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BIOGRAPHIE

Instaurer une taxation renforcée sur les transactions financières

Nouveau Front Populaire

Réglementer la banque et la finance pour éviter de nouvelles crises et financer l’économie réelle : […] Taxation renforcée des transactions financières” (Nouveau Front Populaire, Contrat de législature, 2024).

Estimation
Économie par an
Par l'Institut Montaigne
9,3 Md€
9,3 Md€ estimation haute
Par Nouveau Front Populaire

Une taxe sur la transaction financière a été introduite en France en 2012. Elle s’applique au taux de 0,3 % sur les transactions concernant les actions des sociétés cotées les plus importantes en termes de capitalisation boursière, et a généré un rendement de 1,1 Md€ en 2023. La mesure proposée vise à renforcer cette taxe afin de limiter la spéculation et, avec les recettes supplémentaires générées, à financer l’économie réelle.

Le renforcement de la taxe sur la transaction financière pourrait passer à la fois par un élargissement de son assiette, notamment aux transactions intra journalières, et par une hausse de son taux au niveau de la taxe applicable au Royaume-Uni à hauteur de 0,5 %. Le chiffrage de cette mesure doit tenir compte qu’elle aurait pour effet, en retour, de réduire le volume de transactions et donc la base imposable. En tenant compte de cet effet, une étude de 2023 chiffre son impact budgétaire à un gain de près de 9 Md€ par an en France.

Faisabilité de la mesure

  • Faisabilité constitutionnelle : s’agissant d’une mesure relevant du domaine fiscal, consistant à renforcer un impôt existant, elle devrait nécessairement être appliquée à travers une loi de finances.
  • Faisabilité européenne : cette mesure ne serait pas contrainte par le cadre juridique européen.
  • Faisabilité politique : cette mesure n’est pas soutenue par le Président de la République Emmanuel Macron. En effet, en juin 2023, le Ministre délégué chargé des comptes publics Gabriel Attal s’était opposé à une proposition de loi visant à renforcer la taxe sur les transactions financières existante. En cas de cohabitation, le Président de la République Emmanuel Macron ne disposerait toutefois d’aucun moyen constitutionnel pour s’opposer à l’adoption d’une telle mesure au niveau national si elle était votée par le Parlement en loi de finances. Cela suppose, pour le Nouveau Front Populaire (NFP), de disposer d’une majorité absolue au Parlement ou de recourir à la procédure de l’article 49 al. 3 de la Constitution pour adopter la loi de finances concernée car, en cas de majorité relative, il est peu probable qu’il parvienne à convaincre les autres formations politiques, du centre et de droite, de s’associer à cette mesure.

Cette mesure pourrait être adoptée en cas de cohabitation avec le Président de la République mais plus ou moins facilement en fonction du poids du NFP dans le futur hémicycle.

Une taxe sur la transaction financière a été introduite en France en 2012, dans le contexte suivant la crise financière de 2008. L’idée de la transaction financière remonte à John Maynard Keynes, avant d’être étendue au marché des changes par James Tobin, ce qui conduit souvent à parler de “taxe Tobin“. La taxe existante en France est assise sur les opérations d’achat d’actions de sociétés françaises dont la capitalisation boursière dépasse 1 Md€, soit 130 sociétés en 2023, et son taux est fixé depuis 2017 à 0,3 % de la valeur d’acquisition des titres. Le redevable de la taxe est le prestataire de services d’investissement qui a exécuté l’ordre d’achat du titre ou négocié pour son compte propre, quel que soit son lieu d’établissement.

Le projet de loi de finances pour 2024 estime le rendement de la taxe sur la transaction financière pour 2023 à 1,1 Md€, en baisse de 612 M€ par rapport à la prévision de la loi de finances initiale pour 2023 au regard de la sortie de certaines entreprises de l’assiette à la suite de la diminution de leur valorisation boursière en 2022 et de la révision à la baisse des hypothèses des volumes de transactions. Son rendement pour 2024 est estimé à 1,2 Md€ en 2024, en hausse de 100 M€ sur un an. Alors qu’elle était initialement partiellement affectée au financement de l’Agence française de développement (AFD), depuis 2019 le produit de cette taxe abonde intégralement le budget de l’État.

