Pour comparer les propositions de 2 candidats, veuillez tourner votre mobile
Pour consulter La France en chiffres, veuillez tourner votre mobile
Comparer les propositions de
Comparer
avec
...
BIOGRAPHIE

Réindexer les pensions de retraites sur l’inflation

Rassemblement National

Réindexer les retraites sur l’inflation pour un pouvoir d’achat respectueux d’une vie de travail” (programme de Marine Le Pen en 2022)

Le système de retraite français repose sur le principe d’entraide intergénérationnelle. Il est primordial que les retraités actuels puissent jouir d’une retraite paisible sans avoir comme première préoccupation la fin du mois. Afin d’assurer une certaine pérennité aux retraités, il est donc nécessaire que l’État fixe l’évolution annuelle des pensions de retraite sur l’inflation” (Christine Loir, députée RN, Débat en commission des affaires sociales, octobre 2023)

Estimation
Coût d'ici 2027
Par l'Institut Montaigne
27,4 Md€
17,5 Md€ estimation basse
42,9 Md€ estimation haute
Par Rassemblement National

Alors que la loi en vigueur prévoit l’indexation des pensions de retraite sur l’inflation (Article L161-25 – Code de la sécurité sociale – Légifrance (legifrance.gouv.fr)), celles-ci ont été revalorisées par le passé en dessous de l’inflation lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, puis systématiquement indexées à partir du second, conformément à une promesse du président-candidat. Le chiffrage ci-dessous examine donc le coût d’une poursuite de l’application stricte de la réindexation des pensions sur l’inflation :

Sur le quinquennat précédent, cette indexation s’est faite de manière irrégulière, et a été plus souvent observée pour les ménages percevant une pension brute inférieure à 2000 € que pour les ménages percevant une pension supérieure. Ainsi, même si cette mesure améliorerait un peu le pouvoir d’achat des ménages retraités les plus modestes, elle aurait tout de même un effet redistributif bénéficiant principalement aux ménages retraités les plus aisés.

Dans un scénario d’inflation médian, le coût d’une telle mesure pour les finances publiques est estimé à 27,4 Md€ d’ici à la fin du quinquennat.

Le chiffrage considère l’indexation des pensions sur l’inflation pendant les trois dernières années du quinquennat, par rapport à un tendanciel où les pensions seraient revalorisées de façon différenciée comme pour le quinquennat précédent.

Trois scénarios d’inflation sont envisagés

  • Un scénario médian qui s’appuie sur les projections de la Banque de France pour les années à venir.
  • Un scénario de basse inflation qui reprend les valeurs d’inflation du quinquennat précédent et les reporte sur le quinquennat actuel, afin de simuler une situation semblable à celle qui avait cours de 2017 à 2021.
  • Un scénario inflationniste, dans lequel est faite la prévision d’une inflation annuelle supérieure d’un point au scénario médian.

Le coût de la mesure, pour chacun des trois scénarios, se calcule comme un différentiel entre la situation où elle est appliquée, et un scénario de revalorisation suivant les pratiques de ces dernières années. Les trois scénarios aboutissent respectivement à un coût brut sur trois ans de 42,9 Md€ pour le scénario inflationniste, de 27,4 Md€ pour le scénario médian et de 17,5 Md€ pour le scénario de basse inflation.

Lorsque sont prises en compte les contributions sociales (CSG CRDS CASA) sur ces pensions, le coût net social de la mesure serait compris sur trois ans entre 16,3 et 39,7 Md€.

Enfin, le coût net du retour fiscalo-social de la mesure, après impôt sur le revenu, serait compris sur trois ans entre 13,6 et 32,9 Md€. Le retour fiscal via l’impôt sur le revenu serait de 17 % ; il résulte de la combinaison de deux effets : d’une part, la mesure bénéficie davantage en montant aux ménages retraités les plus aisés, et d’autre part, la progressivité de l’impôt sur le revenu vient gommer en partie cet effet redistributif.

