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BIOGRAPHIE

Exonération d’impôt sur le revenu pour tous les médecins en cumul emploi-retraite

Rassemblement National

Exonérer d’impôt sur le revenu tous les médecins en cumul emploi-retraite afin de réduire les déserts médicaux“. Présentation du programme du Rassemblement National par J. Bardella – Le Parisien, 17 juin 2024.

Estimation
Coût par an
Par l'Institut Montaigne
950 M€
819 M€ estimation basse
1 090 M€ estimation haute
Par Rassemblement National

Face à la désertification médicale (– 11 % de médecins généralistes depuis 2010) et à l’arrivée à la retraite de cohortes nombreuses de médecins (un quart des effectifs environ), le Rassemblement National souhaite rendre plus attractif le dispositif de cumul emploi-retraite pour les médecins afin d’inciter des médecins, retraités ou arrivant à la retraite, à reprendre ou poursuivre leur activité au moyen d’une incitation fiscale. Toutefois, si le cumul emploi-retraite permet d’ouvrir de nouveaux droits à la retraite, il n’est aujourd’hui assorti d’aucune réduction d’impôt sur le revenu.

La mesure semble incitative pour les médecins retraités. Toutefois, sa faisabilité apparaît limitée au regard des contraintes juridiques posées par le droit constitutionnel, de la faible acceptabilité politique d’une mesure fiscale particulièrement favorable à des catégories socio-professionnelles déjà aisées et du coût budgétaire de celle-ci, de l’ordre de 4,1 Md€ pour 7 000 médecins en plus (+ 50 %), et de 5,46 Md€ pour 14 000 médecins supplémentaires (+ 100 %).

Si l’incitation au cumul fonctionne (scénario 1, + 50 % de médecins en 5 ans), le coût pour les finances publiques de chaque médecin supplémentaire s’élèverait à 586 000 €. Une incitation au cumul qui fonctionnerait encore davantage (scénario 2, + 100 % de médecins en 5 ans) représenterait un coût par médecin de 390 000 €.

Il est à noter que ce chiffrage ne porte que sur l’impôt sur le revenu. Toutefois, de nombreux autres éléments pourraient être pris en compte, en particulier divers effets indirects, qui viendraient moduler à la hausse ou à la baisse le coût net pour les finances publiques, notamment :

  • Effet favorable pour les finances publiques : une hausse du revenu des médecins pourrait induire une consommation accrue – mais relative – et donc des recettes de TVA ;
  • Effet défavorable pour les finances publiques : ce dispositif de cumul ouvrirait de nouveaux droits à retraite pour les médecins à l’issue de leur cumul et augmentation des dépenses sociales liées aux actes et prescriptions médicaux supplémentaires.

Faisabilité de la mesure en cohabitation avec le président de la République

La faisabilité de cette mesure semble modérée au regard de son coût élevé et de sa probable contrariété aux règles fiscales. À cet égard, J. Bardella a indiqué le 17 juin 2024 que cette réforme “ne se fera que dans un second temps“.

  • Faisabilité constitutionnelle : cette mesure devra être votée dans le cadre d’un projet de loi de finances. En cas d’adoption, sa constitutionnalité pourrait être mise en question. En effet, exonérer entièrement d’impôt sur le revenu les médecins effectuant un cumul emploi retraite pourrait être perçu comme une atteinte au principe de valeur constitutionnelle d’égalité devant l’impôt. Le Conseil constitutionnel a pu valider des différences de traitement entre contribuables au nom de la poursuite d’un objectif d’intérêt général (Décision n°98-405 DC du 29 décembre 1998, décision n°2000-437 DC du 19 décembre 2000 ou encore décision n°2012-662 du 29 décembre 2012.). Toutefois, il importe que cette différence de traitement soit suffisamment justifiée et proportionnée à l’objectif poursuivi.
  • Faisabilité européenne : cette mesure relevant d’une compétence propre aux États-membres, elle est peu susceptible d’être contraire au cadre juridique européen.
  • Faisabilité “politique” : la faisabilité politique de cette mesure est modérée. Si la lutte contre les déserts médicaux fait l’objet d’un consensus au sein des différents partis, une telle mesure d’allègement fiscal ferait sans doute face à une certaine opposition en ce qu’elle reviendrait à favoriser une catégorie de population d’ores et déjà relativement aisée.

La mesure paraît délicate à mettre en œuvre. En plus d’une éventuelle censure du Conseil constitutionnel, il semble peu vraisemblable que les groupes politiques d’opposition se rallient à une telle mesure, coûteuse pour les finances publiques et dirigée vers une catégorie socio-professionnelle déjà favorisée. Ils devraient en tout état de cause privilégier d’autres moyens de lutter contre les déserts médicaux.

Montant de la rémunération et exonération consentie

Dans son étude de 2018, la DREES notait que les médecins cumulant emploi et retraite maintenaient un niveau d’activité inférieur de 30 % en moyenne à celui des médecins libéraux actifs. Leur revenu s’établissait à 75 600 € en 2014, à quoi s’ajoutait une pension de retraite de 40 000 € environ, soit un total de 115 000 € par an environ en 2014. Actualisé avec un taux de 1,5 % par an, proche de l’évolution des salaires sur la période considérée, cela revient à un revenu moyen de 131 000 € environ par an en 2023.

