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BIOGRAPHIE

Rénover 300 000 logements d’ici 2027 en créant un fonds de rénovation énergétique financé par une taxe sur les rachats d’action

Ensemble (majorité présidentielle)

Je propose également de mettre en place un fonds (…) pour les aider à rénover leur logement pour qu’ils soient mieux isolés en matière énergétique ce qui est bon pour la planète et bon pour le pouvoir d’achat puisque la facture d’énergie, elle baisse. Je fixe un objectif : 300 000 logements rénovés dans les années qui viennent pour les classes moyennes. Comment je le finance ? Je l’ai annoncé : on va mettre en place une contribution sur les grands groupes qui font aujourd’hui du rachat d’action (…) : le gain espéré est autour de 300 millions d’euros et c’est ce que coûte la mesure” Entretien de G. Attal – Grand Jury RTL, 23 juin 2024.

Estimation
Coût par an
Par l'Institut Montaigne
0,09 Md€
0,09 Md€ estimation basse
1 Md€ estimation haute
Par Ensemble (majorité présidentielle)

S’agissant du financement : en considérant un montant de 30,1 Md€ de rachats d’actions en 2023 pour les seules entreprises cotées au CAC 40, une taxe à hauteur de 1 % pourrait permettre de collecter 310 M€ par an.

S’agissant du fonds de rénovation énergétique : la mise en œuvre de ce fonds permettrait de soutenir le secteur du BTP, de favoriser un gain en pouvoir d’achat des ménages les plus modestes tant en matière de travaux que de consommation énergétique, et générerait des recettes de TVA proportionnelles à l’activité créée. Les aides en matière de rénovation énergétique permettent de générer des travaux représentant trois fois le montant des dépenses publiques (données ANAH 2024). Ce fonds s’inscrirait enfin dans la trajectoire de rénovation énergétique des bâtiments fixée par le Secrétariat général à la planification écologique.

Ce chiffrage repose sur un objectif de rénovation de 300 000 logements d’ici à 2027 (soit 100 000 logements en moyenne par an pendant trois ans), conformément aux annonces publiques du Premier ministre. Ainsi, à raison de 100 000 logements par an sur trois annés et en s’appuyant sur le montant moyen de rénovation d’un logement (Bilan de l’ANAH, premier trimestre 2024), les dépenses d’intervention annuelles brutes (sans prise en compte des recettes) de ce fonds s’élèveraient à 1,3 Md€ par an pour des rénovations d’ampleur (gains de deux classes énergétiques minimum) et à 403 M€ pour 100 000 rénovations par gestes.

La faisabilité pratique du fonds paraît élevée compte tenu de l’expertise de l’Agence Nationale de l’Habitat (ANAH) et de l’expérience MaPrimeRénov’, laquelle a connu de nouvelles évolutions en 2024. La mise en œuvre de la taxe sur les rachats d’actions paraît faisable mais plus complexe.

Faisabilité de la mesure

Faisabilité constitutionnelle : la possible rétroactivité de la taxe n’est pas par principe contraire à la constitution (décision n° 84-184 DC). Le précédent de la taxe sur les dividendes (taxe mise en place en 2012 censurée en 2017 par le Conseil constitutionnel) devra être examiné pour éviter toute discrimination de taxation injustifiée selon la nature du revenu distribué. Enfin, le principe de non-affectation, qui exige que recettes et dépenses forment deux masses autonomes, pourrait s’opposer au financement direct du fonds par les recettes fiscales générées. La mesure, du reste, devrait être votée en loi de finances.

Faisabilité européenne : il existe un risque de non-respect de la directive “mère-fille” qui vise à empêcher toute double imposition de groupe international au sein de l’Union européenne (UE).

Faisabilité politique : La mesure apparaît consensuelle s’agissant de la rénovation des logements comme de la taxation des rachats d’action. Celle-ci est mentionnée par le Rassemblement national (communiqué de presse du 3 avril 2024 de M. Jean-Philippe-Tanguy) et le Nouveau Front Populaire (Mesure issue du programme du Nouveau Front populaire : “Soumettre à cotisation les dividendes, la participation, l’épargne salariale, les rachats d’action, les heures supplémentaires” Les débats porteront probablement sur le montant du cofinancement des travaux de rénovation énergétique et sur le taux de la taxe applicable aux rachats d’action.

Commentaires et précisions de l’équipe de campagne

Contactée, l’équipe de campagne estime que les 300 M€ de recettes supplémentaires annuelles perçues sur le rachat d’actions permettraient de financer de l’ordre de 80 000 rénovations par an (en-dessous donc des 300 000 rénovations annoncées d’ici à 2027 dans le programme d’Ensemble pour la République). Par ailleurs, selon l’équipe de campagne, le montant moyen versé en 2023 de MaPrimeRénov’ serait de 3 800€, ce qui pourrait correspondre à l’installation d’un chauffage décarboné ou un bouquet de travaux tels que l’installation d’une pompe à chaleur et un geste d’isolation.

Sur le fonds de rénovation

Le budget nécessaire à l’abondement du fonds afin de rénover 100 000 logements par an dépend du type de rénovation souhaité et du taux d’aide visé.

  • Scénario 1 : si l’objectif est de financer une rénovation d’ampleur de chaque logement, le montant moyen d’aides publiques correspond à 13 126€ par logement selon les chiffres de l’ANAH pour le premier trimestre 2024.
  • Scénario 2 : si l’objectif est une rénovation thermique par gestes de chaque logement, le montant moyen d’aides publiques à la rénovation énergétique des logements retenu s’élèvera à 4 038€ par logement (montant moyen versé par logement au premier trimestre 2024 pour des rénovations par geste, données ANAH) ;

Ainsi, pour les lois de finances 2025, 2026 et 2027, à raison de 100 000 logements rénovés par an, la mesure coûterait respectivement 1,312 Md€ pour 100 000 rénovations d’ampleur et 403 M€ pour 100 000 rénovations par gestes.

