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BIOGRAPHIE

Réserver le bénéfice du RSA et des prestations de solidarités aux étrangers ayant au moins 5 ans d‘équivalent temps plein travaillé en France

Rassemblement National

Réserver les aides sociales aux Français et conditionner à 5 années de travail en France l’accès aux prestations sociales non-contributives comme le RSA (si nécessaire par référendum constitutionnel)” (Programme du Rassemblement national pour les élections législatives de 2024)

Estimation
Économie par an
Par l'Institut Montaigne
2,6 Md€
0,6 Md€ estimation basse
3 Md€ estimation haute
Par Rassemblement National

En 2022, Marine Le Pen estimait que cette mesure serait susceptible de rapporter près de 22 Md€ sur 5 ans, un chiffre que l’Institut Montaigne estimait surévalué. Les économies associées à la mise en œuvre de la mesure se situent entre 2 et 10 Md€ sur une durée de 5 ans, correspondant à un montant de 0,6 Md€ à 2,6 Md€ par an. L’économie médiane s’établirait à 2,5 Md€.

La mise en œuvre de cette mesure serait d’une grande complexité juridique, politique et diplomatique. Elle s’oppose en effet à des principes d’égalité de traitement entre nationaux et étrangers s’agissant des droits sociaux consacrés par le Conseil constitutionnel, et à plusieurs textes internationaux tels que la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Impact macroéconomique, sur le pouvoir d’achat

Bien qu’il soit difficile d’estimer les effets macroéconomiques du retrait du RSA et des prestations de solidarités aux étrangers ayant moins de 5 ans d‘équivalent temps plein travaillé en France, il est possible que ce retrait ait une légère incidence négative sur la consommation. En effet, les étrangers concernés se situent dans les tranches de revenu les plus basses au sein desquelles la part d’épargne est faible.

Faisabilité de la mesure

  • Faisabilité constitutionnelle : Si la mesure voulait restreindre l’accès aux aides des “étrangers” bénéficiant du statut de réfugié, le juge constitutionnel pourrait facilement l’écarter, y compris en cas de cohabitation, car elle s’opposerait au droit de l’Union européenne qui impose une large égalité de traitement des réfugiés avec les nationaux.
    Si la mesure voulait s’appliquer aux “étrangers” extra-européens résidant légalement en France, le Conseil constitutionnel pourrait également s’y opposer comme il l’avait déjà fait pour l’article 19 de “la loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration” du 24 janvier 2024 qui visait à conditionner l’accès aux aides sociales dites “non contributives” pour les personnes étrangères non européennes à 5 ans de résidence stable et régulière en France, au motif que la mesure est contraire au droit européen et français.
    Une révision de la Constitution revoyant la place des traités internationaux dans le droit français pourrait être envisagée. Or, en cas de cohabitation, le Premier ministre n’aurait pas de levier réel pour initier une telle révision, sauf à avoir une majorité absolue au Parlement, puisque c’est à ses membres que revient le droit d’initier un projet de révision constitutionnelle, ou bien au président de la République selon l’article 89 de la Constitution.
  • Faisabilité européenne : Cette mesure pourrait passer par une renégociation des traités dont la France est signataire. Or, dans le cadre d’une cohabitation, le Premier ministre ne pourrait que marginalement influer sur une renégociation de ces traités via la participation de son Gouvernement au Conseil des Ministres, organe exécutif de Bruxelles. En revanche, la ratification des traités est l’apanage du président de la République, seul habilité à ratifier un traité international, avec l’autorisation du Parlement dans le cas de traités “relatifs à l’état des personnes“, selon les articles 52 et 53 de la Constitution. De plus, toute modification des traités européens nécessite un vote à la majorité qualifiée (55 % des États membres et 65 % de la population européenne doivent être favorables pour qu’un amendement soit retenu) où à l’unanimité, selon les zones de compétences.
    En conclusion, une révision des traités européens comporte de nombreux obstacles ; d’autant plus importants dans une situation de cohabitation.
  • Faisabilité politique : Dans le cas d’une hypothétique cohabitation avec un Premier ministre issu du RN, ce dernier bénéficierait probablement d’une majorité relative et courte sans beaucoup d’alliances possibles sur des textes ad hoc. Dans une telle situation, un recours excessif à l’article 49 alinéa 3 serait peu réaliste en ce que la procédure engage automatiquement la responsabilité du Gouvernement et l’expose à une motion de censure de la part d’un Parlement lui étant majoritairement hostile. Une issue parlementaire favorable au texte ne le préviendrait pas d’une censure du Conseil constitutionnel, au moins sur la partie concernant les personnes réfugiées.

L’adoption d’un projet de loi sur l’immigration comprenant une telle disposition est très peu probable en raison de son incompatibilité avec la Constitution, sans même évoquer l’absence de majorité politique sur le sujet.

Pour estimer le montant dont bénéficient les étrangers en France pour ces prestations sociales, l’Institut Montaigne s’appuie sur :

  1. le montant total de la dépense consacré à ces allocations et le nombre global d’allocataires publié par la CNAF (Sauf pour la prime d’activité pour laquelle, le chiffre provient des documents budgétaires de l’État) ;
  2. une estimation du nombre d’allocataires d’étrangers, basée sur le nombre d’immigrés en France et leur niveau de vie moyen.

En 2022, 5,3 millions d’étrangers vivaient en France (y compris européens), soit 7,8 % de la population. La décomposition du revenu des ménages de l’ensemble de la population et des immigrés par l’INSEE montre que les prestations sociales représentent une part plus importante des niveaux de vie des immigrés : 2 380 € contre 1 600 € pour l’ensemble de la population soit 49 % de plus. Une proportion d’aides de 50 % supérieure par rapport à l’ensemble de la population constitue donc une hypothèse robuste pour le chiffrage.

