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Communiqué de presse À Paris, le 25 novembre 2021




CP-25/11/2021 Secteur bancaire européen

Paris - le 25 novembre 2021 - Depuis la crise financière de 2008, le secteur bancaire européen est en perte de compétitivité : ayant vu leur rentabilité se dégrader avec un différentiel de 3 à 5 points depuis 2013 en faveur des banques américaines, délaissées par les investisseurs et mal valorisées par les marchés financiers, les banques européennes pourraient ne plus avoir demain les moyens d’investir pour assurer leur avenir. 

Face à ce constat, l’Institut Montaigne publie aujourd’hui le rapport Réinvestir le secteur bancaire européen et appelle toutes les parties prenantes de l’écosystème bancaire européen à se mobiliser pour relancer ce secteur stratégique, dans lequel l’Europe détient de réels atouts.

Sur la base de plus de soixante entretiens avec les principaux dirigeants de banques et des régulateurs européens, ce travail piloté par François Pérol, Managing Partner et co-président du comité exécutif du groupe Rothschild & Co, et Natacha Valla, économiste, doyenne de l'École du management et de l'innovation de Sciences Po, montre qu’il est impératif que les acteurs industriels et les décideurs publics se partagent cet effort pour renouer avec l’ambition européenne de 2010, c’est à dire l'émergence d’un secteur bancaire restructuré qui soit le pendant de la zone euro. 

Pour satisfaire cette ambition, plusieurs axes clés émergent du rapport : 

  • affirmer une vision industrielle du secteur, portée par les principaux États détenteurs d’actifs bancaires (France, Allemagne, Espagne, Italie et Pays-Bas), avec des objectifs de stabilité financière, mais aussi de développement, de capacité de projection au-delà des frontières, et de rentabilité ;
  • se fixer pour objectif stratégique de finaliser le projet l’Union bancaire en 2030, en particulier avec la mise en place d’un mécanisme européen de garantie des dépôts ;
  • avancer avec l'établissement de l’Union des marchés de capitaux, notamment pour éviter d’être autant pénalisé par les règles prudentielles internationales par rapport aux banques américaines.

"La perte de compétitivité du secteur bancaire européen est un problème pour les banques, bien sûr, mais aussi pour l’Europe en tant que puissance économique et politique, car la banque n’est pas une industrie comme les autres. L’industrie bancaire européenne a un rôle majeur à jouer dans le financement de l’économie européenne et de ses grandes transitions, notamment écologique, dans la transformation de son épargne, dans la circulation des capitaux au sein de la zone euro et, plus généralement, au service de la souveraineté de l’Europe et des États qui la composent" nous explique François Pérol, Managing Partner et co-président du comité exécutif du groupe Rothschild & Co, et co-président du groupe de travail de l’Institut Montaigne.

"Un marché domestique fragmenté, associé à des marchés de capitaux trop peu profonds, empêchent les banques européennes de bénéficier des mêmes économies d’échelle et des mêmes souplesses de gestion de leur bilan que leurs concurrentes américaines. L’éclatement du marché européen est par ailleurs aggravé par le maintien des régulations nationales, les divergences d’application des directives européennes et les différences de régimes fiscaux. En particulier, le cadre de résolution européen est encore très peu utilisé" soutient Natacha Valla, économiste, doyenne de l'École du management et de l'innovation de Sciences Po, et co-présidente du groupe de travail de l’Institut Montaigne.

"Déjà mises sous tension par l’environnement macroéconomique et une réglementation bâloise accrue, les banques européennes font face à une concurrence qui s’intensifie avec l’émergence de nouveaux acteurs spécialisés sur des segments précis de la chaîne de valeur : d’une part les nouveaux acteurs technologiques de type "néobanques", Fintech et BigTech, d’autre part les institutions du monde du système bancaire dit "parallèle" (fonds de dette, fonds spéculatifs …) " explique Jean-Werner de T'Serclaes, Managing Director & Senior Partner, Boston Consulting Group, rapporteur général de cette publication.

Depuis la crise de 2008, les banques européennes sont plus solides mais moins rentables...

