Accorder les prestations familiales aux seuls foyers dont au moins un des parents est français
« Réserver les prestations familiales aux foyers dont au moins un des parents est français ».
Cette proposition de Marine Le Pen a été chiffrée dans le cadre de l’opération Présidentielle 2022 et est incluse dans le programme du Rassemblement national pour les législatives de 2022.
Les allocations familiales sont des prestations versées, sous conditions de ressources, aux personnes qui assument la charge effective d’au moins deux enfants de moins de 20 ans. Ces allocations peuvent être complétées par d’autres prestations.
Selon les calculs de l’Institut Montaigne, les économies estimées par la candidate seraient dans la fourchette haute des estimations possibles. L’estimation médiane des économies se situerait à 3,1 Md€ par an.
Par ailleurs, sa mise en œuvre sera d’une grande complexité juridique, politique et diplomatique. En effet, cette mesure s’oppose à des principes d’égalité de traitement entre nationaux et étrangers s’agissant des droits sociaux consacrés par le Conseil constitutionnel et plusieurs textes internationaux tels que la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Impact macroéconomique / sur le pouvoir d’achat
Le pouvoir d’achat des actuels bénéficiaires serait significativement réduit. Cette baisse entraînerait une contraction de la consommation de ces ménages, qui ont une très faible propension à épargner.
Marine Le Pen propose de réserver les prestations familiales aux foyers dont au moins un des parents est Français. Pour calculer le montant de l’économie, la candidate a appliqué au montant des allocations familiales la proportion des naissances par des couples composés de deux parents étrangers, majoré de 50 %.
Les allocations familiales sont des prestations versées, sous conditions de ressources, aux personnes qui assument la charge effective d’au moins deux enfants de moins de 20 ans. Il est nécessaire de résider habituellement en France et de détenir un titre de séjour – et d’avoir des enfants présents légalement sur le territoire, qui doivent vivre auprès des parents et à leur charge pour en bénéficier.
Ces allocations proprement dites sont complétées par d’autres prestations familiales telles que :
- Le complément familial destiné aux familles résidant avec au moins trois enfants à charge tous âgés d’au moins 3 ans et de moins de 21 ans. Cette prestation est versée à 876 000 foyers, dont un peu plus d’un quart est une famille monoparentale ;
- La prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) visant à aider à financer les dépenses liées à l’entretien et l’éducation d’un enfant. Elle est destinée aux parents d’un enfant de moins de 3 ans ;
- L’allocation de rentrée scolaire (ARS) vise à prendre en charge les fournitures scolaires à chaque rentrée. Elle est versée aux familles ayant au moins un enfant scolarisé et âgé de 6 à 18 ans.
Les hypothèses
Hypothèse de la candidate, correspondant au scénario haut de l’Institut Montaigne
Les prestations prises en compte par Marine Le Pen représentent 26 Md€ et sont réparties de la manière suivante :
- Allocations familiales : 12,7 Md€ ;
- Prestation accueil jeune enfant : 11,2 Md€ ;
- Allocation rentrée scolaire : 2 Md€.
L’économie annuelle est calculée par la formule suivante : (26 x 10 %) + 50 % (26 x 10 %) = 3,9 Md€
La part de 10 % correspond à la part des naissances de 2 parents étrangers (10,9 % en réalité selon les dernières estimations de l’Insee, voir ci-dessous). La majoration de 50 % vise à traduire selon la candidate, la part plus importante de prestations sociales dans la décomposition des revenus des immigrés par rapport au reste de la population. En effet, selon l’Insee, les immigrés touchent en moyenne 2 380€ de prestations sociales contre 1 550€ pour l’ensemble de la population (1).
Une économie annuelle de 3,9 Md€ correspond à l’estimation haute de la mesure.
Hypothèse médiane
Une autre hypothèse médiane serait de ne pas retenir la majoration de 50 % des allocations dans la mesure où ces allocations sont attribuées sous conditions de ressources tout en ajoutant au périmètre de l’économie le complément familial à destination des familles ayant au moins 3 enfants.
