Former 25 000 infirmiers et aides-soignants, 1 250 sages-femmes, 5 000 logisticiens et 15 000 médecins de plus par an
« Neuf millions de nos compatriotes vivent encore dans un désert médical : il est temps d’agir. J’accroîtrai les capacités d’accueil de nos facultés de médecine afin qu’elles forment, ce qui est nécessaire, jusqu’à 15 000 nouveaux médecins par an. Nous porterons aussi les formations de soignants à 1 250 sages-femmes par an, 25 000 infirmiers et aides-soignants, 5 000 logisticiens, techniciens et agents hospitaliers et je poursuivrai la revalorisation de leurs rémunérations et de leurs carrières pour rendre les métiers de l’hôpital à nouveau attractifs ».
Aujourd’hui, les facultés de médecine ont un objectif pluriannuel de former 54 000 (1) médecins sur cinq ans, soit un peu moins de 11 000 par an. Même si les médecins en sortie d’études sont plutôt autour de 9 000, la mesure ne pourrait probablement s’appliquer qu’en début d’études de médecine et reviendrait donc à former 4 000 médecins de plus par an.
Concernant les infirmiers et aides-soignants, 45 000 sont diplômés (2) actuellement chaque année, augmenter de 25 000 les diplômés reviendrait donc à former 55 % d’étudiants en plus. En ce qui concerne les sages-femmes, former 1250 étudiants par an reviendrait à augmenter de 300 les effectifs des formations actuelles, et 5000 logisticiens d’environ 1700.
Trois scénarios sont simulés :
- dans un scénario bas, la mesure serait mise en place de façon lissée sur l’ensemble du quinquennat : le nombre de soignants entrant en formation augmenterait progressivement tout au long du quinquennat pour atteindre les objectifs de la mesure ; ce lissage résulterait des contraintes capacitaires qui freineraient le déploiement immédiat de la mesure ;
- dans un scénario haut, le nombre de formations supplémentaires cible serait atteint dès 2023 ; dans ce scénario, l’attention portée sur la santé et les services publics après la crise sanitaire conduirait à lever rapidement les freins au déploiement de la mesure;
- dans un scénario médian, le plus vraisemblable en termes de faisabilité, la vitesse de déploiement se situerait entre les deux scénarios précédents.
Le coût du scénario médian s’élèverait à 5,5 Md€ sur l’ensemble du quinquennat (7,6 Md€ pour le scénario haut et 3,2 Md€ pour le scénario bas).
Impact macroéconomique
La mesure devrait contribuer à améliorer le service public de santé, et donc la santé de la population, ce qui est positif pour l’activité économique à long terme. En revanche, la mesure induirait une hausse pérenne des dépenses publiques, susceptible de contraindre l’enveloppe budgétaire d’autres politiques publiques ou bien de nécessiter des hausses de prélèvement qui pèseraient sur l’activité économique, sauf à accroître le déficit public.
Approche | Court terme | Long terme |
Effet positif | Répondre à l’engorgement des hôpitaux | Renforcer la résilience des structures hospitalières et systèmes de soins |
Effet négatif | Coût pour les finances publiques | Coût élevé pour les finances publiques (une fois tous les soignants formés, coûts sur l’ensemble de leur carrière) |
(1) Arrêté du 13 septembre 2021 définissant les objectifs nationaux pluriannuels de professionnels de santé à former pour la période 2021-2025, https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044053576. L’équipe de chiffrage a retenu la fourchette haute comme tendanciel, étant donné que l’offre de places en médecine est bien inférieure à la demande des étudiants qui souhaitent s’y inscrire.
(2) DREES, 2021, La formation aux professions de santé, https://data.drees.solidarites-sante.gouv.fr/explore/dataset/491_la-formation-aux-professions-de-sante/information/
Les coûts unitaires retenus sont ceux déduits du Rapport annuel sur l’état de la fonction publique, publié par la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) en 2021, et du rapport « Les établissements de santé » publié par la Direction des recherches, des études de l’évaluation et des statistiques (DREES) en 2020. D’après ces documents, les coûts annuels de recrutement d’un médecin ou d’un personnel de services de soins en début de carrière, charges sociales comprises, sont de 26 300€ pour les personnels des services de soins.
Le coût annuel retenu de formation d’un personnel de services de soins ou d’un médecin, issu des données du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, s’élève à 14 270€ en 2019.
Aujourd’hui, les facultés de médecine ont un objectif pluriannuel de former 54 000 médecins sur cinq ans, soit un peu moins de 11 000 par an. Même si les médecins en sortie d’études sont plutôt autour de 9 000, la mesure ne pourrait probablement s’appliquer qu’en début d’études de médecine et reviendrait donc à former 4 000 médecins de plus par an.