Suite aux deux crises successives, financière et souveraine, qu’a connues l’Europe entre 2008 et 2013, les banques européennes ont mené un véritable effort d’assainissement de leurs bilans au cours des dix dernières années. Mieux capitalisées avec entre 2008 et 2020 une augmentation de 65 % de leurs fonds propres et un ratio de solvabilité en progression de 7 points de pourcentage, et plus liquides avec des ratios de liquidité à court et long terme très supérieurs aux nouveaux minima fixés par la réglementation, les banques européennes apparaissent plus stables et résilientes : en témoigne leur capacité à soutenir un choc économique de grande ampleur en 2020.

Malgré ces indéniables avancées, les banques européennes sont aussi beaucoup moins rentables : le retour sur capital des 30 plus grandes banques européennes est passé de 17 % avant 2008 à 8 % en 2019. C’est moins que leurs homologues américaines, qui ont retrouvé plus vite une rentabilité supérieure de 4 à 5 points. C’est moins aussi que le coût de leur capital, qui lui n’a pas baissé depuis la crise. Depuis plusieurs années, la bourse juge donc que les banques européennes ne valent pas leurs fonds propres - comme si elle n’avait plus confiance dans leur modèle de développement.

Cette contre-performance s’explique par une situation conjoncturelle défavorable : une croissance relativement faible de +1,2 % par an du PIB en Union européenne entre 2010 et 2019, plus faible qu'aux États-Unis (+2 % par an) et que dans les marchés émergents ; et une politique de taux d'intérêt négatifs que l'on ne retrouve qu'au Japon.

En parallèle, les banques européennes souffrent de facteurs structurels limitant leur performance parmi lesquels : 

  • un marché européen fragmenté (les 3 premières banques détiennent seulement 10-15 % des actifs de la zone contre 35 % aux États-Unis) et une place des marchés de capitaux limitée
  • une réglementation internationale inadaptée aux spécificités du modèle européen (système de financement de l’économie fondé en Europe sur le crédit, plutôt que sur les marchés de capitaux) ; 
  • une multiplication sans précédent de nouveaux concurrents (néobanques, FinTechs, BigTechs, shadow banking) actifs sur l’intégralité de la chaîne de valeur (banque de détail, banque de financement et d’investissement, solutions de paiements, produits spécialisés) et qui proposent des standards de technologie et d’expertise difficilement atteignables pour les banques.

...de ce fait, la pérennité du secteur bancaire européen est remise en cause alors même qu’elle devrait être un enjeu stratégique majeur pour l’Europe. 

Un secteur bancaire robuste et performant est déterminant pour permettre au système financier de répartir efficacement l’épargne au sein du continent.

Un secteur bancaire européen robuste est également gage d’une véritable souveraineté européenne : 

  • les banques fournissent des intrants indispensables à tous les autres secteurs de l’économie
  • les banques sont un relai puissant de la décision politique (transmission de la politique monétaire, allocation de l’épargne, financement des États, soutien de la stabilité macroéconomique et de la diffusion des politiques budgétaires en cas de crise) ; 
  • seules des banques solides sont en mesure de relever le défi du financement de la transition écologique et de l’édiction de ses normes au niveau mondial ;
  • les banques sont un levier puissant d’influence et d’intelligence économique (notamment grâce à leurs métiers de conseil et de gestion de la dette publique).

Les 14 recommandations de l’Institut Montaigne 
pour réinvestir le secteur bancaire européen

Objectif 1 : réaffirmer le caractère stratégique du secteur bancaire, et rechercher l'achèvement de l'Union bancaire et des progrès effectifs dans l'établissement de l’Union des marchés de capitaux
 
Proposition 1 : Positionner la stabilité et la compétitivité du secteur bancaire comme une priorité stratégique de l’Union européenne. Le secteur bancaire est certes plus résilient qu’avant la grande crise financière mais il n’a plus les moyens de son développement futur. L’enjeu est de maintenir son rang à moyen terme par rapport à la compétition internationale et aux nouveaux acteurs.

 
Proposition 2 : Favoriser l'intégration du secteur bancaire européen notamment en facilitant les activités transfrontalières.

