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BIOGRAPHIE

Augmenter le Smic à 1600 € net

Nouveau Front Populaire

Nous porterons le Smic à 1600 € net, soit 2 000 € brut, par mois” (conférence de presse du Nouveau Front Populaire tenue le 14 juin 2024)

Estimation
Coût par an
Par l'Institut Montaigne
19 Md€
17 Md€ estimation basse
21 Md€ estimation haute
Par Nouveau Front Populaire

Actualisation de la mesure

L’Institut Montaigne a actualisé le chiffrage de cette mesure le 24 juin pour plus de précisions sur les effets économiques et budgétaires à moyen terme. En effet, le coût initial de 3,5 Md€ pour les finances publiques affiché le 20 juin dernier représentait “l’effet prix” et immédiat d’une augmentation du Smic de 14,4 %, comme proposée par le Nouveau Front populaire. C’est théoriquement ce que cela pourrait coûter aux finances publiques pour l’année 2024 dès mise en œuvre de la mesure. Au regard toutefois de l’impact considérable qu’un tassement des salaires au niveau du Smic pourrait avoir à moyen et long terme sur notre économie et nos finances publiques – dès 2025 – 2026 – le chiffrage a été actualisé. Une marge de prudence a toutefois été conservée, de 10 % à la baisse et à la hausse (soit de 17 à 21 Md€) dans la droite ligne méthodologique de l’Institut Montaigne.

Analyse

La mesure proposée consiste à effectuer une revalorisation discrétionnaire du Smic qui le ferait passer de 1 398,70 € en net (1 766,92 € brut), son niveau au 1er janvier 2024, à 1 600 € (et 2 000 € brut, + 13,2 %), soit une hausse de 14,4 %.

Il est fait l’hypothèse, pour chiffrer la mesure, que la hausse du Smic est annoncée en euros constants, et s’ajouterait donc sous forme de coups de pouce aux revalorisations automatiques du Smic liées à l’inflation (celles-ci ont relevé le Smic de près de 15 % entre le 1er janvier 2021 et le 1er janvier 2024).

Cette mesure constituerait une hausse massive du Smic, alors que l’inflation retrouve un niveau d’avant-crise, proche de 2 % (sur un an, les prix à la consommation augmentent de 2,2 % en avril 2024, contre 5,9 % sur un an en avril 2023) et que le Smic est le seul salaire indexé à date sur l’inflation (la règle de calcul le pousse même un peu au-delà car il est non seulement indexé sur la hausse des prix, mais aussi sur la hausse du salaire horaire de base des employés et ouvriers).

Plusieurs effets conséquents peuvent être attendus, même si son impact net reste difficile à évaluer, du fait notamment de l’ampleur de la hausse envisagée.

Le Smic induit d’abord des effets macroéconomiques à long-terme, notamment en matière d’emploi. Une augmentation pourrait en effet conduire à une hausse générale du coût du travail et dégrader durablement la compétitivité des entreprises. Indépendamment du coût direct pour les finances publiques, cette mesure nuirait à l’activité économique du pays et aurait inévitablement des conséquences financières négatives supplémentaires à moyen-terme.

En effet, la littérature économique a conclu à plusieurs reprises, à des pertes d’emploi significatives en cas de hausse du Smic au-delà du niveau d’inflation. L’article de Guy Laroque et de Bernard Salanié dans Economie et Statistique, Une décomposition du non-emploi en France (Eco & Stat 331 – 2000), estimait déjà en 2000 qu’une hausse de 10 % serait susceptible de détruire 290 000 emplois. En suivant cette étude et d’autres qui ont suivi, il est possible d’estimer le coût en d’emplois (détruits et non-créés) à moyen-terme. En actualisant les estimations passées par les données d’emploi salarié fin 2023, une hausse du Smic de 14,4 % pourrait causer des pertes d’emploi entre 230 000 et 380 000, 300 000 emplois apparaissant comme une estimation centrale, dont au moins 200 000 lors de la première année suivant la hausse.