Concernant les infirmiers et aides-soignants, 45 000 sont diplômés actuellement chaque année, augmenter de 25 000 les diplômés reviendrait donc à former 55 % d’étudiants en plus. En ce qui concerne les sages-femmes, former 1250 étudiants par an reviendrait à augmenter de 300 les effectifs des formations actuelles, et 5 000 logisticiens d’environ 1 700.
Trois scénarios sont simulés : la mesure mise en place de façon lissée sur l’ensemble du quinquennat, la mesure mise en place de façon immédiate en début de quinquennat, et un scénario médian, plus vraisemblable en termes de faisabilité. Le coût du scénario médian s’élèverait à 5,5 Md€ sur l’ensemble du quinquennat (7,6 Md€ pour le scénario immédiat et 3,3 Md€ pour le scénario lissé).
Dans le premier scénario dit lissé, où la mesure est mise en place de façon lissée sur l’ensemble du quinquennat, la mesure appliquée permettrait d’atteindre l’augmentation de places en médecine de 15 000 seulement en 2027, contre environ 11 800 aujourd’hui ; l’augmentation du nombre de place serait progressive sur la durée du quinquennat. La même progression graduelle se produirait pour les autres métiers. Pour les sages-femmes, 1 250 étudiants supplémentaires en première année en 2027, au lieu de 950 en moyenne aujourd’hui, pour les techniciens, 5 000 en 2027 au lieu de 3 300. En ce qui concerne les infirmiers et aides-soignants, cela reviendrait à intégrer 70 000 étudiants en première année en 2027, contre 45 000 aujourd’hui.
Dans le scénario immédiat, les objectifs de nombre de places de formation en première année seraient atteints dès 2023, et seraient maintenus sur l’ensemble de la durée du quinquennat.
Le scénario médian est réalisé en prenant exactement la moyenne des deux scénarios, c’est celui qui est retenu par l’équipe de chiffrage comme le plus vraisemblable. En effet, la mise en place de nouvelles places de formations peut prendre du temps si elle se heurte à des contraintes administratives, budgétaires ou de capacités physiques des établissements. Mais le contexte de crise sanitaire, et l’attention portée sur le système de santé, pourraient conduire à lever un certain nombre de freins et accélérer la mise en œuvre de la mesure.
Il convient de préciser certaines hypothèses sur le chiffrage :
- Les nombres de formation et de recrutement sont calculés séparément. Par exemple, pour les médecins formés, la mesure n’entraînera pas de recrutement durant le quinquennat, car augmenter en début d’études de médecine le nombre d’étudiants formés n’aura un impact sur les recrutements qu’environ 10 ans après. Pour ce qui est des sages-femmes, quelques recrutement sont à prévoir en fin de quinquennat, en prenant pour hypothèse que 66 % d’entre elles seront employées par le public. Pour les techniciens, les formations sont plus courtes, donc en fin de quinquennat des recrutements non négligeables sont à prévoir. De même pour les infirmiers et les aides-soignants;
- Les nombres d’étudiants formés, et les coûts, sont cumulatifs : en effet dans le cas des médecins par exemple, en fin de quinquennat, le nombre d’étudiant supplémentaires est la somme du nombre d’étudiants entrés de première années supplémentaires de 2023, 2024, 2025, 2026 et 2027, soit en tout 22 520, étudiants supplémentaires dans le scénario médian, conduisant à un coût de 607 M€;
- Enfin, il convient de préciser que la mesure chiffrée ne prend en compte que les coûts à court terme sur l’ensemble du quinquennat à venir, mais pas les coûts de formation et de recrutement qu’elle entraînerait au-delà du quinquennat (en particulier, les recrutements de médecins formés en plus interviendront après 2027).
Récapitulatif du chiffrage du scénario médian :
2023 | 2024 | 2025 | 2026 | 2027 | Total | ||
médecins | formation | 31 | 69 | 114 | 167 | 226 | 607 |
recrutement | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | |
sages-femmes | formation | 3 | 6 | 9 | 13 | 15 | 45 |
recrutement | 0 | 0 | 0 | 0 | 3 | 3 | |
techniciens | formation | 14 | 31 | 50 | 58 | 65 | 218 |
recrutement | 0 | 0 | 0 | 27 | 58 | 84 | |
infirmiers et aides-soignants | formation | 214 | 464 | 749 | 856 | 963 | 3 246 |
recrutement | 0 | 0 | 0 | 395 | 855 | 1 249 | |
Total | formation | 262 | 570 | 923 | 1093 | 1269 | 4 116 |
recrutement | 0 | 0 | 0 | 421 | 915 | 1 336 | |
Total | 262 | 570 | 923 | 1514 | 2 184 | 5 453 |
Difficultés pour le chiffrage, aléas et incertitudes
De nouveau, il est important de préciser que la mesure ne chiffre l’impact financier que sur l’ensemble du quinquennat, et ne prend pas en compte les coûts annuels de long terme du fait que la mesure implique une augmentation pérenne du flux d’étudiants formés.
