AccueilExpressions par MontaigneProjet de loi "climat et résilience" : quelle place pour les réseaux de transport et de distribution...L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.30/04/2021Projet de loi "climat et résilience" : quelle place pour les réseaux de transport et de distribution d’énergie ? ÉnergieImprimerPARTAGERAuteur Christine Le Bihan-Graf Associée au cabinet De Pardieu Brocas Maffei Auteur Thierry Déau Président-directeur général de Meridiam A l’heure où le projet de loi "climat et résilience" est en discussion à l’Assemblée nationale, puis fin mai au Sénat, nous avons demandé à Christine Le Bihan-Graf et Thierry Déau, co-présidents de notre rapport Transition énergétique : faisons jouer nos réseaux, de revenir pour nous sur son origine et la place qui y est faite pour les réseaux de transport et de distribution d’énergie (gaz, pétrole, électricité, chaleur/froid). En effet, ces réseaux, qui sont pourtant un maillon essentiel de la chaîne dans la stratégie de transition énergétique française, sont presque absents des nombreux débats qui ont lieu dans le cadre de ce projet de loi. A l’issue du grand débat national, Emmanuel Macron a décidé de mettre en place en 2019 une Convention Citoyenne pour le Climat. Afin de représenter la diversité de la société française, 150 citoyens ont été tirés au sort pour réfléchir à la transition écologique et aux mesures visant à lutter contre le réchauffement climatique. Les recommandations de la convention devaient permettre d’atteindre une baisse d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030 par rapport à 1990. Cinq groupes thématiques se sont ainsi formés pour travailler sur les thématiques suivantes : se nourrir, se loger, travailler et produire, se déplacer et consommer, couvrant l’ensemble des problématiques auxquelles est confrontée la société.Après 8 mois de travaux et d’auditions, la convention a formulé, en juin 2020, 149 propositions au gouvernement pour qu’elles soient par la suite mises en œuvre par voie réglementaire ou législative. Lors de la remise des conclusions de la convention, Emmanuel Macron s’était engagé à reprendre "sans filtre" les propositions "abouties et précises", à l’exception de trois mesures : la réécriture du préambule de la Constitution, la limitation de la vitesse à 110 km/h sur les autoroutes et la création d’une taxe de 4 % sur les dividendes pour des entreprises en distribuant plus de 10 millions d’euros par an. Plus de cent mesures annoncées ont déjà été introduites dans le plan France Relance et dans la loi de finances pour l’année 2021. Le 17 avril, après trois semaines de débats, les députés ont achevé l’examen, en première lecture, des articles du texte de loi relatifs à la lutte contre le dérèglement climatique et au renforcement de la résilience face à ses effets, afin de traduire les mesures restantes de la convention citoyenne. Ce texte revêt un caractère particulier étant a priori la dernière loi énergétique du quinquennat. Ses enjeux sont cruciaux, comme en témoigne le nombre très important d’amendements : après un passage devant une commission spéciale où près de 5000 amendements avaient déjà été traités, pas moins de 7000 amendements ont à nouveau été examinés en séance publique. La prochaine étape est un vote solennel le 4 mai avant un examen au Sénat à partir de fin mai. Toutefois, au sein des sept titres et des 218 articles du projet de loi, la question cruciale des réseaux d’énergie semble malheureusement encore éludée. La question cruciale des réseaux d’énergie semble malheureusement encore éludée.Jusqu’à présent, les réseaux électriques, gaziers, pétroliers ainsi que ceux transportant de la chaleur ou du froid ont été peu présents dans le débat public en dehors de la gestion de crises. Ce manque de visibilité pourrait laisser croire à tort que l’adaptation des réseaux se fera à la marge pour répondre aux objectifs ambitieux de la politique énergétique française.Dans son rapport Transition énergétique : faisons jouer nos réseaux publié en décembre 2019, l’Institut Montaigne a cependant démontré que les réseaux électriques et gaziers vont devoir faire face à la décentralisation des moyens de production avec la montée en puissance des énergies renouvelables (EnR) à savoir l’éolien, le solaire ou encore le biométhane.Les réseaux énergétiques sont indispensables à la transition énergétique mais ne sont pourtant pas au centre des priorités des politiques publiques Le projet de loi demande notamment d’inclure une feuille de route pour l’autoconsommation dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), à travers le développement des communautés d’énergies renouvelables et des communautés énergétiques citoyennes. Par ailleurs, le chapitre Ier rassemble les dispositions législatives nécessaires pour accélérer la rénovation des logements, afin de permettre à tous les Français de vivre dans des logements bien isolés et d’encourager la structuration de la filière rénovation du secteur du bâtiment.Quand bien même les EnR et le développement de l’autoconsommation vont rapprocher la production des lieux de consommation, il serait illusoire de penser que la transition énergétique se fera sans les réseaux actuels. Au contraire, les réseaux sont un des leviers de la transition énergétique avec l’émergence des smart grids. Les données de consommation provenant des compteurs communicants seront utiles pour rendre plus efficace le fonctionnement du système énergétique. Les