Repousser l'âge de départ à la retraite à 64 ans, avec des exemptions pour les situations de pénibilité et de carrières longues
La réforme du 14 avril 2023 a relevé l’âge légal à 64 ans et accéléré le calendrier de relèvement de la durée d’assurance, renforcé les départs anticipés et revalorisé les petites pensions.
Le gain envisagé par la réforme peut être approché en calculant le gain de recettes issues de nouvelles cotisations versées par les actifs continuant à travailler ainsi que les moindres dépenses issues des pensions non versées à ces derniers. Les expériences françaises et européennes du relèvement de l’âge légal de départ à la retraite montrent que ces réformes ont un effet fort sur l’équilibre financier du système de retraite, résidant principalement dans la baisse du volume des pensions versées en raison d’une cessation d’activité retardée plutôt que sur la hausse des cotisations. Ce gain serait estimé, pour le scénario médian, à 8,2 Md€ en 2027 et 14,1 Md€ en 2030.
Ce gain serait en revanche réduit par les exemptions pour les travailleurs “victimes de l’usure professionnelle“, actuellement bénéficiaires des dispositifs de carrière longue, ainsi que les travailleurs handicapés dont le départ serait fixé à 55 ans. Ces deux exemptions occasionneraient un coût évalué à 0,2 Md€ en 2027 et 0,3 Md€ en 2030.
La suppression des régimes spéciaux permettra de générer, à très long terme, de l’ordre de 5,3 Md€ d’économies supplémentaires (en € de 2017). Ces 5,3 Md€ ne sont donc pas pris en compte dans ce chiffrage.
La revalorisation des minima de pension donne lieu à des dépenses supplémentaires atteignant 1,5 Md€ en 2027 et 1,7 Md€ en 2030.
Le chiffrage documente ici uniquement le coût de la mesure pour les régimes de retraite, sans s’intéresser aux effets de substitution avec le régime du chômage – le chiffrage ne regarde que l’effet d’éviction sur les prestations sociales. Ainsi, selon la Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques (DREES), la situation principale d’activité au cours de l’année précédant la liquidation des droits à retraite pour la génération 1946 est de 58 % en emploi, 3 % en préretraite, 7 % en maladie ou invalidité et 19 % au chômage – 13 % étaient déjà inactifs (DREES, Les retraités et les retraites, édition 2021, p. 169).
Cependant, cette méthode ne prend pas en compte l’effet du bouclage économique d’une telle réforme. Pour la Direction générale du Trésor (DG Trésor, Effets d’une mesure d’âge sur le solde des administrations publiques, janvier 2022), une réforme de l’âge de départ engendre la création d’emplois, avec un surcroît de PIB qui génère à son tour des recettes supplémentaires pour les administrations publiques (cotisations sociales, impôts). Cette hausse de recettes est largement supérieure au surcroît de dépense sur les autres risques (hausse des prestations versées en chômage, maladie et invalidité, minima sociaux, l’OFCE ne retrouve pas les mêmes résultats à court et moyen termes avec leur modèle (les effets macroéconomiques de leviers possibles de redressement des comptes sociaux -10 variantes à partir du modèle e-mod.fr de l’OFCE, mais la nature néo-keynésienne du modèle devrait conduire à long terme aux mêmes conclusions ).
Les mesures envisagées, prises dans leur ensemble, permettent d’améliorer le solde du système de retraite de 6,2 Md€ en 2027 et 11,8 Md€ en 2030.
Selon une première estimation du COR, la réforme de 2023 contribuerait à faire baisser la part des dépenses de retraite de 0,2 point de PIB en 2030 mais les augmenterait à l’inverse de 0,2 point de PIB en 2070. La progression de la pension moyenne viendrait alors plus que contrebalancer le recul de l’âge moyen de départ à la retraite. Rapportés à l’évaluation du PIB français en 2027 par l’OCDE (2024) le gain de l’ensemble de la réforme (mesures d’économies et dépenses supplémentaires) estimé à horizon 2027 est d’environ 6 Md€, ce qui est cohérent avec l’estimation retenue ci-dessus, issue de l’étude d’impact de la loi d’avril 2023.