Les hypothèses de rythme de recrutement sur lesquelles se fonde le chiffrage réalisé n’ont pas été précisées par le candidat.
Le chiffrage ne prend pas en compte d’éventuels effets d’augmentation de la valeur du point fonction publique, de mesures catégorielles ou de revalorisation des carrières des fonctionnaires recrutés. Le chiffrage ci-dessus peut dès lors être considéré comme un plancher.
Historique de la mesure
La hausse du nombre de soignants a été progressive à partir de la fin du XXème siècle alors que le numerus clausus pour les études de médecine était tombé à 3 500 en 1998, soit un niveau très éloigné du niveau initial fixé à 8 000 par la loi du 12 juillet 1971.
Si le nombre d’admissions en 2ème année des études de médecine est passé de 9 361 places en 2020 à 10 800 places, soit une hausse de 19,4 %, cette dernière résulte en partie de la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé qui a retiré le numerus clausus annuel à compter de la rentrée universitaire de 2020, pour le remplacer par un numerus clausus pluriannuel. La hausse de la formation de nouveaux soignants s’est accélérée. Au total, la réforme des études de santé tous cycles confondus et la hausse des admissions ont pour effet une charge budgétaire supplémentaire de 38 M€ en 2022 pour l’État.
Le Gouvernement a lancé en parallèle un plan d’accès aux soins en octobre 2017 dans le cadre de la stratégie Ma Santé 2022. Des aides d’installation de 50 000€ sur 3 ans, la création de postes d’assistants partagés entre ville et hôpital ou la mise en place d’un contrat d’engagement de service public équivalent à une allocation mensuelle de 1 200€ par mois en échange d’une installation en début de carrière dans des déserts médicaux, ont pour objectif d’inciter les jeunes médecins à s’installer dans ces zones sous-dotées. Il convient de préciser que les aides ne sont pas le principal déterminant à l’installation des médecins (1).
La contractualisation ainsi que le recours à des soignants étrangers constituent enfin un autre levier pour pallier les potentielles pénuries dans les hôpitaux publics.
Benchmark
La plupart des pays de l’OCDE utilisent le numerus clausus pour réguler leur offre de soins. Dès lors, des pays comme l’Allemagne, les Pays-Bas ou le Canada affichent un fort dynamisme de l’offre de médecins rapportée à 100 000 habitants avec 2 % d’augmentation par an. La France, si elle affiche une courbe positive, reste éloignée de ce rythme de croissance, limitée à 0,4 % par an.
Néanmoins, si en Allemagne, le numerus clausus appliqué à la sortie du baccalauréat est large tant pour les médecins que pour les infirmiers, la stratégie de l’Irlande, du Canada ou du Royaume-Uni s’appuie sur un large recours aux professionnels étrangers, généralement formés dans le Commonwealth. L’Allemagne affiche un taux d’infirmiers et médecins recrutés à l’étranger de 9 et 12 %, soit des niveaux supérieurs à la France, se limitant à 3 et 11 % de cette main d’œuvre.
Mise en œuvre
Afin de pouvoir réellement augmenter le nombre d’étudiants formés, il faut pouvoir augmenter les places dans les universités et les écoles concernées. Si la mesure semble réalisable pour les techniciens et les sages-femmes, elle semble ambitieuse pour les médecins (augmentation de 30 % des étudiants formés) et difficile à mettre en œuvre pour les infirmiers et les aides-soignants (augmentation de 55 % des étudiants formés).
La hausse du personnel soignant s’accompagne principalement d’une stratégie de numerus clausus élargi et d’un recours accru aux professionnels étrangers. Les capacités hospitalières doivent être également suffisantes pour accueillir ce surplus de main d’œuvre, tant en formation qu’en carrière.
Dès lors, à la suite de la réforme de l’organisation et de la transformation du système de santé initiée en 2019, le nombre cible de soignants (pour les médecins et les sages-femmes notamment) est déterminé à deux niveaux, local et national, sous la forme de concertations régionales menées entre les universités et les agences régionales de santé (ARS), puis nationale avec la fixation d’un objectif national pluriannuel (ONP) sur 5 ans.
Le deuxième volet d’action se situe au moment des épreuves nationales classantes qui interviennent en 6ème année d’études de médecine, lorsque le Gouvernement fixe l’ouverture des postes par voie d’arrêté ministériel, mais qui ne peut de fait concerner qu’une augmentation du recrutement des médecins étrangers, étant donné que la taille du vivier d’étudiants du premier cycle d’études de médecine est déterminée préalablement par les ONP.
(1) CNOM, 2019, Enquête sur les déterminants de l’installation chez les internes, les remplaçants exclusifs et les installés, https://www.isnar-img.com/wp-content/uploads/Dossier-de-presse-Enqu%C3%AAte-d%C3%A9terminants-installation-CNOM-CJM-1.pdf.
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