En plus des effets sur l’emploi, une hausse du Smic n’assurerait pas nécessairement un cercle vertueux de relance par la consommation, puisqu’en s’approchant du plein-emploi comme en témoigne le niveau historiquement élevé des difficultés de recrutement signalées par les entreprises dans l’enquête trimestrielle de l’Insee, l’économie française buterait rapidement sur des contraintes d’offre. Les effets s’ils devaient se matérialiser seraient un mélange d’inflation et d’importations en provenance de nos partenaires de l’Union économique et monétaire plus élevé.

Une revalorisation du Smic a un coût direct pour les finances publiques. Une hausse du Smic conduit, en effet, à une baisse de recettes de cotisations sociales par les entreprises, en augmentant le plafond des revenus soumis à des allègements de charges, principalement sous l’effet de la réduction générale des cotisations patronales, appelée réduction Fillon, qui s’applique de manière dégressive sur les salaires de 1 à 1,6 Smic, mais aussi par certaines mesures prévues dans le Pacte de Responsabilité et de Solidarité dont la bascule du CICE à partir de 2019. L’augmentation de ces allègements constitue un manque à gagner pour l’administration qui voit ses recettes diminuer en conséquence. L’ampleur de la hausse du Smic induit un tassement de la distribution des salaires, qui en se concentrant au niveau du Smic où le taux d’exonération est le plus fort, vient majorer le coût en allègements généraux. Le coût budgétaire de la mesure doit également prendre en compte l’augmentation des salaires pour les agents publics dont la rémunération est proche du Smic. Les hausses de cotisations salariales et d’impôts sur les ménages diminuent quelque peu ce coût. Le coût pour les finances publiques reste important et s’élèverait à 19 Md€ par an.

Enfin, une telle mesure augmenterait le nombre de bénéficiaires du Smic, qui s’établit au 1er janvier 2023 à 3,1 M selon la Dares, soit 17,3 % des salariés, contre 14,5 % un an plus tôt, via un rattrapage du niveau du salaire minimum avec le salaire de salariés situés juste au-dessus.

Faisabilité de la mesure en cohabitation avec le président de la République, Emmanuel Macron

  • Faisabilité constitutionnelle : le niveau du Smic peut être revalorisé au-delà de ce qui résulte de la hausse des prix, en vertu de l’application des dispositions de l’article L.3231-5 du Code du travail, par décret en Conseil des ministres après avis de la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle (art. R*3231-1 du Code du travail). L’article 13 de la Constitution indique que les décrets sont “délibérés” en Conseil des ministres avant de recevoir la signature du président de la République. Le président de la République n’est toutefois pas dans l’obligation de signer ce décret et pourrait reporter sa signature.
    Par ailleurs, compte tenu de l’impact baissier sur les recettes de la sécurité sociale de la mesure proposée, des mesures de compensation financière doivent être prévues par l’État et se refléter dans l’élaboration des budgets annuels en vertu de l’application de l’article L131-7 du Code de la sécurité sociale. La voie législative via des lois de finances sont donc par la suite nécessaires pour la mise en œuvre de la mesure.
  • Faisabilité européenne : cette mesure relève entièrement des compétences nationales et ne nécessiterait aucune procédure ou discussion au niveau européen.
  • Faisabilité politique : la mesure a été débattue à l’Assemblée nationale dans le cadre d’une proposition de loi portée par un député LFI en octobre 2022. L’ensemble des opposants politiques à la NUPES, y compris le Rassemblement national, s’est prononcé en défaveur d’une telle mesure. L’hypothèse d’une majorité absolue du Nouveau Front populaire semble ainsi être la seule possibilité d’adoption de cette mesure.

Le président de la République dispose d’un pouvoir d’empêchement théorique en refusant de signer le décret du Conseil des ministres. S’il acceptait toutefois de le signer, la mesure demeurerait difficilement applicable en l’absence de majorité absolue ou de coalition majoritaire pour le Nouveau Front populaire à l’Assemblée nationale.

Depuis le 1er janvier 2024, le Smic s’élève à 11,65 € brut de l’heure, soit 1 766,92 € brut mensuel sur la base de la durée légale de 35 heures hebdomadaire. En déduisant les cotisations salariales associées, le Smic net s’élève à 1 398.70 € mensuels.