En excluant toute démarche d’optimisation fiscale et tout revenu complémentaire, ceci reviendrait à un montant moyen d’impôt sur le revenu de 39 000 € environ par médecin.

Effectifs concernés

  • Médecins et dentistes cumulant d’ores et déjà emploi et retraite, soit plus de 14 000 personnes en 2023 dont 12 600 personnes affiliées à la caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF) et 1 550 pour la CARCDSF ;
  • Médecins et dentistes retraités encore en capacité d’exercer et reprenant une activité.
    • 27 000 sont des retraités de 65-70 ans (application du taux de médecins cumulant dans cette tranche d’âge à la CARMF (40%) aux effectifs cumulant emploi et retraite de cette tranche de la CARCDSF) ;
    • 38 000 sont des retraités de 70 à 75 ans (application du taux de retraités de 70-75 ans de la CARMF (29 600 retraités de cet âge pour un nombre total de retraité de 89 360 allocataires en 2023) aux effectifs de la CARCDSF (25 500 allocataires en 2022)) ;

Ainsi le stock de médecins à la retraite susceptibles d’exercer une activité (entre 65 et 75 ans) s’élève environ à 65 000, dont 21 % cumulent actuellement emploi et retraite.

Il est proposé de retenir trois hypothèses de calcul.

La première est une stabilité du “stock” de personnels retraités susceptible d’être éligible à la mesure. Les prévisions issues de l’atlas de la démographie médicale 2023 / CNOM, laissent penser que le nombre de nouveaux retraités sur les cinq prochaines années sera globalement stable.

La deuxième hypothèse est une progression du pourcentage de personnels retraités ayant recours au cumul. La DREES notait en 2018 que depuis la suppression du plafond de revenu autorisé dans le cadre du cumul en 2009, le nombre de médecins cumulant emploi et retraite avait été multiplié par 2,7 en sept ans, soit une progression d’environ 15 % par an. La progression est particulièrement forte chez les médecins de plus de 70 ans (20 % encore en activité en 2018 contre 14 % en 2013).

La troisième hypothèse s’appuie sur un calcul du coût sur cinq ans, qui s’approche de la durée moyenne du cumul entre emploi et retraite (DREES). Les médecins cumulant emploi et retraite le faisant sur une durée moyenne de quatre années, il est possible de penser qu’un tel avantage fiscal pourrait conduire les médecins à travailler une année de plus.

Au regard de l’incitation forte que pourrait constituer cette exonération totale d’impôt sur le revenu, plus avantageuse que la suppression du plafond de revenu, il est proposé de retenir deux scénarios :

Scénario 1 : croissance de 50 % du nombre de médecins ayant recours au cumul en 5 ans

  • Nombre de médecins ayant recours au cumul après 5 ans de mise en œuvre : 21 000 (14 000 + 50%)
  • Coût annuel : 819 M€ (en retenant 39 000€ de dépense fiscale par année par personne)
  • Coût en 2027 : 2,5 Mds€
  • Coût total sur 5 ans : 4,1 Md€

Scénario 2 : croissance de 100 % du nombre de médecins ayant recours au cumul en 5 ans

  • Nombre de médecins ayant recours au cumul après 5 ans de mise en œuvre : 28 000 (14 000 + 100%)
  • Coût annuel : 1,09 Md€ (en retenant 39 000€ de dépense fiscale par année par médecin)
  • Coût en 2027 : 3,27 Md€
  • Coût total sur 5 ans : 5,46 Mds€

Benchmark

Le cumul emploi-retraite est possible dans de nombreux pays développés (Allemagne, Royaume-Uni, Suède, Canada, etc.). En revanche, aucun dispositif similaire à celui proposé en matière d’exonération d’impôt sur le revenu n’a pu être identifié.

Mise en œuvre

Cette exonération d’impôt sur le revenu devra être votée dans le cadre d’un projet de loi de finances. Une telle mesure concernerait les médecins cumulant d’ores et déjà emploi et retraite, les médecins retraités pouvant reprendre une activité professionnelle ainsi que les médecins approchant de la retraite et susceptibles d’entrer dans le dispositif.

La désertification médicale ne concernant pas que les médecins généralistes, l’hypothèse retenue est que le terme “médecin” revient à englober non seulement les médecins généralistes mais aussi les autres professions couvertes par la CARMF (chirurgiens, radiologues, etc.) ainsi que les chirurgiens dentistes et sages-femmes couverts par la CARCDSF.

Les chiffrages proposés ici traitent prioritairement de l’impact immédiat des mesures sur les finances publiques et, dans la mesure du possible, examinent certains de leurs effets macroéconomiques. Notre démarche, réalisée dans le temps contraint de cette campagne, est itérative et invite au débat contradictoire.