Porter le budget de la défense à 55 milliards d’euros à l’horizon 2027
« Les forces armées sont sollicitées au delà de leurs moyens et de leur contrat opérationnel. Elles demeurent précaires (…) ».
Source : chaîne Youtube Marine Le Pen
« L’effort de défense doit être important, mais être durable. Je l’ai fixé à 55 milliards par an en 2027 ».
La France alloue aujourd’hui près de 2 % de son PIB à la défense, ce qui la place en dessous de la moyenne constatée au sein de l’OCDE (2,5 %) mais bien au-dessus de la plupart de ses partenaires européens. Le budget de la défense pour 2022 s’élevait à 40,9 Md€ (hors pensions).
La candidate propose de faire passer ce dernier à 55 Md€ par an à horizon 2027. Cette proposition s’inscrit dans un climat sécuritaire dégradé et marqué par la résurgence de conflits de « haute intensité », comme en témoigne l’actualité récente.
Si la mission « défense » du budget de l’État avait en effet connu une baisse de crédits au cours des vingt dernières années, la dernière loi de programmation militaire (LPM) a marqué un tournant en fixant une hausse continue du budget annuel de la défense sur six ans. Ce dernier passera ainsi de 34,2 Md€ en 2018 à 44 Md€ en 2023.
La mesure viendrait donc accentuer l’accroissement des dépenses militaires décidé ces dernières années. La mesure représenterait un surcoût de 4 Md€ à l’horizon 2027.
Impact macroéconomique
La base industrielle et technologie de défense (BITD) bénéficierait du surcroît de dépenses militaires. Selon les modalités de financement de la mesure (moindres dépenses publiques, recours au déficit, etc.) D’autres secteurs de l’économie sont en revanche susceptibles d’être freinés.
La loi de programmation militaire en vigueur détaille la trajectoire des dépenses sur la période 2018-2023 comme suit :
2018 | 2019 | 2020 | 2021 | 2022 | 2023 | |
Dépense annuelle (Md€) | 34,2 | 35,9 | 37,6 | 39,3 | 41 | 44 |
Augmentation annuelle (Md€) | – | 1,7 | 1,7 | 1,7 | 1,7 | 3 |
Taux de croissance annuel | – | 5,0 % | 4,7 % | 4,5 % | 4,3 % | 7,3 % |
En gardant le montant prévu pour 2023 comme base, et en faisant l’hypothèse d’un échelonnement progressif et équitablement réparti de la hausse des dépenses jusqu’en 2027, on peut estimer la trajectoire de dépenses futures suivante pour mettre en œuvre la mesure proposée par la candidate :
2018 | 2019 | 2020 | 2021 | 2022 | 2023* | 2024 | 2025 | 2026 | 2027 | |
Dépense annuelle (Md, €) | 34,2 | 35,9 | 37,6 | 39,3 | 41 | 44 | 46,7 | 49,4 | 52,1 | 54,8 |
Augmentation annuelle (Md, €) | 1,7 | 1,7 | 1,7 | 1,7 | 3 | 2,7 | 2,7 | 2,7 | 2,7 | |
Taux de croissance annuel | 5,0 % | 4,7 % | 4,5 % | 4,3 % | 7,3 % | 6,1 % | 5,8 % | 5,5 % | 5,2 % |
* 2023 et suivantes, les prévisions de la LPM actuelle ; en gris l’extrapolation faite pour chiffrer la mesure.
Chaque année entre 2024 et 2027, les dépenses militaires augmenteraient ainsi de 2,7 Md€, contre une tendance de 1,7 Md€ jusqu’en 2022. En valeur absolue, le surplus de dépense serait donc de 1 Md€ par an environ, soit un cumul de 4 Md€ à l’horizon 2027.
Historique de la mesure
La LPM pour 2019-2025 a déjà entamé une revalorisation du budget de la défense avec comme objectif initial d’atteindre 50 Md€ en 2025.
