« Il faut bâtir du logement à des prix abordables sur tout le territoire et généraliser l’encadrement des loyers dans toutes les zones tendues ».
« Il faut encadrer les loyers. Ce que nous avons fait à Paris, dans d’autres villes aussi, à Lille. Je proposerai une généralisation sur toutes les zones tendues. Cela n’a pas de sens là où il n’y a pas de tension sur le logement. Mais dans toutes les zones tendues, c’est-à-dire plutôt dans les métropoles, quoiqu’aujourd’hui c’est aussi des villes moyennes qui sont confrontées à cela, je proposerais évidemment cet encadrement des loyers qui marche ».
La notion d’encadrement des loyers rassemble différents dispositifs qui visent à limiter la hausse des loyers. En France, il existe trois formes d’encadrement des loyers :
- L’encadrement de la hausse d’un loyer en cours de bail ;
- L’encadrement de la hausse d’un loyer entre deux baux ;
- Le plafonnement des loyers.
La mesure proposée par la candidate socialiste aspire à généraliser les dispositifs d’encadrement des loyers à l’ensemble des zones tendues du territoire. Étant donné que les dispositifs d’encadrement des loyers s’appliquent déjà à ces zones, il semblerait que la candidate veuille imposer le plafonnement des loyers, déjà appliqué à Paris, à l’ensemble des zones tendues du territoire (1).
À ce jour, la seule expérience significative et exploitable de l’encadrement des loyers est celle de la commune de Paris, qui a appliqué le dispositif d’août 2015 à novembre 2017 avant de le remettre en place en juillet 2019. L’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne (OLAP) en a conclu que ce mécanisme avait réduit de façon modérée le taux de dépassement des plafonds de loyers et freiné la hausse du niveau des loyers dans la commune sans pour autant éradiquer les excès. Imposée à une échelle nationale, cette mesure pourrait avoir les mêmes effets sur le niveau et la hausse des loyers en zones tendues mais pourrait causer des effets pervers caractérisés notamment par l’érosion de l’offre locative due à une baisse d’attractivité de l’investissement locatif.
Impact macroéconomique / sur le pouvoir d’achat
L’encadrement des loyers, dans les zones où la hausse et le niveau des loyers sont très élevés, est une mesure traditionnellement destinée à soutenir le pouvoir d’achat des ménages et endiguer la montée des inégalités face au logement (2). Si elle peut avoir des effets pervers sur l’offre de logements et l’entretien des biens notamment, elle freine la hausse des loyers dans le temps et conduit à une baisse sensible des dépassements de plafonds. C’est ce que démontre l’évaluation de l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne (OLAP) sur l’encadrement des loyers appliqué à Paris entre le 1er août 2015 et le 27 novembre 2017. Le pourcentage des dépassements de plafonds a baissé de 26 % en 2015 à 21 % en 2017. En outre, quand ils ont été constatés, ces dépassements ont diminué de 50 euros par mois en moyenne (3). Cette mesure a donc un effet sur le taux d’effort des ménages (4), notamment les plus mobiles.
Au niveau macroéconomique, la mesure permet de redistribuer les richesses entre les ménages les plus aisés (propriétaires) et les moins aisés (locataires). Elle peut néanmoins fragiliser le marché de l’investissement locatif en les rendant plus risqués.
(1) La liste des « zones tendues » faisant l’objet d’un encadrement des loyers, telles que définies par l’article 18 de la loi du 6 juillet 1989, est fixée par décret. Le dernier décret publié au Journal Officiel le 31 juillet 2020 prévoit la reconduction de l’encadrement des loyers dans 28 agglomérations.
(2) Le Bayon Sabine, Madec Pierre, Rifflart Christine, L’encadrement des loyers : quels effets en attendre ?, Revue de l’OFCE 2012/8 (Supp. I).
(3) L’OLAP constate une baisse de loyer mensuel en cas de dépassement estimée à 40€ en moyenne en 2015, 30€ en 2016 et 14€ en 2017.
(4) Le taux d’effort correspond au rapport entre les dépenses de logement nettes des aides au logement et le revenu avant paiement des impôts et perception des aides au logement.
En France, il existe trois formes d’encadrement des loyers :
- L’encadrement de la hausse d’un loyer en cours de bail ;
- L’encadrement de la hausse d’un loyer entre deux baux ;
- Le plafonnement des loyers.
Les deux premiers dispositifs existent sous leur forme actuelle depuis la loi du 6 juillet 1989 qui institue un décret annuel de limitation de la hausse des loyers, basé depuis 2005 sur un indice de référence des loyers (IRL) (5). Cet indice fixe les plafonds des augmentations annuelles des loyers que peuvent exiger les propriétaires.
