"SÉSAME est la déclinaison opérationnelle d’une recommandation forte de l’Institut Montaigne en faveur d’une plus grande gradation des soins. Il propose une réponse non stigmatisante au plus près du lieu de vie du patient et promeut une prise en charge globale complémentaire des mesures gouvernementales telles que MonSoutienPsy ou la Mesure 31 du Ségur de la Santé. Par ce modèle, l’Institut Montaigne fait le pari de la prévention et invite à ouvrir une réflexion sur les rôles, la place et la nécessaire coopération des différents professionnels."

Johanna Couvreur, Responsable du Programme Santé à l'Institut Montaigne

"L’offre de soins psychiatriques ne parvient plus à suivre et il devient urgent de repenser nos modèles de prise en charge et d’organisation des soins. Des interventions simples et efficaces, en particulier dans la dépression, sont réalisables en soins primaires à condition de soutenir nos collègues médecins généralistes et de favoriser l’accès aux psychothérapies. Le modèle des soins collaboratifs permet également un repérage précoce des situations plus sévères ou plus complexes, souvent diagnostiquées avec retard et nécessitant d’être adressées dans les filières de soins spécialisées."

Pr. Christine Passerieux, Psychiatre au Centre hospitalier de Versailles

Santé mentale : les médecins généralistes en première ligne

Dans 76 % des cas, les Français envisagent de consulter leur médecin généraliste en première intention en cas de problème de santé mentale. Pour autant, ces derniers font face à de multiples défis : temps moyen de consultation réduit (16 min environ), formation insuffisante à la psychiatrie et saturation des soins psychiatriques qui offrent peu de relais de prise en charge. Cette situation fait obstacle à un repérage précoce et à une prise en charge appropriée : 50 % des patients présentant des troubles dépressifs et anxieux ne sont pas repérés par les médecins généralistes.

Relever ce défi nous impose d’imaginer de nouveaux parcours de soinsfaisant intervenir le bon professionnel de santé, pour le bon patient, au bon moment. Ils doivent être construits autour d’une conviction forte : la santé mentale n’est pas l’affaire de la seule psychiatrie et doit mobiliser l’ensemble des ressources sanitaires, sociales et médico-sociales utiles aux patients.

Le modèle SÉSAME : une expérimentation inédite en France

Inspiré du collaborative care model développé dans les années 1990 par le Centre Advancing Integrated Mental health Solutions (AIMS) de l’Université de Washington (Seattle, États-Unis), le modèle SÉSAME propose la constitution d’une équipe de soins spécialisée en santé mentale, en contact régulier grâce à un système de télé-expertise dédié :

• Le médecin généraliste assure le dépistage et la prise en charge des patients
• L’infirmier coordinateur assure l’intensité des soins
• Le psychiatre supervise à distance le travail de l’infirmière sous la forme d’une revue de cas hebdomadaire pour aborder le cas des patients qui ne s’améliorent pas

Généralement compris entre 6 et 12 mois, le parcours de soins de SÉSAME se structure en plusieurs étapes :

1. une phase de dépistage par le médecin généraliste,
2. une évaluation initiale par l’infirmier,
3. une phase de prise en charge par l’infirmier, à travers des contacts proposés tous les quinze jours,
4. une phase de prévention des rechutes (qui concernent près de 50 % des patients après un premier épisode dépressif) où les contacts deviennent mensuels afin de travailler à l’autonomisation du patient, et enfin,
5. la sortie du dispositif, en cas de rémission, d’orientation vers des soins spécialisés ou de souhait du patient.

Depuis 2020, le projet SÉSAME a mobilisé 17 médecins généralistes, 3 infirmières et 3 psychiatres. Plus de 700 patients ont été adressés à SÉSAME. Alors que leur efficacité avait déjà été largement démontrée à l’international, les premiers résultats confirment la pertinence des soins collaboratifs dans le système français. Les professionnels de santé saluent la précocité de la prise en charge et la mobilisation des ressources psychologiques, sanitaires et sociales adéquates. Les patients louent l’approche non-stigmatisante et la prise en charge financière, favorisant l’accès aux soins et contribuant à déconstruire les idées reçues sur les soins psychiatriques.

Article 51 : relever le défi du passage à l’échelle

SÉSAME représente une perspective prometteuse pour notre système de santé et la prise en charge des troubles mentaux les plus fréquents. Modèle promu par l’Assurance maladie, SÉSAME vient d’obtenir un financement dérogatoire au titre de l’Article 51. Cette reconnaissance constitue une opportunité unique de passage à l’échelle du modèle en région Île-de-France et la mise en œuvre d’un modèle de tarification appelé à être généralisé en France si l’expérimentation fait la preuve de sa faisabilité comme de son efficacité.