Mettre en place une stratégie européenne pour réduire nos émissions par le biais d'une taxe carbone européenne
Dans son programme de campagne, le candidat mentionne la « mise en œuvre d’une taxe carbone aux frontières de l’Europe pour éviter la concurrence déloyale », une mesure bien identifiée pour laquelle la France vient récemment d’obtenir un compromis au Conseil de l’Union européenne, dont elle est l’actuelle présidence.
Source : Programme d’Emmanuel Macron
Néanmoins, lors de la présentation de son programme, le candidat aurait plutôt évoqué sa volonté de « sortir de la dépendance au gaz et au charbon » à travers une taxe carbone européenne qui serait « déclinée au niveau national par une planification par secteur ». Non reprise dans le programme, cette proposition pourrait évoquer plusieurs mesures actuellement en cours de négociation au niveau européen.
La proposition du candidat peut recouvrir plusieurs mesures possibles. Certaines ne correspondent pas à des mesures nouvelles mais à des propositions déjà formulées par la Commission européenne dans le cadre de son paquet législatif dit « Fit for 55 » visant à mettre les politiques climatiques de l’Union européenne en cohérence avec le nouvel objectif de baisse des émissions de -55 % des émissions d’ici 2030, voté en 2019 au sein de la loi Climat.
Ainsi, la formulation du candidat peut recouvrir trois grands types de mesures.
D’abord, un « mécanisme d’ajustement carbone aux frontières » serait établi, soit une forme de « taxe » aux importations provenant de pays dont la production est plus carbonée et ne fait pas l’objet d’une tarification du carbone équivalente à celle appliquée aux producteurs européen. Cette mesure permettrait de lutter contre les « fuites de carbone », c’est-à-dire les activités polluantes délocalisées. Elle permettrait aussi de restaurer la compétitivité des producteurs européens en appliquant une même taxe carbone aux produits importés qu’à la production européenne. En revanche, elle aurait un impact négatif pour les exportations. Cette mesure a fait l’objet d’un accord du Conseil de l’Union européenne, elle n’est donc pas nouvelle.
Ensuite, un nouveau marché de quotas carbone dans le transport et le bâtiment (éventuellement élargis au maritime et à l’aviation) serait créé. Ce marché de quotas permettrait une baisse évaluée à 45 % environ des émissions pour les secteurs concernés. Ils auraient néanmoins un fort impact économique et social, avec notamment le renchérissement de certains biens. À ce stade, aucun accord n’existe dans l’Union mais la mesure est déjà en discussion entre États européens.
Alternativement à cette deuxième mesure sur les quotas, la proposition du candidat peut faire référence à une nouvelle taxe carbone européenne. Il s’agirait de créer une nouvelle fiscalité européenne, pour laquelle aucun accord n’existe à ce stade.
Le programme du candidat et le candidat évoquent deux dimensions de mesure. D’une part, une taxe carbone aux frontières de l’Europe pour éviter la concurrence déloyale. D’autre part un objectif de sortir de la dépendance au gaz et au charbon à travers une taxe carbone européenne qui serait déclinée au niveau national par une planification par secteur.
Une stratégie européenne pour réduire les émissions de gaz à effet de serre à travers la tarification du carbone a d’ores et déjà été proposée par la Commission européenne dans un paquet qu’elle a proposé en juillet dernier, appelé « Fit for 55 ». Cette proposition n’est pas une mesure nouvelle du candidat. Ce paquet comprend 12 propositions législatives qui visent à mettre le cadre juridique et les politiques climatiques de l’Europe en cohérence avec le nouvel objectif climatique de l’Union européenne pour 2030, visant à réduire de 55 % (au lieu de 40 %) les émissions de gaz à effet de serre.
