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Comment rendre notre système de formation à la fois plus efficace et plus lisible pour les individus ? Comment faire en sorte qu’il remplisse enfin son rôle et soit adapté aux mutations de notre marché du travail ?
 
Même avec l’entrée en vigueur du Compte personnel d’activité (CPA) au 1er janvier 2017 suite à la loi Travail, l’interrogation demeure. Au-delà des droits théoriques promis par un dispositif toujours aussi complexe, quels bénéfices concrets chaque individu est-il en droit d’en attendre aux moments clés de sa vie professionnelle ?
 
Si la révolution numérique, mutation majeure de notre marché du travail, impose de fait une plus grande flexibilité en matière de gestion des ressources humaines, elle doit en contrepartie s’accompagner de nouveaux droits concrets en matière de sécurisation des parcours professionnels.
 
C’est pourquoi l’Institut Montaigne propose un nouveau dispositif, centré sur l’individu, et permettant de renforcer les garanties qui lui sont octroyées, notamment en termes d’accompagnement, afin de sécuriser leur parcours professionnel en toute autonomie.

Qu’est-ce que la “flexisécurité” ?

Le principe de “flexisécurité” a pour ambition, en France comme dans d’autres pays d’Europe, de réaliser la synthèse de deux notions généralement opposées :

  • la flexibilité, qui consiste à simplifier les règles du marché du travail afin de le rendre plus souple ;

  • la sécurité, qui offre plus de garanties aux individus dans leur parcours professionnel afin d’anticiper les ruptures, qu’elles soient choisies ou subies.

Comment fonctionne aujourd’hui notre système de formation ?

En France, les dernières réformes du marché du travail ont surtout œuvré à sa flexibilisation. Si la loi Travail (ou loi El Khomri), promulguée en août 2016, a notamment facilité les conditions de licenciement ou l’organisation du temps de travail, elle n’a pas été à la hauteur des défis sur le pan de la sécurisation des parcours professionnels. En particulier, les droits à la formation ne garantissent pas aux individus qu’ils réaliseront une reconversion professionnelle ou une spécialisation adaptée aux exigences du marché du travail. Et pour cause, les ressources consacrées spécifiquement à la formation constituent une part très faible de l’ensemble des ressources allouées à la sécurisation des parcours professionnels.

 
  Montants (en milliards d'euros)  Proportion  
Accompagnement / formation2,465%
participation financière des individus1,363%
Sécurisation des revenus4383%
Service public de l'emploi (placement
/ accompagnement)
4,859%
TOTAL 51,67100%

 

Cette situation n’est ni acceptable ni souhaitable. Elle n’est pas acceptable, car la flexibilité seule ne garantit pas davantage de sécurité pour les employés. Elle n’est pas non plus souhaitable, car les besoins en compétences des entreprises évoluent vite et les individus doivent pouvoir se former plus facilement et plus librement pour mieux s’insérer dans un marché du travail de plus en plus exigeant. 
 

Pour 80 % des Français, l’insécurité professionnelle et les restructurations sont la première source de stress au travail. Source

Aujourd’hui, les actifs disposent d’un outil principal pour sécuriser leur parcours professionnel : le Compte personnel d’activité (CPA). Il a été créé par la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours (dite loi “Travail” ou loi “El Khomri”) avec un double objectif : autonomisation des individus et sécurisation des parcours professionnels. Il est entré en vigueur le 1er janvier 2017.
 
Il s’articule aujourd’hui autour de trois dispositifs :

  • le Compte personnel de formation (CPF) ;

  • le Compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) ou “compte pénibilité” ;

  • le Compte d’engagement citoyen (CEC).

Le CPF a remplacé le Droit Individuel à la Formation (DIF) au 1er janvier 2015. Accompagnant chaque salarié ou demandeur d'emploi, de son entrée dans la vie active à son départ à la retraite, il lui permet de suivre, à son initiative, une formation. Le CPF est crédité en heures chaque année de la manière suivante : 24h/an durant les cinq premières années ; puis 12h/an pendant trois ans pour atteindre le plafond de 150 heures.  Des abondements complémentaires sont également possibles. Les droits acquis dans le cadre du CPF le restent, même en cas de changement de situation professionnelle. 


