Rechercher un rapport, une publication, un expert...
L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.
15/02/2018

La fin du “bachotage” ? Trois questions à Christian Forestier

Imprimer
PARTAGER
La fin du “bachotage” ? Trois questions à Christian Forestier
 Institut Montaigne
Auteur
Institut Montaigne

Au lendemain de la présentation du projet de réforme du baccalauréat, Christian Forestier, ancien recteur, réagit aux annonces faites par Jean-Michel Blanquer et analyse les potentielles conséquences d’une telle réforme. 

Que pensez-vous du projet de réforme du bac présenté mercredi 14 février par le ministre de l’Education nationale ? Va-t-il trop loin, ou au contraire pas assez ?

Ce projet de réforme va dans le bon sens puisqu’il oeuvre à la simplification du bac et à sa modernisation. Il est cohérent avec le rapport Mathiot remis à Jean-Michel Blanquer le 24 janvier dernier, bien que de loin moins ambitieux.

En effet, le contrôle continu n’est finalement pas aussi valorisé qu’attendu, puisque le livret scolaire ne compte que pour 10 % de la note finale, ce qui, à mon avis, est insuffisant. Le reste consiste davantage en une meilleure répartition des examens dans le temps. Certes, cela permet d’échapper aux critiques sur le risque d’inégalités de notation entre les lycées, mais l’objectif d’allègement du poids des examens dans la note du bac n’est pas atteint. C’est dommage, car la plateforme APB avait pourtant prouvé que les livrets scolaires étaient généralement représentatifs du niveau des élèves, les affectations avant le passage du bac étant in fine peu bouleversées par les résultats du bac. 

Un deuxième point me préoccupe : la possibilité offerte à beaucoup d’élèves (trop), d’obtenir un baccalauréat général en ayant arrêté tout enseignement de mathématiques à la fin de la classe de seconde. Cette mesure, quelques jours après la remise de l’excellent rapport Villani-Torossian, ne va pas dans le bon sens. Pensons notamment à tous ces bacheliers qui se destinent à être professeurs des écoles. Par ailleurs, je trouve excellente l'idée d’ajouter au tronc commun un enseignement dit d’“humanités scientifiques et numériques”. C’est en effet une très bonne mesure, sous réserve de voir le contenu de cet enseignement, et de savoir qui en aura la responsabilité. 

D’une façon plus générale, je suis préoccupé depuis longtemps par le déclin observé dans notre lycée et dans l’enseignement supérieur de l'enseignement des sciences physiques et des sciences de l'ingénieur. Bien sûr ce problème concerne la plupart des pays développés, à l'exception des pays asiatiques - ce n’est pas pour autant rassurant. On a reproché à la série S de contraindre des élèves de faire des sciences alors qu’ils n’en avaient pas le goût, ce qui était évidemment problématique. Mais faut-il pour autant aller systématiquement dans le sens du goût des élèves ? 

Par ailleurs, il me semble que les annonces faites sur la voie technologique doivent être précisées. Personnellement, j’ai toujours été favorable à un rapprochement de la voie générale et de la voie technologique.

Quelles seront les conséquences de cette réforme sur l’organisation actuelle du lycée ?

Je ne pense pas que cette réforme aura de conséquences majeures sur l’organisation actuelle du lycée, sous réserve que celui-ci ait une taille critique, afin de pouvoir offrir un large spectre de choix de matières aux élèves. Par ailleurs, notre lycée conservera son organisation rigide, avec un emploi du temps hebdomadaire quasiment fixe ! Le plus important est d'observer que cette réforme ne va pas fondamentalement modifier le coût du lycée. Or il faut rappeler que nous avons un des lycées les plus chers du monde, alors que notre enseignement primaire et notre enseignement supérieur sont eux insuffisamment financés.

Cette réforme va-t-elle, selon vous, permettre de mieux préparer les lycéens à l'enseignement supérieur et au monde professionnel ?

Notre lycée a la réputation justifiée d'être extrêmement scolaire et de laisser peu de place au travail autonome et en équipe des élèves, ce qui explique pour partie les difficultés qu’ils rencontrent dans l'enseignement supérieur. Cela changera-t-il avec l'application de cette réforme ? C’est dans cet esprit que je suis très favorable à la mise en place d’une épreuve d’oral portant sur un projet préparé depuis la classe de première annoncée par le Ministre. En effet un telle épreuve devrait inciter les élèves à nourrir un projet qui leur est propre sur le long terme et donc de les responsabiliser, et encourager le développement de compétences utiles à la poursuite d’études et à leur insertion. 

Recevez chaque semaine l’actualité de l’Institut Montaigne
Je m'abonne