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BIOGRAPHIE

Indexer les salaires sur l’inflation

Nouveau Front Populaire

Faire une grande loi pour le pouvoir d’achat : […] Indexer les salaires sur l’inflation“.
Programme du Nouveau Front Populaire (Contrat de législature, 2024).

Estimation
Coût à horizon 2027
Par l'Institut Montaigne
10,5 Md€
Par Nouveau Front Populaire

Le Nouveau Front Populaire propose d’indexer les salaires sur l’inflation. Cette mesure pourrait notamment conduire, si les prix augmentaient plus rapidement que les salaires, à accroître le coût du travail. Pour les salariés du secteur privé, cette hausse serait financée par les entreprises ; pour les agents publics, elle serait en revanche financée par les administrations publiques concernées, avec un coût direct sur les finances publiques. À titre d’illustration, une hausse du point d’indice des fonctionnaires au niveau de l’inflation en 2024 conduirait à une dépense de l’ordre de 5 Md€. À l’horizon 2027, le coût cumulé pourrait représenter 10,5 Md€.

Toutefois, une estimation plus précise de cette mesure devrait prendre en compte ses effets indirects sur l’emploi. En effet, la littérature économique identifie nettement que l’indexation des salaires favorise un renchérissement des coûts de production et a ainsi un effet négatif sur le niveau d’emploi, générant des dépenses de minima sociaux et d’allocation chômage le cas échéant. Ce faisant, l’indexation des salaires peut alimenter une spirale “prix-salaires” : le renchérissement des coûts de production favorise une hausse des prix de vente, entraînant à son tour des hausses de rémunération supplémentaires, etc. Ces effets expliquent que l’indexation des salaires, qui a été appliquée en France en 1952, a été abandonnée en 1983 afin de lutter contre l’inflation. De même, le Groupe d’experts sur le Smic recommande de modifier les règles d’indexation du Smic afin en vue d’une meilleure efficacité du marché du travail (Rapport du groupe d’experts, “Salaire minimum interprofessionnel de croissance“, 2023).

Faisabilité de la mesure

  • Faisabilité constitutionnelle : l’indexation des salaires sur l’inflation devrait être adoptée par voie législative car elle ressort du domaine de la loi tel que défini à l’article 34 de la Constitution, relatif au régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales. Des propositions de loi en ce sens, déposées par exemple en 2013 et 2023, accréditent cette lecture juridique.
  • Faisabilité européenne : pas de contrainte liée aux règles européennes.
  • Faisabilité politique : en cas de cohabitation, le président de la République Emmanuel Macron ne disposerait d’aucun moyen constitutionnel pour s’opposer à l’indexation des salaires sur l’inflation. Elle suppose toutefois, pour le Nouveau Front Populaire (NFP), de disposer d’une majorité absolue au Parlement ou de recourir à la procédure de l’article 49 al. 3 de la Constitution pour adopter la loi concernée car, en cas de majorité relative, il est peu probable qu’il parvienne à convaincre les autres formations politiques, du centre et de droite, de s’associer à cette mesure.

Sauf à disposer d’une majorité absolue au Parlement, il est peu probable que l’indexation des salaires sur l’inflation puisse être votée dans les quinze premiers jours comme le suggère le programme du Nouveau Front Populaire.

Le programme du Nouveau Front Populaire (NFP) prévoit d’indexer les salaires sur l’inflation. Les éléments qui suivent chiffre cette mesure.

L’indexation des salaires sur l’inflation

Les modalités suivant lesquelles les salaires seraient indexés sur l’inflation ne sont pas précisées par le programme du NFP. Une proposition de loi portée par la NUPES-LFI en 2023 permet de s’en faire une idée. Elle prévoit l’établissement d’une “échelle mobile des salaires” et une augmentation deux fois par an des salaires au minimum de l’inflation : dans cette configuration, l’indexation constituerait un “plancher” de négociation à partir duquel les partenaires sociaux pourraient négocier des hausses de salaires. Cette mesure ne s’appliquerait qu’aux salariés du secteur privé et aux agents publics percevant une rémunération inférieure à deux fois le salaire médian, représentant les neuf premiers déciles de revenus.

