Défiscaliser les donations familiales jusqu'à 100 000 € tous les 10 ans
“Exonérer les donations des parents et des grands-parents à leurs enfants et petits-enfants jusqu’à 100 000 € par descendant tous les 10 ans” – Programme RN 2024
En matière de droits de succession, il existe un délai en deçà duquel les donations sont intégrées à la succession, il s’agit du rappel fiscal. Ce mécanisme limite les possibilités de cumul des abattements sur plusieurs donations ou de contournement de la progressivité du barème. Avant 2006 et de 2011 à 2012, il était établi à 10 ans. Il est fixé à 15 ans depuis 2012.
La proposition conduirait donc à revenir au régime en vigueur avant 2006 et de 2011 à 2012 tout en maintenant inchangé le plafond de la franchise de droits à 100 000 €, contre 150 000 € de 2007 à 2012. L’estimation médiane du coût de la mesure pour les finances publiques est de 1 Md€, un montant entouré d’incertitudes en l’absence de de données fiscales de référence.
Impact macroéconomique
La proposition pourrait avoir pour effet d’accélérer les transmissions de capital entre générations. Elle pourrait ainsi renforcer l’efficience de l’allocation du capital productif au sein de l’économie, les générations les plus jeunes ayant à la fois plus de besoins de financement et d’opportunités d’investissement. En outre, la mesure se situe dans un contexte de surabondance de l’épargne, due notamment à la crise sanitaire de la Covid-19.
L’effet positif de la mesure est toutefois difficile à chiffrer, puisqu’il relèverait de l’agrégation de décisions individuelles, elles-mêmes très liées à des conditions de financement incertaines et changeantes. En outre, cette mesure risque de renforcer la concentration patrimoniale en augmentant les montants transmis nets d’impôt. Or cette concentration patrimoniale n’a pas d’effets positifs sur l’efficience allocative et pourrait même avoir des effets négatifs sur cette dernière (Philippon T. (2007), Le capitalisme d’héritiers : la crise française du travail, Paris, Seuil).
En favorisant la concentration patrimoniale, cette mesure pourrait également contraindre le système redistributif.
Faisabilité de la mesure
- Faisabilité constitutionnelle : cette mesure ne présente pas de difficulté constitutionnelle, plusieurs réformes de ce type ayant été votées puis validées avant 2006. La mesure nécessiterait l’adoption d’une loi, préférentiellement de finances, afin de modifier l’article 784 du code général des impôts.
- Faisabilité européenne: cette mesure ne serait pas contrainte par le cadre européen.
- Faisabilité politique : la mesure est susceptible de recueillir des voix de la droite républicaine et du centre, rendant possible son adoption, y compris en cas de majorité relative pour le Rassemblement National.
La mesure paraît faisable, en l’absence de contrainte constitutionnelle, et pouvant susciter une adhésion au-delà des seuls rangs du Rassemblement National.
En matière de droits de mutation à titre gratuit par décès, il existe un délai en deçà duquel les donations sont intégrées à la succession, il s’agit du rappel fiscal. Ce mécanisme limite les possibilités de cumul des abattements sur plusieurs donations ou de contournement de la progressivité du barème. Avant 2006 et de 2011 à 2012, il était établi 10 ans. Il est fixé à 15 ans depuis 2012. La proposition conduirait donc à revenir au régime en vigueur avant 2006 et de 2011 à 2012, tout en maintenant inchangé le plafond de la franchise de droits à 100 000 €, contre 150 000 € de 2007 à 2012.
En 2011, le Gouvernement a chiffré à 450 M€ (dont 410 M€ de gain sur les droits de succession et 40 M€ de gain de droits sur les donations) le gain du passage de 6 à 10 ans du délai de rappel fiscal (étude d’impact de l’article 3 du PLFR 2011, n°3406, 11 mai 2011). En actualisant ce montant avec la même méthode qu’en 2011 (revalorisation du montant à partir de la moyenne des évolutions annuelles des droits de mutation à titre gratuit à la suite de décès de 2012 à 2023 (PLF, annexe A – voies et moyens), soit 7 %.), le coût pour les finances publiques de la réduction d’une année du délai de rappel peut être estimé à 199 M€ (coût annuel en valeur 2012 majoré de 7 % pendant 10 ans), et atteindrait par conséquent 1 Md€ pour une réduction de cinq ans. Ce niveau de coût constitue l’estimation médiane du coût de la mesure.