Ce paquet vise notamment à adopter un cadre de tarification du carbone renforcé dans l’Union européenne à travers 3 principales mesures :
- Un renforcement de l’actuel marché de quotas mis en œuvre dans l’Union européenne en 2005 pour accélérer la décarbonation de l’économie : le prix sur le marché devrait être renforcé du fait d’une baisse progressive de l’offre de quotas, le marché est étendu au maritime et à l’aviation intra-européenne et la suppression progressive de « quotas gratuits » actuellement donnés aux secteurs à risque de « fuite de carbone » (c’est-à-dire des importations de biens carbonés de pays ne taxant pas le carbone ou délocalisation de production dans des pays ne taxant pas le carbone) ;
- La mise en place d’un « mécanisme d’ajustement carbone aux frontières » : c’est ce que le candidat appelle « taxe carbone aux frontières de l’Europe ». Ce mécanisme consiste, en contrepartie de la suppression des « quotas gratuits » pour les secteurs industriels « à risque » très exposés au commerce international et donc aux fuites de carbone (acier, aluminium ciment, fertilisants) à imposer un « ajustement » (une forme de taxe) aux importations de produits carbonés de pays qui n’appliquent pas de tarification carbone équivalente à celle de l’Europe. Cet ajustement constitue donc un équivalent au prix du carbone payé par les producteurs européens soumis au marché de quotas. Si la Commission précise que cette mesure poursuit un unique but environnemental, elle aurait effectivement aussi pour effet de lutter contre la concurrence déloyale sur le plan environnemental (dumping environnemental) de la part des pays n’appliquant pas de prix du carbone équivalent à celui de l’UE ;
- La création d’un nouveau marché de quotas dans les secteurs du bâtiment et du transport routier, secteurs très émetteurs dont les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre ont été renforcés drastiquement pour 2030 (-40 %). Il ne s’agit pas non plus d’une taxe mais d’un marché de quotas, dont l’effet (fixer un prix du carbone) est in fine le même qu’une taxe (il est juste piloté par l’offre et la demande plutôt que par une trajectoire décidée à l’avance par les pouvoirs publics).
Une fois proposées par la Commission, ces mesures sont ensuite négociées dans le cadre d’une procédure législative impliquant le Conseil (les ministres des États membres) et le Parlement européen.
Ainsi, la proposition du candidat peut recouvrir plusieurs mesures possibles.
Un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières
Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (ou « taxe carbone européenne aux frontières » selon le candidat) a récemment fait l’objet d’un accord entre les ministres de l’économie et des finances des 27 sur une approche commune (1) et doit être amendé par le Parlement dans le cadre de trilogue. Elle n’est donc pas une nouvelle mesure du candidat. Si le chemin est encore long, cette mesure est en bonne passe de voir le jour prochainement et constitue une véritable victoire pour le Président français, puisque c’est la présidence française de l’Union européenne qui a permis d’aboutir à un compromis au Conseil.
Impact attendu de la mesure
Sur le plan environnemental, le FMI a récemment estimé que l’Europe et la France souffraient respectivement d’un taux de 15 et 30 % de fuite de carbone (2), ce qui implique qu’une réduction de 100 tonnes de carbone en Europe s’accompagnerait d’une hausse de 15 tonnes des émissions ailleurs dans le monde du fait des importations ou de la délocalisation de production dans des pays qui ne taxent pas le carbone. Selon l’étude d’impact de la Commission accompagnant la proposition, la mise en œuvre d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières permettrait de corriger ces fuites de carbone en renchérissant le coût des importations depuis les pays carbonés n’appliquant pas eux-mêmes de taxe.
Sur le plan économique, le mécanisme d’ajustement ferait aussi baisser les importations au profit de la production domestique (gain de compétitivité pour les producteurs européens) en raison de meilleures performances environnementales des installations européennes par rapport aux pays tiers. Néanmoins, des pertes de compétitivité à l’export seraient observées (coût des produits européens plus chers que les produits locaux sur les marchés à l’extérieur. L’impact global au niveau de l’UE de la mise en œuvre du mécanisme d’ajustement, combinée à la suppression progressive des quotas gratuits, sur l’activité économique – PIB et emploi – serait négligeable selon cette étude.
Un quota carbone européen décliné par secteurs
Un mécanisme de quotas carbone existe d’ores et déjà depuis 2005 sur les secteurs de l’industrie et de l’électricité, avec un prix du quota ayant récemment atteint jusqu’à 100€ la tonne en début d’année. Le paquet Fit for 55 doit permettre d’étendre ce marché aux secteurs de l’aviation intra-européenne et du maritime. Mais la Commission propose également de créer un nouveau marché de quotas carbone aux secteurs du transport routier et du bâtiment, très émetteurs, et dont les objectifs de réduction d’émissions ont été très renforcés pour 2030 (-40 %).
Impact attendu de la mesure
Sur le plan environnemental, à partir de son étude d’impact sur le paquet Fit for 55 (3) et de l’étude d’impact accompagnant la proposition législative, la Commission estime que ce nouveau marché de quotas contribuerait à 45 % des réductions d’émissions nécessaires pour atteindre les objectifs de réduction dans le secteur du bâtiment et du transport.