Au total, la part des allocations versée à la population étrangère en France peut être estimée à 7,8 %, majoré de 50 % (soit 11,7 %).

Montant total de l’allocation 

(en M€) 

Montant des allocations pour les étrangers (7,8 % x (1,5) Estimation médiane de l’économie

(en M€) : 45 % des étrangers rendus inéligibles

Estimation basse de l’économie

(en M€) : 10 % des étrangers rendus inéligibles

RSA  11 784  1 378 620 137
Prime d’activité 10 400 1217 547    121   
AAH 11 900  1392  626    139   
Aides au logement  15 600 1825  821    182   
Économie
2 614 579   

Source : Institut Montaigne 

Pour estimer le montant de l’économie, il convient d’estimer le nombre d’étrangers concernés par la mesure. En effet, les allocations seraient réservées à ceux ayant au moins 5 ans d‘équivalent temps plein travaillé en France.

Le nombre d’étrangers réunissant cette condition n’est pas public. Il peut être fait l’hypothèse que la mesure ne s’appliquerait qu’à un nombre d’étrangers correspondant à la part inactive ou en situation de chômage de cette population (45 %). Il s’agit d’une hypothèse médiane, car certains actifs ne seront pas effectivement éligibles à cette allocation (en raison d’une période de travail trop brève), tandis que certains retraités et chômeurs resteront éligibles s’ils ont atteint la durée de cotisation. Selon cette hypothèse, l’économie médiane serait donc de 2,6 Md€ par an.

Le nombre de 232 000 allocataires étrangers bénéficiant du RSA, issu d’une proposition de loi déposée en juin 2020, sera utilisé.

Une hypothèse basse du gain peut être évaluée à 0,58 Md€ par an. En effet, compte tenu des principes de non rétroactivité et de droits acquis, la mesure ne s’appliquera vraisemblablement qu’aux nouveaux entrants (à titre d’exemple, il convient de rappeler que le RSA est versé sans limitation de durée tant que les ressources du foyer ne dépassent pas un seuil réglementaire). Il convient donc de retenir le nombre de nouveaux titres de séjour délivrés chaque année par rapport au nombre de titres de séjour valides, soit environ 10 %.

Enfin, une estimation légèrement supérieure à l’estimation médiane peut être considérée en prenant un nombre d’allocataires étrangers bénéficiant du RSA plus élevé. Le nombre de 275 000 peut être déduit si on considère que 15 % des bénéficiaires du RSA sont des étrangers extra-européens sur les 1,8 millions de foyer bénéficiaires fin 2023. Cette variante conduirait à une estimation haute d’économie de 3,1 Md€ par an au total.

Historique de la proposition

Cette mesure rejoint une proposition de loi du groupe Les Républicains de juin 2020.

La proposition à l’étranger

La candidate revendique une paternité, non démontrée, entre sa proposition et le mécanisme de la “Green Card” à l’américaine.

Mise en œuvre

Pour être mise en œuvre, cette mesure nécessiterait une proposition ou un projet de loi venant amender le code de l’action sociale et des familles, qui institue les conditions d’éligibilité et d’accès au revenu de solidarité active (RSA). Actuellement, en son article L. 262-2, ce code prévoit que “toute personne résidant en France de manière stable et effective, dont le foyer dispose de ressources inférieures à un montant forfaitaire, a droit au RSA“.

Est considérée comme résidant en France “de manière stable et effective” toute personne étrangère qui “réside sur le sol français de façon permanente“, hors séjours ponctuels passés hors frontières dans la limite de trois mois par an au total, soit un minimum de 9 mois par an.

Dans les faits, remplir cette condition de résidence permanente de façon légale en France se traduit différemment selon le pays d’origine de la personne étrangère considérée pour octroi du RSA :

  • Pour un ressortissant européen : la personne doit avoir des ressources suffisantes, une sécurité sociale française et résider en France durant 3 mois précédant la demande de RSA.
  • Pour un ressortissant extra-européen (hors réfugié) : la personne doit avoir un titre de séjour valable attestant de la régularité du séjour et autorisant à travailler depuis au moins 5 ans.
  • Pour un ressortissant extra-européen bénéficiaire de la protection internationale (statut de réfugié) : la personne peut formuler sa demande de RSA dès sa demande d’asile (susceptible de durer plusieurs mois). En cas de réponse positive de l’OFPRA ou de la CNDA débouchant sur l’octroi de la protection internationale (statut de réfugié, protection subsidiaire, apatride), la personne pourra se voir attribuer le RSA, calculé sur son niveau de revenu au moment où est formulée la demande.

En l’état, la mesure ne précise pas ce qui est entendu derrière la notion “d’étrangers” et pourrait donc théoriquement concerner les 3 catégories de personnes étrangères actuellement éligibles au RSA et résidant légalement en France de façon permanente.

On considérera, par hypothèse, que la mesure ne souhaite s’appliquer qu’aux ressortissants extra-européens. En effet, les citoyens européens bénéficient de droits et de protections largement équivalents aux nationaux du fait du marché unique dont la France fait partie et qui garantit la mobilité des travailleurs en son sein.

Les chiffrages proposés ici traitent prioritairement de l’impact immédiat des mesures sur les finances publiques et, dans la mesure du possible, examinent certains de leurs effets macroéconomiques. Notre démarche, réalisée dans le temps contraint de cette campagne, est itérative et invite au débat contradictoire.