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03/11/2015

Qu’attendre de la réforme du droit du travail ? Trois questions à Angèle Malâtre-Lansac

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Qu’attendre de la réforme du droit du travail ? Trois questions à Angèle Malâtre-Lansac
 Angèle Malâtre-Lansac
Auteur
Ancienne directrice déléguée à la Santé

 


Alors que la ministre du Travail dévoilera le 4 novembre les grandes orientations du projet de loi sur le droit du travail qui sera présenté début 2016, Angèle Malâtre-Lansac, directrice adjointe de l'Institut Montaigne, en décrypte les principaux enjeux.

 

 

 

 

Pourquoi faut-il faire une loi sur la réforme du droit du travail ?

Depuis quelques mois, on note un consensus très fort entre de nombreuses institutions et experts de sensibilités différentes sur la nécessaire réforme du droit du travail. Ce consensus se fait autour de trois idées :
- le Code du travail est devenu trop épais et illisible. Dans leur ouvrage Le travail et la loi, Robert Badinter et Olivier Lyon-Caen dénoncent un Code du travail qui ne réduit plus le chômage mais y contribue tant il est devenu complexe pour les salariés comme pour les entreprises ;
- la loi prédomine dans la production de normes relatives au marché de l’emploi. Cette hiérarchie des normes, qui fait primer la loi sur l’accord, empêche le droit du travail de s’adapter aux réalités de terrain et le rend trop théorique ;
- enfin, tout le monde s’accorde pour dire qu’il faut donner plus de place à la négociation d’entreprise. La prise de décision à cet échelon-là a déjà porté ses fruits en France : ainsi, en 2014 ont été signés plus de 36 500 accords d’entreprises. Ce mouvement doit être soutenu et encouragé.

Quelles sont les points de débats aujourd’hui ?

Il faut faire attention à ne pas confondre le fait de rendre le Code du travail plus lisible, ce qui est évidemment souhaitable, et le fait de renverser véritablement la hiérarchie des normes pour redonner de l’oxygène au dialogue social.

Dans notre rapport Sauver le dialogue social, Priorité à la négociation d’entreprise, nous proposons de faire de l’accord d’entreprise la norme de droit commun des relations de travail, sauf bien entendu en ce qui concerne l’ordre public "absolu", c’est-à-dire les droits fondamentaux qui sont définis soit par les traités internationaux soit par la loi.

L’accord d’entreprise s’imposerait donc à la loi, mais aussi au contrat de travail.

Certaines entreprises, notamment les plus petites, risquent d’avoir plus de difficulté à négocier. C’est pour cette raison que nous pensons que la branche peut constituer le meilleur cadre de négociation en cas d’impossibilité de négocier dans l’entreprise. A ce titre, les déclarations de la ministre concernant la réduction du nombre de branches sont évidemment bienvenues. Nous avons besoin de branches plus fortes et moins nombreuses. Ainsi, en Allemagne, on compte une cinquantaine de branches, très puissantes, contre plus de 700 en France.

Quelles sont les conditions de la réussite de la réforme ?

Pour pouvoir faire de l’accord d’entreprise la norme de droit commun, il faut qu’il y ait des accords de qualité, négociés par des interlocuteurs responsables. Nous proposons que l’accord majoritaire soit la règle, c’est-à-dire l’accord signé par des organisations syndicales ayant recueilli 50 % des voix aux élections professionnelles.

Il faut souligner que le taux de syndicalisation en France est parmi les plus faibles de l’OCDE : moins de 8 % des salariés sont syndiqués en France alors qu’en Allemagne ou en Angleterre, on se situe plutôt autour de 20 à 25 % et que les pays du Nord de l’Europe comptent plus de 60 % de leurs salariés syndiqués. Cette situation pose la question de la légitimité et de la représentativité des interlocuteurs syndicaux comme patronaux.

Il est essentiel de renforcer la légitimité des représentants du personnel dans l’entreprise et des pistes concrètes pourraient être explorées :
-  la première est sans doute de mieux former et valoriser les représentants syndicaux. C’est pour cela que nous proposons d’abonder le compte personnel de formation des représentants syndicaux au bout de deux mandats et que nous encourageons les chefs d’entreprises à prendre leurs responsabilités en travaillant à des déroulés de carrière satisfaisants pour les représentants syndicaux ;
- une deuxième piste est de limiter les mandats syndicaux : pas plus de deux mandats d’affilée, et pas plus de 50 % du temps de travail consacré au mandat syndical pour garder un pied dans l’entreprise ;
exiger des délégués syndicaux qu’ils soient élus et permettre la fusion des différentes instances de concertation en une seule, sans seuils d’effectifs, voilà également des propositions qui permettraient de favoriser le dialogue social dans l’entreprise.

 

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