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Forger l’industrie post-carbone : comparatif Europe-Asie | |
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Alors que les auditions des futurs commissaires européens se préparent, l’Europe se trouve à un moment critique pour son avenir économique. Le secteur industriel, qui représente plus d’un quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre, est un pilier de son économie qui fait face à une transformation profonde. Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, l’Europe doit accélérer la décarbonation de son industrie tout en résistant aux géants industriels, dont la Chine et les États-Unis, qui se positionnent de manière agressive. Face à cette priorité stratégique pour les décennies à venir, et alors que la nouvelle Commission européenne devra présenter un Pacte pour une industrie propre (Clean Industrial Deal) en cent jours, l’Institut Montaigne dévoile un nouveau rapport intitulé "Forger l’industrie post-carbone : comparatif Europe-Asie", porté par Joseph Dellatte, expert résident climat, énergie et environnement à l’Institut Montaigne. |
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Ce rapport propose une feuille de route pour l’Europe basée sur une analyse comparative des stratégies de décarbonation de l’UE et des trois puissances industrielles d’Asie (Chine, Japon, Corée du Sud). Il se structure autour de deux axes : - Une analyse proposant une politique européenne de décarbonation industrielle réaliste et ambitieuse, enrichie par certaines pratiques adoptées en Asie et soutenue par un financement commun de 100 milliards d’euros par an.
- Un éclairage sectoriel consacré à la décarbonation de l’acier et de l’aluminium.
Ce travail est le fruit de plus d’un an de recherche et repose sur près de 500 auditions avec des décideurs politiques et industriels européens et asiatiques, en grande partie menées lors de déplacements en Europe, au Japon, en Corée du Sud et aux Émirats arabes unis lors de la COP 28. Il repose également sur un dialogue international organisé à Paris et qui a rassemblé une quarantaine de décideurs européens, japonais et sud-coréens. "Alors que les grandes puissances industrielles intensifient leurs politiques pour dominer l'ère post-carbone, l'Union européenne se trouve à un tournant : elle doit non seulement décarboner son industrie, mais aussi restaurer une compétitivité en déclin. En tant que pionnière, l'Europe doit tirer des enseignements des stratégies des géants industriels asiatiques; chinoises, japonaises et coréennes, pour élaborer sa propre voie dans un monde de plus en plus compétitif, si elle souhaite rester en course." - Joseph Dellatte, Expert résident climat, énergie et environnement à l’Institut Montaigne. |
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Stratégie industrielle verte : des obstacles à surmonter |
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En matière de politique industrielle, l’Europe doit composer avec les spécificités qui sont les siennes : le caractère fragmenté de sa gouvernance, le manque de coordination entre les États membres, des lacunes en pensée stratégique industrielle, et l’absence de financement commun. De plus, la décarbonation de l’industrie nécessite une énergie propre et à bas coût. Or, les coûts élevés de l’énergie en Europe menacent de freiner cette transition et de provoquer des délocalisations, tandis que les incertitudes technologiques pourraient désavantager l’Europe dans la compétition mondiale si elle venait à faire les mauvais choix. |
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Comparatif Europe-Asie : des enseignements à tirer |
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Chaque acteur adopte des stratégies différentes pour réussir sa transition vers une économie post-carbone : - La Chine, avec sa politique dirigiste, ses capacités industrielles massives et sa position dominante, cherche à équilibrer croissance industrielle et durabilité tout en maîtrisant l’agenda de décarbonation de ses industries les plus émettrices.
- Le Japon, grâce coopération public-privé étroite, met l'accent sur la R&D, notamment dans l'hydrogène, bien qu’il reste tributaire d’une situation énergétique défavorable à l’industrie de l’après-carbone.
- La Corée du Sud, dominée par ses conglomérats, avance plus lentement dans la transition énergétique. Si elle se concentre sur l'hydrogène, elle reste dépendante des combustibles fossiles et mise sur un avantage au second entrant.
- En Europe, si des premières étapes ont été franchies, comme avec le règlement pour une industrie "zéro net" ou la plateforme STEP, elles demeureront insuffisantes et les disparités entre les États membres ne cessent de croître.
Pour réussir, l’Europe doit développer une stratégie industrielle à même de favoriser l’innovation et le déploiement de technologies propres. |
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7 recommandations pour forger l’industrie européenne post-carbone |
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- Établir un financement commun de 100 milliards d'euros par an au niveau de l'UE par le biais d’obligations industrielles propres européennes (Clean Industrial Bonds) financées par l’anticipation des futures recettes fiscales sur le carbone prévues à partir de 2028.
- Créer une Agence européenne de la stratégie industrielle propre chargée de formuler des orientations technologiques, de garantir la cohérence entre mécanismes nationaux et européens, et de créer un guichet unique de financements européens pour les projets de décarbonation.
- Adopter une stratégie promouvant la demande de biens verts européens, notamment à travers la commande publique et les mandats d’achat vert.
- Utiliser la politique commerciale comme un instrument au service de la stratégie industrielle en encourageant les échanges commerciaux avec les pays adoptant un agenda similaire.
- Soutenir la demande d'électrification de l'industrie en assurant la coordination entre les États membres et en anticipant les besoins futurs.
- Adopter une stratégie fondée sur des pôles industriels technologiques intersectoriels afin de stimuler l’innovation et de déployer les technologies propres.
- Établir des normes industrielles propres.
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Focus sectoriel : décarboner les industries stratégiques |
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Pour bâtir une industrie post-carbone, l’Europe devra adopter une approche sectorielle afin de répondre aux défis technologiques et réglementaires propres à chaque industrie, en tenant compte des spécificités locales des régions productrices. Les secteurs de l’acier et de l’aluminium sont à cibler en priorité du fait de leur forte intensité carbone (respectivement 8 % et 2 % des émissions mondiales) et de leur importance pour l’économie et pour la transition énergétique. Ce rapport propose des solutions pour les décarboner en agissant sur des leviers européens pour accélérer la production de biens industriels verts, soutenir le financement et l’innovation, et garantir une compétition équitable avec le reste du monde. |
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À propos de l’Institut Montaigne Créé en 2000, l’Institut Montaigne est un espace de réflexion, de propositions concrètes, et d’expérimentations au service de l’intérêt général. Think tank de référence en France et en Europe, ses travaux sont le fruit d’une méthode d’analyse rigoureuse, critique et ouverte qui prennent en compte les grands déterminants sociétaux, technologiques, environnementaux et géopolitiques afin de proposer des études et des débats sur les politiques publiques. Association à but non lucratif, l’Institut Montaigne organise ses travaux autour de quatre piliers thématiques : la cohésion sociale, les dynamiques économiques, l’action de l’État et les coopérations internationales. Menés dans la collégialité et l’indépendance, l’Institut Montaigne réunit des entreprises, des chercheurs, des fonctionnaires, des associations, des syndicats, des personnes issues de la société civile et d’horizons divers. Nos travaux s’adressent aux acteurs publics et privés, politiques et économiques, ainsi qu’aux citoyens engagés. Depuis sa création, ses financements sont exclusivement privés, aucune contribution n'excédant 1,2 % d'un budget annuel de 7,2 millions d'euros. |
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