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BIOGRAPHIE

Supprimer la TVA sur les produits de première nécessité

Rassemblement National

Face à l’envolée des prix, nous proposons, comme l’avait déjà fait Marine le Pen pendant l’élection présidentielle, la suppression de la TVA sur un panier de 100 produits de première nécessité.” (Bouclier pouvoir d’achat, site Internet du Rassemblement national, 2024)

S’agissant de “la mesure phare de la suppression de la TVA sur les produits de première nécessité. “Elle se fera dans un second temps“”, dit-il, sans précision (Entretien Jordan Bardella, Le Parisien, 17 juin 2024)

Estimation
Coût par an
Par l'Institut Montaigne
6,75 Md€
4,7 Md€ estimation basse
8,8 Md€ estimation haute
Par Rassemblement National

Les effets d’une telle mesure sont très nuancés :

  • en matière d’inflation et de niveau des prix, ceci impliquerait que la baisse soit répercutée par les vendeurs. Les études de l’INSEE (INSEE, P. Sillard et Q. Lafféter, L’addition est-elle moins salée ?, juin 2014) sur la baisse de TVA sur le secteur de la restauration montrent que la baisse moyenne des prix de la classe restauration et cafés a été de 2,4 % à long-terme alors que la baisse résultant d’une transmission intégrale de la réduction de TVA aurait dû être de 9,8 %.
  • en matière de lutte contre les inégalités, le Conseil des prélèvements obligatoires (Conseil des prélèvements obligatoires, La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) face aux défis socioéconomiques, 2022) estime que la baisse de TVA sur les produits de première nécessité aurait un effet limité sur le pouvoir d’achat des ménages modestes, notamment en comparaison de mesures ciblées (subventions, chèque alimentaire). A coût budgétaire identique, le gain est estimé à un peu plus de 100 € pour le premier décile avec une baisse de TVA (200 € pour le dernier décile) contre 700 € pour un chèque alimentaire et un peu plus de 200 € pour une prime individuelle.
  • en matière budgétaire, le coût de cette mesure serait très élevé. Les moindres recettes liées à la mise en œuvre de ces exonérations s’élèveraient à 4,7 Md€ pour une liste limitée de produits et jusqu’à 8,8 Md€ pour une liste couvrant davantage de produits alimentaires et d’hygiènes. Une augmentation de la consommation n’aurait que peu d’impact positif sur les finances publiques compte tenu du taux à 0 %.

Faisabilité de la mesure

  • Faisabilité constitutionnelle : cette mesure ne semble pas enfreindre de principe constitutionnel. En cas de cohabitation, elle pourrait être insérée dans un projet de loi de finances, voté par le Parlement.
  • Faisabilité européenne : une directive d’avril 2022 instaure pour la première fois, la possibilité pour les États membres d’exonérer de la TVA certains biens de première nécessité. L’exonération ne pourra être appliquée qu’à un maximum de sept livraisons de biens ou prestations de services couvrant des besoins fondamentaux, prévues à l’annexe III de la Directive (i.e. points 1 à 6 et 10 quater de l’annexe). Ces sept points se rapportent notamment aux denrées alimentaires, eau, médicaments, produits pharmaceutiques, d’hygiène ou de santé, transport de personnes ou biens culturels. La mesure pourrait ainsi être faisable du point de vue du droit européen.
  • Faisabilité “politique” : la proposition pourrait rencontrer moins d’opposition que d’autres mesures du Rassemblement national, en ce qu’elle reste ciblée sur les produits de première nécessité et constitue une mesure de pouvoir d’achat.

En l’absence de contrainte constitutionnelle ou européenne, cette mesure est susceptible d’être votée, d’autant qu’elle pourrait recueillir le soutien de certains élus classés à gauche. Le bloc centriste risque en revanche de s’y opposer, étant donné l’important manque à gagner pour les finances publiques.

Les taux réduits visant la consommation de certains produits de base ne sont pas considérés comme des dépenses fiscales et ne font donc pas l’objet d’une évaluation. De même, la liste des 100 produits n’a pas été détaillée par le Rassemblement National. On retrouve toutefois une première liste de produits alimentaires dans une étude de 2022 publiée par le cabinet Astérès et une liste plus large de produits alimentaires dans un amendement déposé par le Rassemblement National en 2023.