Faisabilité de la mesure

  • Faisabilité constitutionnelle : la loi en vigueur prévoit l’indexation des pensions de retraite sur l’inflation (Article L161-25 – Code de la sécurité sociale).
  • Faisabilité européenne : cette mesure relève entièrement des compétences nationales et ne nécessiterait aucune procédure ou discussion au niveau européen.
  • Faisabilité politique : les débats en commission et en séance publique portant sur les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2024 tendent à montrer un relatif consensus politique sur cette mesure. La proposition de la majorité présidentielle de réindexer les pensions de retraites a notamment été soutenue par des députés du Rassemblement national et du Parti socialiste. Les difficultés relatives à la situation des finances publiques aujourd’hui en France pourraient toutefois peser dans les débats futurs, cette mesure privant le pays d’un levier important et rapide de réduction du déficit.

La faisabilité de cette mesure en cas de cohabitation avec le président de la République paraît forte, d’autant plus que ce dernier s’est engagé, dans le cadre de la campagne des législatives anticipées de 2024, sur la même proposition.

Contactée, l’équipe de campagne souligne que l’indexation des retraites sur l’inflation est prévue par la loi, et déjà inscrite dans la trajectoire de la loi de programmation des finances publiques entre 2023 et 2027. Elle s’imposerait donc à tous, et non spécifiquement à sa formation politique.

Le chiffrage de la mesure suppose de connaître la répartition des pensions, c’est-à-dire le nombre de retraités par niveau de pension. Pour cela, nous utilisons l’application Shiny de la DREES DistriPensions qui fournit la courbe de distribution la plus récente. Cette courbe présente, pour 2016, la répartition des effectifs de pensionnés tous régimes obligatoires confondus, en comprenant les pensions de réversion, par tranche de pension brute de 100 €. Pour obtenir une masse financière par tranche, on estime pour chaque tranche la moyenne des pensions, à la pension médiane. Puis les pensions sont revalorisées jusqu’à 2021 suivant l’historique des revalorisations du précédent quinquennat (DSS, 2021, PLFSS 2022 Annexe 1, REPSS indicateur Re.2.2_G1 : Revalorisation des pensions depuis 1993 DSS, 2021, PLFSS 2022 Annexe 1, REPSS indicateur Re.2.2_G1 : Revalorisation des pensions depuis 1993), suivant que les pensions sont inférieures ou supérieures à 2000 €. Les pensions sont ensuite recalées afin que la masse totale corresponde aux agrégats figurants dans les comptes de la Sécurité Sociale de septembre 2021. On applique aux pensions la revalorisation de janvier 2022, pour obtenir à la distribution de base servant à simuler l’impact de la mesure sur la période 2024-2027.

Le tableau ci-dessous présente les revalorisations de pensions du régime de base de 2017 à 2021, ainsi que le l’indice des prix à la consommation (Op. cit.).

En moyenne, sur le quinquennat précédent dernières années, les pensions de moins de 2000 euros ont été revalorisé à 60 % de l’inflation, celles de plus de 2000 € à 40 %.

2017 2018 2019 2020 2021 Moyenne
Revalorisation des pensions < 2000€ 0,2 0,6 0,3 1,0 0,4 0,50
Revalorisation des pensions > 2000€ 0,2 0,6 0,3 0,3 0,4 0,36
Inflation (IPC hors tabac) 1,0 1,6 0,9 0,1 0,6 0,85

Source : DSS, 2021, PLFSS 2022 Annexe 1, REPSS indicateur Re.2.2_G1 : Revalorisation des pensions depuis 1993

Trois scénarios sont envisagés : un scénario médian d’inflation, un scénario de faible inflation et un scénario inflationniste.

S’agissant du scénario médian d’inflation, nous nous appuyons sur les projections de la Banque de France pour l’inflation des années à venir. Pour évaluer le coût de la mesure dans ce scénario, nous estimons dans un premier temps le montant des pensions versées en appliquant les pratiques en vigueur ces dernières années : les pensions brutes inférieures à 2000 € sont revalorisées à 60 % de ces projections d’inflation, et celles supérieures à 2000 € sont revalorisées à 40 %. Dans un deuxième temps, nous simulons l’évolution des pensions lorsque la mesure est appliquée : toutes les pensions sont revalorisées suivant les projections d’inflation. Le coût brut de la mesure serait de l’ordre de 9,1 Md€ par an entre 2024 et 2027, soit 27,4 Md€

En ce qui concerne le scénario de basse inflation, on suppose que celle-ci serait revenu à la tendance qui avait cours lors du quinquennat passé. Comme précédemment, on évalue le montant des pensions versées lorsque les pensions sont revalorisées selon les mêmes règles différenciées que ces dernières années, puis lorsque toutes les pensions sont revalorisées en suivant l’inflation. Le coût brut (avant prélèvements obligatoires sur ces pensions) serait de 5,8 Md€ par an soit 17,5 Md€ sur trois ans.

