AccueilExpressions par MontaignePlan Etudiants : un pas vers l'excellence universitaire ? Trois questions à Jean-Marc SchlenkerL'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.15/11/2017Plan Etudiants : un pas vers l'excellence universitaire ? Trois questions à Jean-Marc SchlenkerImprimerPARTAGERAuteur Institut Montaigne Les grands entretiensLundi 30 octobre dernier, le gouvernement a dévoilé son "Plan Étudiants", dont le projet de loi sera présenté en Conseil des ministres le 22 novembre. Ce plan vise à transformer le parcours universitaire des étudiants du premier cycle. Il prévoit une amélioration du dispositif d’orientation au lycée et tout au long du cursus de formation, la clarification des attendus de certaines filières et l’introduction d’une plus grande modularité des enseignements. La sélection par tirage au sort est, quant à elle, définitivement supprimée et une nouvelle plateforme de sélection sera introduite dès janvier 2018. Décryptage en trois questions avec notre expert, Jean-Marc Schlenker, auteur de "Université : pour une nouvelle ambition".Quels sont, selon vous, les défis prioritaires du système universitaire français ? Les orientations et mesures annoncées par le gouvernement y répondent-elles de manière adaptée ? Tout système universitaire doit avoir pour objectif de donner accès à une formation de qualité, intellectuellement stimulante et humainement enrichissante, au plus grand nombre. Elle doit aussi assurer une insertion professionnelle rapide et réussie à ses étudiants. Face à ces deux objectifs, des défis spécifiques au système universitaire français persistent. La priorité est d’améliorer l’attractivité de ses filières universitaires, y compris pour les étudiants qui tendent actuellement à les éviter. L’instauration, annoncée par le gouvernement, d’un contrat de réussite pédagogique entre l’étudiant et son établissement inaugure en cela des licences plus adaptées aux besoins et aux acquis des étudiants. Cette mesure présage une transformation durable de l’organisation actuelle de nos universités, où l’offre de formation se décline en filières uniformes – tous les étudiants en sortent avec des profils de compétences similaires - inadaptées aux défis contemporains. Par le développement de compétences et de savoirs plus diversifiés, les étudiants pourront différencier leurs parcours et valoriser des profils atypiques au sein de nos départements de recherche et de nos entreprises : des profils pluridisciplinaires, indispensables pour construire une économie de la connaissance, et surtout de l’innovation. Car en effet, le développement de licences plus adaptées aux étudiants, et leur offrant une plus grande liberté de choix, sera doublement bénéfique : pour l’étudiant, d’une part, qui y verra désormais la possibilité d’éveiller des intérêts multiples à travers l’étude de disciplines parfois sans relation directe, pour la société, d’autre part, car cette interdisciplinarité constituera le moteur de l’innovation. L’exemple de Mark Zuckerberg est, à mon sens, particulièrement illustrant : le croisement de son double background en informatique et en psychologie lui a permis d’inventer le premier réseau social, dont personne n’ignore l’importance, 13 ans seulement après sa création. De par le monde, de tels parcours de formation atypiques sont permis, et la France ne peut en faire l’économie si elle souhaite voir éclore ses innovateurs de demain. Chaque cursus de licence, comme chaque parcours étudiant au sein de l’université, doit être désormais modulable en fonction des acquis et des besoins des étudiants. Les double licences constituent un exemple de pédagogie innovante qui a pu être développée. L’université doit être capable d’offrir un environnement pluridisciplinaire à ses étudiants, riche de la diversité des profils qui la composent. Les étudiants qui n’auront pas d’acquis suffisants à l’entrée à l’université bénéficieront de formations pour consolider leurs connaissances. Certains d’entre eux sauront, ensuite, intégrer des filières plus exigeantes conduisant à des diplômes de plus haut niveau. Quelles sont, selon vous, les conditions de succès de cette réforme ?Cette réforme fait sauter un verrou important du système universitaire français : elle va permettre de faire émerger des dynamiques nouvelles. Les universités vont désormais avoir la responsabilité du choix de leurs étudiants : elles seront en charge d’évaluer les dossiers de candidature au regard des attendus des formations, et d’aiguiller, en coordination avec les rectorats, l’orientation précoce des jeunes qui présenteraient un risque d’échec. Cette réforme sonne la fin de la sélection par l’échec, dont les étudiants les plus fragiles sont les premières victimes. En somme, un nouvel équilibre pourra être trouvé : comme conséquence de la rationalisation de l’orientation, les étudiants bénéficieront de meilleures conditions d’enseignement, le métier d’enseignant en sortira grandi, et les étudiants trouveront des formations adaptées à leurs besoins avec des risques d’échec réduits. Mais il faut pour cela que la communauté universitaire s’empare de toutes les possibilités nouvelles qui lui seront offertes. Cette réforme devra aussi être accompagnée d’efforts de communication auprès des étudiants, en France comme à l’étranger. A l’heure actuelle, les meilleurs étudiants français choisissent rarement l’université. Le système français d’enseignement supérieur se doit de sortir de cette dichotomie qui oppose l’excellence des grandes écoles et des classes préparatoires au choix d’un cursus universitaire par défaut. En ce qui concerne les étudiants étrangers, la France peine à attirer les meilleurs profils au sein de ses universités, qui privilégient souvent d’autres pays comme les États-Unis, la Grande-Bretagne, la Suisse, etc. Les universités françaises doivent désormais être perçues par les étudiants français et étrangers comme des univers d’apprentissage propices à leur réussite.En termes de gouvernance, des changements sont-ils souhaitables ? Le cas échéant, quelle démarche serait à privilégier ?Le mode de gouvernance universitaire qui prévaut aujourd’hui en France est singulier à l’échelle internationale. Le choix direct ou indirect des membres des conseils d'administration par la collectivité universitaire génère une défiance de l’État envers ses universités, en raison de possibles conflits d’intérêts, et explique en partie la faiblesse de l’investissement public. Dans la plupart des grandes universités dans le monde, le conseil d’administration est constitué essentiellement de personnalités extérieures, nommées suivant des modalités variées, et son pouvoir est contrebalancé par un "sénat académique" représentant les compétences scientifiques de l’université. Malgré la création d’un Conseil académique par la loi pour l’enseignement supérieur et la recherche du 22 juillet 2013, son poids reste faible par rapport au Conseil d’administration. Il est à espérer qu’avec cette réforme adviendra sous la forme d’expérimentations de nouveaux modèles de gouvernance universitaire, aptes à amorcer les changements évoqués. Car la réforme proposée par le gouvernement offre d’importantes possibilités aux universités. Il est de leur responsabilité de se saisir pleinement de ces fenêtres d’opportunités, et de développer une offre de formation qui réponde aux attentes des étudiants tout en restant réactives aux besoins économiques de leur territoire. ImprimerPARTAGERcontenus associés 11/10/2017 L’université de demain : former par et pour le numérique Leïla Ferrali 19/07/2017 Digital : l’université mise à jour Gilles Babinet