Commentaires de l’équipe de campagne
Contactée en 2022, l’équipe de campagne avait estimé qu’à l’horizon 2027, “les économies générées seraient de l’ordre de 9 Md€ en 2027 (et entre 11 et 12 Md€ à terme) en tenant compte des gains sur le report de l’âge en dépenses et en recettes (y compris effet PIB) et des mesures de compensations (maintien de 62 ans pour carrière longues, invalides, usure professionnelle + minimum de pension à 1100 euros)“.
L’équipe avait par ailleurs précisé qu’un “dispositif carrière longue plus large protègera ceux qui ont commencé tôt leur carrière et ont une carrière complète dès 62 ans, pour qu’ils puissent partir à 62 ans. De même, les personnes en invalidité ou qui seront reconnues inaptes pourront toujours partir à 62 ans“.
Impact macroéconomique
L’impact macroéconomique de la mesure sera probablement positif.
Du point de vue de l’offre, la mesure augmente la population active et donc le potentiel de croissance. Une telle réforme pourrait à terme avoir pour effet d’améliorer l’emploi des seniors, pour laquelle la France demeure en retard sur ses homologues européens. Elle devra en revanche prendre en compte les effets adverses que pourraient induire le décalage de l’âge légal, ce qui était l’un des objectifs des réformes de l’assurance-chômage.
Côté demande, la mesure devrait augmenter le revenu disponible des ménages issus de l’activité, en particulier le pouvoir d’achat des personnes concernées par un report de l’âge légal dès lors que ces dernières continuent d’avoir un salaire pendant la durée de travail supplémentaire.
La mesure du candidat
La réforme d’avril 2023 :
- L’âge légal à partir duquel il est possible de partir à la retraite est progressivement relevé depuis le 1er septembre 2023, à raison de trois mois par année de naissance. Il sera ainsi fixé à 63 ans et 3 mois en 2027 à la fin du quinquennat, puis atteindra la cible de 64 ans en 2030.
- Pour bénéficier de sa retraite à taux plein, il faudra, dès 2027, avoir travaillé 43 annuités.
- La réforme acte l’extinction des principaux régimes spéciaux de retraite. Les nouveaux embauchés à la RATP, dans la branche industries électriques et gazières (EDF, etc.), à la Banque de France, les clercs de notaires et les membres du CESE seront affiliés au régime général pour la retraite.
- Le minimum de pension augmente de 100 € par mois pour une carrière complète. Un salarié au Smic toute sa carrière aura une pension de 85 % du Smic net.
- Les périodes de congé parental seront prises en compte pour partir avec le dispositif de carrières longues ainsi que dans le calcul du minimum de pension de ceux qui ont travaillé plus de 30 ans.
- Les aidants familiaux, qui sont contraints de réduire leur activité pour s’occuper d’un proche parent ou d’un enfant, bénéficieront de validations de trimestres.
Chiffrage des différentes mesures présentées
Selon le dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) de juin 2024, le solde du système de retraite, excédentaire en 2023 (+ 0,1 % du PIB), serait de nouveau en déficit dès 2024 (-0,2 % du PIB) sous l’effet, comptablement, des revalorisations des pensions, notamment celle du 1er novembre 2023 à l’Agirc-Arrco (4,9 %) et celle du 1er janvier 2024 pour les régimes de base (+5,3 %). Il resterait déficitaire sur l’ensemble de la période de projection et le besoin de financement représenterait 0,8 % du PIB en 2070. Même si les dépenses reculent (13,4 % du PIB en 2023, 13,2 % en 2070), les ressources diminuent plus encore (13,6 % du PIB en 2023, 12,4 % en 2070).
Pour calculer l’impact de la hausse de l’âge de départ à la retraite, un modèle simple peut être construit : il consiste à considérer qu’en 2030, toutes choses égales par ailleurs, le nombre d’assurés aura cru et le montant de pensions versé aura diminué. Ce modèle a été construit sur la base de la population de trois générations et de son taux d’emploi.
Ainsi, pour les générations 1966 à 1968, en 2030, les assurés paieront d’une part une cotisation supplémentaire, du fait d’une liquidation plus tardive des pensions de retraite et, d’autre part, ils verront leurs pensions versées plus tardivement.