clients vont également bénéficier d’une connaissance plus fine de leur consommation, condition nécessaire pour réaliser des économies d’énergie et permettre notamment d’identifier les passoires thermiques et de favoriser la rénovation des logements. Pour que les réseaux retrouvent leur place dans le débat public, il est indispensable que soient pris en compte les coûts de réseaux liés aux politiques publiques de soutien à la transition énergétique (coût de la réfaction pour les EnR, soutien à l’autoconsommation, etc.) dans une optique de régulation.L’Institut Montaigne avait ainsi recommandé la mise en place d’une "PPE Réseaux", tenant compte de l’évolution de la demande et de la production. C’est en effet indispensable pour que le gouvernement et le législateur orientent et déclinent la politique énergétique du pays en traitant les impacts sur l’ensemble de la chaîne, et non seulement sur la seule production d'énergie. Ce document d’orientation, commun aux différentes énergies, pourrait étudier leur complémentarité et la manière dont les réseaux d’électricité, de gaz et de chaleur, peuvent fonctionner en synergie les uns avec les autres. Un amendement visant à définir une stratégie nationale pour l’optimisation des réseaux d’énergie portant sur les réseaux de transport et de distribution d’électricité, les réseaux de transport et de distribution de gaz, les réseaux de transport et de distribution d’hydrogène, les réseaux de chaleur et les canalisations de transport de produits pétroliers a été déposé. Il a néanmoins été jugé irrecevable.Il est nécessaire de mettre en place une coordination aux niveaux national et régional.La gouvernance des réseaux doit être repensée à l’aune des priorités de la transition énergétique en trouvant le bon niveau d’intervention entre national et localLa Convention Citoyenne pour le Climat a également souhaité améliorer la gouvernance territoriale et régionale concernant la production d’énergie notamment en donnant des objectifs de PPE au niveau régional. Pour cela, elle considère nécessaire de mettre en place une coordination aux niveaux national et régional pour permettre la mise en place des projets régionaux/locaux avec des mécanismes de compensation pour les régions les moins dotées. Cette proposition a initialement été reprise par l’article 22 du projet de loi qui prévoyait de décliner la PPE par des objectifs régionaux de développement des énergies renouvelables. Ces objectifs devront être pris en compte par les régions lors de l’élaboration des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET). En parallèle, il a été proposé par la rapporteure du projet de loi de créer un comité régional de l’énergie placé auprès du Président du Conseil régional et du préfet de région dont la mission serait d’une part, d’être le lieu privilégié d’information et de consultation des collectivités territoriales et des citoyens de la région sur les questions ayant trait à l’énergie et, d’autre part, d’être à l’initiative d’une proposition d’objectifs régionaux pour décliner les objectifs de développement des énergies renouvelables de la PPE.En parallèle, aussi, une méthode et des indicateurs seront définis pour permettre un suivi par les collectivités territoriales, les régions et l’État le déploiement et la mise en œuvre des objectifs régionaux.Il est nécessaire qu’une coordination soit menée entre l’ensemble des entités en charge de la planification.L’Institut Montaigne avait identifié que la PPE, les SRADDET, mais aussi les plans climat air énergie territoriaux (PCAET) adoptés par les intercommunalités et les schémas régionaux de raccordements au réseau des énergies renouvelables (S3RENR) étaient élaborés avec un manque de cohérence et de compatibilité entre eux, et sans introduction de règles de priorité.Ce constat reste préjudiciable pour les opérateurs de réseaux souhaitant planifier leurs investissements et leurs interventions sur les territoires, et en conséquence pour la collectivité. Les rapports entre le SRADDET et les autres schémas sont en effet peu contraignants et créent des incertitudes pour les gestionnaires de réseaux quant aux objectifs qui doivent être prioritairement atteints. En outre, certains SRADDET peuvent avoir une portée très politique en refusant le développement de certaines technologies, comme l’éolien par exemple. Il est donc nécessaire qu’une coordination soit menée entre l’ensemble des entités en charge de la planification. Des boucles de rétroaction sont au surplus nécessaires pour conserver une certaine cohérence entre ces différents schémas.L’Institut Montaigne avait en conséquence recommandé de renforcer l’articulation entre les différents schémas directeurs Énergie et coordonner la PPE et les SRADDET. L’organisation d’une conférence réunissant les services centraux de l’État, les préfets et les présidents de région pourrait permettre aux schémas régionaux d’être entendus dans leur spécificité puis conciliés avec les orientations nationales de la PPE dans une approche de synthèse. Avec la contribution de Pierre Louis Pernet, Regulatory & Advocacy Manager / Clean Hydrogen BU chez Total, et Clément Le Roy, Senior Manager chez Wavestone, co-rapporteurs du rapport Transition énergétique : faisons jouer nos réseaux de l’Institut Montaigne.Copyright : THOMAS SAMSON / AFPImprimerPARTAGERcontenus associés 22/01/2021 Green Deal, un nouvel élan - Réussir une transformation durable de l'Europe... Patrizia Nanz Sébastien Treyer