Quant à la mesure plus stricte de plafonnement des loyers, c’est une nouveauté issue de la loi ALUR du 24 mars 2014 complétée par la loi ELAN du 23 novembre 2018. Cette mesure interdit aux propriétaires bailleurs de louer leur bien au-delà d’un certain plafond, à savoir le loyer de référence majoré de 20 %. Elle s’applique aux premières locations et aux renouvellements explicites de baux.
À ce jour, la seule expérience significative et exploitable de l’encadrement des loyers est celle de la commune de Paris, qui a appliqué le dispositif d’août 2015 à novembre 2017 avant de le remettre en place en juillet 2019.
Le chiffrage exposé se limitera à une présentation des résultats de l’expérience parisienne qui peut donner une idée de l’effet à court terme d’un tel dispositif sur le parc locatif français dans les zones tendues.
Un dispositif d’encadrement des loyers a été mis en place à Paris, d’août 2015 à novembre 2017. Il a plafonné le loyer au mètre carré, avec un niveau différent selon le nombre de pièces du logement et sa localisation, tout en acceptant des dérogations pour les biens immobiliers exceptionnels (6). Durant cette période, la part des loyers dépassant les plafonds a diminué de 5 points, mais elle est restée importante avec 21 % des loyers en dépassement. Sur la même période, une modélisation des loyers a conduit à estimer que la part de dépassement aurait été de 25 % en l’absence d’encadrement, toutes choses égales par ailleurs (7).
Il faut noter qu’en termes de dépassement de loyer, une forte hétérogénéité est constatée entre les logements selon la surface moyenne par pièce. Ainsi, pendant l’encadrement, 44 % des logements dont la surface par pièce est inférieure à 18 m² dépassent les seuils définis par l’encadrement alors que les dépassements n’affectent que 20 % des logements dont la surface par pièce se situe entre 18 et 24 m² et 8 % des logements dont la surface par pièce est supérieure à 24 m². La méthode de calcul du plafond conduit à ce que l’encadrement affecte davantage les logements dont les pièces sont, en moyenne, de petite surface. Les loyers de cette catégorie de logements, occupés par des ménages à plus faibles revenus et accueillant plus d’occupants, ont ainsi diminué de 3 % après la mise en place du dispositif, alors que les loyers des autres catégories sont restés stables. Les nouveaux locataires de cette catégorie de logements ont donc un taux d’effort plus faible que ceux ayant emménagé avant la réforme.
Selon le Haut Comité pour le Logement des Personnes Défavorisées, l’encadrement des loyers au niveau des prix du marché prévu par la loi ALUR ne peut pas être considéré comme porteur d’une véritable réduction des coûts du logement pour les locataires. En revanche, il a permis à Paris de réduire la hausse des loyers et d’aboutir à une stabilisation du niveau de prix pratiqué : la hausse de loyers a été de seulement 0,4 % en 2016 et 0,8 % en 2017.
En cas de généralisation du dispositif, de tels effets sur le niveau et la hausse des loyers peuvent être attendus dans les autres zones tendues du territoire, réduisant le taux d’efforts des ménages sur leur logement.
Des effets pervers sont néanmoins redoutés par certains experts. En premier lieu se trouve la baisse de l’investissement locatif qui conduirait à une érosion de l’offre locative. Les syndicats immobiliers estiment que la baisse de rentabilité de l’investissement locatif causé par l’encadrement conduirait les propriétaires à favoriser la vacance de leurs logements et la capitalisation sur les prix immobiliers. En 2016, la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM) annonçait une baisse de 13 % de son nombre de mandats de gestion sur l’année à Paris (8). Les études de l’OLAP montrent cependant que le déclin n’est pas nécessairement dû à l’encadrement et a commencé il y a environ 17 ans à Paris.
Par ailleurs, les professionnels du secteur craignaient une dévalorisation de l’immobilier à la suite de la mise en place de l’encadrement des loyers. C’est finalement le contraire qui s’est produit étant donné que le prix moyen du mètre carré à la vente a augmenté de 6,2 % par rapport à 2015, dépassant ainsi le niveau atteint en 2012. Cette augmentation s’explique en partie par la baisse des taux d’intérêt (9). D’autres effets négatifs tel que la baisse de la mobilité ou le défaut d’entretien des biens sont parfois pointés du doigts (10).
En tout état de cause, il est encore trop tôt pour mesurer les effets à long terme d’un tel encadrement.
La difficulté du chiffrage réside dans le manque de recul et de données statistiques sur la mesure. Bien que l’encadrement de la hausse des loyers soit pratiqué depuis longtemps, la mesure plus stricte de plafonnement des loyers, qui a un impact plus déterminant sur leur prix, n’existe que depuis 2014. Elle n’a par ailleurs été formellement appliquée que par la commune de Paris pendant un peu plus de deux ans avant son annulation par le tribunal administratif en novembre 2017 et sa réinstauration par la loi ELAN.