Concernant les salariés du secteur privé, l’indexation n’aurait d’effet que si l’inflation est plus élevée que l’augmentation des salaires issue des négociations annuelles. Or, les statistiques disponibles montrent que les salaires nominaux augmentent en général plus rapidement que l’inflation : sur les deux dernières décennies, le salaire mensuel de base (SMB) a augmenté en moyenne de 2,1 % en termes nominaux, tandis que les prix à la consommation ont augmenté de 1,4 % (cf. graphique ci-dessous pour la période 2023-2024). Pour 2024, la Banque de France prévoit une inflation de l’ordre de 2,5 % en 2024 et une hausse des salaires de base de 3 % (Banque de France, Projections macroéconomiques intermédiaires“et “Les hausses de salaire négociées pour 2024 : où en est-on ?“, mars 2024). Autrement dit, l’indexation des salaires n’a d’effets pour les salariés qu’en période de forte inflation. Dans cette situation, comme c’était le cas par exemple en 2023, le coût de cette mesure est financé par les employeurs privés.

Glissement annuel des salaires et des prix à la consommation (T1 de chaque année), en %

Source : DARES, “Évolution des salaires de base dans le secteur privé : résultats définitifs du 1er trimestre 2024”. Données 2020 et 2021 non disponibles et reconstituées.

Concernant les agents du secteur public, l’indexation de leur rémunération sur l’inflation pourrait s’appliquer au point d’indice de la fonction publique. Pour l’année 2024, une revalorisation du point d’indice au niveau de l’inflation se traduirait par un coût de 5,3 Md€ au total pour les trois fonctions publiques (fonction publique de l’État, hospitalière et territoriale (tableau 1.B ; l’inflation n’a pas été critiquée par le HCFP dans son avis : Avis n° HCFP-2024-2, relatif aux prévisions macroéconomiques associées au Programme de stabilité pour les années 2024 à 2027, 16 avril 2024)), (estimation à partir des scénarios de hausse de 1,5 % et 3 % présentés dans : Sénat, avis en commission n° 134 sur le projet de loi de finances pour 2024, tome V, 2023). En ne comptabilisant pas les agents publics avec les rémunérations les plus élevées (DGAFP, “Rapport annuel sur l’état de la fonction publique“, Édition 2022 : le dernier percentile en termes de rémunération des agents publics recouvre 43 700 emplois rémunérés plus de 6 718 € par mois en 2022, soit une masse salariale annuelle de 3,2 Md€), ce chiffrage serait marqué à la baisse mais sans affecter l’ordre de grandeur, de près de 5 Md€.

Afin d’obtenir un chiffrage de la mesure à l’horizon 2027, il est considéré que l’inflation annuelle serait en moyenne de 1,75 % sur la période 2025-2027 (donnée compatible avec le programme de stabilité d’avril 2024). Sachant que le coût d’un point d’indice de la fonction publique représente approximativement 2 Md€, le coût pour les finances publiques de cette indexation à l’horizon 2027 (3 ans cumulés d’indexation) serait de 2 x 1,75 % x 3 = 10,5 Md€.

Benchmark

Au sein de l’Union européenne, l’indexation des salaires sur l’inflation est notamment pratiquée en Belgique et au Luxembourg. Une étude récente sur l’impact de l’indexation des salaires en Belgique identifie un impact négatif sur l’emploi de cette mesure, avec une élasticité de -0,6 : autrement dit, pour chaque augmentation de 1 % des coûts salariaux liés au mécanisme d’indexation, la demande de travail diminue de 0,6 % (G. Bijnens et al., “Does Automatic Wage Indexation Destroy Jobs? A Machine Learning Approach, De Economist, 2023).

Mise en œuvre

L’indexation des salaires sur l’inflation devrait être adoptée par voie législative car elle ressort du domaine de la loi tel que défini à l’article 34 de la Constitution, relatif au régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales.

Les chiffrages proposés ici traitent prioritairement de l’impact immédiat des mesures sur les finances publiques et, dans la mesure du possible, examinent certains de leurs effets macroéconomiques. Notre démarche, réalisée dans le temps contraint de cette campagne, est itérative et invite au débat contradictoire.