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BIOGRAPHIE

Élargir la prime de partage de la valeur (Prime Macron) de 3 000 à 10 000 € par an, avec possibilité de la mensualiser

Ensemble (majorité présidentielle)

“On veut élargir la prime de pouvoir d’achat qu’on a mise en place qui bénéficie à 6 millions de Français, pour que les entreprises puissent la verser mensuellement et pour relever le plafond. […] Aujourd’hui elle est plafonnée sur l’année à 3 000 €, elle est sans charges et sans impôts donc c’est très incitatif pour les entreprises. […] On veut permettre la mensualisation et surtout relever le plafond jusqu’à 10 000 € sur l’année, pour qu’elles puissent verser davantage à leurs salariés”.

Interview de M. Gabriel Attal, Premier ministre, le 15 juin 2024

Estimation
Coût par an
Par l'Institut Montaigne
2 Md€
1 Md€ estimation basse
3 Md€ estimation haute
Par Ensemble (majorité présidentielle)

La prime de partage de la valeur (PPV), ou “prime Macron”, remplace depuis juillet 2022 la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA), instaurée en 2019. Cette prime annuelle et optionnelle peut être versée aux salariés dans la limite de 3 000 € par salarié ou 6 000 € pour les entreprises mettant en œuvre un accord d’intéressement ou de participation volontaire. La coalition Ensemble pour la République (majorité présidentielle) propose de porter ce plafond à 10 000 €. En 2023, près de 7 millions de salariés ont reçu une prime de partage de la valeur, pour un total de 5,3 Md€.

Cette mesure a un double coût pour les finances publiques. D’une part, une partie des montants versés se substitue à des hausses de salaires. D’autre part, la partie des primes qui n’est pas substituée, aurait normalement été soumise à l’impôt sur les sociétés. Selon les hypothèses de coût du travail retenues, la mesure pourrait avoir un coût pour les finances publiques de 2 Md€, compris entre une borne basse de 1 Md€ et une borne plus élevée de 3 Md€. Ce chiffrage est néanmoins soumis à des hypothèses importantes dont la réalisation est difficile à anticiper, et le coût de la mesure pourrait aller jusqu’à 6 Md€ en fonction de leur évolution.

Quelle mise en œuvre possible pour Emmanuel Macron ?

  • Faisabilité constitutionnelle : mise en œuvre par voie législative en lois de finances avec un risque de censure constitutionnelle limité.
  • Faisabilité européenne : cette mesure relève entièrement des compétences nationales et ne nécessiterait aucune procédure ou discussion au niveau européen.
  • Faisabilité politique : les débats parlementaires liés au projet de loi du gouvernement visant création de la prime de partage de valeur à l’été 2022 ont montré que le rehaussement de la prime ne faisait pas consensus politique. Si le Rassemblement National et Les Républicains ont pu se positionner en faveur de la mesure sous conditions, la NUPES s’est montrée défavorable à cette proposition en pointant le caractère discrétionnaire du dispositif et son impact nul, à terme, sur le niveau des salaires. Une telle mesure ne pourrait donc être portée par la majorité présidentielle sans majorité absolue ou coalition majoritaire sur ce sujet à l’Assemblée nationale

Commentaire et précisions apportées par l’équipe de campagne

L’Institut Montaigne a actualisé le chiffrage de cette mesure le 21 juin à la suite d’un échange avec l’équipe de campagne. Cette dernière estime toutefois qu’une hypothèse raisonnable serait de retenir que le versement de la prime – en appliquant cette nouvelle mesure – soit en hausse de +500 €, ce qui la ferait passer de 752 à 1252 € en moyenne. L’équipe de campagne estime sous cette hypothèse que le coût de la mesure pour les finances publiques serait de l’ordre de 401 M€.

La prime de partage de la valeur (PPV), ou “prime Macron”, remplace depuis juillet 2022 la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA), instaurée en 2019. Cette prime annuelle et optionnelle peut être versée aux salariés pour un montant fixé librement par l’employeur, dans la limite de 3 000 € par salarié. Ce plafond peut être porté à 6 000 € pour les entreprises mettant en œuvre un accord d’intéressement ou de participation volontaire.

