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BIOGRAPHIE

Réinstaurer la loi Ciotti

Rassemblement National

Nous renouerons avec la loi Ciotti (…) qui prévoit la suspension des allocations familiales et des bourses scolaires en cas de perturbations graves et répétées au sein des établissements scolaires” (Jordan Bardella, présentation du programme du RN, 24 juin 2024)

Estimation
Économie
Par l'Institut Montaigne
Par Rassemblement National

Les principales disposition de la loi Ciotti de 2010 (LOI n° 2010-1127 du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l’absentéisme scolaire) ont été abrogées en 2013 lors du quinquennat de François Hollande (LOI n° 2013-108 du 31 janvier 2013 tendant à abroger la loi n° 2010-1127 du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l’absentéisme scolaire).

Cette loi avait été adoptée sur initiative parlementaire avec Eric Ciotti en chef de file. En vue de responsabiliser les parents, la loi instituait un dispositif de sanctions progressives à destination des parents dont les enfants sont absentéistes en prévoyant, après un premier avertissement, la suspension immédiate du versement de la part des allocations familiales afférentes à l’enfant absentéiste. Le versement n’est rétabli de manière rétroactive que lorsque l’assiduité de l’enfant a pu être constatée pendant une période d’un mois de scolarisation.

Si quatre demi-journées d’absence sont de nouveau relevées depuis l’absence ayant donné lieu à la suspension, le versement des allocations familiales est amputé d’autant de mensualités que de mois d’absence constatés.

Faisabilité de la mesure

  • Faisabilité constitutionnelle : la proposition du RN de rétablir la loi Ciotti pourra passer par une loi simple. Ayant déjà été en vigueur par le passé, il peut être supposé qu’elle ne contreviendrait à aucune disposition constitutionnelle. Le Conseil d’État s’est par ailleurs déjà prononcé défavorablement à la transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité au motif de la suspension du versement d’allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire chronique (CE, 15 juin 2011, Association “Justice pour toutes les familles“, n° 347581).
  • Faisabilité européenne : la mesure n’est pas contrainte par le cadre juridique européen.
  • Faisabilité politique : l’adoption de cette loi simple devrait faire l’objet de l’opposition du bloc Nouveau Front Populaire, et risquerait également de susciter des oppositions dans les rangs de l’alliance présidentielle. Sans majorité absolue du Rassemblement National et alliés, le projet de loi pourrait toutefois s’appuyer sur des députés de droite hors majorité qui se montreraient sensibles à la mesure, et ainsi être voté. Dans le cas d’une majorité relative, il n’est par ailleurs pas certain que la mesure soit de nature à rassembler suffisamment l’opposition pour engendrer une motion de censure.

Le Rassemblement National pourrait être en mesure de faire adopter cette mesure, y compris en cas de majorité relative, en s’appuyant sur des députés assimilés à la droite républicaine qui pourraient se montrer sensibles à l’objectif affiché de réduction de l’absentéisme scolaire.

Au titre de l’année scolaire 2011-2012, 79 149 signalements ont été reçus par les DASEN. 75 % de ces signalements ont donné lieu à un avertissement adressé aux familles. 21 964 élèves ont fait l’objet d’un deuxième signalement suivi, pour 1 418 d’entre eux, d’une demande de suspension adressée à la CAF.

Le nombre de suspensions effectives prononcées par la CAF s’est élevé à 619, représentant 43,5 % des demandes faites à la CAF. 142 familles ont bénéficié par la suite d’un rétablissement de leurs allocations familiales, l’assiduité de l’élève étant redevenue effective. Les enquêtes de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) permettent simplement de comparer les années scolaires 2009-2010 et 2010-2011, année de progressive mise en œuvre du dispositif Ciotti. Ainsi, les évolutions constatées en matière d’absentéisme paraissent défavorables avec une augmentation en moyenne annuelle dans le second degré de 4,3 % à 5 % en un an. La DEPP constatait dans une note de février 2013, qu’il y avait peu de différence sur l’année scolaire 2011-2012, deuxième année d’application de la loi Ciotti.