Le Smic peut être revalorisé de trois manières :

  1. Une revalorisation automatique tous les ans au 1er janvier en fonction de l’évolution de l’inflation pour les 20 % des ménages avec les revenus les plus faibles et du gain de pouvoir d’achat du salaire horaire moyen des ouvriers et des employés (SHBOE),
  2. Une revalorisation au cours de l’année si l’indice des prix à la consommation augmente de plus de 2 % par rapport au niveau des prix constatés lors de la dernière augmentation du Smic (comme au 1er mai 2023, avec une revalorisation de 2,19 %).
  3. Une revalorisation discrétionnaire décidée par le gouvernement (un “coup de pouce“).

Il est fait l’hypothèse, pour chiffrer la mesure, que la hausse du Smic est annoncée en euros constants, et s’ajouterait donc sous forme de coups de pouce aux revalorisations automatiques du Smic liées à l’inflation (celles-ci ont relevé le Smic de près de 15 % entre le 1er janvier 2021 et le 1er janvier 2024). En augmentant le Smic mensuel net à 1 600 €, la mesure propose une revalorisation discrétionnaire de l’ordre de 14,4 %. Celui-ci atteindrait ainsi 77 % du salaire médian 2022 dans le privé (qui est de 2 091 € selon l’Insee), contre 67 % aujourd’hui.

Une telle mesure augmenterait le nombre de bénéficiaires du Smic, qui s’établit au 1er janvier 2023 à 3,1 M selon la Dares, soit 17,3 % des salariés, contre 14,5 % un an plus tôt, via un rattrapage du niveau du salaire minimum avec le salaire de salariés situés juste au-dessus.

Ce nombre de bénéficiaires a déjà fortement augmenté depuis 2021, en raison de son indexation automatique sur l’inflation, contrairement aux autres salaires. Depuis le 1er janvier 2021, le Smic a, en effet, été revalorisé à 8 reprises, son montant brut horaire passant de 10,25 € à 11,65 € (+ 13,6 %). Sur la même période, le salaire de base des employés et des ouvriers n’a augmenté que de 9 %, et celui des cadres et des professions intermédiaires de près de 7 %.

À court terme, cette mesure aurait également un impact budgétaire, lié à une baisse générale de cotisations sociales et à une hausse de la masse salariale publique, à peine compensées par un retour fiscal sous forme de cotisations et d’impôts sur le revenu.

L’ensemble des mesures d’allègement de charges patronales pour les bas salaires représentent 80 Md€ en 2024, d’après le rapport de la Commission des comptes de mai 2024. Les mesures de baisses dégressives de cotisations employeurs sur les bas salaires, dont la réduction générale des cotisations patronales, et d’autres mesures d’allègements de charges patronales depuis l’introduction du pacte de responsabilité et de solidarité, dépendent du salaire mesuré en nombre de Smic(s). Ainsi une hausse du Smic augmente mécaniquement le spectre des salaires soumis aux allègements de charges et donc le nombre de salariés bénéficiant de ces allègements. Par exemple, un employé rémunéré à 1,4 Smic avant la mesure, se retrouverait à 1,2 Smic après la mesure. Puisque l’allègement des charges est dégressif en fonction du niveau du salaire en termes de part de SMIC, le coût du travail de ce salarié s’en retrouve amoindri. Ces baisses de charges ont un coût budgétaire direct via une baisse des recettes issues des cotisations sociales.

Par ailleurs, 1,2 M de fonctionnaires sont au Smic ou juste au-dessus, et devraient voir leur salaire ajusté avec la mesure, ce qui entraîne une hausse de la masse salariale publique. À ce propos, la liste Nouveau Front Populaire souhaite également “augmenter de 10 % le point d’indice des agents de la fonction publique”.

À l’inverse, la hausse des salaires nets des employés au Smic conduit à un retour fiscal sous forme de cotisations salariés et d’impôts sur le revenu.