En revanche, au plan social, les impacts de la mise en place d’un prix du carbone dans les secteurs du transport et du bâtiment, où les ménages disposent d’encore peu d’alternatives pour consommer plus propre, risque d’avoir des impacts sociaux régressifs. Le prix du carbone affecterait en particulier davantage les ménages les plus modestes, notamment dans les pays de l’Est. Pour compenser ces effets, la Commission propose néanmoins un Fonds social pour le Climat (72 Md€ de 2025 à 2030) pour compenser les effets de ce prix du carbone pour les ménages les plus vulnérables.
La faisabilité de cette proposition demeure incertaine. Longtemps divisés en raison du caractère très politique de cette mesure, compte tenu des effets sociaux qu’elle induit, les 27 apparaissent aujourd’hui plus enclins à trouver des compromis (4). Si elle était mise en œuvre, cependant, l’Union européenne disposerait bien d’une « taxe carbone déclinée par secteur » (marché historique sur l’industrie, l’électricité, l’aviation, nouveau marché pour le transport et le bâtiment), cette proposition n’est donc pas une mesure nouvelle du candidat.
Une taxe carbone européenne
Enfin, une troisième possibilité serait que le candidat fasse référence à la mise en œuvre d’une taxe carbone européenne au sens strict, proposition qui pourrait être présentée aux 27 comme une alternative à celle de la Commission par exemple pour remplacer le marché de carbone sur le transport et le bâtiment.
Une telle proposition pourrait s’avérer délicate, tant sur le plan politique (l’unanimité est requise en matière de fiscalité au sein de l’Union) que sur le plan économique et social (elle ne règlerait pas les problèmes d’acceptabilité liée à la taxation du carbone). En outre, une harmonisation de la fiscalité environnementale (taux, champ, suppression des exonérations dommageables à l’environnement) est également en cours de négociation (directive taxation de l’énergie) au sein du même paquet Fit for 55.
Historique de la mesure
Aucun pays dans le monde n’a pour l’instant mis en œuvre de tarification carbone à sa frontière. En revanche, plusieurs pays dans le monde ont mis en œuvre une tarification du carbone, qu’elle soit réalisée sous la forme de marchés de quotas ou de taxe carbone. Ces différents mécanismes sont recensés par les institutions internationales (5) ou nationales (6).
Mise en œuvre
Pour que ces mesures soient appliquées, le processus législatif européen doit d’abord se terminer. Des négociations au Conseil ont encore lieu pour les marchés de quotas carbone. Une fois l’accord au Conseil obtenu, des amendements sont réalisés au niveau du Parlement, puis un accord doit être trouvé entre Parlement et Conseil en « trilogue ».
Juridiquement, le texte (directive ou règlement), une fois publié, est d’effet direct dans les États membres qui doivent le mettre en œuvre. Au niveau pratique, le calendrier des mesures est incertain et dépendra du résultat des négociations, mais la plupart d’entre elles devraient avoir obtenu leur plein effet en 2026.
(1) Le Monde, 16 mars 2022
(2) FMI, août 2021, Revisiting carbon leakage
(3) Climate Target Plan Impact Assessment (SWD(2020) 176)
(4) Contexte énergie, 24 mars 2022
(5) Banque mondiale, Carbone pricing Dashboard
(6) I4CE, Les comptes mondiaux du carbone, 2020
Actualiser la charte des droits fondamentaux de l'UE, incluant protection de l’environnement et reconnaissance du droit à l’avortement
Prolonger la vente des véhicules hybrides au-delà de 2035
Produire en France à horizon 2030 près de 2 millions de véhicules électriques et hybrides
Construire 6 nouveaux réacteurs nucléaires, implanter 50 parcs éoliens en mer d’ici à 2050 et multiplier la puissance solaire par 10
Conditionner la rémunération des dirigeants à la réussite de critères environnementaux préalablement fixés
Déployer une offre abordable de véhicules électriques en mettant en place une offre de "leasing"
Intensifier le plan protéine au niveau européen
Investir 2 milliards d'euros pour une alimentation saine, durable et traçable (plan France 2030)
Investir pour développer le premier avion bas carbone d'ici 2030
Investir dans le champ des fonds marins
Développer les petits réacteurs nucléaires
Développer l'hydrogène vert français autour de deux "gigafactories"
Investir 8 milliards d'euros pour l'énergie (plan France 2030)
Baisser de 35 % les émissions de gaz à effet de serre par rapport à 2015