Le programme du Nouveau Front Populaire (NFP) propose de “renforcer” cette taxe, sans davantage de précisions sur les modalités suivies ni sur le rendement espéré. Il est possible de s’en faire une idée en se référant au programme du candidat Jean-Luc Mélenchon de 2022, qui proposait d’instaurer “une taxe réelle sur les transactions financières” à travers l’élargissement de l’assiette a minima aux transactions intra journalières, voire aux produits dérivés, considérés comme étant purement spéculatifs et n’ayant pas de lien direct avec l’économie réelle, et une hausse de taux pour atteindre au moins 0,4 %.

Le chiffrage d’une telle mesure doit prendre en compte les conséquences qu’elle générerait sur l’assiette taxable. En effet, la littérature économique identifie que la taxe sur les transactions financières a un impact négatif sur les volumes échangés : autrement dit, accroître son taux a pour conséquence de réduire la base taxable. En tenant compte de cet effet, une étude de 2023 estime le rendement d’un élargissement de la taxe sur les transactions financières en France et dans le monde aux opérations intrajournalières et à son renforcement à un taux aligné sur celui par le Royaume-Uni. Sous ces hypothèses et à partir de données pour 2022, elle générerait un rendement de 10,7 Md€, soit une hausse de 9,3 Md€ par rapport à son rendement constaté de 1,4 Md€ pour l’année 2022. Ce résultat est quasi-identique au chiffrage de cette mesure par l’Institut Montaigne en 2022, qui estimait un rendement supplémentaire de 9 M€ par an.

Les hypothèses formulées dans l’étude de 2023 précitée rendent néanmoins cette analyse peu fiable. En effet, elle prend pour hypothèse l’application uniforme d’une telle taxe au niveau mondial, ce qui a pour effet de neutraliser entièrement les effets de contournement qui ne manqueraient pas d’apparaître dans le cas où elle serait adoptée uniquement au niveau français. Cette hypothèse est forte et il est vraisemblable que, dans ce second cas, les recettes générées seraient significativement moindres. Tout du moins, son adoption au niveau européen permettrait de limiter partiellement les effets de contournement ; des discussions en ce sens existent depuis 2010 mais les négociations sont actuellement à l’arrêt du fait des divergences entre États membres.

Enfin, la mise en œuvre technique de cette mesure n’est pas acquise en ce qui concerne l’élargissement aux transactions intra journalières. En effet, l’extension de la taxe sur les transactions financières à ces transactions avait été adoptée en loi de finances pour 2017 puis abrogée en loi de finances pour 2018 en raison de doutes sur la faisabilité technique de sa mise en œuvre confirmés par la Cour des comptes dans un référé de 2017.

Benchmark

Près d’une trentaine de pays dans le monde disposent aujourd’hui d’une taxe sur les transactions financières. Au sein de l’Union européenne (UE), seuls six États membres en sont dotés, notamment l’Espagne, l’Irlande et la Belgique, de même que, hors UE, le Royaume-Uni (stamp duty). Parallèlement, d’autres pays européens ou membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) disposaient d’une taxe sur les transactions financières qu’ils ont depuis abandonnée, tels que les États-Unis en 1966, l’Allemagne en 1991 et le Japon en 1999.

Mise en œuvre

S’agissant d’une mesure relevant du domaine fiscal, consistant à renforcer un impôt existant, elle devrait nécessairement être appliquée à travers une loi de finances.

Les chiffrages proposés ici traitent prioritairement de l’impact immédiat des mesures sur les finances publiques et, dans la mesure du possible, examinent certains de leurs effets macroéconomiques. Notre démarche, réalisée dans le temps contraint de cette campagne, est itérative et invite au débat contradictoire.