À ce jour, les seules analyses fiables à notre disposition sont celles de l’OLAP, organisme public de référence en matière de logement, qui a évalué annuellement l’expérience parisienne. La seule période d’encadrement évaluable reste néanmoins courte et ne peut donner qu’une idée relative des effets d’un tel dispositif sur le marché locatif français. En outre, l’étude de l’Observatoire est limitée aux logements non meublés, soit un parc d’environ 380 000 unités. Enfin, peu d’organismes ont réalisé leur propre chiffrage de l’expérience parisienne ce qui empêche la confrontation des sources.
Historique de la mesure
En France, un blocage des loyers est institué en 1914 durant la Première Guerre mondiale pour limiter les effets des destructions dans les régions touchées par la guerre. Il est abandonné à la suite de la Seconde Guerre mondiale.
Après quelques tentatives de limitations des augmentations de loyers sur l’ICC, l’Indice du Coût de la Construction (loi Quilliot 1982) et sur les loyers du voisinage (loi Mehaignerie de 1986), la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs a pérennisé pour les logements vides ce dispositif d’encadrement au renouvellement du bail, et a défini une procédure pour la réévaluation du loyer. Cette législation prévoit la publication d’un décret fixant annuellement le montant maximum d’évolution des loyers des logements vacants et des contrats renouvelés.
En 2005, l’ICC utilisé pour calculer les hausses de loyers permises par la loi est remplacé par l’Indice de Référence des loyers (IRL) qui sert de base pour réviser les loyers des logements vides ou meublés et dont le mode de calcul a évolué dans le temps.
Promesse de campagne du Président François Hollande, l’encadrement des loyers connaît deux évolutions importantes au cours de la dernière décennie, marquées par la nouveauté d’un plafonnement des loyers.
Dans un premier temps, la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, impose un encadrement des prix des loyers dans certaines zones tendues (28 agglomérations de plus de 50 000 habitants). Un arrêté préfectoral fixe alors trois indicateurs : un loyer médian de référence, un loyer de référence majoré de 20 % au-delà duquel le bailleur ne pourra pas aller et un loyer de référence minoré de 30 % au-delà duquel le propriétaire pourra demander une hausse. Ce loyer de référence est déterminé en fonction de quatre critères : le quartier, la date de construction de l’immeuble, le nombre de pièces et le caractère meublé ou non du bien. Le dispositif n’a finalement été appliqué que dans deux municipalités (Paris et Lille) avant d’être annulé par les tribunaux administratifs fin 2017 au motif que cet encadrement devait concerner l’ensemble d’une agglomération et non une seule commune.
Dans un second temps, la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dit loi ELAN, a opéré une redéfinition des conditions de cet encadrement qui a permis le rétablissement du dispositif dans les villes volontaires à compter du 1er juillet 2019. Cette loi rend le plafonnement des loyers facultatif et en fait un dispositif expérimental pour une durée de 5 ans. Il n’est donc appliqué que dans les villes qui en font la demande et après autorisation du gouvernement. Elle prévoit par ailleurs des sanctions en cas de non-respect du plafond de loyer par le bailleur. À ce jour, une vingtaine de villes ont décidé de tester l’expérimentation.
Les observatoires locaux des loyers sont chargés de recueillir les données relatives aux loyers sur une zone géographique déterminée et de mettre à la disposition du public des résultats statistiques représentatifs. L’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne (OLAP) a opéré annuellement une évaluation des effets de l’encadrement appliqué dans la capitale puis de son annulation par la justice en 2017 (11). Au cours des deux premières années d’application du dispositif, le pourcentage des dépassements de plafonds a baissé, passant de 26 % en 2015 à 21 % en 2017. Quand ils ont été constatés, ces dépassements ont diminué de 50 euros par mois en moyenne, pour s’établir à 134 euros au-dessus du plafond, ce qui caractérise également une baisse du montant moyen des dépassements sur la période d’encadrement (12).
À l’inverse, la suppression en 2018 de l’encadrement des loyers à Paris a fait repartir les loyers à la hausse. Le pourcentage de loyers au-delà de la limite (supprimée par les décisions de justice) est passé de 21 % à 28 % en 2018 et le complément de loyer est passé de 134 euros à 151 euros par mois. L’OLAP conclut cependant que « l’effet sur l’évolution (des loyers) est très faible, puisque la mesure ne touche pas l’ensemble des logements » mais seulement les premières locations, les relocations et les renouvellements de baux ce qui constitue 20 % des loyers (13).