D’après plusieurs études (Notamment celle d’Antoine Bozio “Mesurer l’impact de l’augmentation de la durée d’assurance : le cas de la réforme des retraites de 1993“, Économie et statistique, 2011, no 441-442, pp 39-53), il est estimé qu’un recul d’un an de l’âge légal de départ à la retraite entraîne un recul de 0,4 an de l’âge effectif de départ à la retraite chez les femmes, et de 0,8 an chez les hommes. Le ratio hommes / femmes étant presque à l’équilibre pour les classes d’âge proches de la retraite, nous faisons l’hypothèse qu’un recul d’un an de l’âge légal entraîne un recul de 0,6 an de l’âge effectif de départ, soit 7,2 mois. Pour calculer les estimations basses et hautes des économies réalisées, la fourchette du recul de l’âge effectif de départ est comprise entre 6 mois et 9 mois.
Effet du report de l’âge légal
La mesure permet une amélioration du solde du système de retraite à moyen terme. Elle produira ainsi un rendement brut de 10,3 Md€ en 2027 (et 17,7 Md€ en 2030) dans le champ du système de retraite (y compris si le rendement au titre de la fonction publique de l’État était réinvesti dans le système de retraite) si elle était appliquée sans distinction à l’ensemble des assurés. Elle pourrait conduire à un rendement encore supérieur pour l’ensemble des finances publiques en tenant compte de l’effet de la hausse d’activité induite par la réforme sur les recettes publiques autres que les cotisations du système de retraites et net des effets de bord sur d’autres prestations sociales (invalidité, chômage, etc.). Sur le seul champ des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, le rendement de la mesure est évalué à 6,7 Md€ en 2027 (dont 5,2 Md€ imputables à la baisse des dépenses de prestations et 1,5 Md€ à des recettes supplémentaires de cotisations d’assurance vieillesse).
La prise en compte des effets adverses peut être approché par une réduction de 23,3 % des gains de la réforme, comme l’a noté la DREES en 2022 : l’effet d’un relèvement de l’âge d’ouverture des droits à la retraite de 2 ans est légèrement tempéré par un effet d’éviction par les prestations sociales de 23,3 % – notamment à 50 % sur les pensions d’invalidité, 27 % sur les indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS) et 23 % sur les minima sociaux (DREES-BRET, Évaluation de l’augmentation des dépenses de certaines prestations sociales induite par un relèvement de l’âge légal d’ouverture des droits à la retraite, janvier 2022).
La mesure de revalorisation des minima de pension représente une dépense supplémentaire de 1,6 Md€ en 2027 et de 1,9 Md€ en 2030. La dépense au titre de la revalorisation du flux des nouveaux retraités s’établit à 0,4 Md€ en 2027 et 0,7 Md€ en 2030. La revalorisation des minima de pension se traduit, pour les assurés qui sont également allocataires de l’ASPA, par une diminution à due concurrence du montant de cette allocation, celle-ci étant calculée de manière différentielle. Entre 15 et 20 % des bénéficiaires du minimum contributif voient leur pension relevée au niveau de l’ASPA, ils sont 5 % parmi les bénéficiaires du MICO majoré. Les dépenses d’ASPA diminueraient en conséquence de 0,1 Md€ en 2027 et en 2030. Ainsi, au total, la mesure de revalorisation des minima de pension conduirait à une augmentation nette des dépenses du système de retraite de 1,5 Md€ en 2027 et de 1,7 Md€ en 2030.
La suppression des régimes spéciaux permettra de générer, à long terme, de l’ordre de 5,3 Md€ d’économies supplémentaires à très long terme
Les régimes spéciaux comportent plusieurs avantages pour leurs assurés qui représentent autant de coûts pour la collectivité : des avantages de possibilité de départs anticipés et une valorisation de leurs retraites plus élevées en moyenne que dans les autres régimes. Ces avantages ont été en grande partie détaillés dans le rapport de la Cour des comptes de 2019 sur le sujet (Les régimes spéciaux de retraite de la RATP, de la SNCF et des industries électriques et gazières, juillet 2019 ; ce rapport ne traite pas de plus petit régimes spéciaux, dont le volume de pensions – et donc des surcoûts associés – est plus marginal). En particulier :
Avantages des trois principaux régimes spéciaux (chiffres 2017)
IEG | SNCF | RATP | Fonction publique de l’État | |
Âge moyen de départ à la retraite (en année) | 57,7 | 56,9 | 55,7 | 61,3 |
Pension moyenne (en €) | 3 592 | 2 636 | 3 705 | 2 206 |
Surcoût total (en Md€) | 1,7 | 3,2 | 0,4 | NA |
Source : rapport de la Cour des comptes de juillet 2019 sur les régimes spéciaux de retraite de la RATP, de la SNCF et des industries électriques et gazières.