S’agissant du financement, entre 2017 et 2023, les rachats d’actions ont représenté 115,3 milliards d’euros. La part des rachats dans le montant total des sommes distribuées par les entreprises du CAC 40 a ainsi presque doublé en sept ans, passant de 8 % en 2017 à 45 % en 2023, et le montant annuel des rachats a par ailleurs été multiplié par 2,5 lors cette période. En considérant un montant de 30,1 Md€ de rachat d’actions en 2023 et en postulant une stabilité durant trois ans de ce montant, une taxe à hauteur de 1 % pourrait permettre de générer 310 M€ de recettes par an.

L’hypothèse d’une stabilité de l’assiette n’apparaît pas déraisonnable dans la mesure où, malgré la hausse tendancielle du montant de rachats d’actions en France, cette pratique est en baisse de 14 % en valeur entre 2022 et 2023 dans le monde, et on peut supposer que la mise en place de la taxe aurait un effet désincitatif.

Il convient de prendre en compte les effets de la mise en place de cette taxe, laquelle pourrait conduire à limiter la pratique du rachat d’actions. Si cette pratique vise d’abord à alléger la fiscalité des actionnaires dans la mesure où les plus-values sont moins imposées que les dividendes, le rachat d’actions peut parfois poursuivre d’autres objectifs :

  • augmenter la valeur des titres, afin de permettre à l’entreprise de se protéger d’une offre publique d’achat hostile ;
  • redistribuer gratuitement des titres aux dirigeants ou aux salariés du groupe.

Bilan : ainsi, le coût net annuel de la mesure serait de 93 M€ par an pour 100 000 rénovations annuelles par gestes (hypothèse basse correspondant à 403 M€ de dépenses moins 310 M€ de recettes) et de 1 Md€ pour 100 000 rénovations d’ampleur par an (hypothèse haute correspondant à 1,31 Md€ de dépenses moins 310 M€ de recettes). Ces coûts nets ne prennent pas en compte les recettes fiscales applicables à l’activité générée par les travaux et aux gains de pouvoir d’achat générés pour les ménages. Seul un taux de taxation à 3 % ou une extension de la taxe aux entreprises avec un moindre CA (1 Md€) permettrait de rendre la mesure neutre sur le plan budgétaire.

Benchmark

Fonds d’aide aux rénovations thermiques : Le gouvernement britannique a mis fin en 2021 à un programme de subventions pour la rénovation thermique (Green Homes Grant Scheme), de 2 milliards de livres sterling, faute de fournisseurs qualifiés pour réaliser des projets de rénovation selon les normes requises et en raison des difficultés d’accès au programme. Aux Pays-Bas, un fonds de subventions à la rénovation (Subsidie Énergiebesparing Eigen Huis) a été mis en place en 2022. Une étude de 2024 (Journal of Housing) portant sur l’exemple néerlandais suggère d’associer aux subventions à la rénovation une politique favorisant l’accession des ménages à la propriété afin d’équilibrer les objectifs environnementaux et distributifs.

Taxe : Dans le cadre de l’Inflation Reduction Act (IRA) de 2022, les États‑Unis ont instauré une taxe sur les rachats d’actions à un taux de 1 % devant rapporter 74 Mds $ par an (Center for Economy and Policy Research, août 2023). Les volumes de rachat d’action aux États-Unis ayant été stables entre 2023 et 2022, l’effet de la taxe de 1 % pour contenir cette pratique semble très limité). Ainsi l’administration Biden prévoit une augmentation de cette taxe à 4 % pour le budget 2025 et une extension de cette taxe aux achats d’actions d’une société étrangère dont les conditions précises ne sont pas encore définies.

Mise en œuvre

La mise en œuvre du fonds et la création de la taxe devront être votées dans le cadre d’un projet de loi de finances. Le dispositif de taxe sur les rachats d’actions avait d’ores et déjà été présenté par le groupe Démocrates lors du projet de loi de finances 2024, adopté en commission des finances en première lecture puis finalement retiré du PLF.

Les foyers concernés par cette mesure seront les foyers modestes et très modestes. En 2024, les plafonds de ressources pour un foyer de 3 personnes s’élevaient à 41 500€ annuels pour les ménages très modestes et 50 500€ pour les foyers modestes (ANAH, janvier 2024).

Les difficultés de mise en œuvre seront semblables à celles rencontrées par les dispositifs existant:

  • les limites juridiques entourant la création de cette taxe ;
  • la disponibilité des prestataires pour assurer les travaux de rénovation énergétique (manque d’artisans agréés RGE en baisse de 15 % en un an -données Heero mars 2024) ;
  • le non-recours à l’aide et la complexité administrative associée ;
  • les risques de fraude (400 M€ de fraudes en 2023 pour MaPrimeRénov’, données Tracfin) ;
  • le reste à charge des ménages les plus modestes. À ce jour, le reste à charge est estimé à 37 % pour les ménages très modestes et à 50 % pour les ménages modestes dans le cadre d’une rénovation globale bâtiment basse consommation selon le rapport d’Olivier Sichel (Rapport pour une rénovation énergétique massive, simple et inclusive des logements privés, mars 2021).
Les chiffrages proposés ici traitent prioritairement de l’impact immédiat des mesures sur les finances publiques et, dans la mesure du possible, examinent certains de leurs effets macroéconomiques. Notre démarche, réalisée dans le temps contraint de cette campagne, est itérative et invite au débat contradictoire.