Ainsi, selon le rapport du groupe d’experts du Smic de 2017, une hausse du Smic brut de 1 % entraînait une dégradation du solde public de 240 M€. Les coûts budgétaires de baisse des cotisations sociales employeurs (−400 M€) et de hausse de la masse salariale publique (−260 M€) sont compensés en partie par une hausse des contributions sociales à la charge des salariés (+240 M€) et de l’impôt sur le revenu (+70 M€), conjugué à une baisse des prestations sociales (+110 M€).

Compte tenu de l’ampleur de la hausse du Smic envisagée, l’augmentation du coût des allègements généraux de cotisations sociales serait plus importante que dans le modèle de 2017, fondé sur une hausse de 1 %. Les fortes revalorisations du Smic sur la période récente ont pu avoir un effet indirect sur la distribution des salaires. En effet, les salaires au-dessus du Smic ont progressé moins rapidement que ce dernier, ce qui a conduit à un tassement de la distribution des salaires, amenant davantage de salariés à entrer dans le champ de la réduction générale dégressive. De ce fait, un plus grand nombre de salariés sont concernés par des taux d’allègements élevés aux alentours du Smic ce qui accentue la progression du coût des allègements généraux (groupe d’experts sur le Smic, 2023). Cet effet de tassement est relativement consensuel, il conduit les économistes à chiffrer le coût en allègements généraux autour de 21Md€. Cet ordre de grandeur est corroboré par l’estimation de cet effet réalisée par l’Institut Montaigne, qui détermine un coefficient empirique de variation du coût des allègements généraux en fonction de la variation du Smic les années récentes où la hausse du Smic a été importante. Ce coefficient moyen pour les années 2021 à 2023 est ensuite appliqué à une hausse de 14,4 % du Smic, ce qui donne un coût brut de 21,5 Md€.

En extrapolant le modèle de 2017 (du groupe d’expert sur le Smic), ajusté d’une majoration du coût en allègements généraux, du fait du tassement de la distribution des salaires quand la hausse du Smic est forte, avec une hausse du Smic actuel de 14,4 % l’impact négatif sur les finances publiques est ainsi estimé à environ 19 Md€ à horizon 2025 (voire 2026, en fonction du rythme de tassement de distribution des salaires).

Bilan coût administrations publiques (en Md€)
Allègements généraux -21,5
Masse salariale du secteur public -3,7
Prélèvement obligatoires +6
Total  -19,2

Pour rappel, l’impact sur les comptes de l’Assurance chômage – qui fait partie du solde des administrations publiques – n’est pas inclus dans ce chiffrage.

Cette mesure induirait, par ailleurs, une hausse du pouvoir d’achat à court terme via une augmentation des revenus salariaux des ménages.  En prenant en compte l’effet de diffusion de la hausse du Smic sur les revenus supérieurs, le groupe d’experts du Smic 2017 estime qu’une hausse du salaire minimum de 1 % conduit à une hausse du revenu brut des ménages de 1 110 M€. Le système fiscalo-social absorberait une partie de ces gains avec une augmentation des prélèvements (cotisations salariales, CSG, impôts directs et indirects). Avec un taux implicite de prélèvements obligatoires de 37,8 %, le groupe d’experts conclut sur une hausse du revenu disponible de 690 M€ lorsque le Smic est augmenté de 1 %. Ainsi, sur la base de ces estimations, on peut considérer que le revenu disponible supplémentaire pour les ménages procuré par une hausse du Smic de 14,4 % s’élèverait à 9,9 Md€. La nette hausse du pouvoir d’achat, qui bénéficierait aux ménages modestes, induirait une hausse de la consommation des ménages à court terme et de l’activité.

Bilan gains pour les ménages (en Md€)
Revenu brut 15,9
Prélèvements 6
Total  9,9

Au-delà de ces effets immédiats qui peuvent sembler de prime abord attrayants, il y a consensus des économistes sur le fait qu’à moyen terme, la hausse du Smic a des effets majeurs sur le coût du travail, sur l’échelle de rémunérations, et sur la compétitivité des entreprises.