Scénario 1 : une liste restrictive de produits alimentaires et d’hygiène, représenterait des moindres recettes s’élevant à 4 Md€ (soit 4,7 Md€ en coût actualisé 2023)

  • s’agissant des produits alimentaires de première nécessité, le cabinet Astérès, dans une étude de 2022, estimait que si le taux de TVA actuellement applicable à ces produits était abaissé de 5,5 % à 0 %, cela représenterait un manque à gagner fiscal d’environ 3,9 Md€. Cette liste comprenait seulement les produits suivants : le pain et les produits à base de céréales, le lait, le fromage, les œufs huiles et graisses, fruits et légumes ;
  • s’agissant des produits d’hygiène, ceux bénéficiant actuellement d’un taux réduit à 5,5 % sont notamment les préservatifs masculins et féminins et les protections hygiéniques féminines. La consommation de préservatifs a représenté 72 M € en 2021, et a donc rapporté donc 4 M € de TVA. L’achat de protections hygiéniques concerne en France 15,5 millions de femmes âgées de 13 à 50 ans pour un coût moyen de 125 € par an par femme en 2021 (Association règles élémentaires, données publiées sur le site internet de la CAF, 2022) soit 1,9 Md€ de consommation et 103 M € de recettes de TVA.

Scénario 2 : une liste plus étendue de produits alimentaires et d’hygiène représenterait des moindres recettes de TVA s’élevant à 7,5 Md€ (soit 8,8 Md€ en coût actualisé 2023)

  • s’agissant de l’alimentaire, si la liste de produits de première nécessité devait s’étendre à l’ensemble des produits proposés par le RN dans un récent amendement, le coût serait plus élevé. L’amendement n°16 à la loi Mieux manger en soutenant les Français face à l’inflation et en favorisant l’accès à une alimentation saine, déposé par le RN et rejeté le 30 mars 2023 donne en effet une liste de produits susceptibles d’être exonérés de TVA. Y figurent les produits du scénario 1 auxquels s’ajoutent les produits de nutrition infantile, laits végétaux, sucres et miels, viandes, poissons et protéines végétales. Si cette liste était retenue cela représenterait 1,2 Md€ de moindres recettes en plus des 3,9 Md€ décrites dans le scénario 1, soit 5,1 Md€ (données 2021).
  • s’agissant de l’hygiène, si la liste des produits concernés devait s’étendre aux produits d’entretiens et d’hygiène corporelle (11,5 Md€ de consommation par an) cela représenterait 3,6 Md de recettes de TVA en moins.

Les données présentées ci-dessus émanant de 2021, et les recettes de TVA ayant augmenté de 17 % (rapport d’activité DGFIP) entre 2021 et 2023, le montant actualisé à 2023 des moindres recettes serait de 4,7 Md€ pour le scénario 1 et de 8,8 Md€ pour le scénario 2.

Niveau de consommation de produits de première nécessité en France et recettes de TVA associées

Type de produits consommés Consommation en 2021 (en M€, données INSEE compte de la Nation) TVA collectée de 5,5 % pour alimentation, de 20 % pour hygiène hors protections 

(en M €)

Pain et les produits à base de céréales, le lait, le fromage, les œufs huiles et graisses, fruits et légumes (liste issue de l’étude Astérès 2022) 78 000 3 900
Protection hygiéniques et préservatifs 2 009 100
Produits S1 (A) 80 009 4 000
Beurre, sucres et miel 2426 121
Viandes (de boucherie uniquement) 12 415 621
Poisson (pêche, poissons frais en morceaux, poissons congelés) 5 967 298
Riz 612 30
Eau potable 3 002 150
Farines 217 11
Savons, détergents et produits d’entretien 5 564 1 113
Produits d’hygiène corporelle  6 000 1 200
Produits S2 (B) 36 203 3 544
Total scénario 1 (A)  80 009 4 000
Total scénario 2 (A+B) 116 212 7 544

Source : Chiffres de la consommation effective des ménages par produit aux prix courants, Compte de la Nation 2021. Etude cabinet Astérès 2022. Chiffres pour l’hygiène corporelle issus du cabinet Xerfi, 2023.

Benchmark

Un taux zéro sur les produits de première nécessité a été mis en place en Espagne du 1er janvier 2023 au 30 juin 2024 sur un panier de produits réduit (pain, farines, produits laitiers, fromage, œufs, fruits et légumes). L’effet de cette mesure a été limité, puisqu’elle a permis de ralentir en partie l’inflation sur les produits de première nécessité mais n’a eu qu’un faible effet sur l’inflation générale, dont la modération a davantage résulté d’une baisse des prix des carburants et de l’électricité. Le coût a été estimé en juin 2023 à 1,3 Md€ par an.

Mise en œuvre

Cette baisse de taux devra être votée dans le cadre d’un projet de loi de finances. Une telle mesure concernerait l’ensemble des ménages, modestes comme plus aisés.

Les chiffrages proposés ici traitent prioritairement de l’impact immédiat des mesures sur les finances publiques et, dans la mesure du possible, examinent certains de leurs effets macroéconomiques. Notre démarche, réalisée dans le temps contraint de cette campagne, est itérative et invite au débat contradictoire.