Les surcoûts des trois principaux régimes spéciaux ont été évalués à 5,3 Md€ par la Cour des comptes (évaluation à partir du tableau n°16 page 69 du rapport précité), ce qui représente 314 € par retraité français et par an.
Ce chiffrage n’est pas pris en compte dans le gain actuel, car il n’entrera pleinement en vigueur dès lors que le flux de nouveaux retraités de ces régimes se tarira. Si on clôt ces régimes en 2023, ce flux commencera véritablement à se tarir d’ici 20 ou 30 ans, ce qui est au-delà de l’horizon de cet exercice de chiffrage.
Variable | Intitulé de la variable | Chiffres (2030) | 2027 |
Part dépense retraites dans le PIB | 13,6 | 13,6 | |
a | Âge légal (hors réforme) | 62 | 62 |
b | Âge de départ après réforme | 65 | 63,33 |
d=b-a | Décalage de l’âge légal | 3 | 1,33 |
c | Coefficient de travail supplémentaire | 0,6 | 0,6 |
e=d*c | Décalage effectif | 1,8 | 0,8 |
f1=e*12 | Scénario médian : décalage effectif en mois | 21,6 | 9,6 |
f2=d*0,5*12 | Scénario bas : décalage effectif en mois | 18,0 | 8,0 |
f3=d*0,75*12 | Scénario bas : décalage effectif en mois | 27,0 | 12,0 |
g | Cotisation mensuelle moyenne | 28,1 % | 28,1 % |
h | Salaire moyen des 54-65 ans | 24 598 | 24 598 |
i1=g*h*f1/12 | Scénario médian : cotisation gagnée pour l’État par assuré sur la période travaillée | 12 451 | 5 520 |
i2=g*h*f2/12 | Scénario bas : cotisation gagnée pour l’État par assuré sur la période travaillée | 10 375 | 4 600 |
i3=g*h*f3/12 | Scénario haut : cotisation gagnée pour l’État par assuré sur la période travaillée | 15 563 | 6 900 |
j | Taux d’emploi des 60-64 ans | 33,1 % | 33,1 % |
k | Taux d’emploi des 65-69 ans | 7,5 % | 7,5 % |
l=(j*2+k)/3 | Taux approché d’emploi des 63 à 65 ans | 24,6 % | 24,6 % |
m | Nombre de personnes dans une génération 60-65 ans | 800 000 | 800 000 |
n=m*3 | Nombre d’allocataires cotisants supplémentaires | 589 600 | 589 600 |
o1=n*i1 | Scénario médian : montant total de cotisations supplémentaires par an (en Md€) | 7,34 | 3,25 |
o2=n*i2 | Scénario bas : montant total de cotisations supplémentaires par an (en Md€) | 6,12 | 2,71 |
o3=n*i3 | Scénario haut : montant total de cotisations supplémentaires par an (en Md€) | 9,18 | 4,07 |
p | Pension moyenne à 62-63 ans | 1 550 | 1 550 |
q1=p*f1*n/12 | Scénario médian : montant total brut des pensions non versées par an (en Md€) | 19,7 | 8,8 |
q2=p*f2*n/12 | Scénario bas : montant total brut des pensions non versées par an (en Md€) | 16,4 | 7,3 |
q3=p*f3*n/12 | Scénario haut : montant total brut des pensions non versées par an (en Md€) | 24,7 | 10,9 |
Ee | % de montant de pension non concerné par la réforme (pénibilité, carrière longue) | 2,3 % | 2,3 % |
Er | Effet redistributif sur les prestations sociales (DREES 2022) en % | 23,3 % | 23,3 % |
Eh | Effet sur les pensions des travailleurs handicapés (en Md€) | -1,0 | 0,0 |
Tb1=(o1+q1)*(1-Ee)*(1-Er) | Scénario médian : montant total net des pensions non versées par an (en Md€) | 19,3 | 9,0 |
Tb2=(o2+q2)*(1-Er) | Scénario bas : montant total net des pensions non versées par an (en Md€) | 15,9 | 7,5 |
Tb3=(o3+q3)*(1-Er) | Scénario haut : montant total net des pensions non versées par an (en Md€) | 24,4 | 11,3 |
NbMC | Nombre de pensionnés du MICO CNAV (2020) | 4 900 000 | |
NbMM | Nombre de pensionnés du MICO MSA (2020) | 1 120 000 | |
MaMC | Mont annuel du coût du MICO CNAV (2020) | 6,39 | |
MaMM | Mont annuel du coût du MICO MSA (2020) | 0,80 | |
MMC | Montant moyen du MICO CNAV (2020) | 110 | |
MMM | Montant moyen du MICO MSA (2020) | 40 | |
R | Montant de la revalorisation (en 2022) | 20 | |
