Pour comparer les propositions de 2 candidats, veuillez tourner votre mobile
Pour consulter La France en chiffres, veuillez tourner votre mobile
Comparer les propositions de
Comparer
avec
...
BIOGRAPHIE

Accorder les prestations familiales aux seuls foyers dont au moins un des parents est français

Rassemblement National

En 2022, lors de la campagne présidentielle de Marine Le Pen, le Rassemblement national proposait de “réserver les prestations familiales aux foyers dont au moins un des parents est français“, pour un “gain” de 15,6 milliards durant le quinquennat.

En 2024, cette mesure a été reprise sous une formulation différente, qui s’intituleréserver les aides sociales aux Français“.

Estimation
Économie par an
Par l'Institut Montaigne
3,8 Md€
2,6 Md€ estimation basse
3,9 Md€ estimation haute
Par Rassemblement National

Les allocations familiales sont des prestations versées, sous conditions de ressources, aux personnes qui assument la charge effective d’au moins deux enfants de moins de 20 ans. Ces allocations peuvent être complétées par d’autres prestations.

Selon les calculs de l’Institut Montaigne, cette mesure pourrait générer, selon une estimation médiane, près de 3,3 Md€ par an.

Elle viendrait, en tout état de cause, précariser encore davantage les actuels bénéficiaires de ces prestations.

Au-delà du coût, sa mise en œuvre sera d’une grande complexité juridique, politique et diplomatique. En effet, cette mesure s’oppose à des principes d’égalité de traitement entre nationaux et étrangers s’agissant des droits sociaux consacrés par le Conseil constitutionnel et plusieurs textes internationaux tels que la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

Faisabilité de la mesure

  • Faisabilité constitutionnelle : Le code de la sécurité sociale, institue les allocations familiales à son chapitre 1 (Articles L521-1 à L521-3) et le principe de “solidarité nationale” à son article L111-1 qui garantit “la couverture des charges de maladie, de maternité et de paternité ainsi que des charges de famille et d’autonomie” à “toute personne travaillant ou résidant en France de façon stable et régulière“. À ce titre, les prestations familiales sont aujourd’hui ouvertes à toutes les personnes remplissant les conditions de droit au séjour en France et en situation régulière, quel que soit leur nationalité.La mesure demanderait donc de modifier les principes de la sécurité sociale, par le biais d’une proposition de loi ou un projet de loi. Un tel acte législatif risquerait d’être censuré par le Conseil Constitutionnel en ce qu’il entraînerait une rupture d’égalité vis-à-vis des citoyens de nationalité Française, au regard des dixième et onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, notamment. En effet, comme rappelé par le Conseil Constitutionnel dans une décision récente, “les étrangers jouissent des droits à la protection sociale, dès lors qu’ils résident de manière stable et régulière sur le territoire français”. Si des conditions d’éligibilité peuvent exister (ex. durée minimale de résidence), ces conditions ne peuvent pas porter fondamentalement atteinte aux garanties légales dont jouissent les résidents étrangers, du fait des libertés et droits fondamentaux de valeur constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République. En l’état, la mesure serait donc susceptible d’être censurée par le juge constitutionnel à ce motif. Une révision de la Constitution serait donc un préalable. Or, en cas de cohabitation, le Premier ministre n’aurait pas de levier réel pour initier une telle révision, sauf à avoir une majorité absolue au Parlement, puisque c’est à ses membres que revient le droit d’initier un projet de révision constitutionnelle, ou bien au président de la République selon l’article 89 de la Constitution.
  • Faisabilité européenne : Cette mesure pourrait être jugée comme contrevenant au droit à la vie familiale garanti par les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme et à l’article 3-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant. Elle impliquerait alors la dénonciation de plusieurs traités internationaux dont la France est signataire.

L’adoption d’un projet de loi sur l’immigration comprenant une telle disposition est très peu probable en raison de son incompatibilité avec la Constitution et les traités européens, sans même évoquer l’absence de majorité politique sur le sujet.

Lors de sa campagne de 2022, Marine Le Pen proposait de réserver les prestations familiales aux foyers dont au moins un des parents est Français. Pour calculer le montant de l’économie, la candidate avait appliqué au montant des allocations familiales la proportion des naissances par des couples composés de deux parents étrangers, majorée de 50 %.

Les allocations familiales sont des prestations versées, sous conditions de ressources, aux personnes qui assument la charge effective d’au moins deux enfants de moins de 20 ans. Afin d’en bénéficier, il est nécessaire de résider habituellement en France et de détenir un titre de séjour pour les nationaux extra-européens.

Ces allocations proprement dites sont complétées par d’autres prestations familiales telles que :

  • le complément familial destiné aux familles résidant avec au moins trois enfants à charge âgés entre 3 et 21 ans. Cette prestation est versée à 876 000 foyers, dont un peu plus d’un quart est une famille monoparentale.
  • la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) visant à aider à financer les dépenses liées à l’entretien et l’éducation d’un enfant. Elle est destinée aux parents d’un enfant de moins de 3 ans.
  • l’allocation de rentrée scolaire (ARS) vise à prendre en charge les fournitures scolaires à chaque rentrée. Elle est versée aux familles ayant au moins un enfant scolarisé et âgé de 6 à 18 ans.