Enfin, dans un scénario inflationniste, l’inflation serait chaque année supérieure d’un point à celle projetée dans le scénario médian, soit un écart de prix de l’ordre de 5 % en fin de quinquennat par rapport au scénario médian. Dans ce scénario, le coût brut (avant prélèvements obligatoires sur ces pensions) de la mesure s’élèverait à 14,3 Md€ par an soit 42,9 Md€ sur trois ans.

Dans la mesure où les pensions sont soumises à des contributions sociales et à l’impôt sur le revenu, ces recettes induites réduisent le coût net de la mesure.

Afin d’obtenir le coût de la mesure net de contributions sociales, sont calculés les montants de CSG (déductible et non déductible), CRDS et CASA, selon les quatres taux applicables (DILA, 2022) pour les quatre contributions. Nous faisons l’hypothèse que la personne percevant la pension constitue un ménage seul et que sa pension représente l’intégralité de ses revenus. Dans un second temps, l’on calcule à partir du tendanciel et de la mesure projetée les masses de contributions, aboutissant à un coût de la mesure nette de contributions sociales sur trois ans de 39,7 Md€ pour le scénario inflationniste, 25,3 Md€ pour le scénario médian d’inflation et de 16,3 Md€ pour le scénario de basse inflation.

Enfin, le retour fiscal de la mesure est calculé de la façon suivante : en prenant la même hypothèse d’un ménage seul dont la pension de retraite constitue le seul revenu, le taux marginal de la tranche d’imposition dans laquelle se situe le pensionné est appliqué au différentiel perçu après la mesure par rapport au tendanciel. Sur trois ans, le coût de la mesure dans le scénario inflationniste reviendrait alors à 32,9 Md€, dans le scénario médian d’inflation, à 20,9 Md€, et enfin à 13,6 Md€ dans le scénario de basse inflation. Le retour fiscal s’établit autour de 17 % via l’impôt sur le revenu. Cet effet résulte de deux dynamiques concomitantes : d’une part la redistribution de la mesure davantage en faveur des ménages les plus aisés, et d’autre part la progressivité de l’impôt sur le revenu qui gomme donc en partie cet effet redistributif.

Il convient de préciser qu’il a été fait l’hypothèse de calcul que les différents seuils, que ce soit le seuil de revalorisation des pensions de 2000 €, les seuils pour les taux de CSG, CRDS et CASA, ou encore ceux de l’impôt sur le revenu, sont indexés sur l’inflation. Cette hypothèse de calcul introduit une incertitude, limitée à 5 % (pour le scénario médian d’inflation, la hausse des prix sur les 5 années serait de 8 %, conduisant les personnes au-dessus de 1850 euros en 2022 à passer au-dessus du seuil de 2000 euros. Cela correspond à une masse d’environ 15 Md€ de pensions, soit environ 5 % de la masse totale des pensions) sur le résultat final pour la dernière année dans le scénario médian, ce qui n’est pas de nature à changer l’ordre de grandeur de l’estimation.

La fiabilité du chiffrage est bonne, sous réserve de la projection d’inflation. En effet, le chiffrage dépend fortement de la différence entre les projections et les réalisations d’inflation, d’autant qu’une forte volatilité de l’inflation a été observée ces dernières années, et que les scénarios d’atterrissage sont encore incertains, et soumis à de nombreux aléas. Enfin, l’évolution de la démographie n’est pas prise en compte dans le chiffrage (la répartition de la population de retraité par niveau de pension relatif est supposée constante).

Les chiffrages proposés ici traitent prioritairement de l’impact immédiat des mesures sur les finances publiques et, dans la mesure du possible, examinent certains de leurs effets macroéconomiques. Notre démarche, réalisée dans le temps contraint de cette campagne, est itérative et invite au débat contradictoire.