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BIOGRAPHIE

Proposer la gratuité intégrale à l’école : cantine scolaire, fournitures, transports, activités périscolaires

Nouveau Front Populaire

Les enfants sont notre avenir, ce que nous avons de plus précieux. On leur doit l’école vraiment gratuite. Cela veut dire les transports, les fournitures, les cantines, le périscolaire” (Présentation du programme du Nouveau Front populaire, vendredi 14 juin)

Estimation
Coût par an
Par l'Institut Montaigne
13 Md€
11,8 Md€ estimation basse
14,3 Md€ estimation haute
Par Nouveau Front Populaire

Lors de la campagne présidentielle de 2022, le candidat Jean-Luc Mélenchon proposait d’assurer la gratuité réelle de l’éducation publique, c’est-à-dire de rendre les cantines gratuites, les activités périscolaires et le transport scolaire et de généraliser la gratuité des manuels scolaires et des fournitures. La gratuité serait garantie sans condition de ressources. La proposition est reprise dans des termes quasi-identiques par le programme du Nouveau Front populaire.

Aujourd’hui, certaines communes prennent en charge le coût des fournitures, tandis que de nombreuses régions prennent totalement ou partiellement en charge le coût des manuels scolaires. Les frais de cantine font en partie déjà l’objet de subventions et d’une tarification progressive selon le revenu. Le transport scolaire est aussi déjà subventionné par les collectivités territoriales, tout comme les frais périscolaires avec une contribution des familles généralement progressive en fonction du revenu.

La généralisation de la gratuité représenterait une dépense publique totale de l’ordre de 11,8 Md€ par an si elle se limite aux élèves scolarisés dans le public et de 14,3 Md € avec les établissements privés sous contrat. En effet, les subventions actuelles pour les fournitures et manuels scolaires incluent les établissements privés sous contrat. Une exclusion de ces établissements pourrait générer un contentieux.

Faisabilité de la mesure en cohabitation avec le président de la République

  • Faisabilité constitutionnelle : La mesure requiert une charge supplémentaire au budget de l’État avec une augmentation significative (+20,4 %) du budget de l’éducation nationale qui est déjà le premier poste de dépenses de l’État (64 Md€ au PLF 2024). Cette charge devra être votée par le Parlement dans le cadre de l’examen annuel du projet de loi de finances. Le Conseil Constitutionnel n’aurait pas de raison d’intervenir sauf contradiction de la loi des grands principes budgétaires de l’annualité, de l’unité, de l’universalité et de la spécialité ou insincérité.
  • Faisabilité européenne : Cette mesure relève entièrement des compétences nationales et ne nécessiterait aucune procédure ou discussion au niveau européen.
  • Faisabilité politique : Étant donné la situation contrainte des finances publiques, le Gouvernement devra prouver l’opportunité de la mesure au vu de l’existence de dispositifs similaire comme l’allocation de rentrée scolaire (ARS) dont bénéficient déjà 3 millions de familles sur condition de ressources. En effet, le caractère universel de la mesure pourrait être vu comme une aggravation excessive et non nécessaire de la dépense publique.
  • Faisabilité de la mesure en cas de cohabitation avec le président de la République : Étant donné la possibilité de passer par la voie légale et l’absence de marge de manœuvre du côté présidentiel, la faisabilité de cette mesure en cas de cohabitation semble relativement forte, si le Gouvernement peut s’appuyer sur une majorité parlementaire suffisante à moyen-terme. La faisabilité d’une telle mesure diminuerait cependant en cas de majorité relative, qui verrait le recours probable à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution.

Le coût de la mise en œuvre d’une gratuité totale de l’école publique revient à évaluer celui de la prise en charge par l’État de toutes les dépenses assurées par les familles pour la scolarisation de leurs enfants.

Les dépenses couvertes par les parents pour la scolarité de leurs enfants peuvent être réparties en cinq catégories clé : frais d’inscription, cantine, transports, sorties / voyages scolaires et fournitures (y compris habillement) et activités périscolaires. Les chiffres clé d’une étude de l’éducation de 2015 (exprimés par enfant) sont présentés dans le tableau ci-dessous, hors fourniture et périscolaire.