Ces données appellent les commentaires suivants :

  • les 619 suspensions effectives prononcées par la CAF doivent être rapportées aux 12 millions d’élèves dont, selon le ministère de l’éducation nationale, environ 300 000 seraient absentéistes ;
  • dans 70 % des cas l’élève ne retourne pas à l’école (142 rétablissements d’allocations contre 619 suspensions) ;
  • le rapport entre le nombre de suspensions effectivement prononcées par les CAF et celui des premiers signalements est minime (0,78 %), ce qui indique que le dialogue engagé avec la famille dès le premier signalement a été la voie pour obtenir le retour à l’assiduité de l’élève.

Le montant de l’économie générée par la mesure n’avait pas été estimé à l’époque. Il serait en tout état de cause négligeable – quelques centaines de milliers d’euros (selon le Ministère de l’éducation nationale, en 2021-2022, l’absentéisme touche en moyenne 5,4 % des élèves du second degré public). Cela représente donc 650 000 élèves sur les 12 000 000 scolarisés, soit deux fois le nombre d’élève absentéistes de 2011-2012. À hypothèses égales, nous pouvons donc imaginer que le nombre de suspensions concernerait 1230 allocations dont 70 % serait in fine non versés. En 2023, le montant moyen est de 388 euros par mois et par foyer aidé en 2021 selon la DREES. Le montant d’économie serait alors limité à environ 344 000 €) – étant donné la faiblesse des effectifs concernés par la mesure suspensive. La portée symbolique de la mesure étant bien supérieure à l’enjeu budgétaire qui est peu significatif. L’incidence économique de la mesure sur l’équilibre des familles dont les allocations sont suspendues, est en revanche importante. Elle vient fragiliser des familles déjà précaires et peut rendre plus difficile encore l’éducation parentale de l’enfant absentéiste, ce qui en fait une mesure contre-productive. L’inefficacité constatée du dispositif et son iniquité avait très largement présidé à sa première abrogation (ancien régime de suspension des allocations pour manquement à l’obligation d’assiduité scolaire, en vigueur entre 1966 et 2004) sous le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin (rapport de David Assouline sur la proposition de loi visant à abroger la loi n° 2010-1127 du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l’absentéisme scolaire), et une nouvelle fois lors du mandat de François Hollande.

Benchmark

La disposition a déjà été mise en œuvre en France par le passé. La loi Ciotti reprend l’ancien régime de suspension des allocations pour manquement à l’obligation d’assiduité scolaire, en vigueur entre 1966 et 2004. Elle est abrogée sous le gouvernement Raffarin. La suppression intervenue sous le gouvernement Raffarin provenait du constat de l’inefficacité et de l’iniquité du dispositif.

À titre de comparaison, sur l’année 2001-2002, 6 742 familles avaient été sanctionnées. Malgré ces suspensions d’allocations beaucoup plus massives, aucune amélioration durable et significative du taux d’absentéisme n’a pu être observée à l’époque.

Jusqu’en 2004, l’article L. 552-3 du code de la sécurité sociale prévoyait un dispositif de suspension et de suppression des prestations en cas de non assiduité scolaire. Parallèlement, le décret n° 2004-162 du 19 février 2004 introduisait un article R. 624-7 dans le code pénal, sanctionnant ainsi d’une contravention de quatrième classe, pouvant aller jusqu’à 750 euros, le fait pour “l’un ou l’autre parent d‘un enfant soumis à l‘obligation scolaire ou pour toute personne exerçant à son égard l’autorité parentale ou une autorité de fait de façon continue, après avertissement donné par l’inspecteur d‘académie et mise en œuvre des procédures définies à l‘article R. 131-7 du code de l’éducation, de ne pas imposer à l‘enfant l’obligation d‘assiduité scolaire sans faire connaître de motif légitime ou d’excuse valable ou en donnant des motifs d’absence inexacts“.

Les chiffrages proposés ici traitent prioritairement de l’impact immédiat des mesures sur les finances publiques et, dans la mesure du possible, examinent certains de leurs effets macroéconomiques. Notre démarche, réalisée dans le temps contraint de cette campagne, est itérative et invite au débat contradictoire.