En l’absence de données sur la distribution des successions depuis l’enquête DGFiP de 2006, il n’est pas possible de refaire une simulation sur des données de distribution plus récentes (constat également fait dans la note n°69 du CAE, Dherbécourt, Fack, Landais, Stancheva), “Repenser l’héritage“, décembre 2021). La méthode choisie est donc, comme celle du gouvernement en 2011, l’actualisation du coût. Cette méthode donne un résultat convergent avec celui donné par la simple déduction partir du montant des droits de successions prévu en 2022 par rapport à celui de 2012, qui a doublé, passant de 7 Md€ à 14 Md€. Cette simple déduction qui consisterait à doubler le coût annuel de 2012 puis à le multiplier par cinq donne un coût de 1,13 Md€, qui constitue donc l’estimation haute du coût de la mesure. Cette borne haute se justifie par ailleurs par l’alignement de l’abattement des grands parents, aujourd’hui à 31 800 € sur celui des parents, à 100 000 €. Si cet ajustement est marginal par rapport à la réduction du délai de rappel, il majore toutefois le coût pour les finances publiques.
En se fondant sur les prévisions de l’Insee et sur l’âge moyen à la maternité/paternité, on estime que l’âge moyen des enfants au décès des parents devrait passer de 50 ans aujourd’hui à 55 ans en 2035 et 60 ans en 2070 (France Stratégie, d’après Insee, statistiques de l’état civil, Insee Première, n° 1619, novembre 2016 et Population et Sociétés, n° 465, mars 2010). Une réforme des droits de mutation permettrait de compenser cette évolution démographique en incitant aux donations. Deux options principales sont évoquées dans le débat public : rehausser l’imposition des successions par rapport aux donations ou alléger l’imposition des donations par rapport aux successions, ce qui correspond à la proposition étudiée. Selon le Conseil des prélèvements obligatoires, “la première [option] présente l’intérêt de contribuer également à une atténuation de la concentration des patrimoines en renforçant la taxation des héritages […] À l’inverse, la deuxième option présente, outre un effet négatif sur les finances publiques, le risque de renforcer la concentration patrimoniale en augmentant les montants transmis nets d’impôt“.
Historique de la mesure
Avant 2006 et de 2011 à 2012, le délai de rappel fiscal était de dix ans, mais le plafond de la franchise de droits de mutation était différent : 50 000 € avant 2016, 150 000 € de 2007 à 2012). Depuis 2012, le délai de rappel est de 15 ans et l’abattement de 100 000 €. La mesure propose de fixer le même abattement pour les parents et les grands parents, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui (31 800 € pour les grands parents). Un abattement spécial lié à l’âge du donataire existait de 2007 à 2011 (les droits étaient réduits de moitié quand le donateur d’un bien en pleine propriété avait moins de 70 ans, et de 30 % si le donateur avait entre 70 et 79 ans. Pour les biens en nue-propriété, la réduction était de 25 % pour les donateurs de moins de 70 ans, et de 10 % pour les plus de 70 ans).
Benchmark
Les États qui imposent les successions et les donations avec un abattement ou un barème progressif ont mis en place des périodes de rappel des donations antérieures pour limiter les possibilités de cumul des abattements sur plusieurs donations ou de contournement de la progressivité du barème (CPO, les prélèvements obligatoires sur le capital des ménages : comparaisons internationales, octobre 2017). En Allemagne le délai de rappel des donations est de 10 ans, au Royaume-Uni, il est de sept ans, en Espagne, de quatre ans et en Belgique de trois ans.
Mise en œuvre
La mesure nécessite l’adoption d’une loi, préférentiellement de finances, afin de modifier l’article 784 du code général des impôts.