 
Proposition 3 : Accomplir des progrès tangibles sur le chantier de l’Union bancaire, avec pour objectif premier d’amener les États membres à se positionner sur le secteur bancaire qu’ils souhaitent pour l’Union européenne d’ici 10 ans. En cas d’accord sur une vision partagée, élaborer une nouvelle feuille de route crédible au service de cette vision, avec des engagements fermes de finalisation, notamment en matière de résolution et d’assurance des dépôts. 

 
Proposition 4 : Donner la profondeur nécessaire aux marchés de capitaux européens et poursuivre leur intégration. Pour ce faire, prioriser le développement de la titrisation. 

 
Objectif 2 : élaborer une politique industrielle pour le secteur bancaire européen à l’ère numérique 
 
Proposition 5 : Soutenir activement l’initiative européenne pour les paiements en vue d’une meilleure intégration paneuropéenne dès 2022.

 
Proposition 6 : En matière de transition écologique, affirmer la taxonomie européenne comme la norme de référence au niveau international pour la définition des investissements verts et durables, en surmontant les dernières oppositions entre États membres. Développer dans le même temps les obligations de reporting extra-financier des entreprises..

 
Proposition 7 : Veiller à ce que le cadre légal et réglementaire assure des conditions de concurrence équitable à activités équivalentes avec les acteurs non bancaires et internationaux. Assurer par exemple des obligations de partage des données équivalentes pour les acteurs bancaires et non bancaires.

 
Objectif 3 : intégrer plus explicitement des considérations de stabilité financière dans la normalisation de la politique monétaire 
 
Proposition 8 : Assurer la pleine opérationnalisation de l’intégration de la stabilité financière à la définition par la Banque centrale européenne de sa politique monétaire, à la suite de sa revue stratégique de juillet 2021.

 
Proposition 9 : Conserver une utilisation fluide des instruments de pilotage de la liquidité créés en temps de crise par la Banque centrale européenne.

 
Proposition 10 : Conserver de la souplesse dans le collatéral éligible par la Banque centrale européenne et en faire un instrument actif de la conduite de la politique monétaire, dans le respect d’une exposition aux risques maîtrisée.

 
Proposition 11 : Accueillir favorablement le développement d’un euro numérique (CBDC) tout en veillant à (i) orienter ses modalités de mise en œuvre en synergie avec l’intermédiation bancaire européenne, en envisageant de s’appuyer sur les banques comme un intermédiaire de distribution exclusif et à (ii) assurer une mise en œuvre qui préserve la stabilité financière et le rôle des banques dans la transmission de la politique monétaire.

 
Objectif 4 : insérer la supervision et la réglementation bancaire européenne dans une vision globale et prospective des enjeux du secteur
 
Proposition 12 : Finaliser et assouplir les critères d’utilisation du cadre européen de gestion des crises bancaires.

 
Proposition 13 : Faciliter une gestion transfrontalière des banques en réduisant les barrières entre pays d’origine et pays d’accueil dans le cadre de la gestion du capital et des liquidités notamment. 

 
Proposition 14 : Offrir les marges de manœuvre requises à l'équilibre concurrentiel avec les banques étrangères et en particulier américaines. Pour ce faire, promouvoir une transposition européenne des réformes finales de Bâle III qui vise à minimiser voire neutraliser le surcoût en capital occasionné.

À propos de l’Institut Montaigne |

Think tank indépendant créé en 2000, l’Institut Montaigne est une plateforme de réflexion, de propositions et d’expérimentations consacrée aux politiques publiques en France et en Europe. Ses travaux sont le fruit d'une méthode d'analyse et de recherche rigoureuse et critique, ouverte sur les comparaisons internationales. L’Institut Montaigne, association à but non lucratif pionnière en France, réunit des chefs d'entreprise, des hauts fonctionnaires, des universitaires et des personnalités issues d’horizons divers. Ses financements sont exclusivement privés, aucune contribution n'excédant 1,5 % d'un budget annuel de 6,5 millions d'euros. À travers ses publications et les événements qu’il organise, l'Institut Montaigne souhaite jouer pleinement son rôle d'acteur du débat démocratique.

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Lara Oliveau
Responsable de la communication et des relations presse
06 99 79 43 62
loliveau@institutmontaigne.org

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