Réouvrir des sous-préfectures pour territorialiser davantage l'action publique
« Renforcer le réseau des sous-préfectures à travers la France et continuer le développement des maisons France services »
En l’absence de précisions sur le projet envisagé (finalités, modalités), le coût associé à la mesure est entouré d’incertitudes. Au vu du coût actuel des maisons France Services, guichets uniques qui donnent accès dans un seul et même lieu aux principaux organismes de services publics, et de l’objectif vraisemblablement fixé, il est raisonnable d’évaluer entre 20 et 33 M€ par an le coût de ces structures supplémentaires.
S’agissant de l’ouverture de sous-préfectures, un dispositif à coût constant est envisageable en affectant des sous-préfets actuellement en poste sur des emplois non pérennes (par exemple les « sous-préfets relance »), dans une logique de mission. À l’opposé, l’ouverture de 40 sous-préfectures conçues de manière plus classique peut être évaluée à 28 M€ par an. Une hypothèse intermédiaire serait un dispositif financé à hauteur de 9 M€ par an.
Au total, cette mesure, qui vise à rapprocher les services publics des publics dans les territoires, coûterait entre 20 et 60 M€, pour un montant médian de l’ordre de 35 M€ par an.
Impact macroéconomique
L’impact macroéconomique de la mesure est marginal voire nul. Un impact local est prévisible dans les communes où sont ouverts des maisons France Services et / ou des sous-préfectures : arrivée de fonctionnaires au salaire stable, gain d’attractivité de la commune.
Le candidat propose deux mesures qui sont présentées en lien : développer les maisons France Services et rouvrir des sous-préfectures.
Développer les maisons France Services : entre 60 et 100 M€ sur 5 ans, puis entre 20 et 33 M€ par an
Début 2022, 1 330 maisons France Services (MFS) sont financées pour un total de 36,3 M€ (1). En 2019, l’objectif était d’installer une MFS par canton, soit 2 054. Fin 2021, l’objectif du président Emmanuel Macron et de son gouvernement était d’atteindre 2 543 MFS en 2022 (2). Après la labellisation de 1 330 MFS entre 2019 et 2022, ces objectifs semblent tout à fait atteignables et il semble difficile de construire une hypothèse moins-disante.
Par suite, en les retenant respectivement comme l’hypothèse médiane et l’hypothèse haute, puis en raisonnant par extrapolation, on arrive aux évaluations chiffrées suivantes :
Hypothèse médiane : objectif de 2054 maisons France Services (MFS) en 5 ans, soit une par canton | |||||||
Année | 2022 | 2023 | 2024 | 2025 | 2026 | 2027 | TOTAL 2023-27 |
Nombre total de MFS | 1 330 | 1 475 | 1 620 | 1 765 | 1 910 | 2 054 | |
Total coût MFS (M€) | 36,5 | 40,5 | 48,5 | 60,5 | 76,5 | 96,5 | 322,5 |
Nombre de MFS supplémentaires | 145 | 290 | 435 | 580 | 724 | 724 | |
Coût supplémentaire (M€) | 4 | 8 | 12 | 16 | 20 | 60 |
Hypothèse haute : objectif de 2 543 maisons France Services (MFS) en 5 ans | |||||||
Année | 2022 | 2023 | 2024 | 2025 | 2026 | 2027 | TOTAL 2023-27 |
Nombre total de MFS | 1 330 | 1 573 | 1 816 | 2 059 | 2 302 | 2 543 | |
Total coût MFS (M€) | 36,5 | 43,5 | 56,5 | 76,5 | 103,5 | 136,5 | 416,5 |
Nombre de MFS supplémentaires | 243 | 486 | 729 | 972 | 1213 | 1213 | |
Coût supplémentaire (M€) | 7 | 13 | 20 | 27 | 33 | 100 |
À coût équivalent, on peut évaluer que le financement de 2 054 MFS reviendra à 322,5 M€ sur le quinquennat (416,5 M€ pour 2 543 MFS). Dans l’hypothèse où ce rythme de croisière serait atteint à la fin du prochain quinquennat, avec une évolution lissée, le total de la dépense supplémentaire est de 60 M€ sur 5 ans (hypothèse haute : 100 M€). Une fois atteint le rythme de croisière, en 2027, le coût supplémentaire serait de 20 M€ par an (hypothèse haute : 33 M€ par an).
Rouvrir des sous-préfectures : entre 0 et 85 M€ sur 5 ans, puis entre 0 et 28 M€ par an
En l’absence de précisions, l’ouverture de sous-préfectures peut être envisagée de plusieurs manières, avec des incidences sur le chiffrage.
Dans une hypothèse de chiffrage minimal, l’ouverture de sous-préfectures peut se limiter aux 10 départements qui ont moins de 2 sous-préfectures (3).
De plus, il peut s’agir d’un sous-préfet de mission, comme l’a recommandé la Cour des comptes dans plusieurs rapports (4) (rapports publics de 2012 et de 2015 notamment), disposant d’une équipe très resserrée et installée dans une maison France Services. Dans cette hypothèse, un sous-préfet « relance » recruté entre 2020 et 2021 sans arrondissement propre pourrait être affecté sur un de ces postes. En définitive, il semble envisageable d’ouvrir de la sorte 10 sous-préfectures avec une présence minimale à budget constant, par simple réaffectation de ressources humaines disponibles.