Mi=MaMC*R/MMC +MaMM*R/MMM |
Revalorisation du MICO (tous scénarios, en 2022, en Md€) | 1,3 Md€ | |
Augmentation des dépenses liées à l’utilisation des points pénibilité | 0,3 | 0,3 | |
Gain (en Md€) du scénario médian | 18,0 | 7,7 | |
Gain (en Md€) du scénario bas | 14,3 | 6,1 | |
Gain (en Md€) du scénario haut | 23,1 | 10,0 |
Source : calculs des auteurs à partir de données INSEE, COR et DREES (DREES-BRET, Évaluation de l’augmentation des dépenses de certaines prestations sociales induite par un relèvement de l’âge légal d’ouverture des droits à la retraite, janvier 2022).
Fiabilité du chiffrage
Le chiffrage est moyennement fiable : les chiffrages sont couramment réalisés pour un scénario de report de l’âge légal à 64 ans. Ainsi, la DG Trésor a publié le 27 janvier 2022 des estimations d’un report à 64 ans de l’âge légal : à long terme, de telles réformes permettent d’améliorer le solde des administrations publiques de 0,9 point de PIB dont 0,5 point de PIB pour le système des retraites porté à hauteur de 0,1 point par la hausse des cotisations et 0,4 point par la baisse des prestations versées.
Le chiffrage documente ici uniquement le coût de la mesure pour les régimes de retraite, sans s’intéresser aux effets de substitution avec le régime du chômage – le chiffrage ne regarde que l’effet d’éviction sur les prestations sociales. Ainsi, selon la DREES, la situation principale d’activité au cours de l’année précédant la liquidation des droits à retraite pour la génération 1946 est de 58 % en emploi, 3 % en préretraite, 7 % en maladie ou invalidité et 19 % au chômage – 13 % étaient déjà inactifs (DREES, Les retraités et les retraites, édition 2021, p. 169). Pour la DG Trésor (DG Trésor, Effets d’une mesure d’âge sur le solde des administrations publiques, janvier 2022), une réforme de l’âge de départ engendre la création d’emplois, avec un surcroît de PIB qui génère à son tour des recettes supplémentaires pour les administrations publiques (cotisations sociales, impôts). Cette hausse de recettes est largement supérieure au surcroît de dépense sur les autres risques (hausse des prestations versées en chômage, maladie et invalidité, minima sociaux).
Difficultés
Une des difficultés tient à la globalité de la réforme des retraites proposée. Le chiffrage porte sur l’allongement de l’âge légal et la revalorisation du MICO, ainsi que les effets adverses sur les prestations sociales.
Historique de la mesure
Les principales réformes des retraites depuis la réforme Balladur de 1993 :
La loi du 22 juillet 1993, dite réforme Balladur, a réformé les retraites du secteur privé en instaurant la revalorisation des pensions en fonction des prix et non plus des salaires, en relevant la durée d’assurance pour ouvrir droit à pension à taux plein de 150 à 160 trimestres et en modifiant les années prises en compte pour le calcul du salaire de référence (passage des 10 aux 25 meilleures années). Le plan Juppé en 1995 ainsi que la réforme Fillon (ci-après) ont ensuite aligné les règles de la fonction publique sur celles du secteur privé.
La loi du 21 août 2003, dite réforme Fillon, a procédé à l’alignement de la durée de cotisation des fonctionnaires sur celle des salariés du privé : de 37,5 années de cotisation à 40 ans en 2008. Elle programme l’allongement de la durée de cotisation pour tous au-delà de 40 ans pour la porter à 41 ans (164 trimestres) en 2012. Des rendez-vous sont prévus tous les 4 ans (2012, 2016) pour examiner l’opportunité d’allonger encore la durée de cotisation, en fonction de l’évolution de l’espérance de vie.
La loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a relevé progressivement l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans et l’âge d’obtention automatique du taux plein de 65 à 67 ans de 2011 à 2018. Le relèvement progressif de ces âges s’effectue selon l’année de naissance à raison de quatre mois par génération entre 1951 et 1956. Cette évolution concerne tous les salariés, du public comme du privé ainsi que les régimes spéciaux, mais avec des calendriers de mise en œuvre différents. L’étude d’impact de la loi estimait l’économie annuelle tous régimes des mesures d’âge à 20,2 Md€ en 2020.
La loi du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012 (article 88) prévoit l’accélération de la réforme des retraites de 2010 : l’âge légal de départ à la retraite et l’âge d’obtention automatique de la retraite à taux plein passent respectivement à 62 et 67 ans dès 2017, au lieu de 2018.
La loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraite procède à un allongement de la durée requise pour le taux plein à partir de la génération 1958, à raison d’un trimestre toutes les trois générations pour atteindre 43 ans (172 trimestres) pour la génération 1973. Cette mesure s’inscrit dans la continuité de la réforme de 2003 avec un partage des gains d’espérance de vie par allongement de la durée cotisée. L’étude d’impact du dossier législatif de la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 estimait l’économie de la mesure d’allongement de la durée d’assurance à 10,4 Md€ / an en 2040.
Loi du 14 avril 2023 pour l’avenir du système de retraite français.
À cela s’ajoutent également les accords Agirc-Arrco-AGFF relatifs aux retraites complémentaires (2011, 2013, 2015).
L’âge légal de départ à la retraite a été fixé à 65 ans à partir de 1945, date de la fondation du système de retraite par répartition. Il a été ensuite abaissé à 60 ans en 1982. Si différentes réformes des retraites ont eu lieu en 1993 et 2003, l’âge légal de départ à la retraite a été relevé en 2010, en passant de 60 à 62 ans. L’application de la réforme a été étalée jusqu’en 2017.
Lors de la dernière réforme de 2010, celle du passage de 60 à 62 ans, l’étude d’impact de la loi estimait l’économie annuelle pour l’ensemble des régimes des mesures de décalage de l’âge de départ à la retraite (âge légal et âge d’obtention du taux plein) à 20,2 Md€ en 2020.
Selon la DREES en 2016, les gains estimés étaient de 14 milliards d’euros d’économies attendues sur les dépenses des régimes de retraite à l’horizon 2017-2020. En revanche, cette même réforme représentait déjà un surcoût d’environ 1,2 à 1,5 milliard d’euros pour les régimes gestionnaires des pensions d’invalidité et devait également se traduire par une augmentation des dépenses d’allocation de minima sociaux de 600 millions d’euros par an (DREES, “Invalidité et minima sociaux : quels effets du passage de la retraite de 60 à 62 ans ?“, octobre 2016).
Benchmark
Selon le dernier panorama des systèmes de retraite en France et à l’étranger (Conseil d’orientation des retraites, Panorama des systèmes de retraite en France et à l’étranger, décembre. 2020), l’âge moyen de départ à la retraite s’est rapprochée de 64 ans pour atteindre 63,5 ans en 2017 – et devrait s’accroître à 64 ans en 2020 et 65 ans en 2035. En effet, parmi les pays de l’Union Européenne, 16 pays appliquent un âge légal de départ à la retraite supérieur ou égal à 64 ans (Allemagne, Autriche, Belgique, Chypre, Danemark, Espagne, Finlande, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie). Le Royaume-Uni a également repoussé son âge de départ à 66 ans comme âge d’ouverture des droits.
Les réformes récentes dans les autres pays, avec le relèvement des âges légaux de départ à la retraite, s’étendent – à l’exception de la réforme en Belgique avec une augmentation de l’âge légal à 66 ans en 2025 et 67 ans en 2030 – sur plusieurs générations avec des progressivités divergentes. Ainsi l’Allemagne a un âge de taux plein fixé à 66 ans et 9 mois et qui sera porté à 67 ans à partir de 2030 (pour la génération 1964). L’Italie a quant à elle fixé l’âge de départ à la retraite fixé aujourd’hui à 67 ans et qui devra atteindre 70 ans en 2050 – avec la fin de l’expérimentation lancée entre 2018 et 2021 d’une retraite à 62 ans sous conditions d’années de cotisations.