Les hypothèses

Hypothèse du RN, correspondant au scénario haut de l’Institut Montaigne

Les prestations prises en compte par Marine Le Pen en 2022 représentaient 26 Md€ et sont réparties de la manière suivante :

  • Allocations familiales : 12,7 Md€ ;
  • Prime Accueil Jeune Enfant : 11,2 Md€ ;
  • Allocation rentrée scolaire : 2 Md€.

L’économie annuelle est calculée par la formule suivante : (26 x 10 %) + 50 % (26 x 10 %) = 3,9 Md€

La part de 10 % correspond à la part des naissances de 2 parents étrangers (11,7 % en réalité en 2022 selon les dernières estimations de l’INSEE, voir ci-dessous). La majoration de 50 % vise à traduire selon la candidate, la part plus importante de prestations sociales dans la décomposition des revenus des immigrés par rapport au reste de la population. En effet, selon l’INSEE, les immigrés touchent en moyenne 2 380 € de prestations sociales contre 1 600 € pour l’ensemble de la population en 2023, soit 49 % (INSEE, 2023, Niveau de vie des immigrés).

Une économie annuelle de 3,9 Md€ correspond à l’estimation haute de la mesure.

Hypothèse médiane

Une autre hypothèse médiane serait de ne pas retenir la majoration de 50 % des allocations dans la mesure où ces allocations sont attribuées sous conditions de ressources tout en ajoutant au périmètre de l’économie le complément familial à destination des familles ayant au moins 3 enfants.

Tableau des allocations familiales et de leurs compléments

(en Md€) 2022
Allocations en faveur de la famille  21,2
Prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE)  11.4
Total 32,6

Source : Institut Montaigne d’après les données de la Cour des comptes

Cette estimation est établie à partir de la proportion de naissance de 2 parents étrangers (11,7 % selon l’INSEE) sur l’ensemble des allocations familiales et de leurs compléments (32,6 Md€).

La suppression des allocations familiales et de ses compléments générerait alors une économie nette sur le budget général de l’État de 3,8 Md€ par an.

Hypothèse basse

Les calculs pris en compte précédemment intègrent dans les économies générées l’exclusion des enfants nés issus d’un couple comprenant deux ressortissants européens. Compte tenu des textes européens, cette situation apparaît peu vraisemblable.

Si la mesure de Marine Le Pen ne concerne que les enfants dont les deux parents sont des étrangers extra-européens, le nombre de naissance se réduit à 68 300 en 2022 sur un total de 725 997 naissances soit 9,4 %.

Dans ce scénario bas, l’économie sur les allocations familiales, le complément familial, l’ARS et la PAJE s’établirait alors à 2,6 Md€ par an.

Historique de la mesure

La suppression des allocations familiales aux étrangers a déjà été proposée à de nombreuses reprises. En 2013, le député UMP Thierry Mariani, aujourd’hui membre du RN, avait proposé de supprimer les allocations aux étrangers venant d’arriver en France avec une carte de séjour d’un an.

Eric Zemmour proposait également, dans le cadre de la campagne 2022, de les supprimer aux étrangers.

Mise en œuvre

Par application du principe général d’égalité, le Conseil d’État a jugé que les étrangers ne pouvaient du seul fait de leur nationalité être écartés du bénéfice d’une prestation sociale d’assistance(CE, 30 juin 1989, Ville de Paris et bureau d’aide sociale de Paris c. Lévy). Le Conseil constitutionnel a consacré cette jurisprudence au niveau constitutionnel (CC, 22 janvier 1990, n° 89-269 DC). Si les étrangers jouissent du droit à la protection sociale, ils doivent établir résider de manière stable et régulière sur le territoire français (CC, 13 août 1993, n° 83-325 DC (considérant 3), le Conseil d’État en 2015 (décision n° 375887) a réaffirmé ce principe et ainsi estimé que la condition de résidence régulière en France depuis au moins 5 ans imposée aux étrangers pour bénéficier du RSA ne constituait pas une discrimination illégale au regard des stipulations combinées des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 1er de son premier protocole additionnel).

Par ailleurs, cette mesure pourrait être jugée comme contrevenant au droit à la vie familiale garanti par les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme et à l’article 3-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant.

La mise en œuvre de cette mesure ne pourra être réalisée qu’après une modification de la Constitution et la dénonciation de plusieurs textes internationaux.

Les chiffrages proposés ici traitent prioritairement de l’impact immédiat des mesures sur les finances publiques et, dans la mesure du possible, examinent certains de leurs effets macroéconomiques. Notre démarche, réalisée dans le temps contraint de cette campagne, est itérative et invite au débat contradictoire.