Un rapport parlementaire du 17 février 2022 alertait déjà sur le fait que l’armée française devrait voir ses moyens augmentés de 40 à 60 Md€ sur les douze années à venir afin d’être en mesure d’appréhender un contexte changeant et les nouvelles modalités de la guerre (cyber, spatial).
Benchmark
Le tableau suivant présente la dépense publique en matière de défense faite par différents pays en valeur absolue et en proportion de leur produit intérieur brut (PIB) en 2020.
Pays | Dépense publique allouée à la défense en 2020 | |
en % du PIB | en Md$ | |
Arabie Saoudite | 8,4 | 57,5 |
Israël | 5,6 | 21,7 |
Moyen Orient & Afrique du Nord* | 5,4 | 141,4 |
Russie | 4,3 | 61,7 |
Ukraine | 4,1 | 5,9 |
États-Unis | 3,7 | 778,2 |
Inde | 2,9 | 72,9 |
Grèce | 2,8 | 5,3 |
Turquie | 2,8 | 17,7 |
Pays membres de l’OCDE* | 2,5 | 1282,1 |
Royaume-Uni | 2,2 | 59,2 |
France | 2,1 | 52,7 |
Australie | 2,1 | 27,5 |
Chine | 1,7 | 252,3 |
Italie | 1,6 | 28,9 |
Union Européenne* | 1,6 | 232,8 |
Finlande | 1,5 | 4,1 |
Brésil | 1,4 | 19,7 |
Pays-Bas | 1,4 | 12,6 |
Canada | 1,4 | 22,8 |
Espagne | 1,4 | 17,4 |
Allemagne | 1,4 | 52,8 |
Japon | 1,0 | 49,1 |
* moyenne pour les pays disponible
Source : Banque mondiale
Ainsi les États-Unis ont le premier budget militaire en valeur absolue avec 778 Md$ dépensés en 2020, suivis par la Chine (252 Md$) et l’Inde (73 Md$). L’Union Européenne (UE) a quant à elle attribué 233 Md$ à sa défense au total en 2020.
Néanmoins, une fois rapportée au PIB, la dépense publique engagée pour la défense nationale est la plus élevée au Moyen-Orient et en Afrique du Nord avec 5,4 % du PIB en moyenne, dont 8,4 % pour l’Arabie Saoudite, selon les données de la Banque Mondiale. En comparaison, l’UE affiche une dépense de 1,6 % de son PIB en moyenne, contre 1,7 % pour la Chine et 3,7 % pour les États-Unis et 4,3 % pour la Russie.
Au sein de l’UE, seuls huit pays dépassent les 2 % théoriquement exigés par leur participation à l’OTAN : l’Estonie, la Lettonie, Lituanie (frontaliers de la Russie), Pologne et Roumanie, Croatie, Serbie et enfin la Grèce, qui est le pays allouant la plus grande proportion de son PIB à la défense (2,8 %) en Europe. Il convient toutefois de noter qu’à la suite de l’offensive russe en Ukraine commencée le 24 février dernier, l’Allemagne a amorcé un changement de politique important en matière de défense en annonçant un investissement de 100 Md€ dans ses armées ainsi que sa volonté de porter son budget annuel pour la défense à plus de 2 % de son PIB, contre environ 1,5 % actuellement.
Au delà de l’Union, le Royaume-Uni constitue une puissance militaire majeure en Europe : le pays a dépensé 60 Md$ pour sa défense en 2020 et est, avec la France, le seul État européen doté de l’arme nucléaire (hors Russie).
Mise en œuvre
La nouvelle loi de programmation militaire (LPM) pour 2026-2032 devra entériner la trajectoire voulue. Une loi de rectification de la LPM en cours pourrait être nécessaire afin de fixer une croissance adaptée pour 2024 et 2025, le texte actuel ne chiffrant cette dernière que jusqu’en 2023.
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