Benchmark
Certains pays européens ont imposé un encadrement des loyers pour contrôler l’envolée des prix dans les grandes agglomérations, mais sous des formes et à des degrés divers.
En Allemagne, depuis 1971, un Mietspiegel (« Miroir des loyers ») est déterminé quartier par quartier par l’Agence nationale de l’habitat et le bailleur ne peut louer son bien à plus de 20 % de cette estimation. En outre, depuis 2015, le gouvernement fédéral a interdit, lors d’une relocation (passage d’un locataire à un autre) toute augmentation des prix de plus de 10 % ; mesure mise en place dans un premier temps à Berlin. Enfin, en 2019, face à l’envolée des prix dans la capitale, le land de Berlin a décidé de geler la hausse des loyers pour une durée de cinq ans.
La Suède est le pays dont la régulation des loyers est la plus stricte en Europe. Jusqu’en 2011, dans chaque ville, les syndicats de locataires et les conseils municipaux se réunissaient pour définir les prix annuels des parcs immobiliers, que les bailleurs ne devaient pas dépasser de plus de 5 %. La Commission européenne a estimé que ce système constituait une entrave à la libre concurrence, ce qui a conduit le gouvernement à intégrer les représentants des intérêts des propriétaires aux négociations tout en repensant le système de subventions pour ne pas désavantager ces derniers. Le pays fait toutefois fasse à une forte pénurie de logements.
Au Pays-Bas, les loyers sont fixés par un système de points. Chaque logement se voit attribuer un certain nombre de points en fonction du nombre de mètres carrés, du confort et de l’équipement. Cette valeur en points donne le loyer maximum que le bailleur ne peut dépasser.
Avec cette généralisation, la France entrerait dans le cercle restreint des pays européens ayant une politique stricte d’encadrement des loyers.
Mise en œuvre
Étant donné sa vocation nationale et la compétence principale de l’État en matière de logement, la proposition devra être introduite par une loi. Elle prendra la forme d’une nouvelle législation qui viendra modifier ou compléter le cadre législatif existant. En particulier, le nouveau texte devra modifier la loi ELAN de 2018, en abrogeant notamment son caractère expérimental.
Le texte pourra ensuite être précisé par des actes réglementaires. Il pourra donner au préfet le pouvoir de fixer les modalités financières de l’encadrement des loyers et aux collectivités locales, notamment les EPCI compétents en la matière, le pouvoir de mettre en œuvre et contrôler cet encadrement.
La mesure concerne d’une part les bailleurs du secteur privé dont les biens immobiliers se trouvent dans des zones tendues et d’autre part les locataires habitant ou souhaitant habiter dans ces zones. Comme pour le dispositif actuel, l’encadrement s’appliquera a priori aux premières locations, aux relocations et aux renouvellements de bail ; les baux en cours et les reconductions tacites étant indexés sur l’indice de référence des loyers. (IRL) Enfin, il n’est pas précisé si cette mesure concernera également les locations touristiques de courte durée, du type Airbnb, ce qui n’est pas le cas actuellement, ce qui semble peu probable.
(5) L’IRL se calcule à partir de la moyenne, sur les 12 derniers mois, de l’évolution des prix à la consommation hors tabac et hors loyers.
(6) La loi offre la possibilité à certains locataires d’appliquer un « complément de loyer » pour dépasser le plafond fixé, lorsque le bien immobilier présente des « caractéristiques de confort ou de localisation exceptionnelles« .
(7) Commissariat général au développement durable, Encadrement des loyers à Paris : les logements à petites pièces plus contraints que les autres, Document de travail n°47, 07/2020.
(9) Haut Comité pour le Logement des Personnes Défavorisées, Evaluation du dispositif d’encadrement des loyers, 2017.
(10) Le plafonnement des loyers à Paris : une efficacité limitée, Politique du logement, 23/11/2020.
(11) À noter qu’en juin 2019, à l’issue de la procédure judiciaire conduite devant les tribunaux administratifs de Paris et Lille, et après le vote de la loi Elan, le Conseil d’État a finalement validé le dispositif de la loi Alur, infirmant les décisions des tribunaux administratifs.
(12) OLAP, Bilan de l’encadrement à Paris (2016, 2017, 2018).
(13) OLAP, Bilan du non encadrement des loyers en 2018 (2019).
Exonérer les droits de succession jusqu’à 300 000€
Baisser la TVA sur l’électricité et le gaz, ainsi que sur l’essence de façon transitoire
Augmenter le Smic net à 1 469 €
Permettre notre souveraineté alimentaire, le renouvellement des générations dans le secteur agricole et assurer un revenu décent
Encadrer les loyers en fonction de la performance énergétique du logement dans le parc locatif