Relever l’abattement sur les droits de succession à 150 000 € en ligne directe (enfants) et 100 000 € en ligne indirecte
“Aucun impôt ne sera appliqué aux successions et donations jusqu’à 150 000 € par enfant, y compris pour les familles recomposées, ni jusqu’à 100 000 € transmis aux petits-enfants” (Programme Ensemble pour la République 2024)
Aujourd’hui, la réduction d’assiette (abattement) des droits de succession est de 100 000 € pour les enfants, de 15 932 € pour les frères et sœurs et de 7 967 € pour les neveux et nièces. La mesure consisterait à augmenter significativement les abattements existants, en les relevant à 150 000 € pour les enfants (ligne directe) et à 100 000 € pour les frères, sœurs, neveux et nièces (ligne indirecte).
Pour les donations, l’abattement est aujourd’hui fixé à 100 000 € tous les 10 ans. En se fondant sur l’étude d’impact de la dernière modification de l’abattement en ligne directe et de la fiscalité des donations, en 2012, le coût total de la mesure peut être estimé à 3 Md€ par an au total, un montant entouré d’incertitudes significatives dues à l’absence de disponibilité de données fiscales de référence.
Impact macroéconomique
À la différence d’un abaissement de la fiscalité des donations, la baisse des taxes sur les successions ne favorise pas la réallocation du patrimoine entre générations. Il n’y a donc pas d’effet économique positif significatif à en attendre sur la partie succession.
En revanche, la partie de la mesure sur les successions devrait avoir des effets similaires à une mesure semblable en vigueur de 2007 à 2012, dont le gain était concentré sur les héritages les plus importants. En particulier pour son volet relatif aux transmissions en ligne directe, la mesure aurait donc comme effet une augmentation des inégalités de patrimoine et une baisse des recettes publiques. Au niveau macroéconomique, toutes choses égales par ailleurs, l’incidence devait donc être légèrement négative.
Faisabilité de la mesure
- Faisabilité constitutionnelle : cette mesure n’appelle a priori pas de difficulté constitutionnelle, une réforme similaire ayant déjà été mise en œuvre en 2007. Elle devrait être votée dans le cadre d’une loi de finances, nécessaire pour modifier l’article 779 du code général des impôts.
- Faisabilité européenne : cette mesure ne nécessite pas d’accord au niveau européen.
- Faisabilité politique : cette mesure pourrait faire consensus au sein des blocs politiques du centre, de centre droite et de la droite dans son ensemble. Elle ne serait a priori toutefois pas soutenue par le Nouveau Front Populaire dont les idées programmatiques en la matière s’ancrent plutôt à l’opposé.
L’étude d’évaluation du passage de l’abattement en ligne directe (enfants) de 159 325 € en 2011 à 100 000 € en 2012 a estimé les recettes associées à 825 M€ en année pleine, en 2014 (Projet de loi de finances rectificative pour 2012, Étude d’impact de l’article 4, n°71, 4 juillet 2012). On peut retenir comme ordre de grandeur le coût d’un euro d’augmentation de l’abattement, qui est de 15 086 €.
En multipliant cette valeur d’un euro d’abattement par la variation de l’abattement proposé par la liste, on peut estimer l’ordre de grandeur du coût de la mesure. Ce montant est enfin actualisé de la variation moyenne annuelle des droits de succession entre 2014 et 2023, soit 4 % (Méthode d’actualisation retenue pour la mesure sur les droits de mutation à titre gratuit du PLFR 2011 (Projet de loi de finances rectificative pour 2011, Étude d’impact de l’article 4, n°3406, 11 mai 2011)), ce qui donne environ 1 Md€.
Pour la partie de la mesure concernant les abattements des grands-parents on peut aussi retenir comme ordre de grandeur le coût d’un euro d’augmentation de l’abattement calculé pour 2014, indiqué ci-dessus, avec une incertitude quant au changement des comportements, pour un coût estimé à 1 Md€.
Ensuite, nous pouvons pondérer le coût associé de la part relative des droits de succession afférents à ce type de transmission par rapport à celle en ligne directe (à partir des données de la Direction générale du Trésor (Paul-Armand Veillon, “Modèles de microsimulation des impôts liés au patrimoine des ménages“, Documents de travail DG Trésor, n°2021/5, décembre 2021, p.29). Enfin, on actualise le montant de la variation moyenne annuelle des droits de succession entre 2014 et 2023.
À la partie de la mesure sur les successions, il faut ajouter le volet sur les donations, à partir de l’étude d’impact de la dernière réforme, en 2012. En l’absence de publication de la distribution des donations, cette part peut être estimée à 1 Md€, par analogie avec la réforme de 2012.
En l’absence de disponibilité des données fiscales relatives aux successions, le chiffrage est entouré d’une incertitude. En particulier, l’estimation du coût de l’abattement pour les successions en ligne indirecte est plus incertaine car la réforme de 2007 (voir ci-dessous), sur laquelle s’appuie l’estimation, concernait l’abattement en ligne directe.
Historique de la mesure
La loi TEPA du 21 août 2007 a fait passer l’abattement en ligne directe (enfants) de 50 000 € à 150 000 €, montant actualisé chaque année jusqu’en 2012 (159 325 €), année où l’abattement a été abaissé à 100 000 €. La réforme de 2007 a surtout bénéficié aux 30 % d’héritages les plus élevés, elle a fait baisser significativement les taux d’imposition entre le 80e et le 99e centile des héritages (Dherbécourt, “Peut‐on éviter une société d’héritiers ?“, Note d’Analyse France Stratégie, 2017), de 4,2 points de pourcentage en moyenne. Le gain culmine en pourcentage entre le 90e et le 95e centile avec un gain de 7,3 points de pourcentage d’imposition en moins. Le gain en valeur absolue est d’environ 73 000 € par héritier pour les 0,1 % d’héritages les plus élevés. La mesure proposée devrait avoir des effets similaires de concentration du gain sur les patrimoines les plus importants, 80 % des héritages étant déjà aujourd’hui totalement exonérés de droits de succession (Dherbécourt, “Données graphiques de la note d’analyse n°51“, Note d’Analyse France Stratégie, 2017).
Benchmark
À l’étranger, le niveau d’abattement par enfant est très variable : 15 000 € en Belgique et en Espagne, 325 000 £ au Royaume Uni, 400 000 € en Allemagne, 1 M€ en Italie (Benoteau, Meslin, “Les prélèvements obligatoires sur le capital des ménages : comparaisons internationales“, rapport particulier n°5, Conseil des Prélèvements Obligatoires, octobre 2017).
Mise en œuvre
Une loi de finances est nécessaire pour modifier l’article 779 du code général des impôts.