Ainsi, cette mesure pourrait provoquer une destruction d’emplois, concentrés au niveau du Smic via une hausse du coût du travail sur cet échelon de rémunération. Les effets sur le coût du travail diffèrent selon le positionnement sur l’échelle des salaires : le coût augmente pour les salariés rémunérés au niveau du Smic tandis qu’il diminue pour les salariés rémunérés au-dessus du Smic via une baisse des charges patronales, sous l’hypothèse d’une faible diffusion de cette hausse aux échelons de rémunération supérieurs.

À terme, la hausse du Smic peut, par effet de diffusion, se répercuter sur l’ensemble de la distribution des salaires via la négociation de nouvelles hausses des minimas sociaux de branche. Ceci pourrait ainsi conduire à une hausse généralisée du coût du travail et dégrader la compétitivité des entreprises. Cette hausse des salaires reviendrait également à creuser encore davantage le déficit commercial tout en entretenant une dynamique inflationniste. Il existe peu d’études récentes s’étant employées à estimer précisément l’impact d’une hausse du Smic sur l’emploi. Certaines très datées proposent néanmoins des modèles toujours valables pour peu qu’ils soient actualisés des données actuelles.

L’étude la plus aboutie sur le sujet est celle de Guy Laroque et de Bernard Salanié, Une décomposition du non-emploi en France (Eco & Stat 331 – 2000), qui estimait en 2000 qu’une hausse de 10 % serait susceptible de détruire 290 000 emplois. Dans un article de 2001, Francis Kamaz et Thomas Philippon s’étaient attelés à calculer l’élasticité à long terme de l’emploi aux variations de coût, qu’ils avaient alors estimée à -1,5. En raisonnant à partir de ce chiffre et intégrant la hausse avancée par le Nouveau Front populaire, les destructions d’emplois pourraient cette fois se chiffrer à 600 000, soit une perte de 21 % de l’emploi concentré au niveau du Smic, estimation à prendre avec prudence cependant. En effet, si les conséquences en matière de destruction d’emploi sont réelles, son ampleur ne fait pas parfaitement consensus. Dans une étude de l’OFCE de 2012, Eric Heyer et Mathieu Plane estimaient qu’une hausse du Smic de 1 % conduirait à la destruction de 14 500 emplois, majoritairement concentrés au niveau du Smic, et la création de 12 200, principalement concentrés sur les salaires au-dessus du Smic. En ajustant l’estimation des auteurs de l’époque de la croissance de l’emploi depuis (autour de 10 %) les pertes s’élèveraient à 223 300. Les emplois les plus touchés par de telles destructions seraient sans doute ceux des TPE et PME et ceux occupés par les publics plus jeunes et précaires.

En reprenant l’étude de Guy Laroque et Bernard Salanié, qui fait autorité au-delà des frontières françaises, il est possible de faire une estimation raisonnable du niveau de destruction d’emplois à moyen-terme (entre 3 et 5 ans). Sur la base de ces chiffres et de la méthode, et en actualisant des données actuelles sur l’emploi salarié, les pertes d’emploi pourraient se chiffrer autour de 360 000. En prenant le centre de l’intervalle, on obtient une perte d’au moins 300 000 emplois, dont 220 000 lors de la première année suivant la hausse. Cette situation pourrait également peser sur les finances publiques à moyen terme via la baisse de recettes des cotisations sociales qui résulterait de cette destruction d’emplois.

En plus des effets sur l’emploi, une hausse du Smic n’assurerait pas nécessairement un cercle vertueux de relance par la consommation, puisqu’en s’approchant du plein-emploi, la France ne se trouve pas dans une situation de déficit de demande. Les effets s’ils devaient se matérialiser, se porteraient davantage sur nos partenaires de l’Union économique et monétaire, en situation de change fixe.

Cette estimation est par principe incertaine et dépend aussi du coût du travail non qualifié dans les autres pays européens. À cet égard, les hausses de salaires minima annoncées dans d’autres pays européens sont un élément favorable à une hausse du Smic en France. Mais la marge de hausse est limitée parce que les mécanismes d’indexation diffèrent entre pays et que, par ailleurs, il reste peu de marge pour réduire le coût du travail à ce niveau de salaire en France.

