en œuvre

La mise en œuvre de la proposition suppose l’adoption d’une loi car les grandes règles relatives aux retraites (âge de départ à la retraite, durée de cotisations) relèvent de dispositions législatives codifiées dans le Code de la sécurité sociale. Conformément à l’article L. 1 du Code du travail, la loi est précédée d’une saisine obligatoire des partenaires sociaux. La loi votée devra ensuite être déclinée et précisée par des textes réglementaires élaborés par le Gouvernement.

Par symétrie avec la réforme de 2010, la mesure concerne tous les salariés du privé, comme du public et régimes spéciaux.

(1) INSEE, Vingt ans de réformes des retraites : quelle contribution des règles d’indexation ?, avril 2014.

(2) Projet de loi instituant un système universel de retraite – Étude d’impact, 2019, p. 29.

(3) Anne-Gisèle Privat, L’avenir des retraites en France : évaluation de l’impact des réformes de 1993 à 2003 à l’aide du modèle de microsimulation ARTEMIS, 2006.

(4) COR, Rapport annuel du COR 8e édition – Évolutions et perspectives des retraites en France, juin 2021.

(5) DREES, Les réformes des retraites menées entre 2010 et 2015 : effets sur la situation des assurés, les dépenses des régimes et l’équité, décembre 2016.

(6) INSEE, Emploi, chômage, revenus du travail, éd. 2020.

(7) On prend ici les salaires en EQTP pour s’extraire du fait qu’une partie des personnes de plus de 55 ans partent à la retraite et sont donc considérées comme inactive – et font donc baisser le salaire moyen en personnes physiques.

(8) Panoramas de la DREES social : Les retraités et les retraites, édition 2021, p.135.

(9) Insee, Allocataires du minimum vieillesse.

(10) En supposant une hausse similaire du minimum vieillesse pour les couples (passage à 1 605€ du MV couple pour 75 200 couples ; source : Insee, Allocataires du minimum vieillesse), le coût annuel est de 928 M€ supplémentaires, mais cette proposition n’est pas précisée dans le programme même si celle-ci serait plus cohérente.

(11) CNAV, L’articulation entre le minimum contributif et le minimum vieillesse au Régime général, juillet 2018.

(12) Cour des comptes, RALFSS 2020, octobre 2020, p. 256.

(13) PLFSS pour 2022, REPSS Retraites p. 50.

(14) PLFSS pour 2022, REPSS Retraites, p. 40.

(15) Une autre évaluation du coût est la suivante : si la mesure est adoptée pour les 6 millions d’allocataires du MICO (CNAV et MSA), celle-ci aurait au plus un coût de 4,4 Md€. Cette estimation est un majorant car elle suppose que tous les bénéficiaires du MICO aient réunies la durée cotisée de 120 trimestres : dans la réalité, environ 27 % des nouveaux bénéficiaires du MICO bénéficient de la totalité des 120 trimestres cotisés mais ils étaient environ 45 % en 2010 (CCSS, Les comptes de la sécurité sociale, résultats 2020, prévisions 2021 et 2022, sept. 2021, p. 158 (graphique n° 3)).

(16) Calcul en rapportant les données Insee sur le RSA (à partir de sources MSA/Cnaf : Foyers bénéficiaires du RSA socle selon la situation familiale, Données annuelles de 2009 à 2019, Chiffres-clés paru le 09/09/2021) et les données Insee des comptes nationaux sur l’emploi total France (tableau 6.208 Emploi intérieur total par branche en nombre de personnes).

(17) Chiffre correspondant à la somme de l’ensemble des prestations retraites des régimes obligatoires de base, hors retraites de la fonction publiques = 145,6+15,7+9,5 Md€ (cf. page 95 du rapport de la CCSS de septembre 2021). En première approximation, il est en effet considéré que les assurés du secteur public (régime des retraites de l’Etat et CNRACL, hors Ircantec) ne représentent qu’une fraction marginale des personnes ayant bénéficié du RSA socle.

(18) Cf. par exemple : 70 % des personnes pauvres en 2016 le restent l’année suivante, une persistance en hausse depuis 2008, Insee Focus No 208 paru le 15/10/2020, Valérie Albouy, Fabien Delmas (département des Ressources et conditions de vie des ménages, Insee) ; cf. également notamment : panoramas de la Drees social (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) éd. 2021, Minima sociaux et prestations sociales Minima sociaux et prestations sociales Ménages aux revenus modestes et redistribution. La pauvreté est cependant moins persistante en France que dans la plupart des pays européens, comme le montre les statistiques d’Eurostat.

(19) PANORAMAS DE LA DREES SOCIAL, Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques Les retraités et les retraites, édition 2021, page 100.

(20) [Revenu annuel moyen x Taux de la pension x (Durée d’assurance au régime général limitée à la durée d’assurance pour obtenir une pension taux plein (selon votre année de naissance) / Durée d’assurance pour obtenir une pension à taux plein)] (source), et en faisant l’hypothèse que les personnes qui ont bénéficié du RSA sont très majoritairement des personnes qui n’ont pas atteint leur durée minimale d’assurance pour avoir un coefficient de proratisation de 100 %. Cette hypothèse est cohérente avec l’hypothèse prise ci-dessus d’une persistance de la pauvreté.

(21) DREES, Les retraités et les retraites, édition 2021 p. 10.

(22) Source : calcul à partir du RESF 2022 : cf. Institut Montaigne ; le PIB est en pratique ici celui de 2027. Ce PIB est retenu ici car les chiffrages sont construits par hypothèse à horizon 2027 et cette option de présentation permet d’avoir tous les chiffres en € de 2027.

(23) DREES, Les retraités et les retraites, édition 2021, p. 169.

(24) Ibid., p. 143.

(25) CNAV, Départs en retraite avec décote : des situations contrastées entre les hommes et les femmes, mars 2015.

(26) DREES, Invalidité et minima sociaux : quels effets du passage de la retraite de 60 à 62 ans ?, oct. 2016.

(27) Conseil d’orientation des retraites, Panorama des systèmes de retraite en France et à l’étranger, déc. 2020.

La France
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