Dans une hypothèse de chiffrage maximal, la France retrouverait son nombre maximum de 371 arrondissements (cf. infra), soit environ 40 sous-préfectures supplémentaires.
Il s’agirait de sous-préfectures à part entière, même si elles seraient logiquement plus petites que celles déjà existantes. La Cour des comptes a évalué à 900 k€ le coût annuel moyen d’une sous-préfecture (5). Ici, on peut retenir un coût de 700 k€ annuel, puisque ces sous-préfectures compteraient peu d’agents et des locaux réduits.
Le coût serait donc de 28 M€ en rythme de croisière. Une telle réforme lissée sur le quinquennat avec des ouvertures progressives des sous-préfectures (+5,6 M€ / an) représenterait un coût total de 84 M€ sur 5 ans.
Dans une hypothèse de chiffrage intermédiaire, on peut imaginer l’ouverture de 20 sous-préfectures à raison de 10 sous-préfectures « de mission » et de 10 sous-préfectures « classiques ». Les 10 premières auraient un coût unitaire annuel d’environ 200 k€ (6). Les 10 secondes auraient un coût unitaire annuel de 700 k€ (cf. supra). Le coût serait donc de 9 M€ en rythme de croisière. Une telle réforme lissée sur le quinquennat représenterait un coût total de 27 M€ sur 5 ans.
Récapitulatif et cumul des deux hypothèses :
Coût supplémentaire par an en rythme de croisière (M€) | |||
hypothèse Basse | hypothèse Médiane | hypothèse Haute | |
MFS | 20 | 26 | 33 |
sous-préfectures | 0 | 9 | 28 |
TOTAL | 20 | 35 | 61 |
Historique de la mesure
Sur les maisons France Services
Lancées sous le quinquennat d’Emmanuel Macron, les maisons France Services (MFS) regroupent différents services publics de l’État ou d’opérateurs publics. Elles ont vocation à se substituer tant aux maisons de l’État, qui offraient un accès à une gamme minimale de services publics, qu’aux maisons de service au public (MSAP) dont l’offre n’était ni rationalisée ni homogène. La circulaire du Premier ministre du 1er juillet 2019 fixe l’objectif d’installer une MFS par canton, soit environ 2 050 MFS. Une circulaire du 8 juin 2020 a fixé l’objectif de 2 543 structures pour 2022.
Sur les sous-préfectures
La France comptait un maximum de 371 arrondissements (soit environ 271 sous-préfectures, une fois retranchés les arrondissements chefs-lieux) au XIXe siècle. Un décret-loi de 1926 a entraîné la suppression de 104 arrondissements et la fermeture d’autant de sous-préfectures (+2 ; -106). Au XXe siècle, le nombre d’arrondissements a peu à peu augmenté, en lien avec l’augmentation démographique et l’urbanisation, pour atteindre 330 en 2015 (7).
La tendance récente est plutôt à la fermeture des sous-préfectures, notamment dans l’est où le nombre de sous-préfectures est très important du fait de l’héritage allemand. Entre 2013 et 2016, 6 sous-préfectures ont fermé en Alsace : 4 ont été supprimées et 4 ont donné lieu à 2 fusions (8).
Benchmark
En 2004, une étude de la DATAR proposait un parangonnage des maisons de services publics existantes en Europe. À l’exception de l’Autriche, de la Suisse et du Luxembourg, tous les pays étudiés mettaient en place des structures permettant à la fois de moderniser les prestations rendues par les administrations et de les rapprocher des citoyens.
Mise en œuvre
Un décret suffit pour modifier la carte des arrondissements et nommer des sous-préfets. La modification des arrondissements n’a pas d’impact sur le découpage électoral.
Les personnes concernées sont :
- les citoyens bénéficiant de ces services publics, en particulier dans les zones rurales éloignées des services publics et des pôles urbains ;
- les fonctionnaires concernés : agents des services publics ou para-publics regroupés dans les MFS (emploi, prestations, impôts, poste, sécurité sociale, etc.), agents de l’administration préfectorale ;
- les collectivités locales qui peuvent mettre à disposition des bâtiments.
(1) PLF 2022, justification au 1er euro du programme 612
(2) PLF 2022, ibid.
(3) 05, 06, 2A, 23, 40, 48, 69, 70, 81, 82 et 90 (ce dernier n’en a aucune)
(4) Voir par exemple : Cour des comptes, rapport public 2015, p. 8
(5) Cour des comptes, rapport public 2012, tome 1, p. 691
(6) Hypothèses : hébergement dans une maison France Services ou dans un local mis à disposition par l’État ou par une collectivité (cette mise à disposition est fréquente : cf. Cour des comptes, rapport public 2012, tome 1, p. 697) ; rémunération d’un sous-préfet, d’un agent A, d’un agent C, en ajoutant 6 000€ de frais mensuels (voiture, communication, fonctionnement, etc.)
(7) Cour des comptes, rapport public 2012, tome 1, p. 688
(8) Samuel-Frédéric Servière, « La discrète fermeture des sous-préfectures« , iFrap, 20 juin 2016