Enfin, l’impact d’une revalorisation du Smic sur les entreprises est difficile à mesurer en raison de l’importante hétérogénéité des profils d’employeur. Par exemple, une entreprise qui emploie majoritairement des salariés rémunérés au Smic verrait le coût du travail augmenter sensiblement, tandis qu’une entreprise employant majoritairement des salariés rémunérés au-dessus du Smic verrait ses charges patronales baisser, entraînant un gain par rapport à sa situation initiale. Avec l’augmentation significative du coût du travail pour les entreprises, il existe un risque réel de baisse de leur rentabilité, en particulier pour les TPE / PME, ce qui pourrait à terme, peser sur leur capacité d’investissement et donc sur la croissance économique.

Historique de la mesure

Le Smic a fait l’objet de nombreuses revalorisations discrétionnaires. La dernière date de juillet 2012 où celui-ci avait été augmenté de 0,6 %.

D’autres hausses significatives sont intervenues par le passé :

  • 2003-2005 : +17,5 % des salaires horaires les plus faibles lors de l’harmonisation du Smic et des garanties mensuelles de rémunération après la réforme du temps de travail et le passage aux 35h
  • 1997 : + 2,3 % par Jospin/Chirac
  • 1995 : + 2,2 % par Juppé/Chirac
  • 1981 : +10 % par Mauroy/Mitterrand

Benchmark

Au sein de l’Union européenne, 22 des 27 États membres disposent d’une législation nationale qui établit un salaire minimum, tandis que les autres ont des salaires déterminés par conventions collectives dont certaines bénéficient d’un niveau de rémunération minimale.

Les règles de revalorisation des salaires minimaux sont très hétérogènes entre États membres de l’Union européenne, certains intégrant des règles de revalorisation automatique sur la base d’indicateurs économiques, comme en France, d’autres découlant de concertations avec les partenaires sociaux.

À ce jour, la France se situe au 6e rang à l’échelle européenne, seuls l’Allemagne, la Belgique, l’Irlande, le Luxembourg, les Pays-Bas ont un salaire brut mensuel minimum supérieur. Avec la proposition du Nouveau Front Populaire, la France se rapprocherait de la position allemande et dépasserait la Belgique.

En Europe, l’Espagne se distingue récemment par une politique de revalorisation volontariste du Smic depuis l’arrivée au pouvoir du socialiste Pedro Sanchez en 2018. Si celui-ci a ainsi augmenté de plus de 50 % depuis 2018, il demeure largement inférieur au niveau actuel français (1 323€ brut / mois, contre actuellement 1 766,92€ en France).

En Allemagne, la coalition portée par le Chancelier Olaf Scholz a décidé début 2022 d’augmenter le salaire minimum de 12€ brut de l’heure (contre 9,82€ auparavant) au 1er octobre 2022, ce qui représenterait une hausse de 22 %. En vertu des recommandations de la commission sur le salaire minimum en Allemagne, le Smic allemand s’élève désormais à 12,41€ bruts de l’heure depuis janvier 2024. Il doit progresser à 12,82€ en janvier 2025. Si l’Office fédéral des statistiques (destatis) met en avant que ces augmentations ont permis de réduire les écarts de salaires entre les plus aisés et les plus modestes, la comparaison avec la France n’est pas évidente car le taux de chômage et la part de l’industrie (avec moins de salariés au Smic) diffèrent notamment entre nos deux pays.

Mise en œuvre

Le niveau du Smic peut être revalorisé au-delà de ce qui résulte de la hausse des prix, en vertu de l’application des dispositions de l’article L.3231-5 du Code du travail, par décret en Conseil des ministres après avis de la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle (art. R*3231-1 du Code du travail).

Compte tenu de l’impact baissier sur les recettes de la sécurité sociale de la mesure proposée, des mesures de compensation financière doivent être prévues par l’Etat et se refléter dans l’élaboration des budgets annuels en vertu de l’application de l’article L131-7 du Code de la sécurité sociale.

 

Les chiffrages proposés ici traitent prioritairement de l’impact immédiat des mesures sur les finances publiques et, dans la mesure du possible, examinent certains de leurs effets macroéconomiques. Notre démarche, réalisée dans le temps contraint de cette campagne, est itérative et invite au débat contradictoire.