Le C3P a été énoncé par la loi du 20 janvier 2014 puis inclus par la suite dans le CPA. Ce dispositif de compensation concerne tous les salariés, du régime général ou agricole, en contrat d'une durée d'au moins un mois, exposés à l'un ou plusieurs des facteurs de risques, au-delà des seuils fixés : des contraintes physiques marquées de l’emploi ; un environnement agressif ; certains rythmes de travail. Le C3P permet à ces salariés d’accumuler des points qui pourront être utilisés pour suivre une formation professionnelle qualifiante, financer un passage à temps partiel ou un départ anticipé à la retraite.


Le CEC est le seul droit nouveau qui a été introduit dans le CPA. Il permet de recenser les activités bénévoles ou de volontariat pour faciliter la reconnaissance des compétences acquises dans le cadre de ces activités grâce notamment à la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE). Il devait être mis en œuvre à partir du 1er janvier 2017. Néanmoins, à ce jour, son décret d’application n’a pas encore été publié.

Quelles sont les limites de ce système ?

Actuellement, notre système de formation professionnelle n’est pas satisfaisant car il est :

  • inéquitable : il donne plus à ceux qui en ont le moins besoin ;
  • inefficace : il ne permet pas d’atteindre l’objectif de sécurisation des parcours professionnels pour ceux qui connaissent des parcours non linéaires ;
  • illisible : il est constitué d’une multitude de dispositifs et d’intermédiaires qui forment une chaîne à la fois segmentée et illisible ;
  • inefficient : il mobilise des moyens considérables qui ne sont pas utilisés de façon optimale ;
  • mal financé : les ressources ne suffisent pas à combler les coûts, sauf à ce qu’une grande partie des droits ne soient pas utilisés. 

La mise en place d’une véritable sécurisation des parcours professionnels suppose de repenser en profondeur les droits des actifs et leur financement.

Que proposons-nous ? Un “Capital emploi formation” pour tous

Le nouveau modèle proposé par l’Institut Montaigne, le Capital emploi formation (CEF), remplacerait l’ensemble des dispositifs existants en un seul et même instrument. Il ne se limiterait pas à un cumul des droits à des heures de formation, comme c’est actuellement le cas de l’actuel pour le CPA. Son contenu doit être élargi à l’acquisition d’un droit à l’accompagnement (conseil en évolution professionnelle, coaching, bilan de compétences, prestation de placement, ou encore prestation d’aide à la création d’entreprise…).

"Pour créer de la richesse, il faut donner accès au capital" M.Yunus

Son ambition pourrait se résumer ainsi : équiper les personnes plutôt que le système, indépendamment des changements d’emploi et de statut.

Chaque individu pourrait l’utiliser pour construire son parcours professionnel en responsabilité et en autonomie pour :

  • suivre une formation dans l’optique d’un retour à l’emploi ;
  • préparer une réorientation professionnelle ;
  • acquérir de nouvelles compétences.

Quelles sont les principales caractéristiques du CEF ?

  • Un droit à un accompagnement global qui inclut tous les types de prestation dont un actif peut avoir besoin au moment d’une transition professionnelle afin de rebondir : coaching, orientation, bilan de compétences, ou encore prestations d’accompagnement à la recherche d’emploi.
  • Un droit attaché à la personne et librement mobilisable. Le suivi des droits accumulés serait centralisé à la Caisse de dépôts et consignations et accessible en ligne à tout moment par leur titulaire.
  • Le droit de choisir son opérateur (organisme de formation mais également opérateur de placement, conseil en évolution professionnelle, accompagnement vers la création d’entreprise, etc.).
  • Un droit véritablement financé avec un flux continu provenant d’une cotisation patronale et un abondement individuel lié aux ruptures professionnelles et à des versements ponctuels donnant lieu à une défiscalisation.

Quels sont les avantages majeurs du CEF ?