Depuis le 1er janvier 2024, la prime est exonérée de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu uniquement pour les salariés dont la rémunération est inférieure à trois Smic et faisant partie d’une entreprise de moins de 50 salariés. Pour les autres, elle est exonérée de cotisations sociales (sauf la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS)) mais elle n’est plus exonérée d’impôt sur le revenu. En 2023, près de 7 millions de salariés ont reçu de leur employeur une prime de partage de la valeur, pour un total de 5,3 Md€ et un montant moyen par personne de 755 € (ces données comprennent aussi les agents publics bénéficiaires, qui ont représenté 1 % des bénéficiaires en 2023). Ces primes ont été versées par près de 519 000 établissements, y compris par des petites et moyennes entreprises (24 % des montants par des entreprises de moins de 10 salariés, 19 % par des entreprises de 2 000 salariés ou plus). En 2023, plus d’un tiers des salariés bénéficiaires (33 %) se sont vus verser une prime de 1000 € ou plus, et 39 % une prime d’un montant inférieur à 500 €.

Le resserrement des exonérations à partir de 2024 s’est toutefois traduit par une baisse des aides versées : le montant total versé au premier trimestre 2024 (501 M€) était ainsi 2,4 fois inférieur au même trimestre en 2023 (1,2 Md€), et le nombre de salariés concernés 2,5 fois plus faible (1,6 M au premier trimestre 2023 et 667 000 au premier trimestre 2024). Le montant moyen versé est en revanche relativement stable, de l’ordre de 752 €.

La prime de partage de la valeur (PPV)

Nombre de salariés bénéficiaires de la PPV Montant PPV (€) Montant moyen PPV par salarié (€)
2022     5 884 769   4 543 130 150 772
2023     7 051 933   5 325 513 639 755
T1 2024       666 580     501 378 123  752

Source : Urssaf ; périmètre élargi (ETE, hors ETE, secteur public).

La coalition Ensemble a proposé un relèvement du plafond de l’aide 3 000 € à 10 000 €, soit un quasi‑triplement (3,33 fois) du plafond. En l’absence de précisions en ce sens, les autres paramètres du dispositif, notamment les conditions d’exonération et le périmètre des salariés concernés sont considérés comme inchangés. En conséquence, le montant moyen des primes devrait être multiplié en proportion, soit à nombre de bénéficiaires constants, un montant total de primes versées de 6,7 Md€ et donc 4,7 Md€ de plus sur un an (Soit (752 € x 3,33 x 667 000 bénéficiaires au T1 2024 x 4 trimestres) – (501 M€ au T1 2024 x 4 trimestres)).

En l’absence de données précises sur la “structure” des versements réalisés ces dernières années (part des salariés ayant reçu un niveau de prime donné), cette hypothèse de hausse du montant moyen des primes permet de simplifier l’évaluation de l’effet incitatif de la mesure. La transformation de la PEPA en juillet 2022 devenue PPV accrédite la pertinence de cette hypothèse. En effet, à l’occasion de cette réforme, le plafond de la prime a aussi triplé en passant de 1 000 € à 3 000 € : après cette réforme, le montant des primes versées au 4e trimestre 2023 a été multiplié par 3,5 par rapport au 2e trimestre 2023 et par 4 par rapport au 3e trimestre. C’est aussi l’hypothèse de calcul retenue lors du chiffrage de cette mesure en 2022 par l’Institut Montaigne. Le contexte macroéconomique peut néanmoins influer sur le versement de la prime, tant à la hausse qu’à la baisse : on peut donc retenir 4,7 Md€ comme une estimation moyenne, compris entre une fourchette de 3 à 6 Md€ en estimation basse et haute.