Tableau des allocations familiales et de leurs compléments
(en M€) | 2020 |
Allocations en faveur de la famille | 17 644 |
Allocations familiales | 12 719 |
Complément familial | 2 349 |
Allocation de rentrée scolaire (ARS) | 2 576 |
Prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) | 10 459 |
Prime naissance et allocation de base | 3 681 |
Complément mode de garde | 5 912 |
Prestation partagée d’éducation | 865 |
Total | 28 103 |
Source : Institut Montaigne d’après les données de la Cour des comptes (2)
Cette estimation est établie à partir de la proportion de naissance de 2 parents étrangers (10,9 % selon l’Insee (3)) sur l’ensemble des allocations familiales et de leurs compléments (29,9 Md€).
La suppression des allocations familiales et de ses compléments proposée par Marine Le Pen générerait alors une économie nette sur le budget général de l’État de 3,1 Md€ par an.
Hypothèse basse
Les calculs pris en compte précédemment intègrent dans les économies générées l’exclusion des enfants nés issus d’un couple comprenant deux ressortissants européens. Compte tenu des textes européens, cette situation apparaît peu vraisemblable.
Si la mesure de Marine Le Pen ne concerne que les enfants dont les deux parents sont des étrangers extra-européens, le nombre de naissances se réduit à 64 219 en 2020 sur un total de 735 196 naissances soit 8,73 %.
Dans ce scénario bas, l’économie sur les allocations familiales, le complément familial, l’ARS et la PAJE s’établirait alors à 2,5 Md€ par an.
Historique de la mesure
La suppression des allocations familiales aux étrangers a déjà été proposée à de nombreuses reprises. En 2013, le député UMP Thierry Mariani a proposé de supprimer les allocations aux étrangers qui viennent d’arriver en France avec une carte de séjour d’un an.
Eric Zemmour propose également, dans le cadre de cette campagne présidentielle, de les supprimer aux étrangers.
Mise en œuvre
Par application du principe général d’égalité, le Conseil d’État a jugé que les étrangers ne pouvaient du seul fait de leur nationalité être écartés du bénéfice d’une prestation sociale d’assistance (5). Le Conseil constitutionnel a consacré cette jurisprudence au niveau constitutionnel (6). Si les étrangers jouissent du droit à la protection sociale, ils doivent résider de manière stable et régulière sur le territoire français (7) (8).
Par ailleurs, cette mesure pourrait être jugée comme contrevenant au droit à la vie familiale garanti par les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme et à l’article 3-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant.
La mise en œuvre de cette mesure ne pourra être réalisée qu’après une modification de la Constitution et la dénonciation de plusieurs textes internationaux.
(1) Insee, 2021, Revenus et patrimoine des ménages, Niveau de vie et pauvreté des immigrés − Revenus et patrimoine des ménages | Insee.
(2) Cour des comptes, 2021, rapport annuel sur l’application de la loi de financement de la sécurité sociales, Rapport Sécurité sociale 2021.
(3) Insee, 30 septembre 2021, Naissances selon la nationalité et le pays de naissance des parents.
(4) Insee, 30 septembre 2021, Naissances selon la nationalité et le pays de naissance des parents.
(5) CE, 30 juin 1989, Ville de Paris et bureau d’aide sociale de Paris c. Lévy.
(6) CC, 22 janvier 1990, n° 89-269 DC.
(7) CC, 13 août 1993, n° 83-325 DC (considérant 3).
(8) Le Conseil d’État en 2015 (décision n° 375887) a réaffirmé ce principe et ainsi estimé que la condition de résidence régulière en France depuis au moins 5 ans imposée aux étrangers pour bénéficier du RSA ne constituait pas une discrimination illégale au regard des stipulations combinées des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 1er de son premier protocole additionnel.