  • Pour les individus : il simplifie et rend plus équitable l’accès à la formation et l'accompagnement.
  • Pour les entreprises : il met fin à l’obligation externe de reclassement dans certains cas.
  • Au global : il rend viable le système de formation professionnelle à coûts constants tout en allouant prioritairement les ressources à ceux qui en ont le plus besoin.

Comparaison synthétique du CPA et du CEF 

 

Comment financer ce nouveau système ?

Le financement du CEF repose sur deux piliers :

  • un capital constitué tout au long de la vie (flux continu), qui constituerait une recette régulière mutualisée au niveau national ;
  • un capital attaché aux ruptures professionnelles (versements ponctuels), qui abonderait le capital individuel.

35 % des ressources normalement consacrées aux ruptures de licenciement viendront directement abonder le CEF des individus. Comme l’illustrent les parcours ci-dessous, cette règle permet aux individus de sécuriser leur transition professionnelle en mobilisant des prestations d’accompagnement.
 
Le financement de ce dispositif, dont les calculs sont présentés dans le rapport, se structure ainsi :

 

Contribution au CEF en milliards d'euros
Cotisations de 0,4 % sur les salaires2,14
Contribution de 0,4 % des travailleurs indépendants0,35
Contribution à l'occasion de licenciements et de ruptures conventionnelles2,6
Contribution pour fin de CDD1,46
Versements complémentaires des employeurs et des salariésn.d.
TOTAL CEF6,55


En savoir plus sur le chiffrage du dispositif.


L’étude démontre que ces coûts peuvent être compensés par la suppression et le recyclage de dispositifs déjà existants, sans surcoût net pour les entreprises.

Mais concrètement, quelles améliorations peut-on en espérer ?

Afin de mieux comprendre les avantages du CEF, imaginons trois parcours professionnels :

Le parcours de Marc :
choisir entre accompagnement et formation

Marc a été salarié dans la même entreprise pendant 10 ans. Début 2017, il est licencié pour motif économique. Son salaire est alors de 2 100 € bruts. Son indemnité de licenciement s’élève à un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté. La base légale est d’un cinquième de mois par année.
 
Dans le système actuel :
 
Marc a accumulé des droits à la formation sur son CPF tout au long de son parcours dans l’entreprise jusqu’à atteindre le plafond équivalant à 150 heures de formation. Au moment de son licenciement, il peut utiliser ces heures pour financer une reconversion professionnelle avec une formation certifiante mais pas un accompagnement. Il obtient également une indemnité de licenciement de 7 000 €.
 
Dans le système CEF :
 
Marc obtient un abondement de 3 391 € sur son CEF. Ce capital lui permet de solliciter une prestation personnalisée d’accompagnement et de placement avec le prestataire qui lui semble le plus adapté.
 
Son indemnité de licenciement est de 5 813 €.

Le parcours de Myriam : miser sur un accompagnement pour retrouver la stabilité de l’emploi

Myriam enchaîne les contrats précaires : six CDD en 24 mois. Son salaire moyen est de 1 600 euros brut. Elle a travaillé 18 mois pendant cette période.
 
Dans le système actuel :
 
Elle a acquis 36 heures de formation au cours de cette période. Cela ne lui permet pas d’obtenir une formation diplômante.
 
Dans le système CEF :
 
Myriam a constitué un capital de 1 864 €, ce qui lui permet de financer une prestation d’accompagnement et de placement afin de trouver un nouvel emploi plus stable.

Le parcours de Coralie : plus de souplesse et d’autonomie dans la gestion du parcours

Coralie est cadre et touche une rémunération de 50 000 euros brut annuel. Elle travaille depuis cinq ans dans la même entreprise et négocie une rupture conventionnelle. Elle souhaite alors se reconvertir grâce à ses droits à la formation.
 
Dans le système actuel :
 
Elle a acquis 120 heures de formation au cours de cette période. Elle toucherait en plus une indemnité de licenciement de 4 167 €.
 
Dans le système CEF :
 
Coralie aurait constitué un capital de 3 538 €. Il lui permet de financer une formation de reconversion ou un accompagnement personnalisé. Elle toucherait en plus une indemnité de licenciement de 2 928 €. 

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