La prime est certes versée par les employeurs, mais elle a un coût pour les finances publiques. D’une part, comme le note le CAE, une partie des primes versées se traduit par un effet de substitution aux hausses de salaires. L’Insee estime ainsi un effet d’aubaine conduisant à ce qu’1 € de prime versé entraîne une baisse du salaire jusqu’à 40 centimes. On utilise pour le présent chiffrage une hypothèse moyenne d’élasticité de substitution de 0,3. L’impact pour les finances publiques de la partie de la prime substituable aux évolutions de salaires dépend des taux applicables de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu. En l’absence de données sur les salariés concernés, on peut formuler deux scénarios :

  • Dans un scénario moyen, les salariés concernés sont situés entre 1,6-2,1 Smic, soit un taux de cotisations sociales de 44 % et un taux marginal d’imposition allant jusqu’à 11 %.
  • Dans un scénario maximaliste, les salariés concernés sont situés proches du Smic, au niveau duquel les hausses de salaires ont un coût bien plus élevé pour les employeurs proches de 300 % (Pour augmenter de 100 € une personne rémunérée l’équivalent de 1,2 Smic, vivant seule, sans enfant, non bénéficiaire de l’AAH et locataire en zone 2, touchant toutes les prestations auxquelles elle est éligible, l’employeur doit augmenter son coût du travail de 497 € en 2023. Cf. A. Bozio et al., Mission sur l’articulation entre les salaires, le cout du travail et la prime d’activité : quels effets sur l’emploi, le niveau des salaires et l’activité économique ?, 2024, p. 97). Dans cette seconde hypothèse, en revanche, les salariés ne sont pas imposés à l’impôt sur le revenu.

De plus, la partie de la prime versée qui ne se substitue pas à une hausse de salaire aurait normalement été soumise à l’impôt sur les sociétés (au taux effectif moyen de 20 %), si bien que le coût fiscal mécanique de cette partie de la prime est de 20 c€ par euro transféré.

Au total, le coût final de la mesure serait, dans le scénario moyen, compris entre 0,9 et 1,8 Md€ (cf. tableau). Dans le scénario maximaliste, il serait compris entre 3,1 et 6,2 Md€. Entre les deux scénarios, un total de 2 Md€ paraît envisageable, compris entre une borne basse de 1 Md€ et une borne plus élevée de 3 Md€. Ce chiffrage est néanmoins soumis à des hypothèses importantes dont la réalisation est difficile à anticiper, et le coût de la mesure pourrait aller jusqu’à 6 Md€ en fonction de leur évolution.

Chiffrage de l’impact de la mesure sur les finances publiques

Montant versé supplémentaire   3,0 Md€ 4,7 Md€ 6,0 Md€

Scénario moyen

Impact salaires (1,6-2,1 Smic)   0,5 Md€ 0,8 Md€ 1,0 Md€
Impact IS   0,4 Md€ 0,7 Md€ 0,8 Md€
Total   0,9 Md€ 1,4 Md€ 1,8 Md€

Scénario maximaliste

Impact salaires (1,2 Smic)   2,7 Md€ 4,2 Md€ 5,4 Md€
Impact IS   0,4 Md€ 0,6 Md€ 0,8 Md€
Total   3,1 Md€ 4,8 Md€ 6,2 Md€

Source : Institut Montaigne

Benchmark

Des primes exceptionnelles non fiscalisées ont également été mises en place dans certains pays, en particulier dans le contexte de la crise sanitaire. Par exemple en Allemagne, les employeurs peuvent accorder à leurs salariés des primes exceptionnelles d’un montant maximum de 1 500 euros, exonérées d’impôts et de charges sociales. Un dispositif similaire existe en Belgique (500 euros).

Mise en œuvre

Cette mesure requiert l’adoption d’une loi de finances et de financement de la sécurité sociale. Le manque à gagner pour les finances publiques, notamment pour la sécurité sociale, posera progressivement la question de ressources de substitution.

Les chiffrages proposés ici traitent prioritairement de l’impact immédiat des mesures sur les finances publiques et, dans la mesure du possible, examinent certains de leurs effets macroéconomiques. Notre démarche, réalisée dans le temps contraint de cette campagne, est itérative et invite au débat contradictoire.