Type de dépense Maternelle Primaire Collège Lycée
Frais d’inscription (estimation 2015) 80 € 110 € 190 € 250 €
Cantine, internat, garderie (estimation 2015) 400 € 350 € 370 € 440 €
Transport (estimation 2015) 0 € 0 € 50 € 100 €
Sorties scolaires, voyages (estimation 2015) 10 € 30 € 80 € 100 €
Total des dépenses assurées par les familles par élève pour ces sous-catégories 490 € 490 € 690 € 890 €

En multipliant cette moyenne de la dépense totale par élève par les effectifs de chaque niveau en 2023 (6.3 M d’élèves de primaire et maternelle, 3.3 M d’élèves au collège et 2.3 M au lycée), on obtient, au niveau national, les dépenses agrégées suivantes, pour les catégories ci-dessus :

  Maternelle + Primaire Collège Lycée
Effectifs (nb d’élèves par niveau, millions) 6.3  3.3 2.3
Total dépenses (effectifs x dépenses par élève, Md€) 3,09 2,28 2,05
Total tous niveaux (Md€) 7.41
Total tous niveaux hors privé (Md€) (On estime que 17% des élèves sont scolarisés dans le privé.) 6.15

Ces chiffres sont fondés sur des estimations des dépenses par enfant datant de 2015. Afin d’obtenir la dépense totale des familles pour la scolarisation de leurs enfants en 2024, on applique donc le taux d’évolution annuel de l’indice des prix de la consommation (IPC) au montant agrégé ci-dessus des dépenses “scolarisation” des foyers français de 2015.

Année Taux d’inflation moyen annuel Total dépenses ajustées pour l’inflation (dont les enfants sont scolarisés dans le public) en Md €, annuels
2016 0,20 % 7,43   
2017 1 % 7,50   
2018 1,80 % 7,64   
2019 1,10 % 7,72   
2020 0,50 % 7,76   
2021 1,60 % 7,88   
2022 5,20 % 8,29
2023 4,90 % 8,7

À ces frais assurés par les familles, il faut ajouter :

  • Ceux liés aux fournitures, qui s’élèveraient à 3.02 Md€ par an en agrégé et tous niveaux confondus, élèves scolarisés dans le privé et le public inclus, si on applique la même méthode aux derniers chiffres estimés.
  • Ceux liés aux activités périscolaires, dont le coût annuel serait de 2,2 Md€ pour les effectifs du premier degré public et de 2,6 Md€ en y ajoutant les établissements privés, selon les chiffres de la CAF.

Au total, la mesure générerait donc un surcoût total pour l’État de 8,7 + 3 + 2,6 Md€ soit 14,3 Md€, si elle couvrait établissements publics et privés et 11,8 Md€ (83 % des élèves sont dans le public) si elle est circonscrite aux élèves scolarisés dans le public. En l’absence d’éléments plus précis sur le périmètre de la mesure, nous faisons le choix de retenir une valeur médiane entre l’hypothèse “public seul” de 11,8 Md€, et l’hypothèse associant public et privé sous contrat de 14,3 Md€. Nous aboutissons à un coût de 13 Md€.

Historique de la mesure

Depuis 1989, la gratuité des fournitures est pratiquée par la ville de Vitry.

Depuis 2021, elle est également appliquée dans la métropole de Lille.

Benchmark

La gratuité des livres et des matériels pédagogiques se limite soit au primaire (Italie, Pays-Bas), soit à la scolarité obligatoire (Autriche), elle peut ne concerner que les familles défavorisées (Irlande, Italie, Portugal). En Suède, de la maternelle à la fin de l’enseignement obligatoire, les manuels et fournitures sont gratuits. Depuis novembre 2021, la Belgique étudie l’extension de la gratuité des fournitures scolaires, en vigueur en maternelle, à l’école élémentaire.

Une proposition de loi instaurant la gratuité de la cantine scolaire a été débattue en février 2020, l’article introduisant cette mesure a été supprimé. La cantine scolaire est gratuite en Finlande et en Suède. C’est également le cas en Angleterre pour les enfants de 4 à 7 ans.

Mise en œuvre

La mesure nécessite le vote de crédits budgétaires supplémentaires, par rapport au budget actuel de l’Éducation nationale, et donc une loi de finances. Elle supposerait une concertation préalable avec les collectivités territoriales, qui interviennent déjà assez largement dans le financement des postes de dépenses annexes à l’éducation nationale. Si le champ de la mesure devait effectivement être restreint aux seuls établissements publics, le risque de recours des familles scolarisant leurs enfants dans des établissements privés sous contrat devrait être apprécié.

Les chiffrages proposés ici traitent prioritairement de l’impact immédiat des mesures sur les finances publiques et, dans la mesure du possible, examinent certains de leurs effets macroéconomiques. Notre démarche, réalisée dans le temps contraint de cette campagne, est itérative et invite au débat contradictoire.